Chapitre 10

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Chapitre 10
STRUCTURE ÉLECTRONIQUE ET GÉOMÉTRIE DES MOLÉCULES
10-1 La liaison de covalence
10-1-1 Combinaison linaire des orbitales atomiques
Deux orbitales atomiques 1 et 2, de niveaux d'énergie voisins, de deux atomes différents, si elles
se recouvrent en partie, forment deux orbitales moléculaires, l'une liante, de niveau d'énergie inférieur à ceux
de 1 et de 2, l'autre antiliante, de niveau d'énergie supérieur à ceux de 1 et de 2.
Ces deux orbitales, liante et antiliante, sont obtenues par combinaison linéaire de deux orbitales
atomiques 1 et 2, en respectant la règle de normation.
Dans l'état fondamental de la molécule, les orbitales moléculaires et les orbitales atomiques non
affectées par cette combinaison se remplissent dans l'ordre énergie croissante, de telle manière que l'énergie
électronique totale soit minimale.
Le nombre de liaisons formées, ou "indice de liaison" est égal au nombre de paires d'électrons dans
les orbitales liantes diminué du nombre de paires d'électrons dans les orbitales antiliantes, (un électron non
apparié comptant pour une demi paire).
Une liaison de covalence apparaît donc comme la mise en commun de deux électrons, entre deux
atomes, dans une orbitale liante, non compensée par la présence de deux autres électrons dans l'orbitale
antiliante correspondante.
On peut avoir aussi combinaison linéaire de plus de deux orbitales atomiques, provenant de plus de
deux atomes, les liaisons formées sont alors délocalisées ...
L'énergie électronique de la molécule est inférieure à la somme des énergies électroniques des
atomes isolés. La différence est "l'énergie de liaison". La formation de liaison correspond donc à un gain
de stabilité.
10-1-2 La valence, définition, exemples
La valence d'un élément chimique est le nombre de liaisons de covalence simple qu'un atome de
cet élément peut former.
Dans la plupart des édifices covalents stables, le spin total est nul ; tous les électrons sont appariés.
Ceci conduit à la règle suivante :
La valence d'un élément chimique est égale au nombre d'électrons célibataires d'un atome de cet
élément dans son état fondamental.
Cependant, on doit tenir compte de la possibilité pour certains électrons de passer facilement à un
état excité en se "désappariant", ce qui augmente à chaque fois la valence de deux unités. De telles
transitions électroniques ne sont à prendre en compte que si l'énergie nécessaire est faible; elles ne se font
pratiquement qu'au sein d'une même couche électronique.
Exemples :
  
Le carbone : C (Z = 6)
dans l'état fondamental.
1s2 2s2
2p2
Sa valence peut donc être de 2, mais l'état excité dû à la transition 2s  2p :




2s1
2p3
conduit à la valence 4, plus stable car elle permet la saturation de la couche périphérique à 8 électrons.
(Règle de Lewis et Langmuir dite "règle de l'octet").
     dans l'état fondamental.
L'azote : N (Z = 7)
1s2 2s2
2p3
Sa valence est toujours de 3 (dans NH3, NI3, H3C–NH2 ...) une transition 2s  3s n'est pas à
envisager car l'énergie nécessaire ne serait pas compensée par la formation de la liaison supplémentaire.
Si un atome d'azote porte une charge formelle + e (N+), sa structure électronique est alors celle de C
et sa valence est en général de 4 pour la même raison (NH4+, H3C–NH3+ ...).
S'il porte la charge formelle –e, sa structure électronique est celle de O : 1s2 2s2 2p4 il est divalent
comme O (NH2– : ion amidure ...).

Le phosphore : P (Z = 15)
2
2
6


2

3
1s 2s 2p
3s
3p
Sa valence est de 3 (PH3, PCl3 ...). Mais il peut aussi avoir la valence 5, ce qui s'explique par
l'existence d'un état peu excité; l'énergie nécessaire à la transition 3s  3d est compensée par la formation

