Pierluigi Ligas
Citations et incises de citation dans les « Lettres sur les Troglodytes ». Essai d’analyse discursive.
Introduction
Les perspectives d’étude des textes les plus pratiquées ont presque toujours mis l’accent sur les
disciplines herméneutiques héritées de la tradition critique (philosophie, thématique, histoire
littéraire, comparatisme, études de réception, etc.). En revanche, celles se réclamant de la forme
linguistique restent encore à explorer en profondeur.
Considérée dans les pays de langue allemande et anglaise comme une discipline à part entière, la
linguistique textuelle a eu quelques difficultés à s’imposer dans l’espace francophone. Aujourd’hui,
grâce aux travaux de Jean-Michel Adam et à ses idées novatrices, ce « retard » semble comblé.
Renonçant à la dissociation entre "texte" et "discours" que préconisaient encore ses Éléments de
linguistique textuelle
1
, l’auteur situe désormais cette discipline dans le domaine de l’analyse du
discours
2
. Pour cette raison, la contribution de Jean-Michel Adam à la confirmation de la
linguistique textuelle en tant que science linguistique autonome, ayant son objet et ses méthodes
propres, est assurément capitale, et ce à plus d’un titre.
Contrairement à la grammaire de texte, la linguistique textuelle ne se revendique pas de
l’épistémologie générativiste, elle ne se présente pas non plus comme une théorie de la phrase
étendue au texte, mais comme une "translinguistique" qui, à côté de la linguistique de la langue,
rend compte de la cohésion et de la cohérence des textes
3
. L’unité textuelle élémentaire, dont il est
question dans la présente contribution, à savoir la proposition-énoncé en tant que proposition
énoncée, est toujours un acte dénonciation : la proposition-énoncé est « énoncée par un énonciateur
à destination d’un destinataire-interprétant ayant valeur de co-énonciateur »
4
. Or, toute proposition-
énoncé comporte une dimension énonciative qui prend en charge un contenu référentiel et lui donne
une certaine potentialité argumentative, laquelle, à son tour, lui confère une force ou valeur
illocutoire plus ou moins identifiable
5
. Il faut donc distinguer la phrase en tant qu’entité
grammaticale et l’énoncé fait au moyen de cette phrase : « C’est l’énoncé contextuellement situé,
non la phrase, qui représente un état de choses simplement vrai ou faux »
6
.
Bien que dans le cas des citations l’on se situe inévitablement dans le cadre de la phrase, il apparaît
évident que dans l’économie générale d’un corpus l’analyse devra être conduite non pas au niveau
syntactico-grammatical mais au niveau sémantico-référentiel : le sens véhiculé se répand en effet
dans tout le corpus à condition que ce dernier soit caractérisé par une certaine cohérence
thématique. À cet égard, il existe en français des formes variées pour attribuer des propos à une
source autre que le locuteur, parmi lesquelles le discours indirect introduit par un verbe de discours
rapporté, le discours direct comprenant une citation, l’insertion d’un syntagme prépositionnel
introduit principalement par selon ou d’après
7
.
Que peuvent nous apprendre les perspectives de la syntaxe, de la lexicologie, de la sémantique ou
de la pragmatique, à propos de discours éminents « illustrant » la langue dans sa complexité,
montrant par quels détours peuvent s’élaborer une syntaxe, un texte, un style ? Au travers d’une
analyse des citations et des incises de citation dans un corpus de textes littéraires du passé, je vais
1
Cf. J.-M. Adam, Éléments de linguistique textuelle, Bruxelles-Liège, Mardaga, 1990.
2
Cf. P. Charaudeau D. Maingueneau, Dictionnaire d’analyse du discours, Paris, Seuil, 2002.
3
Cf. ibid. pp. 345-346.
4
Cité dans L. Devilla, Analyse de La linguistique textuelle. Introduction à lanalyse textuelle des discours, « Alsic », 9
(2006) (URL : http://alsic.revues.org/index300.html, consulté le 10.02.2012).
5
Cf. J.-M. Adam, La linguistique textuelle. Introduction à l'analyse textuelle des discours, Paris, Armand Colin, coll.
"Cursus", 2005.
6
J. L. Austin, Quand dire c'est faire, Paris, Seuil, Coll. "Points", 1979, p. 70.
7
Cf. L. Danlos, B. Sagot, R. Stern, Analyse discursive des incises de citation, Alpage, INRIA Paris-Rocquencourt &
Université Paris 7 (URL : http://atoll.inria.fr/~sagot/pub/cmlf10attr.pdf, consulté le 10.02.2012).
donc essayer de montrer comment les théories qui sont à la base des nouvelles vues sur la forme
linguistique sont applicables à n’importe quel texte de n’importe quelle époque pourvu qu’il soit
rédigé en langue naturelle.
