Ce travail est un collage AUTEUR : HEINER MÜLLER /// MISE EN SCÈNE : SOPHIE ROUSSEAU Traduction Jean Jourdheuil et Heinz Schwarzinger Avec Médée Eline Holbo-Wendelbo Jason Nicolas Martel La nourrice Gilles Ostrowsky Juliette Flipo Scénographe et costumier Mathias Baudry Lumières Jean Claude Fonkenel Coproduction La Comédie de Béthune, La Rose des Vents, Compagnie La Môme I/ Une vie de contraste Vie de Heiner Müller 1929: Naissance de Heiner Müller en Saxe, d'un père employé de mairie et d'une mère ouvrière du textile. 1933 : Son père est arrêté et envoyé en camp de concentration pour des raisons politiques. 1943-1945: Heiner Müller est formé dans les Jeunesses Hitlériennes, puis mobilisé au Service du Travail du Reich, et enfin incorporé au sein de forces supplétives. A la fin de la guerre, il rentre dans sa famille et travaille avec son père à la sous-préfecture. 1951 : Son père, sa mère et son frère passent à l'ouest. Heiner Müller reste en RDA, se marie et a un enfant. Il commence à collaborer à des revues (Auf bau, Sonntag, Neue Deutsche Literatur, la revue de l'Union des écrivains de RDA). 1955: Heiner Müller se remarie, avec Ingeborg Schwenkner, poétesse et traductrice rencontrée à l'Union des écrivains. 1956 : Il rédige L'homme qui casse les salaires, publié en 1957 dans Neue Deutsche Literatur, et monté en 1958. 1957 : Il rédige La Rectification, publiée en 1958 dans Neue Deutsche Literatur, et montée la même année. Il devient rédacteur en chef de la revue Junge Kunst. 1959 : Il est dramaturge au théâtre Maxime-Gorki à Berlin-Est. IL reçoit le prix Heinrich Mann avec Inge Müller pour L'homme qui casse les salaires et La Rectification. 1961 : Création de L'Emigrante ou la vie à la campagne, pièce commencée en 1956 et répétée avec les étudiants de l'Institut supérieur d'économie de BerlinKarlshorst sous la direction de B.K. Tragelehn. La pièce est interdite après la première représentation, et l'auteur est exclu de l'Union des écrivains. 1964 : Heiner Müller réécrit L'Emigrante, et termine La Construction et Philoctète. Les deux textes paraissent dans la revue Sinn und Form et sont critiqués par Erich Honecker lors du onzième plénum du Comité central du SED. La création de La Construction est annulée. Rédaction de Héraclès 5. 1966 : Suicide de Inge Müller. 1967 : Création de Œdipe Tyran au Deutsches Theater à Berlin-Est, dans la traduction du texte de Sophocle par Hölderlin retravaillée par Heiner Müller, mise en 1 scène par Benno Besson. C'est l'un des seuls textes de Müller mis en scène dans cette période. 1968: Mariage avec Ginka Tscholakowa, une Bulgare qui avait été expulsée de RDA. Achèvement de Prométhée, dont la rédaction avait commencé un an plus tôt. Rédaction d'Horace. Rédaction de L'Opéra-Dragon, livret de l'opéra Lancelot de Paul Dessau, d'après Evguéni Schwartz, en collaboration avec Ginka Tscholakowa. L'opéra est créé au Staatsoper de Berlin-Est en 1969, mis en scène par Ruth Berghaus. 1969 : Rédaction de Horizons, d'après la pièce de Gerhard Winterlich, créée à la Volksbühne de Berlin-Est la même année, dans une mise en scène de Benno Besson. 1970 : Rédaction de Mauser, pièce interdite jusqu'à la disparition de la RDA. 1971 : Achèvement de la pièce Germania Mort à Berlin, constituée d'un montage de scènes écrites au cours des quinze années précédentes. Rédaction de Macbeth, d'après Shakespeare, créée l'année suivante au théâtre de Brandebourg. 1972 : Rédaction de Ciment, d'après Gladkov, créée en 1973 au Berliner Ensemble dans une mise en scène de Ruth Berghaus. 1973: Müller est engagé par Ruth Berghaus comme dramaturge au Berliner Ensemble. Il y reste trois ans. 1974 : Achèvement de Tracteur, commencée en 1955, créée cette année-là à Neustrelitz en RDA. Achèvement de La Bataille, commencée en 1951, créée à la Volksbühne par Manfred Karge et Matthias Langhoff. Début de la publication des oeuvres de Heiner Müller chez Rotbuch Verlag, maison d'édition ouest-allemande. 1975 : Voyage aux Etats-Unis, invité par l'université d'Austin au Texas. 1976 : Rédaction de Vie de Gundling Frédéric de Prusse Sommeil Rêve Cri de Lessing. Un conte noir. Müller est engagé comme dramaturge à la Volksbühne de Berlin. Il est l'un des signataires de la pétition contre la destitution de la nationalité dont est victime le chanteur Wolf B i e r m a n n . 1977 : Rédaction de Hamlet-machine, crée l'année suivante à Bruxelles. 1979: Rédaction de La Mission. Souvenir d'une révolution, publiée dans Sinn und Form et créée l'année suivante à Berlin-Est dans une mise en scène de Heiner Müller et Ginka Tscholakowa. 1980 : Rédaction de Quartett, d'après Laclos, publiée et créée en RFA les deux années suivantes. 1982: Rédaction de Rivage à l'abandon Matériau-Médée Paysage avec Argonautes, créée par Manfred Karge et Matthias Langhoff à Bochum en 1982. 1984 : Rédaction de Paysage sous surveillance, mise en scène par Ginka Tscholakowa l'année suivante en Autriche. Rédaction de La Route des chars I : Ouverture russe et La Route des chars II : Forêt près de Moscou, d'après Alexandre Bek, créées les deux années suivantes. Heiner Müller est élu membre de l'Académie des Arts de RDA, après des années de candidature sans succès. 1985: Achèvement de Anatomie Titus Fall of Rome. Un commentaire de 2 Shakespeare, commencée en 1983, créée à Bochum en 1985 par Manfred Karge et Matthias Langhoff. Il est lauréat du prix Büchner, plus haute distinction littéraire de RFA. 1986 : Rédaction de La Route des chars III : le Duel, d'après Anna Seghers. Il est lauréat du Prix national, plus haute distinction littéraire de RDA. 1987 : Achèvement de La Route des chars IV : Centaures, et La Route des chars V : L'Enfant trouvé, d'après Kleist. Les cinq parties de La Route des chars sont représentées ensemble en France, à Bobigny, dans une mise en scène de Jean Jourdheuil et Jean-François Peyret. 1988 : Heiner Müller réintègre l'Union des écrivains de RDA. 1990: Müller met en scène Hamlet/Hamlet-machine, un spectacle de huit heures, au Deutsches Theater de Berlin-Est. Il est élu président de l'Académie des Arts est-allemande (la réunification des Académies n'a lieu qu'en 1992). Il est lauréat du prix Kleist. 1991-1992: Heiner Müller devient l'un des cinq membres du directoire du Berliner Ensemble, dont il deviendra le seul directeur en 1995. Mariage avec la photographe Brigitte Maria Mayer. Rédaction du poème Bloc Mommsen, publié dans Drucksache 1, publication du Berliner Ensemble. 1993 : Mise en scène de l'opéra Tristan und Isolde à Bayreuth. 