terre ferme ou en traversant des bras de mer. Tout au long de ce périple d'ouest en est, les générations de
navigateurs, qui étaient certes des marins mais aussi des cultivateurs, guerriers, artisans..., ont peuplé toutes les îles
jusqu'au Pacifique oriental. Les Iles Marquises sont considérées comme l'un des plus anciens foyers de dispersion
du peuplement polynésien en Polynésie Orientale : triangle géographique couvrant de part et d'autre de l'équateur
l'espace maritime allant de Hawaii au nord, à l'île de Pâques à l'est et la Nouvelle-Zélande au sud.
Justification de la Valeur Universelle Exceptionelle
Critère iii - Les Iles Marquises portent un témoignage exceptionnel d'une tradition culturelle, d'une civilisation
vivante, qui a failli disparaître.
Si le peuplement des îles par les Polynésiens a été attesté dès le XVIe et XVIIe siècles, les Marquisiens
développèrent une architecture monumentale cérémonielle et d'habitat sans précédent dans cette région du
Pacifique. Ce phénomène s'accompagne d'un essor des arts (notamment la statuaire lithique très riche, les tiki) et
d'un style artistique très spécifique, sans doute liés à la place centrale que jouait la fête, koika, dans la société :
d'immenses rassemblements de tribus avaient lieu sur de grandes places publiques, les tohua, formées de gradins.
Ainsi à Hiva Oa, l'ensemble cérémoniel d'Upeke Pata, ou les nombreux et imposants tiki du site de Iipona en sont
des illustrations imposantes. A Nuku Hiva, la vallée de Hatiheu qui abritait la célèbre tribu des Taipi (décrite par
l'écrivain Melville), comporte sept tohua, dont le grand ensemble mis en valeur de Kamuihei-Teiipoka est un exemple
réputé. L'archipel comporte également un nombre considérable de sites de gravures sur roche, ou pétroglyphes,
isolés sur des blocs rocheux, ou intégrés à l'architecture. Le très grand nombre de sites d'habitat, dans chaque vallée
de chaque île, témoigne d'une démographie importante.
En effet, on estime qu'au moment du contact avec les Européens, à la fin du XVIIIe siècle, l'archipel abritait entre 50
000 et 80 000 habitants. A la fin du XIXème siècle, le peuple et la culture marquisienne étaient près de disparaître
(épidémies, guerres, famines..) : le recensement de 1926 ne comptait plus que 2094 âmes. La démographie
marquisienne remontera dans le courant du XXe siècle et reste aujourd'hui stable, avec plus de 8000 habitants.
Malgré les bouleversements démographiques, sociaux et religieux provoqués par le Contact puis par la colonisation
française, les Marquisiens ont préservé une grande part de leurs traditions et valeurs culturelles, par un phénomène
de résistance exceptionnel. A la fin des années 1970 un mouvement culturel et humaniste, porté par Monseigneur Le
Cléac'h et la fédération culturelle marquisienne Motu Haka, a remis à l'honneur les traditions ancestrales d'un peuple
qui les préservait dans l'ombre. Dès lors, les Marquisiens n'ont eu de cesse de s'affirmer comme une culture forte et
originale au sein de la Polynésie française, et reconnue à l'échelle de tout le Pacifique. Ce renouveau valorisé tous
les deux ans par des festivals culturels, rassemblant Marquisiens, Polynésiens et internationaux, l'essor inégalé de
l'artisanat marquisien, le renouveau du tatouage des motifs marquisiens à la renommée mondiale..., témoignent de
cette tradition culturelle qui a perduré jusqu'à nous.
Critère v - Les îles Marquises constituent un exemple remarquable de peuplement traditionnel, d'utilisation de la
terre ou de la mer qui sont représentatifs de l'interaction humaine avec l'environnement alors que celui-ci,
notamment, est devenu vulnérable sous l'influence de changements irréversibles.
Le climat du nord de l'archipel, à la limite du climat tropical aride, est relativement instable, et provoque des périodes
de sécheresse parfois décennales. Dans le passé, l'apparition et l'accentuation du phénomène climatique El Nino a
certainement eu des conséquences aggravantes. Les Marquisiens ont su adapter leur système économique de façon
à survivre à ces conditions difficiles. Si le ta'o (Colocasia esculenta) était cultivé par irrigation dans les cours d'eau
des vallées, c'est surtout le développement d'une véritable arboriculture qui est caractéristique des Marquises. La
culture de l'arbre à pain (Artocarpus altilis) permettait de constituer de grandes réserves de pâte fermentée de son
fruit dans des silos familiaux et communautaires, qui pouvaient s'y conserver durant des années. Pour exploiter les
ressources marines, différentes des ressources en milieu lagonaire, les Marquisiens ont su adapter des techniques et
un équipement de pêche très spécifiques (types d'hameçons, harpons, etc).
Ces connaissances constituent un patrimoine également immatériel exceptionnel que les Marquisiens intégrèrent à
leur généalogie et à leurs traditions. Le savoir ainsi acquis fut transmis de génération en génération comme une
nécessité vitale. La culture propre aux îles Marquises et ses traditions rendent compte encore aujourd'hui d'un
monde à part où les hommes, en s'adaptant à leur environnement, ont fait naître une civilisation unique et singulière.
Critère vii - Les Marquises représentent des phénomènes naturels remarquables et des aires d'une beauté naturelle
et d'une importance esthétique exceptionnelles.