1. Les citations : leur statut et leur environnement textuel
Il n’y a pas d’accord dans la littérature sur la définition des ces propositions-énoncés que l’on
appelle des citations. Selon les auteurs, on appelle ainsi : 1) le discours direct (normalement encadré
de guillemets); 2) toutes les expressions "en mention", dont l’utilisation représente le choix d’un
agent autre que le locuteur, et qui sont typiquement signalées par des guillemets ou par une prosodie
particulière ; 3) tout contenu attribuable à un agent autre que le locuteur, y compris le discours
indirect ou indirect libre. Il est également plusieurs approches théoriques. J’adopte ici l’approche de
la citation en tant que discours direct et comme "imitation", proposée par Clark et Gerrig
8
, excluant
donc le discours indirect et indirect libre. Ainsi, sont des citations les phrases citées introduites par
un verbe d’énonciation (ou verbe introducteur) et les phrases citées enfermant une incise de
citation ; dans ce dernier cas on dit que la phrase citée est "l’hôte" de l’incise. En outre, je spécialise
le terme de discours direct pour la construction où une citation est explicitement introduite par un
verbe de dire.
Dans l’approche indiquée, la citation/imitation est un mode de communication qui contraste avec la
description (ce qui est d’ordinaire pris en compte par les grammaires), et aussi avec la monstration
(qui caractérise les déictiques)
9
. De plus, cette imitation est sélective : il ne s’agit jamais d’une
reproduction intégrale, le locuteur choisissant les aspects de la situation originelle sur lesquels il
veut attirer l’attention.
Avant d’être une proposition-énoncé une citation est donc un signe imitant un signe ou un
comportement produit par l’entité dénotée par le sujet du verbe de citation
10
. Ce "signe imitant un
signe", autrement dit ce "discours", monologue ou dialogue, est d’une grande variété
11
ce peut être
une phrase, une interjection, une onomatopée, un signe non linguistique, une expression dans une
autre langue, etc. et tend à satisfaire en premier lieu une condition de progrès du récit une suite
de propositions-énoncés apparaissant alors comme une séquence d’unités liées progressant vers une
fin en second lieu une condition de cohérence
12
. Cela vaut aussi pour les citations avec incise
ces deux segments forment un agrégat soudé dans la mesure une incise de citation pour être
considérée comme telle demande la présence d’une citation. Cet agrégat relève plus du niveau
sémantico-discursif que du niveau syntaxico-phrastique ; plus précisément, il n’existe pas de
véritable lien argumental syntaxique entre le verbe de citation
13
et la citation elle-même, bien qu’il
soit généralement admis dans la littérature que la citation correspond à l’objet direct du verbe de
citation, comme l’affirment Bonami et Godard, lesquels considèrent que la citation a toutes les
caractéristiques d’un objet direct extrait
14
, mais leur étude repose exclusivement sur les verbes de
8
Cf. H. H. Clark, R. J. Gerrig, Quotations as demonstrations, « Language », 66 (1990), pp. 764-805. Voir également L.
Perrin, Les formes de la citation au style direct, indirect et indirect libre. « Faits de langue », 94 (2002), pp. 147-158.
9
Pour ce qui est de la fidélité de la citation, je renvoie aux travaux de O. Bonami et D. Godard : Vers une syntaxe
générale des constituants incidents, Université Paris-Sorbonne & LLF Laboratoire de Linguistique Formelle, CNRS &
Université Paris 7, 2008.
10
Du point de vue des actes de langage, J.-M. Adam ne suit pas l’idée d’É. Benveniste de limiter l’illocutoire aux seuls
performatifs explicites et propose le classement suivant : a) assertifs-constatifs ; b) directifs ; c) engageants ; d)
déclaratifs ; e) expressifs (Cf. L. Devilla, loc. cit.).
11
Sur ce point v. A. Delaveau, La Voix et les bruits. Note sur les verbes introducteurs du discours rapporté, « LINX »,
18 (1988), pp. 125-135 ; H. H. Clark, R. J. Gerrig, op. cit. ; J. Authier-Revuz, « Les non-coïncidences du dire et leur
représentation méta-énonciative. Étude linguistique et discursive de la modalisation autonymique », Thèse de doctorat
d’État, Université Paris VIII, 1992.
12
Cf. O. Ducrot, Dire et ne pas dire, Paris, Hermann, 1972, p. 87.