1995 : Heiner Müller devient l'unique directeur artistique du Berliner Ensemble. Il meurt le 30 décembre à Berlin. Première de Germania 3, sa dernière pièce, à Bochum. Rappel contexte historique : la RDA République démocratique allemande (RDA), (Deutsche Demokratische Republik, DDR), nom officiel de l'Allemagne de l'Est, créée le 7 octobre 1949 (avec pour capitale Berlin-Est), après la fin de la Seconde Guerre mondiale. La zone d'occupation soviétique Le territoire de l'Allemagne de l'Est est occupé dès la fin de la Seconde Guerre mondiale par les Soviétiques. Ils entreprennent alors de procéder à des démontages et des transferts d'usines au titre des réparations. Surtout, les Soviétiques imposent les bases d'un État socialiste. Ils nationalisent les banques et une partie importante de l'industrie. Dans le même temps, les Soviétiques favorisent le renforcement du poids et du rôle du Parti communiste allemand (Kommunistische Partei Deutschlands, KPD). Les sociaux-démocrates du Parti social-démocrate (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD) fusionnent ainsi avec les communistes, dans la zone d'occupation soviétique, en avril 1946. Ils fondent le Parti socialiste unifié (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands, SED), présidé conjointement par le communiste Wilhelm Pieck et le socialiste Otto Grotewohl tandis que le communiste Walter Ulbricht en devient le secrétaire général, demeurant à ce poste jusqu'à sa retraite en 1971. Vers la division de l'Allemagne Américains, Anglais et Français fusionnent leurs zones d'occupation et tentent d'organiser le redressement économique de l'Allemagne de l'Ouest pour éviter toute propagation du communisme en Europe. En réponse à la réforme monétaire de l'Allemagne de l'Ouest conduite le 18 juin 1948 par les Alliés et qui donne naissance 3 à un nouveau mark, les Soviétiques entreprennent également une réforme monétaire dans leur zone d'occupation, puis décident d'instaurer un blocus total de Berlin du 24 juin 1948 au 12 mai 1949. Dans la partie orientale, le rôle prépondérant du SED aboutit le 30 mai 1949 à la proclamation d'une Constitution établissant une république de nature identique aux démocraties populaires de l'Europe de l'Est. LES ANNÉES ULBRICHT À la création officielle de la RDA, le 7 octobre 1949, Wilhelm Pieck devient président de la République, Otto Grotewohl Premier ministre et Walter Ulbricht, Premier ministre adjoint. Ulbricht impose une discipline de fer. L'État, afin notamment de satisfaire les exigences soviétiques, a bientôt la mainmise sur l'ensemble des industries lourdes, mais ces dernières apparaissent bien moins modernes que celles de l'Ouest. De fait, dans les premières années d'existence de la RDA, le nouvel État apparaît entièrement soumis, tant sur le plan de l'organisation économique que politique, aux directives de Moscou. Les révoltes ouvrières dans plusieurs grandes villes d'Allemagne de l'Est (Berlin, Magdebourg, Leipzig), le gouvernement demande aux troupes soviétiques d'intervenir et de réprimer sévèrement ces mouvements. L'importance de ces révoltes contraint cependant les Soviétiques et les dirigeants est-allemands à céder du lest. Ces derniers, reconnaissant que « l'avant-garde de la classe ouvrière — le Parti — s'était détachée des masses », annulent l'augmentation des quotas. Suite aux nombreuses fuites vers l’ouest, le gouvernement met alors en place une ligne bien gardée le long de la frontière ouest-allemande. Finalement, sous l'injonction de l'URSS, il ordonne, en 1961, la construction du mur de Berlin, un mur en ciment fortifié séparant Berlin-Est de Berlin-Ouest, surnommé en Occident, le « mur de la honte ». Une difficile reconnaissance diplomatique La RDA peine à obtenir une large reconnaissance internationale. Ce sera l'un des objectifs prioritaires de la politique étrangère de la RDA, ainsi que le développement de son influence dans le tiers-monde et le renforcement de sa position au sein du bloc communiste. Durant cette période, les relations avec l'autre Allemagne demeurent très tendues. A l'ancrage communiste de la RDA, répond en effet l'ancrage libéral et occidental de la RFA. Leurs rapports évoluent en fonction des périodes de tensions ou de détente entre les deux blocs. La notion de coexistence pacifique mise en avant par Khrouchtchev à partir de 1956 favorise un certain dégel. L'ESSOR ÉCONOMIQUE ET LE GOUVERNEMENT SOCIALISTE L'arrêt de l'exode à l'ouest, obtenu par la frontière infranchissable du mur de Berlin, est le point de départ, en 1963, de nouvelle méthodes de planification, caractérisées par une décentralisation partielle. L'essor économique est-allemand est dès lors très rapide : à la fin des années 1960, la production industrielle se situe au 5 e rang européen et au 9e rang mondial. En 1971, Ulbricht est remplacé à la tête de la RDA, par Erich Honecker, considéré comme plus souple par les Soviétiques qui veulent relancer les relations du bloc socialiste avec la RFA. L'accroissement des échanges avec la RFA favorise une certaine ouverture du pays sur l'extérieur dans les années 1980, tandis que la dégradation de l'économie estallemande, en raison de l'augmentation des demandes soviétiques, entraîne un mécontentement grandissant. 4 Les bouleversements politiques ébranlant la Hongrie en 1989 provoquent une recrudescence de l'émigration. 100 000 Allemands de l'Est réussissent à passer à l'Ouest (où ils obtiennent l'asile politique) par les frontières tchèque puis hongroise. Le 7 novembre, l'ensemble du gouvernement démissionne sous la pression de la rue ; le 9, le mur de Berlin est détruit, la libre circulation entre les deux Allemagnes autorisée, des élections libres annoncées pour l'année suivante, tandis que des révélations sur la corruption des hauts dirigeants sous l'ère Honecker bouleversent le SED et poussent Egon Krenz à la démission. Les premières élections libres de mars 1990 remportées par les chrétiensdémocrates (CDU) de Lothar de Maizière, aboutissent à la constitution d'une Chambre de 400 députés, corps de transition qui travaille à mettre en place les dispositions constitutionnelles menant à la réunification des deux Allemagnes. L'union monétaire est proclamée le 1er juillet 1990 et la réunification politique prononcée le 3 octobre 1990. La coalition des chrétiens-démocrates et des libéraux, présidée par le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl, obtient la majorité aux élections de décembre 1990 et Kohl devient chancelier de la nouvelle Allemagne unifiée. Berlin est proclamée capitale le 20 juin 1991. Müller et l’Allemagne Heiner Müller est né en 1929 et mort en 1995. Sa vie a été traversée par les conflits et les bouleversements qui ont marqué l'histoire de l'Allemagne à partir de la deuxième guerre mondiale : défaite et occupation par les alliés, séparation du pays en deux parties gouvernées par des idéologies opposées et ennemies, chute du communisme et réunification. Né dans