L’UNITE DE LA TORAH ET DE L’EVANGILE
conséquence l’œuvre de Jésus dans les ambiguïtés d’une
religiosité païenne ou dans les leurres d’un humanisme tronqué.
A l’encontre de cette mutilation, par oubli du judaïsme, et de
cette dévalorisation, par réduction de la révélation évangélique, il
convient donc de poser en premier lieu comme « système
philosophique de référence » une conception relationnelle de
l’être, contradictoire de la philosophie traditionnelle de l’Un
indivis. Bien qu’un tel système relationnel soit élaboré dans un
contexte chrétien, profondément traversé par des idées
philosophiques inspirées du judaïsme, ce système se suffit à lui-
même totalement et ne tire sa justification ni du judaïsme ni du
christianisme, mais de la seule rationalité réflexive de l’esprit
humain. Son indépendance religieuse et sa rationalité
autosuffisante sont d’ailleurs un gage pour le rapprochement les
deux communautés religieuses de l’Église et de la Synagogue.
Dans le cadre d’un tel système, il est naturel d’être conscient
de l’obligation éthique de croire en Dieu selon les exigences et
requêtes de la conscience fiduciale humaine, alors que la
dimension fiduciale de la conscience humaine est totalement
ignorée dans le contexte de la philosophie classique de l’unité.
Voilà pourquoi la « foi » dans la culture occidentale, héritière de
cette philosophie, passe pour irrationnelle. Il en va tout
autrement dans le cadre d’une rationalité relationnelle de
l’existence. Les conduites de foi envers Dieu ne sont plus
irrationnelles en tant que telles. Ce qui signifie que les conduites
particulières de foi sont redevables de ce qu’elles sont dans leur
contingence devant leur propre rationalité.
L’authentique rationalité de la conscience fiduciale rejette
donc toute « réduction rationaliste » d’une démarche de foi ou
d’une « révélation » à n’être qu’une variante religieuse d’une
moralité individualiste ou encore une forme primitive de la
pensée philosophique. Le fait de reconnaître philosophiquement
la structure fiduciale de la conscience prémunit contre de telles
réductions, mais permet en revanche de discerner l’authentique
conduite de foi, d’avec les formes superficielles, irrationnelles ou
immorales de la religiosité ! Le croyant et l’autorité qui le guide
ne peuvent plus s’ériger selon leur expérience subjectiviste en
norme de leur foi, en un domaine étranger à la raison, hors de sa
juridiction. L’obligation éthique de croire, que la conscience
philosophique découvre réflexivement en elle, fonde ainsi la
dignité rationnelle du croyant, et le soustrait à l’arbitraire et aux