Introduction : Les différentes formes de liens.
Comment la société est-elle possible ? Comment la vie sociale ne débouche-t-elle pas sur « une
guerre de chacun contre chacun » ? selon la formule de Thomas Hobbes dans Léviathan (1651). Quels
sont les dispositifs qui permettent d’assurer la cohésion sociale ? Ces questions constituent la trame de
l’ensemble du programme de sciences économiques et sociales en Première.
Dans cette introduction, il s’agit d’identifier toutes les relations possibles qui peuvent rattacher
les individus les uns aux autres. L’angle économique met en évidence l’existence d’un lien fondé sur des
relations marchandes : le lien marchand ; l’angle sociologique souligne le lien communautaire et le lien
social alors que l’angle de la science politique fait apparaître le lien civique ou lien politique. Ce dernier
sera approfondi dans l’enseignement de science politique.
1. Les approches du lien social.
Au sens général, le lien social permet aux hommes de vivre ensemble et constitue le fondement de
la cohésion sociale ; cependant, il n’existe pas, à proprement parler, de définition sociologique du terme
de lien social. On peut toutefois en donner une définition : Le lien social est l’ensemble des réseaux de
relations qui maintiennent tous les individus en contact plus ou moins intensif avec la société. Ces ré-
seaux prennent une forme concrète (famille, école, entreprise, association…) et une forme abstraite (lan-
gage, valeurs, croyances…). Les liens sociaux vont permettre à l’individu d’acquérir une identité sociale
correspondant à l’ensemble des caractéristiques attribuées à un individu par les autres individus, et, plus
particulièrement, par les institutions.
L’expression de lien social a été définie de manières différentes par les auteurs.
Dès le 17ème siècle, le lien a été abordé par les premiers penseurs du contrat social tels que Tho-
mas Hobbes ou John Locke.
Au 18ème siècle, Jean-Jacques Rousseau montre que le lien social résulte d’un contrat et naît de la
volonté des hommes de s’unir, c'est-à-dire de vivre en société par un accord commun dans lequel chaque
individu limite partiellement sa liberté. Adam Smith, économiste anglais, aborde le lien social sous un
angle économique : le lien social est surtout un lien marchand. Les hommes entrent en relation les uns
avec les autres à travers le marché : ce sont les échanges économiques qui fondent le lien social.
L’individu, en cherchant son intérêt personnel dans les relations économiques, contribue à l’intérêt de la
société dans son ensemble.
Au 19ème siècle, Emile Durkheim a une approche sociologique du lien social. Il rejette les théories
fondées sur l’individu. Selon lui, le lien social ne prend pas sa source chez l’individu mais dans la con-
trainte que la société exerce sur lui. La société construit des règles sociales, des normes et des valeurs
qui s’imposent de façon autoritaire à chacun. Mais cette contrainte n’est pas ressentie en tant que telle
dans la mesure où elle est intériorisée et largement inconsciente. C’est pourquoi les individus, dans leur
majorité, les acceptent. Selon Georg Simmel, social, le lien social peut aussi être abordé au travers du
concept de sociabilité. Selon lui, les individus s’intègrent à la société grâce à la multitude de relations et
d’échanges qu’ils entretiennent avec un réseau de parents, d’amis, de relations du travail…
En réalité, le lien social revêt différentes dimensions.
2. Les différentes formes du lien social.
a. Le lien marchand :
Le marché lieu de confrontation d’une offre et d’une demande aboutissant à la formation d’un
prix assurerait le lien social. Il permettrait de mettre en relation différents acteurs :
- Les entreprises entre elles (clients / fournisseurs).
- Les consommateurs et les producteurs.
Chacun des acteurs sur le marché suit une logique différente reposant sur la rationalité et le cal-
cul.
Ainsi, les consommateurs désirent accroître leur bien-être alors que les entreprises cherchent à maximi-
ser leurs profits. Ces divergences nous conduisent à nous interroger sur le marché comme facteur de lien
social dans la mesure où c’est un lieu de concurrence, de compétition et d’efficacité économique. Le
marché serait donc contraire au lien social dans le sens où il ne prend pas en compte la dimension col-
lective, c’est une confrontation d’intérêts égoïstes. Toutefois, pour certains économistes (Les Classiques
notamment), la satisfaction des intérêts individuels contribue à l’intérêt collectif.
b. Le lien communautaire et le lien sociétaire :
Ferdinand Tönnies, sociologue allemand, distingue le lien communautaire et le lien sociétaire. La
communauté définit des relations sociales fondées sur l’affectivité et l’esprit du groupe. Ce sont des liens
à l’intérieur de groupes primaires c'est-à-dire de groupes restreints d’individus unis par des relations
directes et étroites. La « communauté » de sang (la famille), de lieu (le village, le voisinage) et d’esprit
(culture de métier, religion) fonde des liens forts et durables. La communauté prévalait dans les sociétés
traditionnelles. En effet, le lien social était indépendant de la personnalité de chacun. Le sentiment
d’appartenance y dépasse celui de la différence, et l’intérêt collectif prime sur l’intérêt individuel. C’était
le cas de la société féodale dans laquelle chaque individu appartient, dès sa naissance, à un Ordre et ce
de façon définitive.
En revanche, dans les sociétés modernes, les relations sociales sont fondées sur l’intérêt indivi-
duel : le lien social devient formel et artificiel. Le lien sociétaire est fondé sur la dépersonnalisation des
relations individuelles, la rationalité et le calcul. Chacun recherche sa propre satisfaction. Les individus
sont donc séparés et étrangers les uns aux autres. L’individualisme prévaut.
Toutefois, cette opposition entre ces deux formes de liens a été critiquée.
c. Le lien politique :
Le lien politique désigne l’ensemble des relations unissant les citoyens d’une même nation et assu-
rant sa cohésion sociale. Il est donc fondé sur des sentiments de solidarité. En démocratie, les individus
se prononcent, à travers les élections, sur l’organisation collective. La souveraineté de l’Etat – le pouvoir
d’imposer des règles applicables à tous – est légitime en raison du lien électoral existant entre les gou-
vernants et les citoyens. Le citoyen peut donc peser sur son destin et celui de la communauté.
L’Etat contribue au lien social dans la mesure où il socialise par l’école publique, redistribue des
revenus, intervient dans la protection sociale, assiste les plus défavorisés…
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