l'est de l'Allemagne, il a choisi de rester en RDA jusqu'à sa mort, alors qu'il avait la possibilité de passer à l'ouest, comme l'ont fait ses parents et son frère. Selon lui, la confrontation avec la censure, le pouvoir et la dictature est propice au théâtre plutôt que la lutte contre le capitalisme. Victime de la censure du gouvernement, qui prônait la doctrine officielle soviétique du « réalisme socialiste ». Les premiers écrits de Heiner Müller, au milieu des années 50, ont été bien accueillis par la critique, qui y a vu des applications du modèle de la « pièce de production », censée vanter les mérites de la politique industrielle et agraire du gouvernement et valoriser l'héroïsme de personnages courageux et positifs. Mais dès 1961, le jeune auteur fait scandale avec L'émigrante ou Scènes de la vie de campagne, Commence alors une période de critique systématique de toutes ses productions, qui sont rarement jouées. Avec les années 70 et le début de dégel culturel coïncidant avec l'arrivée au pouvoir d'Erich Honecker, la reconnaissance vient peu à peu. Les pièces de Heiner Müller peuvent alors être lues comme une forme de critique constructive du système, C'est au cours des années 80 que vient la consécration de Müller dans son pays Heiner Müller devient alors une figure très importante de la scène culturelle allemande : il est considérée comme avant-gardiste et critique sans pour autant être dissident. En RFA, les pièces de l'auteur sont très appréciées dans les années 80, parce que leur pessimisme rencontre un mouvement de pensée qui se développe dans les 5 sciences humaines, autour de l'Ecole de Francfort et des penseurs français de la déconstruction (Foucault, Deleuze, Derrida, Baudrillard). Ce sont d'ailleurs des metteurs en scène de l'ouest qui montent pour la première fois certaines des pièces de Müller. C'est notamment le cas de Rivage à l'abandon Matériau-Médée Paysage avec Argonautes, qui est créé par Manfred Karge et Matthias Langhoff à Bochum en 1982. Après la réunification de 1989, Heiner Müller devient la cible de nouvelles attaques de la part de ceux qui veulent remettre en cause le culte dont il tend à faire l'objet. Mais il connaît dans le même temps la reconnaissance officielle la plus grande avec sa nomination à la direction collective du Berliner Ensemble en 1991, dont il devient le seul responsable en 1995 quelques mois avant sa mort. Classement de l’œuvre de Müller Remise en question de la notion de genres et de l’idée de périodisation d’une œuvre, d’où une œuvre difficile à saisir. Un texte peut revenir dans son œuvre via des genres différents, à des époques différentes de son œuvre et intégrés dans de nouveaux textes. Pour lui, il n’y a aucune frontière entre les genres (// Cocteau qui classait toute son oeuvre sous l’étiquette poésie). L’œuvre est envisagé comme une déconstruction et une reconstruction, une œuvre en mouvement, une œuvre ouverte (// Ecco), un matériau. C’est un théâtre laboratoire. Certains y voient une réponse politique. Face à l’idée d’une société harmonieuse prônée par le communisme, cette attaque serait également celle de la société dans laquelle il vit. Quant à la chronologie ; selon lui il n’y a qu’une « chronologie brutale ». Tout est déjà là dès le début et « explose » à un moment précis. Les éditions Rotbuch publient l’œuvre de Müller entre 74 et 89 en 10 volumes : - Histoires de production 1 et 2 - Copies 1 et 2 - Shakespeare 1 et 2 - Mauser etc. Müller et Brecht Brecht, Bertolt (1898-1956), poète et auteur dramatique allemand, dont l'esthétique et l'engagement politique ont profondément marqué le théâtre du XXe siècle. Il choisit alors de s'installer à Berlin-Est, où il apporte sa pierre à l'édification du socialisme en fondant, puis en dirigeant jusqu'à sa mort en 1956, la troupe du Berliner Ensemble. DE BAAL AUX LEHRSTÜCKE l'Opéra de quat'sous (Die Dreigroschenoper, 1928). Ce « drame avec musique », inspiré de l'Opéra des gueux (1728) de John Gay, dénonce la corruption des milieux politiques en établissant un parallèle entre les pratiques de la pègre et celles des capitalistes, et en fustigeant l'hypocrisie de la morale traditionnelle. Sur le plan formel, Brecht y met au point sa technique théâtrale, en particulier le fameux procédé de « distanciation » en introduisant, par le biais des songs, un principe de rupture : les personnages sortent ainsi de leur rôle pour commenter en chantant la situation et leur propre comportement. 6 Vie de bohème L'influence de Rimbaud est ainsi très sensible dans Baal (1918), Tambours dans la nuit (1919) et Dans la jungle des villes (1921 Il trouve dans la pensée de Marx une science de la société susceptible de fonder une action révolutionnaire efficace. Dans cette perspective, le rôle de l'homme de théâtre est d’assurer la diffusion du matérialisme dialectique et de susciter chez le spectateur une prise de conscience ou, mieux encore, de provoquer l'action proprement dite. Après la crise de 1929, Brecht se lance donc dans la rédaction des Lehrstücke, ou pièces didactiques LES PRINCIPES DU THÉÂTRE ÉPIQUE (vs dramatique) Au fil des années, à partir de Homme pour homme(1925), s'est ainsi définie peu à peu une esthétique nouvelle, formulée théoriquement dans une annexe de Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny (1930), puis dans le Petit Organon pour le théâtre (1948). Pour inciter le spectateur à la réflexion, voire à l'action révolutionnaire, il faut empêcher l'oubli de soi qu'induit chez lui le vieux principe aristotélicien de l'identification au personnage ; il faut, en outre, briser le sentiment ordinaire que le seul monde possible est le monde tel qu’il est, et que, de ce fait, rien n’est susceptible de le faire changer. À ces deux fins, un seul moyen : l'effet de Verfremdung (distanciation ou, traduction plus exacte mais moins fréquente, défamiliarisation), obtenu par nombre de techniques détaillées et mises en pratique par Brecht dans son écriture comme dans ses mises en scène : décors seulement suggérés, éclairages francs, chansons ou textes sur banderoles commentant l'action, projection d'images documentaires, jeu et travail de l'acteur exhibés plutôt que dissimulés. Brecht cherche à empêcher à tout prix, par différents procédés d'écriture et de jeu théâtral, que le spectateur ne s'identifie à l'action représentée, en le forçant à prendre une « distance » lui permettant la réflexion : c'est « l'effet-V » (V pour Verfremdungseffekt : « distanciation »). Le théâtre traditionnel cherche à créer l'illusion et repose sur des identifications (de l'acteur avec son rôle, du spectateur avec le personnage…). Opposé à la conception dramatique héritée d'Aristote, le théâtre de Brecht se définit comme un théâtre « épique » ; le dramaturge en expose les fondements, en regard des caractéristiques du théâtre dramatique. MÜLLER APRÈS BRECHT Parmi ses héritiers, on peut évoquer Benno Besson, Heiner Müller ou Matthias Langhoff en Allemagne, Giorgio Strehler en Italie, Patrice Chéreau en France. Heiner Müller a eu des choix communs avec Brecht et dirigera ensuite le Berliner ensemble en mai 1977, il rompra avec la pièce didactique dans un texte célèbre. Il s’agit de prolonger l’œuvre de Brecht plutôt que de s’en débarrasser. Selon lui, l’Histoire stagne et n’a aucune perspective révolutionnaire d’avenir. Ses textes n’ont plus de destinataires, il faut donc passer à autre chose, faire de nouvelles recherches en matière de théâtre. La première réponse intervient avec Hamlet-machine qui marque l’échec de la révolution et inaugure le recours à l’esthétique du fragment. Müller s’interroge sur la place de l’individu dans la révolution. La relation au public existe encore et le fragment permet de laisser des vides, des creux, des manques qui demandent un effort au spectateur, un reflexion, une imagination, une interprétation. Remise en question du personnage, de la narration, de la forme théâtrale elle-même. 7 II/ Figure de Médée Médée Son histoire Médée : Fille d'Aeétés, roi de Colchide, et de l'Océanide Idye, Médée est d'origine royale et divine. Habile magicienne, elle est prêtresse d'Hécate qui est la divinité présidant à la magie et aux enchantements. En échange d'une promesse de mariage, Médée, follement éprise, va à plusieurs reprises trahir les siens pour aider Jason dans sa quête de la Toison d'Or. Elle donne deux fils à Jason. Mais quand celui-ci, oubliant ses serments, décide d'épouser Creüse, la fille de Créon, pour satisfaire son ambition, Médée emploie tout son pouvoir à sa vengeance. Tous les crimes à venir de Médée seront expliqués (ou excusés) par ce parjure. L'histoire de Médée se rattache à la légende des Argonautes. Quand ceux-ci débarquèrent sur le littoral du Pont, en Colchide, pour conquérir la Toison d'or, ils se heurtèrent à l'hostilité du roi Aiétès, gardien du précieux trésor. Cependant ils reçurent l'appui de Médée, la fille du roi, qui s'était éprise de Jason. Experte en l'art de la magie, la jeune fille donna à son amant un onguent dont il devait s'enduire le corps pour se protéger des flammes du dragon qui veillait sur la Toison d'or. Elle lui fit aussi présent d'une pierre, qu'il jeta au milieu des hommes armés, nés des dents du dragon : aussitôt, les guerriers s'entretuèrent et le héros put s'emparer de la Toison. Pour remercier Médée, Jason lui accorda le titre d'épouse. La magicienne s'enfuit alors avec lui, et, afin d'empêcher Aiétès de les poursuivre, elle tua et dépeça son frère Absyrtos, dont elle sema les membres sanglants sur sa route. Parvenue à Iolcos en Thessalie et reçue en grande pompe, par amour pour Jason, elle se livra à toutes sortes de crimes. Ainsi, elle incita les filles de Pélias, sous prétexte de le rajeunir, à tuer leur père, à le découper en morceaux et à le jeter dans un chaudron d'eau bouillante. Aussi, chassés par Acaste, le fils de Pélias, les deux époux se réfugièrent à Corinthe, où Médée donna le jour à deux fils, Phérès et Merméros. Au bout de quelques années de bonheur, Jason abandonna Médée pour Créüse, la fille de Créon, roi de Corinthe. Répudiée et bafouée, Médée médita une vengeance exemplaire. Elle offrit à Créüse une tunique qui brûla le corps de la jeune épousée et incendia le palais ; puis elle égorgea ses propres enfants. Après ces crimes, elle s'enfuit à Athènes sur un char attelé par deux dragons ailés, et épousa le roi Egée, dont elle eut un fils. Bannie par Thésée, qu'elle avait vainement tenté de faire périr, elle retourna enfin auprès de son père en Colchide et, selon une tradition, descendit aux champs Elysées, où elle s'unit à Achille. Jason : Jason est le fils d'Aeson roi d'Iolcos. Aeson, selon les légendes, a été chassé du trône par son demi-frère Pélias. Jason, mis à l'abri, fut alors élevé par le Centaure Chiron. Arrivé à l'âge d'homme, il revient à Iolcos et réclame le pouvoir à son oncle Pélias. Celui-ci, pensant se débarrasser de lui à tout jamais, lui demande en échange de ramener la légendaire Toison d'Or. Un bélier à la toison d'or avait été donné par Hermès à Néphélé pour sauver ses deux enfants, Phrixos et Hellé, qui devaient être sacrifiés à Zeus. Le bélier les emmena en Colchide, pays situé au pied du Caucase, sur les bords de la mer Noire. Là, Phrixos sacrifia le bélier à Zeus, suspendit sa toison à un hêtre et en confia la garde à un dragon. 8 La légende de la Toison d'Or : A bord du navire Argo, Jason se rend auprès d'Aeétès, roi de Colchide et lui expose la mission que lui a confié Pélias : ramener la Toison d'Or. Le roi Aeétés veut bien la lui remettre à la condition qu'il impose le joug à deux taureaux monstrueux aux sabots d'airain, qui soufflent le feu par les naseaux. Il leur fera labourer un champ, y sèmera les dents d'un dragon. Surgiront alors des hommes en armures que Jason devra terrasser. C'est ici que Médée, la fille d'Aeétès, intervient : elle donne à Jason un baume magique. Il s'en enduit le corps et devient invincible... Les Argonautes : Les Argonautes sont les compagnons de Jason dans sa quête de la Toison d'Or. Le nom d'Argonautes vient de celui du navire qui transportait les héros, l'Argo, et qui signifie " rapide ". La nouvelle se répand à travers toute la Grèce que Jason organise une expédition vers la Colchide. Une cinquantaine de héros (descendants de l'union de dieux avec des mortels) répondent à l'appel. Parmi eux se trouvent : Argos, fils de Phrixos, le constructeur du navire, Tiphys qui le pilotait, Orphée, le musicien, chargé de donner la cadence aux rameurs, Castor et Polux les deux fils de Zeus et de Léda, Aethalidès, fils d'Hermès et héraut de l'expédition... Partant de la plage de Pagasae, les héros embarquent sur l'Argo pour un périple qui durera quatre mois et ramèneront la Toison d'Or. Un mythe Quoi d’intéressant dans ce mythe ? Heiner Müller répond : « L'épisode de Jason est le plus ancien mythe d'une colonisation, au moins chez les Grecs. » Pour lui, le rapport de domination-soumission qui lie Jason et Médée est une figure toujours actuelle des liens entre les peuples. On peut ensuite lui donner toutes sortes de contenus concrets, mais ce que représente le texte c'est un rapport de domination qui finit par se renverser dans la violence au moins rituelle et symbolique. On peut retrouver une interprétation politique plus explicite du mythe dans la version qu'en a donnée Pasolini Pour le réalisateur italien, Jason est une figure de la domination et l'impérialisme rationnels du capitalisme tandis que Médée incarne