Dopage génétique

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Demain, des athlètes….
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ékin. 24 août 2008. Les Jeux olympiques s'achèvent sur un triomphe de la Chine : 50
médailles d'or, 22 records du monde. Les Chinois ont-ils réussi à mettre en place un
programme généralisé de dopage génétique ? Le monde sportif s'interroge.
ÉVOLUTIONS
RECORD DU MONDE DU 100 M
1968 : 9'95 Jim Hines (USA), JO
de Mexico
1988 : 9'79 Ben Johnson
(Canada), JO de Séoul.
Annulé pour dopage aux
stéroïdes. Le record revient au
deuxième, Carl Lewis (9'92, USA)
1994 : 9'85 Leroy Burrell (USA),
Lausanne
1999 : 9'79 Maurice Greene
(USA), Athènes
14 juin 2005 : 9'77 Asafa Powel
(Jamaïque), Athènes.
GÉNÉRATIONS DE PRODUITS
DOPANTS
Antiquité : arsenic (excitant)
1960 : amphétamines (stimulant
du système nerveux)
1970 : stéroïdes anabolisants
(développement de la masse
musculaire)
1980 : testostérone (masse
musculaire) et hormone de
croissance
1990 : EPO (érythropoïétine,
oxygénation du sang)
2003 : THG (tétrahydrogestrinone, masse musculaire).
AR. Tamines
Pure science-fiction ? "Le dopage génétique arrivera un jour,
assure Olivier Rabin, directeur scientifique de l'Agence
mondiale antidopage (AMA). Certains scientifiques nous
disent avoir été approchés par des sportifs ou leur
entourage." Ainsi Lee Sweeney, chercheur à l'université de
Pennsylvanie (États-unis), qui est parvenu en 2004 à modifier
génétiquement des souris et des rats pour les rendre plus
musclés et plus forts.
Le sujet est déjà source d'inquiétude. Dimanche 4 et lundi 5
décembre, l'AMA organise à Stockholm un symposium
international sur le dopage génétique réunissant une
cinquantaine de scientifiques. "Nous ne possédons aucune
preuve pour dire que des athlètes ont déjà utilisé, ou tenté
d'utiliser, la thérapie génique pour se doper. Mais les
technologies sont connues et en grande partie disponibles",
admet M. Rabin. Principal
frein à leur développement,
selon le scientifique, docteur
en toxicologie : " Le transfert
de gènes n'est pas encore
totalement maîtrisé et limite
les
chances
de
succès.
Intervenir sur des gènes, ça
ne se fait pas dans le fond de
sa cuisine : ce n'est pas aussi
simple que manipuler un
stéroïde ou un stimulant."
La thérapie génique présente un intérêt évident pour les
sportifs, celui d'améliorer leurs performances. Certains gènes
commandent l'augmentation de la masse musculaire quand
d'autres déterminent la quantité de cellules sanguines
présentes dans l'organisme. "A partir du moment où on peut
manipuler ces gènes et déclencher leur fonctionnement ou
leur arrêt à volonté, l'effet peut être similaire à celui de
substances pharmacologiques", explique le directeur
scientifique de l'AMA. Au lieu de doper un sportif en lui
administrant de l'érythropoïétine (EPO) pour améliorer ses
capacités d'oxygénation, et donc de résistance à l'effort, on
pourrait lui inoculer des gènes capables de commander la
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Bothy G.
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production d'EPO.
Déjà, en Espagne, des équipes de médecins travaillent sur
l'identification de gènes pour prévenir certaines blessures sportives.
En Australie, la Fédération de football avait envisagé en 2004 de
tester génétiquement des joueurs pour détecter les jeunes talents
avant de se rétracter devant l'opposition du Comité olympique
australien. D'autres pays auront-ils moins de scrupules à sélectionner
leurs futurs champions sur leur patrimoine génétique ? "Des sociétés
australiennes proposent déjà, à partir d'un prélèvement buccal, de
tester la présence de deux ou trois gènes associés à des
caractéristiques de performance, comme l'ACTN-3, précise le
Français. Certaines dérives sont possibles, comme d'orienter l'avenir
d'un individu en fonction d'un ou de plusieurs gènes."
Depuis 1999, plusieurs équipes scientifiques — au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, ou encore en
Espagne — prétendent qu'il existe un "gène de la performance", l'Angiotensin-Converting Enzyme
(ACE). M. Rabin conteste ces affirmations. "Il ne peut pas y avoir un tel gène, c'est totalement
illusoire. Qu'est-ce qu'une performance ? Un tireur à l'arc n'est pas un coureur de marathon ou
un haltérophile. En revanche, des gènes peuvent être modifiés, altérés, modulés ou régulés pour
améliorer certaines performances : stimuler la sécrétion naturelle d'EPO ou d'hormone de
croissance pour un sportif d'endurance, par exemple."
Depuis 2003, le dopage génétique, même encore virtuel, est inscrit sur la liste officielle "des
substances et méthodes interdites". L'AMA veut combattre le rêve des tricheurs : se doper sans
risque de se faire prendre. L'agence finance actuellement cinq programmes de recherche. "Nous
aurons demain des éléments qui nous permettront de détecter le dopage génétique", prévient M.
Rabin. Une de ces équipes a déjà montré que les manipulations génétiques induisent au niveau
des gènes et des protéines des réactions qui leur sont propres, et donc identifiables. D'autres
travaux prouvent que si on manipule génétiquement un organisme pour qu'il fabrique plus
d'EPO, la trace laissée par cette production artificielle est différente de l'EPO sécrétée
naturellement par le corps.
Une autre piste de recherche est encore plus prometteuse, selon le directeur scientifique de
l'AMA. Le dopage provoque un déséquilibre dans l'organisme en produisant plus de cellules
musculaires ou sanguines. Des chercheurs viennent par exemple d'établir la "signature" génétique
laissée par la prise de stéroïdes chez les souris.
Pour mettre en évidence les nouvelles "preuves" de ce dopage, les autorités cherchent d'autres
méthodes de contrôle et se fonderont de plus en plus sur l'analyse du sang. "Les globules blancs
contiennent un noyau avec de l'ADN qui permettra de déceler toute modification de l'organisme,
ce qui n'est pas le cas de l'analyse d'urine traditionnelle", explique M. Rabin. Selon lui, il sera
également possible d'utiliser la salive et les cellules buccales, facilement accessibles. Et pourquoi
pas les cheveux, à plus long terme.
AR. Tamines
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Bothy G.
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"Des équipes de recherche explorent
même des voies un peu plus
exploratoires comme l'utilisation de
sondes radio marquées", précise le
scientifique.
Actuellement,
ces
techniques sont utilisées pour
détecter certaines formes de cancer
très rares. "Il s'agit d'administrer
une molécule radioactive dans des
fragments d'ADN pour que ceux-ci
deviennent visibles à des caméras
extérieures", poursuit-t-il.
Pour des raisons éthiques, les
autorités antidopage savent qu'elles
pourront difficilement mettre en
oeuvre ce type de pratiques, très
"intrusives", chez des sportifs.
"Mais
ces
recherches
nous
permettent de défricher certaines
voies de la lutte antidopage,
prévient Olivier Rabin. Nous ne voulons négliger aucune piste et être prêt dans le pire des
cas, lorsque le dopage génétique arrivera."
AR. Tamines
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Bothy G.
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