Nino Ferrer_07 - Le Hall de la chanson

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Séjour en Italie, Nino se tourne vers le rock…
A cette époque, aux alentours de 1968, Nino perd également le contact avec la
réalité. Face aux barricades des étudiants et à toute l’agitation qui aurait dû
normalement convenir à son esprit frondeur et contestataire, il retrouve ses réflexes
bourgeois en pestant contre ces gamins qui foutent le bordel et l’empêchent de
circuler librement avec sa Rolls. Il en a donc un peu marre de la France, mais
heureusement pour lui, d’autres opportunités se présentent à l’étranger, notamment
en Italie ou certains de ses succès qu’il a enregistrés en italien font un tabac comme
« La pelle nera » (« Je veux être noir ») et surtout « Agata », une espèce de tango
qui est également un succès en Allemagne et en Espagne. Il va donc s’expatrier de
plus en plus souvent dans son pays natal, pour participer notamment par deux fois
au festival de San Remo, et finalement s’installer à Rome où il va vivre pendant près
d’un an et demi. Il présente à cette époque là un show télé très populaire sur la Rai,
Lo agata et tu, qui fait qu’encore aujourd’hui, Nino est presque plus connu en Italie
comme animateur télé que comme chanteur. C’est pourtant en Italie que la mutation
la plus importante dans la musique de Nino va intervenir et va conditionner presque
tous ses albums à venir. Entre-temps, et peut-être avec le recul qu’offre la distance
géographique, il reconsidère sa vision sur les évènements de 68 et saisit un peu
mieux les bouleversements en cours aussi bien dans la société que dans la musique,
avec l’émergence du psychédélisme, du blues rock et l’arrivée de groupes comme
Pink Floyd, Led Zeppelin ou Santana qui vont profondément le marquer. En Italie,
donc, il forme un véritable groupe de rock avec lequel il enregistre un album en
public, Rats and Roll’s qui préfigure ce qui va devenir son premier véritable album
conçu en tant que tel, c'est-à-dire Métronomie, qui sort en 1972. C’est évidemment
l’époque reine pour les concepts albums, y compris en France, avec l’album de
Michel Polnareff qui s’intitule Polnareff’s, L’histoire de Mélodie Nelson de
Gainsbourg. C’est aussi l’époque où les chanteurs les plus installés se mettent en
danger en enrôlant de jeunes rockers pour les bousculer de leurs habitudes comme
Léo Ferré avec le groupe Zoo.
Métronomie est une sérieuse césure dans la carrière de Nino, autant au niveau de
l’aspect complètement débridé de la musique que de la nature des thèmes abordés.
Des thèmes en vogue comme la drogue avec le fameux morceau « Cannabis » ou
celui de l’écologie politique directement issu des bouleversements de 68. Il y a
pourtant sur cet album un titre qui aborde le thème de l’écologie sous un angle
beaucoup plus nostalgique. Ce morceau c’est « La maison près de la fontaine », l’un
des premiers succès de Nino avec une chanson mélancolique, que l’on peut
rapprocher du « Petit jardin » de Jacques Dutronc, un autre bouffon génial des
sixties qui s’est lui aussi métamorphosé en un chroniqueur un peu désabusé de cette
nouvelle époque qui s’ouvre alors : celle des années 70. Le succès de « La maison
près de la fontaine », qui se vend à 500 000 exemplaires alors que l’album
Métronomie (« Métronomie », « Les enfants de la patrie »…) n’est qu’un succès
d’estime, inaugure la période où Nino va réaliser des albums de plus en plus
exigeants musicalement tout en sauvant à plusieurs reprises sa peau avec des
singles plus populaires. Installé dans une grande maison de type colonial à RueilMalmaison, Nino inaugure un nouveau genre de communauté baba-cool où les amis
vont et viennent, où il y a toujours plein d’enfants et d’animaux, mais où l’on vit
également dans l’opulence au milieu des voitures de luxe. Il se construit là-bas un
premier studio et il arrive parfois que l’arrière de la Rolls serve pour enregistrer des
© Christophe Conte pour le Hall de la Chanson, 2005
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prises. En 1972, Nino va encore faire une rencontre très importante pour la suite de
sa carrière en la personne d’un guitariste anglais nommé Mickey Finn, qui a pas mal
bourlingué dans le Londres des années 60 et qui a joué avec un peu tout le monde,
notamment Jimmy Page de Led Zeppelin. Finn va entraîner Nino à la découverte de
ce son anglais assez dur et urbain et Nino s’y retrouve car il s’agit encore d’un dérivé
de la musique noire qui constitue la base de sa culture. Il s’accompagne alors d’un
groupe nommé Leggs dont Mickey Finn et sa guitare tentaculaire deviennent
l’élément central. Ils enregistrent un album intitulé Nino Ferrer & Leggs (« L’an
2000 », « L’Angleterre », « La révolution »…) qui prend également en compte les
dernières vibrations du rock anglais, à savoir celui de Bowie, T Rex ou Elton John.
D’ailleurs, le disque est enregistré en partie au Château d’Hérouville, la propriété de
Michel Magne, où toutes les grandes stars du rock anglais défilent à la même
époque. Ce disque signe pourtant le glas de la collaboration de Nino avec Barclay.
Le producteur comme son directeur artistique Léo Missir, qui est toujours le même
depuis que Nino a signé en 1965, ne comprennent pas la direction empruntée par le
chanteur. A leurs yeux, il est dans une impasse dont il ne peut rien sortir de bon,
c'est-à-dire, selon leurs critères, qu’il ne peut rien en sortir de commercial. C’est
comme ça qu’en 1973, lorsque Nino vient les voir avec la maquette d’une chanson
en anglais intitulée « South », le sud donc, ils lui disent « ok, c’est bien mais il faut la
faire en français. » Ce à quoi Nino se refuse catégoriquement, et il a d’ailleurs
l’intention d’enregistrer un album entièrement en anglais. Face à cet entêtement,
Barclay commet l’erreur de lui rendre son contrat et de le laisser libre d’aller proposer
sa chanson ailleurs.
© Christophe Conte pour le Hall de la Chanson, 2005
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