les formes plus irrationnelles de rapport au monde, qui passent par le rite et l'intimité avec la nature. Dans le texte de Heiner Müller, Médée utilise diverses images pour représenter sa soumission à Jason : « Esclave », « instrument », « chienne », « putain », Médée se représente comme minorisée, déshumanisée, utilisée par Jason. Mais elle insiste également sur son caractère étranger, c'est-à-dire barbare. La pièce de Müller Une partie d’un triptyque - Rivage à l’abandon Matériau-Médée Paysage avec Argonautes constitue une seule pièce de théâtre de 340 vers libres, en trois parties, chacune titrée. Rivage à l’abandon se présente comme un texte descriptif (sans marque d’énonciation), interrompu çà et là par des vers en capitales d’imprimerie relevant du discours rapporté (comportant des marques ostensibles d’énonciation), mais sans autre précision qui les attribuerait à un ou plusieurs personnages : seul le jeu des (in)compatibilités énonciatives permet de repérer des échanges éventuels. - Matériau-Médée s’identifie clairement à un texte de théâtre ordinaire, avec des répliques réparties (par des didascalies) entre trois personnages : la nourrice, Médée et Jason, auxquels il faut ajouter des personnages muets : les enfants de Médée, 9 auxquels elle s’adresse (convention dialogique classique) ; et, peut-être (j’y reviendrai), la jeune épouse de Jason, Créuse. Il n’y a cependant aucune indication de mouvements d’entrée et de sortie de scène. - Paysage avec Argonautes apparaît comme un discours tout entier tenu par un Je unique, mais qu’aucune didascalie ne vient identifier clairement ; là encore, c’est dans les présupposés du discours qu’il faut lire les indices de son attribution (c’est probablement Jason qui parle). - Une note finale de Müller indique que « la simultanéité des trois parties du texte peut être représentée comme on veut » (Müller, 1985 : 22) ; gageure ou boutade, ce conseil magnanime confirme ce qui apparaît dès une lecture linéaire du triptyque : que la scénographie encodée dans le texte ne se dispensera pas d’un questionnement majeur sur ses principes. Le dispositif brièvement décrit ci-dessus suffirait à ébranler une lecture routinière de la pièce comme « simple » texte théâtral (lecture ordinaire qui, en réalité, implique déjà une gymnastique mentale assez sophistiquée). La difficulté la plus spectaculaire semble résider dans la mise en place (en scène ?) du premier volet, Rivage à l’abandon ; comment mettre en scène une description ? En construisant un décor ? Mais tout le travail poétique textuel s’y perd, sans parler des éléments immatériels du « paysage ». Müller a plusieurs fois exploité la distorsion générique qu’un tel titre implique : la « pièce » Paysage sous surveillance (1984) peut rendre perplexe (j’y reviendrai). En comparaison, Paysage avec Argonautes est un monologue déroutant de simplicité… tout en s’inscrivant quand même dans le fil de titrage du Rivage à l’abandon, c’est-à-dire à l’autre extrémité d’un triptyque où deux volets problématiques Dialogue ? Que dire des différents personnages ? Sur scène ou non ? Analyse de l’énonciation du texte. Construction de Médée Matériau On peut distinguer quatre mouvements dans le texte : 1. Avant l'arrivée de Jason, Médée est dans l'attente et l'angoisse (de « Jason... » à « Mais ce n'est pas Médée »). 2. A l'arrivée de Jason, Médée se comprend trahie, et se décrit telle qu'elle est désormais, esclave et barbare (de « Jason... » à « Veux-tu les ravoir tes fils / Tu me dois un frère Jason »). 3. Médée met en place la première phase de la vengeance, en s'attaquant à Créüse (de « Qui aimez-vous le mieux... » à « Quoi des larmes pour la jeune mariée »). 4. Médée met en place la deuxième phase de la vengeance, l'infanticide (de «Ah mes p e t i t s . . . » à « C o n n a i s - t u c e t h o m m e » ) . Un texte poétique Médée-Matériau se présente comme un long poème dialogué, une forme à la frontière des genres, entre théâtre et poésie, une forme fragmentaire qui échappe aux catégories traditionnelles. Cette excentricité formelle est d'ailleurs présente dans le titre, qui intègre la notion de « matériau », élément informe, qui s'offre à la mise en forme. Heiner Müller s'empare ici d'un matériau existant pour le faire à nouveau travailler, dans son présent. L'indétermination, l'indécidabilité sont ainsi inscrites dans la forme même du texte, qui ne se laisse réduire à aucune identité prédéfinie. a. Un poème au rythme incantatoire 10 Le texte de Médée-Matériau est en vers irréguliers, et dépourvu de ponctuation. Ce sont alors davantage le rythme et les sonorités qui structurent la langue, que la syntaxe. Le texte fait sens autant à travers son rythme, ses respirations, ses sons, ses répétitions, qu'à travers son vocabulaire. Ainsi, à la première lecture, c'est le rythme incantatoire du texte qui apparaît d'abord, avec un système de répétitions superposées qui démultiplie l'effet. On peut ainsi remarquer en premier lieu le retour de certains vers, parfois légèrement modifiés : « Tu me dois un frère Jason (...) Les aimes-tu Jason tes fils / Veux-tu les ravoir tes fils » (p. 12) et « ...Aimes-tu tes fils / Veux-tu les ravoir tes fils / Tu me dois un frère Jason « (p. 13) ; « Moi ta chienne ta putain moi » (p. 12), « A moi qui étais ta chienne et ta putain » (p. 13). Cette répétition de vers entiers est redoublée par la répétition de termes ou le développement d'isotopies qui saturent quelques vers : par exemple, l'isotopie de la vue à la page 13 - « ...Merci de ta / Trahison qui me rend des yeux / Pour voir ce que j'ai vu cette vision Jason » (nous soulignons) ; ou encore la multiplication des occurrences des noms de Créon et de sa fille au début du texte, page 11 - « NOURRICE : Chez la fille de Créon madame / MEDEE : Chez Créon as-tu dit / NOURRICE : Chez la fille de Créon / MEDEE : Tu as bien dit chez la fille de Créon Et / Pourquoi pas chez la fille de Créon son père ». Enfin, on peut invoquer les répétitions de sons, et notamment les allitérations très significatives, même si le texte est ici étudié en traduction : par exemple, l'allitération en « t » de la page 12 - « Tout en moi est à toi instrument tout entière », qui souligne et traduit la violence de la soumission de Médée. Tout cet emboîtement de répétitions donne au texte un rythme lancinant, qui dit le ressentiment de Médée, et qui donne aussi au discours de la magicienne une dimension incantatoire, qui souligne la dimension rituelle de l'acte auquel elle se livre. b. Une esthétique de la résistance Le caractère poétique de l'écriture de Heiner Müller ouvre le sens du texte, en multipliant les possibilités signifiantes du langage. Chaque mot ne signifie pas seulement par son sens, mais