  

de deux liaisons supplémentaires.
1s2 2s2 2p6
3s1
C'est le cas dans l'acide orthophosphorique H3PO4 :
3p3
3d1
O
HO
P OH
OH
10-1-3 Règle de Lewis et Langmuir (règle de l'octet)
Elle affirme que la stabilité maximale d'un atome est obtenue avec des couches électroniques
saturées, ou provisoirement saturées, soit 8 électrons sur la couche périphérique (2 seulement si c'est la
première couche).
Cette règle se vérifie bien dans les composés covalents formés par l'hydrogène et un autre élément
non métallique :
CH4 NH3
SiH4 PH3
GeH4 AsH3
SbH3
H2O
H2S
H2Se
H2Te
H2
HF
HCI
HBr
HI
(He)
(Ne)
(Ar)
(Kr)
(Xe)
et aussi :
H3C–CH3
H3Si–SiH3
H2N–NH2
HO–OH
alcanes, silanes ...
F–F
Cl–Cl
Br–Br
I–I
Mais il existe aussi des composés présentant des "trous d'octet" comme AlC13 (couche périphérique
de 6 électrons, acide de Lewis). Certains radicaux libres sont relativement stables, comme
(C 6 H 5 ) 3 C  (couche périphérique de 7 électrons).
À partir de la troisième période, l'existence des orbitales 3d (ou 4d ...), dont le niveau d'énergie n'est
pas très différent de celui de 3p (ou 4p ...) permet à la couche de valence de dépasser 8 électrons. Il en résulte
pour ces éléments plusieurs valences possibles, que l'on peut interpréter par des transitions électroniques
amenant au "désappariement" de chacun des électrons de la couche de valence.
La couche de valence est finalement limitée à 18 électrons
Par exemple :
H3PO4
(où P a une couche de valence de 10 électrons)
2–
SiF6
(ou Si a une couche de valence de 12 électrons)
HClO4
(où Cl a une couche de valence de 14 électrons).
XeO4
(où Xe a une couche de valence de 16 électrons).
Fe(CN)64–
(où Fe a une couche de valence de 18 électrons)
Seule la théorie des orbitales moléculaires permet d'analyser correctement les possibilités de
formation de liaisons pour un élément chimique donné et d'interpréter les différentes valences de cet
élément.
10-2 Formules de Lewis des molécules
10-2-1 Définition
Dans le schéma de Lewis d'une molécule ou d'un ion, on représente tous les électrons de valence
des atomes.
Un doublet .liant ou non liant est représenté par un tiret ––. Un électron célibataire est représenté par
un point . . Une case quantique (orbitale) vide est représentée par un carré .
Ces formules mettent en évidence la règle de l'octet, quand celle-ci s'applique.
10-2-2 Exemples respectant la règle de l'octet
_
_
H H
|N N|
|_
F H
dihydrogène
diazote
fluorure d'hydrogène
ammoniac
phosphine
hydronium
H
C
_
_
O
H H
H
éthane
méthanal
_ _
H
_ _
_
O
H C
H
acide hypochloreux
C
_
|O
_
O|
O H
H
_
_
O
|P
P|
tétraphosphore
_
_ _
|Cl
_ Cl
_|
_P
dichlore
H
_ H
N O
C
H Al H
O
H
acide éthanoïque
acide nitrique
H C N|
_ O_ H
H O
tétrahydruroaluminate
H
_ _
N N
H
sulfure d'hydrogène
dioxyde de carbone
_
|
H C C
H
_
_
O
hydroxyde
H
H H
|Cl
_
_
|O
_ H
H
H
H
P
H O H
H
_
H
P
eau
_
_S
_
|
H
chlorure d'hydrogène
H
_
_
H N H
_ H
H O
_
_
_
|Cl
_ H
H
hydrazine
cyanure d'hydrogène
peroxyde d'hydrogène
10-2--3 Quelques exceptions à la règle de l'octet
-Couche périphérique non saturée
_
|Cl|
_
H
_|
Al Cl
|Cl
_|
H
trichlorure d'aluminium
proton
H
B
H
H
_
B
H
_ O
_
N
H
diborane
lacune électronique
monoxyde d'azote
liaisons à 3 centres
électron célibataire
S
|
|
O
H
O Mn
|
|
permanganate
H
O
|
|
|
acide sulfurique
O Cl
_
_
O
|
O
O
O
|
_
_|
O
|
|
_
_
O
acide perchlorique
|
_
|
|
perchlorate
|
|_
| | |
|
| F |_
F 2 F_|
Si
F
F
|_
F|
_
|
O
_
|
_
_|
O Cl O
|
_
_
O
|
H
pentachlorure de phosphore
O
O
|
|Cl
_
|
_
_|
Cl
_ P _
|Cl
_ | | Cl
_|
_
Cl
|
_
|
-Couche périphérique de plus de 8 électrons
hexafluorosilicate
|
|
On n'oubliera pas que les formules de Lewis ne représentent pas toujours la réalité des liaisons; elles
peuvent donner des indications fausses, même dans des cas apparemment simples comme celui de O2 :
La formule de Lewis est
|
O O
|
Elle donne un indice de liaison de 2, ce qui est correct. mais elle ne montre pas la présence de deux
électrons non appariés qui sont la cause des propriétés magnétiques de O2.
En fait, trois orbitales liantes sont occupées par des doublets et deux électrons qui sont chacun dans
(3  2)  (2  1)
 2 . Ce qu'on peut
une orbitale antiliante affaiblissent la liaison. L'indice de liaison est
2
représenter ainsi :
|O O|
10-2-4 Charges formelles