13
J’appelle ici verbes de citation les verbes qui apparaissent comme têtes verbales des incises de citation et verbes
introducteurs ou verbes d’énonciation ceux qui précèdent et introduisent la citation.
14
Cf. L. Danlos, B. Sagot, R. Stern, op. cit.
discours rapporté (des verbes comme dire, clarer, etc., têtes de l’incise de citation), avec
inversion du sujet, que celui-ci soit réalisé sous forme d’un groupe nominal ou d’un clitique. De
même, Lamiroy e Charolles, qui étudient les verbes de discours rapporté et les intransitifs,
défendent l’hypothèse que les "verbes de parole", classe de verbes qu’ils définissent sémantique-
ment, sont fondamentalement transitifs, avec un objet direct exprimant la parole émise
15
.
Une proposition-énoncé impliquant une incise, ensemble que l’on appelle également un DIC
(discours avec incise de citation), respecte certaines contraintes syntaxiques par exemple, sur la
position de l’incise par rapport à la citation mais elle respecte surtout des contraintes sémantiques
que l’on doit pouvoir représenter au niveau discursif. Par ailleurs, de tous les verbes de citation,
seule la moitié peuvent être employés comme verbes de discours rapporté analogues à dire, l’autre
moitié étant composée de verbes intransitifs, mais également de verbes transitifs comme
commenter, dont l’objet direct est sans rapport, ni syntaxique ni sémantique, avec la proposition-
énoncé en tant que signe.
Pour les verbes transitifs comme dire ou déclarer on peut envisager deux solutions pour analyser le
lien entre la citation et la tête de l’incise de la citation :
a) sur le plan syntaxique : la citation est liée syntaxiquement à l’incise, c’est un "objet
extrait", comme argumenté par Bonami et Godard
16
;
b) sur le plan discursif : la citation et son incise forment deux blocs d’un même segment de
discours, sans lien de dépendance syntaxique, comme c’est le cas pour les incises dont le verbe
appartient à la classe des verbes transitifs, qui ne sont pas des verbes de discours rapporté, comme
commenter, continuer, reprendre ou interrompre, en ce sens qu’ils ne peuvent en aucune façon être
suivis de que
17
.
Les incises de citation, classe de constituants incidents, partagent un certain nombre de propriétés
avec les incises ‘ordinaires’ du genre paraît-il, semble-t-il :
a) ce sont des phrases verbales : elles ont toujours pour tête un verbe, qui est saturé pour son
sujet;
b) ce sont des expressions incidentes
18
;
c) elles ont une certaine liberté de positionnement : elles sont exclues en position initiale
d’énoncé, mais pas en tête d’une phrase non-initiale ;
d) elles comportent un verbe dont le complément est manquant ou réalisé comme une forme
pronominale ;
e) il y a une forme d’identité entre la phrase hôte et linterprétation du complément manquant
ou pronominal de l’incise
19
.
15
Sur ce sujet largement débattu, v. O. Bonami, D. Godard, Quelle syntaxe, incidemment, pour les adverbes incidents ?
« Bulletin de la Société de Linguistique de Paris », CII (2007), 255-284; B. Lamiroy, M. Charolles, Les verbes de
parole et la question de l’(in)transitivité, « Revue Discours », 2 (2008).
16
Cf. O. Bonami, D. Godard, Syntaxe des incises de citation, « Actes du Congrès mondial de linguistique française »,
publié en ligne le 9 juillet 2008. (URL : http://dx.doi.org/10.1051/cmlf08080, consulté le 12.02.2012).
17
Ibid.
18
À la suite de O. Bonami, D. Godard et B. Kampers-Manhe, je considère l’incidence comme une propriété strictement
prosodique de certains constituants syntaxiques, qui peut, suivant les constructions, être corrélée à des propriétés
syntaxiques, sémantiques et pragmatiques diverses (Cf. O. Bonami, D. Godard, B. Kampers-Manhe, Adverb
Classification, in F. Corblin et H. De Swart éds., Handbook of French Semantics, Stanford, CSLI Publications, 2004,
pp. 143-184). Bien que la description de l’incidence soit à ce jour encore incomplète, l’idée générale est claire : les
incidents sont prosodiquement autonomes ; optionnellement, ils sont séparés du reste de la phrase (notamment sur la
frontière droite de lincident) par une pause, un allongement de la dernière syllabe, un changement global de registre,
etc. Sur ce point précis, v. Z. Fagyal, « Probus », 14 (2002), pp. 93-111 ; P. Mertens, Quelques allers-retours entre la
prosodie et son traitement automatique, « Le français Moderne » 72/1 (2004), pp. 39-57 ; E. Delais-Roussarie,
« Phonologie et grammaire : études et modélisation des interfaces prosodiques », moire d’Habilitation à diriger les
Recherches, Université de Toulouse 2, Juin 2005.
