grandes affaires de son pays, il est totalement hors d'état d'en juger, et à moins qu'on n'ait pris quelques peines très
particulières pour l'y préparer, il est également inhabile à défendre son pays à la guerre. [...]
Ainsi, sa dextérité dans son métier particulier est une qualité qu'il semble avoir acquise aux dépens de ses
qualités intellectuelles, de ses vertus sociales et de ses dispositions guerrières. Or, cet état est celui dans lequel l'ou-
vrier pauvre, c'est-à-dire la masse du peuple, doit tomber nécessairement dans toute société civilisée et avancée en
industrie, à moins que le gouvernement ne prenne des précautions pour prévenir ce mal. [...]
Moyennant une très petite dépense, l'État peut faciliter l'acquisition de ces parties essentielles de l'éducation
[lire, écrire, compter] parmi la masse du peuple, et même lui imposer, en quelque sorte, l'obligation de les acquérir.
[...] Un peuple instruit et intelligent est toujours plus décent dans sa conduite et mieux disposé à l'ordre, qu'un
peuple ignorant et stupide ».
A. Smith, op. cit.
Smith le note lui même, la répétition quotidienne des mêmes gestes simples sur une vie entière ne sont pas
de nature à développer l’intelligence du travailleur. Il reconnaît les effets abrutissants et déshumanisants de la
division du travail sur l’ouvrier, conçoit aisément que cela puisse le gêner dans l’exercice même de ces fonctions
de citoyens.
Toutefois, cette condition sociale exécrable de l’ensemble des ouvriers n’est pas de nature à remettre en
cause la division du travail. C’est en quelque sorte le prix à payer pour que l’enrichissement collectif soit possible.
En revanche, il reconnaît la nécessité pour le bien de la société et de la nation d’en compenser les effets
négatifs par la mise en place de mesures d’éducation populaire. Ce sera à l’Etat de jouer ce rôle. Ce dernier sera
donc chargé de dispenser un minimum d’instruction obligatoire (lire, écrire, compter, quelques éléments de méca-
nique ou de géométrie, …).
Ce ne sont pas raisons humanitaires qui poussent A. Smith à recommander cette instruction publique. C’est
parce que l’Etat, la société, la nation en générale y a un grand intérêt. Car en effet, de l’instruction dépendent la
décence, l’ordre et le respect de la hiérarchie ; autant de conditions importantes et nécessaires afin que la régula-
tion naturelle et harmonieuse par le marché puisse continuer de fonctionner et que la division du travail puisse être
intensifiée.
E. Commerce international - extension des marchés - division du travail
« Ce n'est pas par l'importation de l'or et de l'argent que la découverte de l'Amérique a enrichi l'Europe. [... ] En
ouvrant à toutes les marchandises de l'Europe un nouveau marché presque inépuisable, elle a donné naissance à de
nouvelles divisions du travail, à de nouveaux perfectionnements de l'industrie, qui n'auraient jamais pu avoir lieu
dans le cercle étroit où le commerce était anciennement resserré, cercle qui ne leur offrait pas de marché suffisant
pour la plus grande partie de leur produit. Le travail se perfectionna, sa puissance productive augmenta, son produit
s'accrut dans les divers pays de l'Europe, et en même temps s'accrurent avec lui la richesse et le revenu réel des
habitants. »
A. Smith, op. cit.
Pour A. Smith, l’ouverture aux échanges extérieurs repousse les limites du marché intérieur. Ce faisant, les
échanges s’intensifient rendant le développement de la division du travail nécessaire. L’efficacité du travail s’en
trouve accrue, la production augmente apportant bien-être et enrichissement aux populations concernées.
« Si un pays étranger peut nous fournir une marchandise à meilleur marché que nous ne sommes en état de
le faire nous-mêmes, il vaut bien mieux que nous la lui achetions avec quelque partie du produit de notre propre
industrie, employée dans le genre dans lequel nous avons quelque avantage. [...] ».
A. Smith, op. Cit.
Par ailleurs, Smith voit un grand intérêt à l’échange avec d’autres nations dans la mesure où il permet au
pays de se procurer des produits à moindre coût. En d’autre termes, il vaut mieux acheter à un autre pays ce que
nous ne sommes pas capables de produire mieux que lui ou si vous préférez, il vaut mieux acheter à un autre pays
les marchandises qu’il produit avec une quantité de travail inférieure à celle que nous utilisons pour réaliser le
même produit.