La charge formelle d'un atome s'obtient en attribuant à cet atome tous les électrons non liants
(célibataires ou doublets) et la moitié des électrons des liaisons qu'il forme. La charge électrique formelle
est donnée par la différence avec le nombre d'électrons de valence de l'atome neutre.
Dans les exemples précédents :
2
Dans OH– : O a 3 paires non liantes et une liaison donc on lui attribue (3  2)   7 électrons de
2
valence pour le calcul de la charge formelle. un atome O neutre a 6 électrons de valence (2s2 2p4) donc sa
charge formelle est (7 – 6)(–e) soit – e. On doit donc écrire O– dans la formule de Lewis.
Dans SiF62– : Si a 6 liaisons, on lui attribue donc 12 électrons de valence pour le calcul de la charge
formelle. L'atome neutre en a 4 (2s2 2p2) (famille du carbone) donc sa charge formelle est (6 – 4)(–e) = –2e.
soit Si2–.
Dans HNO3 : N a 4 paires liantes, on lui attribue donc 4 électrons de valence alors que l'atome neutre
en a 5 donc on écrit N+.
Dans NO : N a 2 liaison, un électron célibataire et un doublet, on lui attribue donc 5 électrons de
valence comme dans l'atome neutre donc N n'a pas de charge formelle.
_
|
_
O N O
|
|
|_
_ _
|O
_ N O
|
10-2-5 Formules mésomères
Il y a souvent plusieurs formules de Lewis qui représentent correctement une molécule ou un ion. On
dit que ce sont des formules mésomères.
La réalité est alors un compromis entre les différentes formules mésomères mais l'espèce chimique
réelle est toujours plus stable que chacune des espèces chimiques imaginaires représentées par des formules
mésomères.
Bien entendu les formules qui ne respectent pas les limitations des nombres d'électrons par couche (8
–
e au maximum sur la couche n = 2, ou 2 sur la couche n = 1, ou 18 sur les autres) sont à éliminer.
Les formules mésomères "de poids non négligeable", c'est-à-dire pas trop éloignées de la réalité
sont celles qui respectent la règle de l'octet quand c'est possible, qui comportent le moins de charges
formelles possible et pour lesquelles les charges formelles sont en accord avec l'électronégativité.
Exemples :
L'ion nitrite NO2– : deux formules mésomères de même poids :
La charge – est donc partagée entre les deux atomes d'oxygène et les deux liaisons sont intermédiaires
entre une simple et une double liaison. On constate effectivement par une méthode physique appropriée
(diffraction de rayons X par NaNO2 cristallisé) que les deux liaisons sont de même longueur alors qu'une
double liaison serait plus courte qu'une simple.
L'ion sulfate SO42– ( 5  6  2  32 électrons de valence) a 11 formules mésomères acceptables :
- 6 formules avec le moins de charges formelles possibles : 2 charges – attribuées à O qui est plus
électronégatif que S, ces formules ne respectent pas la règle de l'octet mais S est dans la troisième période...
- 4 formules avec S+ elles ont moins de poids puisqu'il y a plus de charges formelles et qu'elles forment un
groupe moins nombreux.
- 1 formule respectant la règle de l'octet mais qui comporte encore plus de charges formelles.
C'est l'ensemble de ces 11 formules qui représente correctement l'ion sulfate. Tous les atomes O
jouent le même rôle; ils portent la même charge et sont liés identiquement à S.
|
|
O
|
_
O
_|
|
|
_
_
|O
_|
_
|O
_ S O
|O
_|
|
O
_|
| |
_ 2O _
|O
_ S O
_|
|O
_|
|O |
|
|
S
|O
_|
|
|
|
S
O
_
_
O
O
O
O
|O |
S
_
O
_|
|
S
_
_|
O
|
_
|O
_
|
|
|O |
|
_
O
10-3 Règles de Gillespie ou VSEPR : valence shell electronic pairs repulsion (répulsion des paires
d'électrons de la couche de valence)
Les règles de Gillespie ou méthode VSEPR permettent de prévoir la géométrie des molécules et des
ions.
Pour obtenir la géométrie autour du cœur d'un atome, on classe les doublets d'électrons de valence en
trois types :
- doublets n : doublets non liants,
- doublets  : première liaison entre deux atomes,
- doublets  : pour chaque liaison supplémentaire (deuxième ou troisième liaison).
Les doublets d'électrons de valence se repoussent (charges négatives) et tendent donc à s'écarter des
autres, mais du fait de la géométrie des orbitales (voir ci-dessous leurs représentations approximatives) la
répulsion exercée est plus ou moins forte. Elle décroît dans l'ordre n, ,  et celle qui est due à un doublet 
est négligeable en première approximation. On en déduit les règles suivantes :