On dit que l’incise de citation est en position finale si elle apparaît après la citation. Mais l’incise
peut tout aussi bien se situer en position médiane, c’est-à-dire à l’intérieur de la citation, tout en
respectant les positions possibles des ajouts incidents
20
. À ma connaissance, la position médiane
d’une incise n’induit aucune différence par rapport à la position finale, et ce tant sur le plan
syntaxique que sémantique ou discursif. En revanche, il existe une forte restriction sur la position
initiale d’une incise de citation, c’est-à-dire avant la citation : ce cas de figure ne s’observe que
lorsque l’incise est précédée d’un connecteur de discours. Par ailleurs, l’inversion étant obligatoire
en français standard, l’incise de citation est compatible avec l’inversion stylistique ou l’inversion
clitique simple, alors que les incises ordinaires ne sont compatibles qu’avec l’inversion clitique
simple. Danlos, Sagot et Stern résument ainsi ces aspects :
La citation et l’incise forment un segment de discours composé de deux blocs, qui ne peuvent apparaître
l’un sans l’autre. La syntaxe n’intervient que pour contraindre la position respective de ces deux blocs,
pour imposer l’inversion du sujet dans l’incise et pour établir les arguments qui peuvent être réalisés dans
l’incise en précisant leur forme. [...]. Le seul lien qui existe entre ces deux blocs relève du niveau
sémantico-discursif, qui permet aussi d’établir un éventuel lien entre la citation et le contexte gauche du
segment de discours citation et incise
21
.
Argumentativement neutre, « l’incise de citation enchâsse sémantiquement son hôte et détermine
l’acte illocutoire effectué »
22
.
2. Le corpus
Le corpus d’analyse est ici constitué par quatre lettres appartenant à la première partie des Lettres
persanes, lettres fictives dans lesquelles, comme dans n’importe quel récit fictionnel, c’est l’auteur
qui pose les questions et qui donne les réponses par interlocuteur fictif interposé : on peut donc à
tous les effets considérer les parties du corpus concernées comme des séquences impliquant des
discours directs et des discours rapportés. Ces lettres sont en quelque sorte la réponse complexe,
articulée et argumentée que Usbeck donne à son ami Mizra, qui se trouve à Erzeron
23
, lequel dans
une lettre précédente avait formulé une requête, en la faisant précéder d’un bref préambule :
Hier, on mit en question si les hommes étaient heureux par les plaisirs et les satisfactions des sens, ou par
la pratique de la vertu. Je t’ai souvent ouï dire que les hommes étaient nés pour être vertueux, et que la
justice est une qualité qui leur est aussi propre que l’existence. Explique-moi, je te prie, ce que tu veux
dire
24
.
Usbeck, porte-parole de Montesquieu, répond à cette question dans quatre lettres qui se suivent
25
sans discontinuer ; pas de considérations abstraites, simplement une histoire, ou mieux, un conte
forme préférée dans laquelle les philosophes du XVIIIe siècle coulent leurs idées qui permet,
selon Montesquieu, non seulement d’enseigner, mais aussi de faire sentir les vérités morales. Ces
quatre lettres relatent l’histoire des Troglodytes et, si l’on excepte la lettre XII, elles sont
caractérisées par un nombre considérable de discours rapportés et de discours directs ou citations, le
passage au discours direct donnant infiniment plus de vie et de crédibilité au récit.
19
Cf. O. Bonami, D. Godard, Syntaxe...., cit.
20
Cf. id., Parentheticals in underspecified semantics: The case of evaluative adverbs, « Research on Language and
Computation », 5 (2007).
21
L. Danlos, B. Sagot, R. Stern, op. cit. Je parlerais plutôt de "co-texte".
22
O. Bonami, D. Godard, Vers une syntaxe générale des constituants incidents (URL citée).
23
Aujourd’hui Erzeroum, ou Erzurum, ou encore Erzîrom, suivant la langue, ville d’Anatolie orientale.
24
Montesquieu, Lettres Persanes, in Œuvres, Paris, Gueffier et Langlois, 1769, p. 471. Pour les besoins de l’analyse,
l’orthographe du texte a été modernisée.
25
Il s’agit des lettres XI, XII, XIII, XIV.
