n’est pas un mécanisme cognitif autonome, mais comme la spécialisation d’une aptitude plus
fondamentale qui se serait déployée également dans d’autres domaines.
Du point de vue de Chomsky, la connaissance linguistique est un fait fini, donné en
soi, reposant sur une base innée ce qui évacue toute participation active du sujet. Là où Chomsky ne
voit qu’une alternative ou bien un schéma inné s’imposant avec nécessité, ou bien des acquisitions
extérieures mais variables, Piaget parle de l’existence des trois solutions : il y a bien hérédité ou les
acquisitions extérieures, mais il y a aussi les processus d’équilibration interne ou d’autorégulation.
Piaget emploie la notion de sujet épistémique – instance fonctionnelle qui permet à chaque individu
de construire l’espace, le nombre, le temps, la vitesse, la causalité, le hasard, le langage.
Conformément aux théories représentationnelles, la recherche de la signification
équivaut a la recherche de la représentation mentale. Les significations sont des objets mentaux ou
des concepts situés dans notre tête. La source des concepts est multiple : il paraît que 50-100
environ soient innés et identiques dans toutes les langues (termes sémantiques primaires et
universaux ayant le rôle de donner naissance à d’autres concepts) ; d’autres sont nés suite à
l’interaction avec le milieu naturel et sont diffusés dans la communauté linguistique ; ce dernier
type serait responsable pour les différences essentielles qui séparent les langues naturelles. Selon
Chomsky, les concepts innés prédominent, ils proviennent de l’essence de la nature humaine, notre
tâche en tant que êtres doués d’une grammaire universelle étant celle d’attacher des étiquettes aux
concepts (les mots proprement dits). Contrairement aux théories représentationnelles, les théories
référentielles, orientées vers l’extérieur, vers le monde sont préoccupées par la signification
informationnelle de la langue, des faits et situations décrits à l’aide de celle-ci. La signification
consiste alors dans la relation entre les expressions linguistiques et les différentes types de choses.
La langue nous permet de décrire aussi nos états intérieurs, des attitudes et processus mentaux
(croyances, espoirs, désirs, ets), en ce cas la signification informationnelle est présente, mais non
pas évidente compte tenu du fait que l’information est cette fois-ci individuelle et subjective. En
conclusion, la sémantique référentielle est préoccupée des rapports entre les symboles linguistiques
et réalité qu’elle soit extérieur ou intérieur.
3.2. La question qui a déclenché l’idée d’aborder le sujet de notre étude est :
« comment s’explique le fait qu’un aveugle-né emploie avec une si grande fréquence le mot voir ? »
L’absence du sens de la vue fait qu’une personne vive dans un univers complètement différent de
celui des gens ordinaires. En fait, ce n’est pas l’univers qui est différent, mais la perspective dont il
est envisagé. A la question « Comment vous représentez-vous les couleurs ? » un aveugle répondit :
« Ce n’est pas grave si je ne les vois pas comme vous ; cela ne m’empêche ni de vivre, ni d’aimer.
Pourtant, le jaune c’est comme le soleil qui chauffe sur la peau, le vert comme le parfum de l’herbe
mouillé le matin, le bleu comme l’océan quand tu es devant. »
Parcourir le monde sans disposer des informations visuelles peut sembler une
gageure. Pourtant, de nombreux aveugles, loin de rester repliés sur eux-mêmes, travaillent,
voyagent, prennent les transports en commun. Au fil du temps, ils développent un système de
perception sensorielle d'une surprenante acuité et parviennent littéralement à "toucher l'espace".
Quand l'oeil est sain (Lc 11,34), il peut percevoir la lumière qui est Jésus. L'oeil sain
est le regard intérieur qui guide l'homme, qui le maintient tout entier nettement orienté vers la
lumière du monde (Jn 8,12), source de vie (Jn 1,4). -Jésus brille comme la lumière dans l'obscurité
(Jn 1,5). Encore faut-il que les dispositions de chacun - l'oeil intérieur - permettent à la lumière de
pénétrer le corps tout entier, pour que l'homme marche en direction de la vie.
René Daumal, auteur de « L’Envers de la tête »(1939) conçoit un homme primordial
au visage tourné vers le dedans, au regard introspectif, à l’oeil intérieur. Ne pouvant plus nous voir,
nous nous imaginons. Et chacun, se rêvant soi-même et rêvant les autres reste seul derrière son
visage. C’est ce que suggère la métaphore de la maison-corps et de l’homme qui l’habite : l’homme
doit apprendre à se voir, non pas en surface comme les hommes creux qui ne peuvent aller que