aussi par son rythme, ses sonorités et la façon dont il entre en écho avec le reste du texte. Ainsi, il n'y a pas de signification univoque du texte, et le sens reste indéterminé parce qu'il est pluriel. Symbolique du personnage Le parcours du personnage La parole de Médée ouvre et clôt le texte de Médée-Matériau. Mais entre ces deux interventions qui encadrent le dialogue, il y a contradiction. Au cours de ce long poème, Médée a désappris Jason, elle l'a effacé de sa mémoire. Mé dé e Ma t é ria u est un texte en tension, il représente un processus qui se déroule peu à peu et par étapes, pour aboutir à une inversion radicale des rapports entre les deux figures principales, le couple Médée-Jason. Le déséquilibre entre les deux membres du couple est flagrant. La femme est vidée de toute identité ; elle n'est identifiée que par son sexe, comme membre d'une catégorie générique. Aucun déterminant grammatical ne l'accompagne. Médée a bien existé, mais elle a disparu au moment où elle est devenue la femme de Jason : « JASON : Avant qu'étais-tu femme / MEDEE : Médée » (p. 12). A l'inverse Jason est désigné par son prénom, ou par un groupe nominal intégrant un déterminant possessif, « mon mari ». A la fin du texte, Médée retrouve son identité perdue, et peut se nommer et redevenir sujet, comme le marque la 11 présence en fin de vers, sans fonction grammaticale, du pronom personnel de la première personne : « ...je suis Médée Je ». Un personnage démiurge : pouvoir de création Pour redevenir Médée, la barbare magicienne doit annuler les événements qui ont eu lieu depuis qu'elle a perdu cette identité. Il s'agit bien de retrouver « l'avant », cette époque où Médée avait un nom, un père et un frère. Le sacrifice des enfants entre alors dans un rituel de retour en arrière, d'effacement de la mémoire, qui prend une forme très concrète dans le discours de Médée, puisqu'il s'agit de les faire repasser par le chemin qu'ils ont pris pour venir sur terre : Je veux de mon coeur vous arracher vous La chair de mon coeur Ma Mémoire Mes chéris Le sang de vos veines rendez-le moi Réintégrez mon corps vous entrailles (nous soulignons) Le dispositif mis en place par Médée se déroule ainsi en deux phases : mise à mort de la nouvelle fiancée pour annuler le mariage, puis mise à mort des enfants pour effacer l'enfantement. La structure de la cérémonie suit la structure chronologique de la vie du couple. La femme jalouse prend possession de la noce de sa rivale en utilisant un objet magique, sa robe de mariée : Habille ton nouvel amour comme De ma peau Ainsi je serai proche de toi ~~~~ La robe de mariée de la barbare célèbre ses noces Jason avec ta virginale épouse La première nuit m'appartient C'est la dernière (p. 14-15) Plutôt qu'à l'assassinat de la jeune fiancée de Jason, nous assistons ici à la mise à mort du mariage de Médée et de Jason, par l'intermédiaire de l'incendie de la robe. Le meurtre des enfants sera la deuxième phase de ce rituel de remontée du temps. Interprétations de Médée Multiplicité des interprétations possibles de son oeuvre dans l'entretien qu'il a accordé en 1983 à Urs Jenny et Hellmuth Karasek, publié en français dans Erreurs choisies (L'Arche, 1988) : « U. J et H. K.: Médée est-elle une citoyenne de la RDA qui se laisse attirer à l'Ouest par son amant ? Est-elle une Tchèque qui, en 1968, se commet avec un occupant russe ? Est-elle une Vietnamienne qui sort avec un Yankee ? H.M.: Ça fait déjà pas mal de bonnes interprétations. U. J. et H. K.: Vous voudriez que Médée soit tout cela en même temps ? H.M.: Elle peut aussi bien être une Turque en RFA. Tout ce que vous voudrez » Heiner Müller se méfie des classements et des catégorisations, des assignations d'identité fixes. Lui-même a choisi de ne pas choisir, en vivant entre deux pays, les deux Allemagne, sans jamais cesser d'être dans une attitude critique vis-à-vis de l'un comme de l'autre. Karin Rocholl, une photographe, l'a d'ailleurs représenté assis sur 12 un banc de la station de métro de la Friedrichstrasse, exactement à la frontière entre l'est et l'ouest. Son écriture comme la forme de ses textes dépassent ainsi eux aussi les divisions classiques entre les genres et les significations. En donnant à son texte une forme fragmentaire, comme s'il s'agissait d'une seule scène extraite d'une pièce de théâtre, alors qu'elle s'inscrit en réalité dans un triptyque dont les deux autres volets ne sont pas dialogués, et s'éloignent encore plus du modèle dramatique, Heiner Müller s'opposait à la doctrine du « réalisme socialiste » prônée par le régime de son pays. Celle-ci demande en effet aux oeuvres dramatiques de se présenter comme des systèmes rationnels et harmonieux, mettant en scène la perfection de la doctrine politique socialiste. Müller refuse l'ordre et l'unité pour défendre la pluralité, la complexité, la contradiction, et donc la liberté. Quelques informations sur la mise en scène, d’après un entretien avec Sophie Rousseau L’intérêt de Sophie Rousseau s’est porté sur ce que le texte raconte du tragique. Certes, on y trouve une perspective totalement aristotélicienne avec une vision cathartique de la tragédie de Médée, mais ce qui l’intéresse c’est d’interroger l’endroit de la dérision dans la tragédie. L’interrogation du texte est une interrogation du rapport à la mort finalement. Face au tragique, une autre arme est possible, celle du rire qui emprunte la voie du grotesque. Cette voie sera explorée par le personnage de la nourrice. Autre élément important à son sujet : sans la connaissance du mythe de Médée, de ce qu’elle est, de ce qu’elle représente, la plongée dans la pièce semble difficile pour Sophie Rousseau. Voilà pourquoi, le personnage de la nourrice prendra en charge l’histoire de Médée dès le début de la pièce. Peut-être l’incarnera-t-elle même ? Qui mieux qu’une nourrice (figure maternelle par excellence) peut nous raconter une histoire ? Qui mieux que la nourrice peut nous raconter l’histoire de Médée dont elle est une sorte de double finalement ? Le flou autour des personnages est donc posé d’emblée. De même, Jason pourra incarner Créüse en se travestissant et les enfants devenir une figure de l’enfance à travers le personnage de Juliette Flipo. Enfin, le personnage de Médée apparaît comme le symbole du désespoir immense, une situation proche de la mort. Selon Sophie Rousseau, le tragique ne vient pas des actes de Médée mais de sa situation extrême. La violence et la barbarie (qui ne sont pas excusables) sont une réponse à cette situation. Voilà en quoi ce texte peut résonner avec notre présent qui ne manque pas de situations extrêmes. Outre cette réflexion autour du tragique, Sophie Rousseau s’intéresse également à l’espace et au temps. L’œuvre de