n

Les doublets de type  ou n s'éloignent le plus possible les uns des autres de façon à minimiser
leur énergie de répulsion .
Cette première règle suffit pour obtenir les ordres de grandeur des angles entre les directions des axes
des orbitales  et n :
Le nombre de doublets  autour du cœur d'un atome A est le nombre d'atomes (notés X) auquel A est
lié. On note E chaque doublet non liant. l'environnement d'un atome est donc représenté par une formule du
type AXnEm.
Par exemple, pour C dans HCN, on a AX2. pour O dans H2O, on a AX2E2.
Les résultats sont les suivants :
AX2 : linéaire, 2 angles de 180 °
exemples : HCN, CO2.
A
A
AX3 ou AX2E : triangulaire (ou "trigonale"), 3 angles de 120 °
exemples : AlCl3, C2H4, H2CO (AX3), NO2– (AX2E).
A
AX4 ou AX3E ou AX2E2 : tétraédrique (ou "tétragonale"), 6 angles de 109 ° 28'
exemples : CH4, SiH4, SO42– (AX4), NH3, PH3, P4, H2NNH2 (AX3E), H2O, H2S,ClOH, H2O2
(AX2E2).
Il y a des exceptions, par exemple Cu(NH3)42+ est "carré".
A
AX5 ou AX4E ou AX3E2 ... : bipyramide à base triangulaire, angles de 120 °, 90 ° et 180 °
exemples : PCl5 (AX5), SF4 (AX4E).
A
AX6 ou AX5E ou AX4E2 ... : octaédrique, angles de 90 ° et 180 °
exemples : SiF62– , Fe(NH3)62+ (AX6), ICl4– (AX4E2)
_
F
_ _F_|
S
|
F
F
|_
| | |
|
_
Les autres règles permettent de prévoir des écarts entre ces géométries simples et la réalité :
La répulsion exercée par une paire n est plus grande que celle qu'exerce une paire .
La présence des paires n referme donc les angles entre les axes des liaisons .
Une paire  renforce la répulsion exercée par la paire  à laquelle elle est associée.
L'augmentation de la densité électronique de l'orbitale  du côté de l'atome le plus électronégatif
renforce la répulsion entre les paires  si cet atome est l'atome central et la diminue dans le cas contraire.
L'application de ces règles supplémentaires permet de comprendre les valeurs des angles entre les
liaisons dans les exemples suivants :
H2O : 104,5 ° NH3 : 107 ° CH4 : 109 ° 28'
H2C=CH2 : 117 ° entre les liaisons C–H et 121,5 ° entre C=C et C–H.
PI3 : 102 °
PBr3 : 101,5 ° PCl3 : 100 ° PF3 : 98 °
H2O : 104,5 ° H2S : 100 °
Dans SF4 formé de :
F (Z = 9) 1s2 2s2 2p5 , il y a 7 électrons de valence, sa valence est de 1.
S (Z = 16) 1s2 2s2 2p6 3s2 3p4, il y a 6 e– de valence, grâce à la transition qui donne .... 3s2 3p3 3d1 la valence
peut être de 4 (et même de 6 avec .... 3s1 3p3 3d2).
Il y a en tout 34 électrons de valence. On a donc la formule de Lewis :
|
_
Cl
_ _Cl_|
_I
|
| |
Cl
Cl
|_
|
_
La VSEPR donne pour cette molécule de type AX4E une forme de bipyramide à base triangulaire.
Mais le doublet non liant est plus répulsif et F est très électronégatif. Il en résulte que les angles de
90 ° conviennent comme angles entre les axes de deux liaisons mais que celui entre l'axe du doublet non
liant et celui d'une liaison doit être plus grand. Le doublet non liant sera en position "équatoriale" et non
"axiale" et les angles seront déformés de la façon suivante :
F
|S F
F
F
Dans ICl4– (36 électrons de valence), de formule de Lewis :
Pour cet ion du type AX4E2, les deux doublets non liants, plus répulsifs, se placeront le plus loin
possible l'un de l'autre :
_ Cl
Cl _I Cl
Cl
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