Plus que de véritables dialogues dans le sens d’échanges langagiers ou conversationnels
26
, il s’agit
d’une suite de questions et de réponses, de répliques alternées, sortes d’interviews ou de débats.
Dans l’édition des Lettres persanes utilisée, les signaux démarcatifs ne sont pas très apparents :
seuls les deux points, par exemple, annoncent le début du discours direct, l’absence de guillemets
compliquant le repérage visuel des séquences à analyser
27
.
Dans les lignes qui suivent je me concentrerai surtout sur les exemples tirés du corpus où la citation
est introduite par un verbe introducteur et d’autres le segment attributif est une incise de citation
et le segment attribué une citation.
3. Repérage et analyse des citations et des incises de citations
Les citations dont il est question, que je vais reproduire ici en les encadrant par des guillemets pour
des raisons de clarté, sont de deux types seulement, le troisième type, qui présenterait une incise
venant après la citation, n’étant pas représenté dans le corpus analysé :
a) séquence (discours direct) introduite par un verbe d’énonciation
28
- Vint : « Tcit »
b) séquence comportant une incise de citation - « Tcit G + IcitV + Tcit D »
Vint = verbe introducteur ; Vcit = verbe de citation ; Tcit = texte de la citation ; Tcit G = co-texte gauche ;
IcitV = incise avec verbe de citation ; Tcit D = co-texte droit.
En gle générale, dans le discours direct, les verbes introducteurs, ou verbes d’énonciation, sont
utilisés par un émetteur dans une situation d’énonciation donnée pour rapporter des paroles telles
qu’elles ont été prononcées par un locuteur autre que le narrateur
29
. C’est le cas de la plupart des
dialogues de la littérature dite "de fiction". Placés avant, au milieu, ou bien après les paroles
rapportées, ces verbes, le plus souvent transitifs comme dire, affirmer, etc., se laissent grouper selon
le sémantisme qui leur est propre. Bien que le verbe d’énonciation ne joue son véritable rôle
d’introducteur que lorsqu’il précède le discours direct, on s’accorde à appeler introducteurs même
les têtes verbales des incises de citation, c’est-à-dire lorsqu’elles occupent le milieu ou qu’elles
suivent la citation. En ce qui me concerne, je ne m’en tiendrai ici qu’au premier cas de figure.
3.1 Séquences du type : Vcit : « Tcit »
1) Ils disaient: « Qu'ai-je affaire d'aller me tuer à travailler pour des gens dont je ne me soucie point? Je
penserai uniquement à moi. Je vivrai heureux: que m'importe que les autres le soient? Je me procurerai
tous mes besoins; et, pourvu que je les aie, je ne me soucie point que tous les autres Troglodytes soient
misérables » (Lettre XI, Usbek à Mirza, p. 471)
2) chacun dit: « je ne labourerai mon champ que pour qu'il me fournisse le blé qu'il me faut pour me
nourrir; une plus grande quantité me serait inutile: je ne prendrai point de la peine pour rien ». (Ibid.)
3) le marchand dit en lui-même: « Naturellement je ne devrais espérer de ma laine qu'autant d'argent qu'il
en faut pour acheter deux mesures de blé; mais je la vais vendre quatre fois davantage, afin d'avoir huit
mesures » (Ibid., p. 472 )
26
V. sur ce sujet S. Rémi-Giraud, Delimitation et hierarchisation des échanges, in J. Cosnier, J. Kerbrat-Orecchioni
éds, Décrire la conversation, Lyon, Presses Universitaires, 1987, pp. 17-72 ; E. Roulet, Échanges, interventions et actes
de langage dans la structure de la conversation, « Études de Linguistique Appliquée », 44 (1981), pp. 7-39 ; J.-M.
Adam, Types de séquences textuelles élémentaires, « Pratiques », 56 (1987), pp. 54-79.
27
Dans des éditions précédentes, la deuxième, par exemple, publiée à Cologne chez Marteau en 1721, les guillemets
occupent la marge gauche de la page, marquant ainsi toutes les lignes occupées par la citation.
28
Les verbes susceptibles d’introduire une citation sont extrêmement variés. Pour les verbes de discours direct et
indirect en général, v. A. Delaveau, loc. cit., et M. Monville-Burston, Les verba dicendi dans la presse d’information,
« Langue française », 98 (1993), pp. 48-66.
29
Recanati, Cappelen et Lepore appellent ces séquences des « citations directes » (v. F. Recanati, Open
Quotation, « Mind », 110 (2001), pp. 637-687 et H. Cappelen, E. Lepore, Language Turned on Itself, Oxford, Oxford
University Press, 2007.
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