Müller induit cette réflexion car le personnage de Médée se présente comme un être démiurgique créant un « spectacle » hic et nunc. Elle met en œuvre sa vengeance dans l’instant (le texte est écrit au présent) et dans un ailleurs qui n’en est pas un puisque le « spectacle » a lieu sous nos yeux. Pour Sophie Rousseau, le rêve (ou le cauchemar !) fait une incursion sur la scène et le récit de Médée nous entraîne dans cet ailleurs du rêve. Les images scéniques et l’évolution des corps doivent nous permettre de gagner cet ailleurs. Toute la simultanéité du texte de Müller est là. Les associations d’idées font naître le rêve. Avant tout, Sophie Rousseau s’est intéressée à cet auteur pour montrer que ce n’est pas un théâtre difficile. Contre toute attente le théâtre müllerien n’est pas un théâtre purement intellectuel mais il repose sur des images, sur une sorte d’appel aux sens 13 qui en font un théâtre accessible. L’intégration de la danse, du chant et le travail sur le corps en sont un exemple flagrant. De même, la poétique du texte apparaît comme une sorte de chant incantatoire propre à l’évocation de l’ailleurs. Mais elle permet également de ne pas sombrer dans l’hystérie. A aucun moment cette voie n’est explorée et la langue permet de canaliser cette tentation. III/ Résonances Les différentes Médée Textes antiques Apollonios de Rhodes, les Argonautiques - Sens religieux de l'expédition : => Chant II, vers 1194-1195 et Chant III, vers 336-339 - Médée passionnément amoureuse est victime des flèches d'Eros : => Chant III, vers 948-974 - Description de la toison d'or : Chant IV, vers 167-182 Homère, l'Odyssée, => La généalogie d'Aeson et de Pélias : chant XI, vers 256-259 => Le navire Argo doit sa survie à Héra : chant XII, vers 69-73 Pindare, Pythique Un double but est assigné au héros : Jason doit également ramener de Colchide l'âme de Phrixos : => IVème pythique, vers 156-166 Euripide, Médée Médée amoureuse trahie est une héroïne de tragédie : => Médée, vers 1-95 Sénèque, Médée Un couple qui se déchire, Jason et Médée : => vers 431 -489 Ovide, Métamorphoses, Récit du mythe : => Livre VII, "Jason et Médée" Survie littéraire du mythe Poésie : Boccace, De Mulieribus Claris (Italie) => évocation de Médée Dante, La Divine comédie, L'enfer, XVIII, vers 86-96 (Italie) => évocation de Médée W. Morris, La vie et la mort de Jason, 1867 (Angleterre) => évocation de Médée Théâtre : 14 Calderon, El divino Jason (Espagne) => Vision religieuse et allégorique du mythe : Jason évoque le Christ La Péruse, Médée, 1551 => Tragédie proche des modèles antiques Pierre Corneille, Médée, 1635 => Première tragédie de Corneille Pierre Corneille, La Conquête de la Toison d'Or, 1661 => Tragédie racontant les aventures de Jason en Colchide Antonio Jose da Silva, Les Enchantements de Médée, 1735 (Portugal) => Pièce burlesque reprenant les thèmes de la conquête de la Toison d'Or Richard Glover, Médée, 1791 (Angleterre) => Drame axé sur Médée et l'infanticide Franz Grillparzer, L'Hôte, 1818, Les Argonautes, 1819, Médée, 1820 (Autriche) =>Trilogie sur la Toison d'Or Catulle Mendès, Médée, 1898 => Tragédie où le rôle de Médée y était interprété par Sarah Bernard L. Duplessis, La Moderne Médée, 1901 => Médée, une française se dresse contre son époux, un avocat d'origine allemande Jean Anouilh, Médée, 1946 => Médée bohémienne se révolte contre l'ordre incarné par Jason Heiner Müller, Rivage à l'abandon, Matériau-Médée, Paysage avec Argonautes, 1982-1984 => Ecriture de type théâtral dont le thème de réflexion est celui de la violence Roman : Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, 1165 Traduction et présentation d'E. Baumgartner, Union Générale d'Editions (collection " 10/18 "), Paris, 1987 => Récit détaillé de la conquête de la Toison d'Or au début du roman Théophile GAUTIER, La toison d'or cf. Actualités des Itinera Electronica Léon Daudet, Médée, 1935 => Médée devient une aventurière sans scrupule Roberts Graves, La Toison d'or, 1944 (Angleterre) => Roman historique tiré de l'aventure des Argonautes G.-G. Toudouze, Le Secret des Argonautes, 1965 => Version romancée de l'aventure des Argonautes Jason et Médée sont de retour grâce à l'imagination de Robert HOLDSTOCK, qui les fait revivre dans son livre Celtika, premier volume de la série "Codex Merlin". cf. Actualités des Itinera Electronica ainsi que : Robert HOLDSTOCK, Le Graal de fer volume II du Codex Merlin Titre origina l: The iron Grail (publié en 2002) Traduit de l'anglais par Thierry ARSON Édition: Paris, Le Pré aux Clercs, 2004, 396 pp. cf. Actualités des Itinera Electronica Opéra : Marc-Antoine Charpentier, Médée, (livret de Thomas Corneille), 1693 è Le livret est l'œuvre du frère cadet de Pierre Corneille 15 Cherubini, Médée (livret de B. Hoffmann d'après Corneille), 1797 => Considéré comme le premier des opéras romantiques ICONOGRAPHIE : Oeuvres antiques (peinture et céramique): Peinture de Pompéi et d'Herculanum, Médée après l'infanticide, Ier siècle avant J.C. Musée de Naples. Museo Archeologico Nazionale. Vase à figures rouges Médée et Jason revivifient le bélier. Rritsh Museum. Londres. Amphore grecque de Campanie Médée. IVème siècle avant J.C. Musée du Louvre Grande amphore apulienne provenant de Canova Histoire du mythe de Médée et de Jason, 330-320 avant J.C. Musée de Munich (n°3296) Peinture : Gustave Moreau Jason et Médée, XIXème siècle Musée Gustave Moreau Gustave Moreau Jason, XIXème siècle Musée d'Orsay Delacroix, Médée furieuse poignardant ses enfants, XIXème siècle Musée du Louvre Giorgo de Chririco Le départ des Argonautes, 1909 et 1921 Musée d'Orsay Cinéma : Pier-Paolo Pasolini Médée, 1970 => Scénario axé sur le couple de Jason (le rationnel) et de Médée (la barbare) Don Chaffey Jason et les Argonautes, 1965 PSYCHANALYSE : Alain Moreau Le Mythe de Jason et de Médée, Paris, Les belles Lettres 1994 Chanson : Jacques Brel La Toison d'or, 1969 => complainte sur les conquérants chercheurs d'or 16 Réécritures des mythes par Claire Marie Il s’agissait d’élaborer une bibliographie concernant les mythes les plus célèbres et la réécriture de ceux-ci. Synthèse mise en ligne par Catherine Briat. Récits inspirés de la Bible ANONYME, La Bible, Histoire de Moïse (Étonnants classiques 2076, GF). ANONYME, La Bible, Histoire d’Abraham et récits de la création (traduction), (Étonnants classiques, 2102, GF). ABSIRE A., Lazare ou le grand sommeil (Poche Pocket). CHÉDID A., La Femme de Job (Babel Actes Sud 207). GUIMARD P., Les premiers venus (Adam et Eve). LINDGREN T., Bethsabée, Les amours de David et Bethsabée (Babel Actes Sud 6). WILDE O., Salomé (GF 649). Autour d’Ulysse FÉNELON, Télémaque (GF 168). GIONO J., Naissance de l’Odyssée (Cahiers rouges, Grasset). GIRAUDOUX J., La Guerre