« Le samedi matin, il y a toujours de la place. Il y aussi des bonnes et des mauvaises places. Par
exemple, nous sommes dans l'allée qui mène à la brocante. Au départ, je croyais que c'était une
mauvaise place. Mais après, j'ai vu qu'il y avait beaucoup de passages. Dans les marchés publics, on
peut aussi négocier avec les gens qui ne viennent pas. Il peut y avoir des places qui coûtent entre
7.000 et 10.000 euros – comme au marché du Midi – pour des places que tu pourras utiliser pendant
autant de temps que tu le souhaites. Actuellement, les ventes sur les marchés sont en baisse,
parallèlement à la situation économique. Mais certains ne lâchent pas pour autant leur place, parce
que cela leur raporte de l'argent. Ils sous-louent, même si c'est interdit. Le rôle du placeur est
important, c'est un boulot officiel, assuré par un fonctionnaire de la ville, qui joue parfois avec les
gens. Or, pour beaucoup de gens issus de l'immigration, le marché est un espace économique
important. Certains montent des entreprises de 5-6 personnes et donnent du travail à des gens, à leur
famille. »
Etre indépendante ou l'art de la débrouille par Houda Bennani
« J'aurais voulu être vétérinaire, explique Houda, puis je me suis orienté vers une formation
technique puis théorique pour apprendre à dessiner des jardins et comment les faire vivre. On
appelle ça paysagiste. J'étais censée travailler en bureau et pour ça, on me demandait d'être
indépendante. Ca ne m'intéressait pas, alors j'ai commencé à faire de l'entretien de jardins, comme
ça…. En même temps, des amis m'ont proposé de travailler avec eux dans un magasin de commerce
équitable et de vendre des produits sur le marché. J'ai fait cela de manière provisoirement
alternative pendant un an et demi. Puis, je me suis mise indépendante. Ca m'a pris un jour pour
remplir toutes les formalités. J'ai aussi choisi le régime de « petite entreprise sous régime de
franchise de taxe ».
J'ai arrêté le magasin pour poursuivre l'entretien des jardins, toujours sous le statut
d'indépendante…. Mais vu que je travaillais trop vite et ne prenais pas assez de pauses, je ne
gagnais pas assez (excès de rentabilité), même si mes prix étaient plus élevés que les autres. Les lois
sociales m’ont dépassé et j’ai du arrêter.
Après j'ai fait un peu de tout, y compris de la livraison de fleurs artificielles parfumées (un emploi
salarié à temps plein puis mi-temps, puis plus du tout…). J'ai rendu visite à la CAPAC, puis au
CPAS. J'ai joué au traiteur pour les workshops de City Mine(d).
Et puis, j'ai pu m’inscrire dans un AFT (atelier de formation par le travail) et suivre une formation
pré qualifiante à la rénovation de bâtiments. Nous étions 10 femmes. Cinq sur les dix ont voulu
rester dans le bâtiment, mais dans ce secteur, on n’engage pas (encore) de femmes ou alors il faut
bosser au noir. On a continué à postuler, puis on a eu marre.
L'une d'entre nous a suivi des cours de gestion et de comptabilité et a lancé l'idée d'une entreprise
qui a muté en projet de coopérative. On a rencontré l'ACFI (Action coordonnée formation
insertion), une fédération regroupant une quarantaine d’initiatives d’insertion socioprofessionnelle
et d’économie sociale, qui nous a proposé de nous épauler pendant un an pour lancer l'affaire
(comptabilité, aspects juridiques...). Un des avantages d'une coopérative est qu'on a droit au
chômage technique si on n'a pas de boulot.
Actuellement, le projet est en stand-by. Il y a beaucoup de désistements et de questions. Il y a la
peur de l'économie sociale, parce que les gens veulent gagner de l'argent et pas faire du
social…..Alors qu’on peut faire les deux….. En plus, pour faire une coopérative d'économie sociale,
c’est très long et il faut deux coopérateurs au minimum. Autre problème : toute personne engagée a
droit au bout d'un an, au même salaire et aux mêmes droits que les autres, il faut donc être sûr de
son coup, humainement et financièrement.
Pour le moment et pour un an, je bosse sur un projet financé par la Région wallonne pour l'insertion
socioprofessionnelle des femmes dans la construction.
Etrangement, on tolère qu'une femme bosse en noir dans le bâtiment, parce que « c'est plus simple
de fermer les yeux que de modifier des lois », mais aussi, parce qu’elles sont (encore) rares…
Le projet intéresse Mark, car à De Overmolen, ils pensent aussi monter une coopérative d'économie