de Troie n’aura pas lieu (Livre de Poche 945). HOMERE, L’Iliade (GF 60). HOMÈRE, L’Odyssée (GF 64). HOMÈRE, L’Iliade et l’Odyssée (classiques abrégés, éd. de l’École des Loisirs). HOMERE, Ulysse reviendra-t-il à Ithaque ? (Tomes 1, 2 et 3, GF 2001). HOMERE, Les aventures extraordinaires d’Ulysse (GF 2015). HOMERE, La Vengeance d’Ulysse (GF 2016). Œdipe et Antigone ANOUILH J., Antigone (Bordas). BAUCHAU H., Antigone (Actes Sud). BAUCHAU H., Œdipe sur la route (Livre de Poche). COCTEAU, La Machine infernale. LAMAISON D., Œdipe roi (série noire). RACINE J., La Thébaïde (Théâtre complet, GF 27). SOPHOCLE, Œdipe Roi. SOPHOCLE, Antigone (GF 1023). SOPHOCLE, Œdipe à Colone. La famille des Atrides ESCHYLE, L’Orestie (Agamemnon, Les Choéphores, Les Euménides. EURIPIDE, Électre. EURIPIDE, Oreste, Iphigénie à Aulis, Iphigénie en Tauride GIRAUDOUX J., Électre (Livre de Poche 1030). MAGNAN P., Le Sang des Atrides, référence au mythe d’Électre et d’Oreste (Policier, Folio). RACINE J., Iphigénie (GF 1022). SARTRE J-P., Les Mouches (Folio Gallimard). SOPHOCLE, Électre. Autour de Jason 17 GRILLPARZER F., La Toison d’Or. CORNEILLE P., Médée. LA PERUSE, Médée. MÜLLER H., Médée. SÉNÈQUE, Médée (GF 992). Mythologie grecque, divers ESCHYLE, Les Perses, Les Sept contre Thèbes, Les Suppliantes, Prométhée enchaîné. EURIPIDE, Alceste, Les Enfants d’Héraclès, Hippolyte, Andromaque, Hécube, Les Suppliantes, Les Troyennes, La Folie d’Héraclès, Ion, Hélène, Les Phéniciennes, Les Bacchantes, Rhésos, Le Cyclope GIDE A., Thésée. HÉSIODE, Théogonie, la naissance des dieux (traduit du grec, (Poche rivages n°83). HESSE H., Narcisse et Goldmund (Poche Pocket). RACINE J., Phèdre (GF 859). RILKE R. M., Les Sonnets à Orphée (GF 674). SOPHOCLE, Ajax, Les Trachiniennes, Philoctète. Mythologie romaine ESCHYLE, Amphitryon. GIRAUDOUX J., Amphitryon 38 (Livre de poche 9796). MOLIERE, Amphitryon. MOLIÈRE, Psyché. Histoire romaine CORNEILLE P., Cinna. CORNEILLE P., Horace. CORNEILLE P., Polyeucte. SHAKESPEARE W., Antoine et Cléopâtre (GF 895). TITE-LIVE, La Fondation de Rome (Étonnants classiques, GF 2093). Don Quichotte CERVANTÈS, L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte (GF 196 et 197). Don Juan BARBEY D’AUREVILLY, Le Plus Bel Amour de Don Juan (conte). BAUDELAIRE, « Don Juan aux enfers », Les Fleurs du mal. BRANCATI, Dom Juan DA PONTE, L. Don Juan (Livret de l’Opéra de Mozart) (GF 939). HORVATH, Don Juan revient de guerre. MOLIÈRE, Dom Juan. MONTHERLANT (de) H., Don Juan. SCHMITT E.-E., La Nuit de Valognes. TIRSO DE MOLINA, Don Juan (El Burlador de Sevilla). Et de nombreuses autres versions. Voir le site de Michel Balmont. Robinson DEFOE D., Robinson Crusoe. TOURNIER M., Vendredi ou les limbes du Pacifique. TOURNIER M., Vendredi ou la vie sauvage. Faust GOETHE, Faust I et II (GF 630). L’amour sublimé 18 ABÉLARD, Héloïse et Abélard, (Lamentations ; Histoire de mes malheurs ; Correspondance) (Actes Sud Babel). Ce document constitue une synthèse d’échanges ayant eu lieu sur Profs-L Médée, de Pasolini Good bye Lénine Allemagne année zéro Roberto Rossellini / 1948 Berlin au lendemain de la guerre. Une famille se débat avec les difficultés de la vie : le père malade est soigné par sa fille, le fils aîné, un ancien SS récemment démobilisé, n'ose pas se présenter aux autorités d'occupation et vit, caché, sans carte d'alimentation. Le fils cadet, Edmund, âgé de douze ans, essaie de faire vivre sa famille à l'aide de petits trafics que lui vaut sa vie errante, dans Berlin détruit par les bombardements. Les voisins voient d'un mauvais oeil ces gens besogneux et sans ressources. Un jour, au cours d'une promenade, Edmund retrouve un de ses anciens professeurs, ex-nazi et probablement homosexuel. Celui-ci lui rappelle les principes d'Hitler sur l'élimination des faibles et des inutiles. Le père ayant dû être hospitalisé et répétant machinalement qu'il vaudrait mieux pour tous qu'il soit mort, Edmund, sans mesurer la portée de son geste, l'empoisonne. Le professeur, mis au courant par Edmund, ne veut pas endosser la responsabilité de ce qu'il considère à présent comme un crime. Désespéré, l'enfant erre tristement dans les rues au milieu des décombres et finit par se jeter d'un cinquième étage d'une maison en ruines. Pour Jacques Lourcelles : 19 Troisième volet de la trilogie de Rossellini sur la guerre (Après Rome ville ouverte et Païsa), Allemagne année zéro fait admirablement le lien entre ces deux œuvres essentiellement documentaires et la série des films intimistes avec Ingrid Bergman. En effet, placé dans un contexte où l'état présent d'une société est décrite avec une extraordinaire intensité, c'est avant tout l'histoire d'un seul personnage, le petit Edmund, que veut raconter Rossellini. En ce sens, le film représente la quintessence du néo-réalisme selon la méthode rossellinienne: "Le néo-réalisme, a-t-il écrit, consiste à suive un être, avec amour, dans toutes ses découvertes, toutes ses impressions. Il est un être tout petit au-dessous de quelque chose qui le frappera effroyablement au moment précis où il se trouve librement dans le monde, sans s'attendre à quoi que ce soit. Ce qui importe avant tout pour moi, c'est cette attente ; c'est elle qu'il faut développer, la chute devant rester intacte (Cahiers du Cinéma août-septembre 1955, repris dans le volume Rossellini le cinéma révélé)." Cet accompagnement minutieux par la caméra d'un être vulnérable a entraîné ici l'emploi de plans assez longs et Allemagne, année zéro est un film beaucoup moins découpé (248 plans) que Rome ville ouverte ou Paisa. De l'Italie à l'Allemagne, l'œuvre de Rossellini étend son territoire qui va bientôt être à l'échelle de l'Europe puis d'un continent (les Indes). Sur l'Allemagne, comme sur tous les sujets et ses personnages, Rossellini entend jeter un regard social qui soit aussi moral. Pour lui, le champ de l'investigation sociale et le champ de l'investigation morale se recoupent exactement. Il a exprimé ses intentions avec une telle netteté qu'on ne peut mieux faire que citer ses propos : "Les Allemands étaient des êtres humains comme les autres ; qu'est-ce qui a pu les amener à ce désastre. La fausse morale, essence même du nazisme, l'abandon de l'humilité pour le culte de l'héroïsme, l'exaltation de la force plutôt que celle de la faiblesse, l'orgueil contre la simplicité. C'est pourquoi j'ai choisi de raconter l'histoire d'un enfant, d'un être innocent que la distorsion d'une éducation utopique amène à perpétrer un crime en croyant accomplir un acte héroïque. Mais la petite flamme de la morale n'est pas éteinte en lui : il se suicide pour échapper à ce malaise à cette contradiction." Jacques Lourcelles : Dictionnaire du cinéma Philippe Cuomo, Comédie de Béthune 20