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LES VULNERABILITES DE L’ALGERIE
Par le Dr. SALAH MOUHOUBI
INTRODUCTION
Selon le dictionnaire Larousse, l’adjectif vulnérable signifie « susceptible
d’être attaqué, battu » ou « qui donne prise aux attaques morales » ou encore
« faible qui donne prise à la critique ». Ces définitions renvoient à plusieurs
concepts. L’un est lié à la sécurité nationale : lorsqu’on est vulnérable, on est
susceptible d’être attaqet même d’être battu. L’autre est lié à la faiblesse, ce
qui veut dire qu’être vulnérable, c’est être faible économiquement surtout et
disposer d’un territoire et d’une position géopolitique qui posent des problèmes.
C’est à partir de ces définitions, et de leurs implications, que l’Algérie
peut être considérée comme l’un des pays les plus vulnérables au monde. Sans
les hydrocarbures, elle figurerait sur la liste des PMA. La structure du PIB, des
échanges extérieurs et des recettes budgétaires fait apparaître la part
disproportionnée des hydrocarbures. Ainsi, l’économie et l’Etat ne fonctionnent
que grâce à la manne pétrolière. La survie du pays est donc la sécurité nationale
dépendent étroitement d’une seule ressource épuisable et, de surcroît, soumise
aux aléas de la conjoncture internationale. D’ailleurs, l’embellie financière, tout
en permettant de financer les programmes de développement en cours et de
constituer de fortes réserves de change, a mis à nu, aussi paradoxal que cela
puisse paraître, les vulnérabilités du pays, à travers notamment la crise
alimentaire mondiale. Non seulement l’Algérie n’a jamais atteint l’objectif
stratégique de sécurité alimentaire mais sans les hydrocarbures, il lui aurait été
quasiment impossible de régler la facture des importations.
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Cependant, il faut souligner que les vulnérabilités de l’Algérie ne sont pas
exclusivement de nature économique. Un territoire immense, semi-aride,
dépourvu de ressources hydriques suffisantes, menacé par la désertification
rampante, inégalement occupé par la population et des infrastructures saturées
dans certaines régions et inexistantes dans d’autres représentent aussi des
vulnérabilités incontestables. A cela, il faut ajouter un développement
économique inachevé car chaotique. Tous ces facteurs représentent autant de
vulnérabilités qui constituent certes un thème récurrent mais toujours d’une
actualité brûlante.
Par conséquent, il est important de cerner ces vulnérabilités ; leur
réduction, voire leur élimination, est une condition sine qua non pour assurer un
avenir maîtrisé à l’Algérie. Elles posent donc un véritable défi qui doit être
relevé par toute la nation.
I) Les vulnérabilités de l’Algérie.
Trois types de vulnérabilités s’imposent d’elles-mêmes. Il s’agit des
vulnérabilités liées :
- au territoire ;
- à la structure de l’économie nationale ;
- à l’impact de l’environnement international ;
1°) Les contraintes imposées par le territoire
L’Algérie est un pays semi-aride dont les conséquences sont :
- des terres agricoles limitées, soit seulement 8 millions d’hectares sur
un total de 234 millions. Selon les experts, il y a 0,24 hectare de terre
par tête d’habitant, alors qu’il en faudrait 0,60 au minimum pour
pouvoir nourrir toute la population ;
- des ressources hydriques limitées ;
- une désertification rampante ;
- une érosion continue.
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Le caractère semi-aride du pays impose une répartition inégale de la
population : une étroite bande du littoral surpeuplée qui regroupe 80 % de la
population. Le reste se répartit entre les Hauts-Plateaux, le Sud et l’extrême Sud.
Cette répartition pose d’énormes problèmes :
- en matière de rationalisation des infrastructures ;
- d’occupation rationnelle du territoire ;
- de protection du territoire, notamment dans l’extrême sud du pays,
sous-peuplé et jouxtant des zones instables.
En résumé, l’Algérie n’est pas un pays agricole en mesure de nourrir la
population. En outre, son territoire est fragile puisqu’il est soumis à une double
dégradation provenant de l’avancée du désert et de l’érosion qui réduisent le
potentiel des terres à vocation agricole. Il faut ajouter à cette donne, les
incertitudes que laissent planer les changements climatiques.
2°) La structure de l’économie nationale.
Depuis l’accession à son indépendance, en 1962, l’Algérie a connu six
étapes dans sa tentative de concevoir et de mettre en œuvre une politique de
développement. Donc de 1962 à nos jours, elle s’est échinée à atteindre des
objectifs dans le cadre d’un développement inachevé comme l’attestent les
péripéties qui émaillent ce processus. Il est d’ailleurs aisé d’exposer brièvement
ces péripéties :
- la période de 1962/1966 : les premiers tâtonnements ;
- la période de 1967/1979 : les mirages du développement ;
- la période de 1980/1985 : l’échec consommé ;
- la période de 1986/1993 : la crise ;
- la période de 1994/1998 : PAS et transition vers l’économie de
marché ;
- la période qui s’ouvre en 1999 : transition inachevée.
Ainsi, l’Algérie n’a pas connu une période continue en matière de
développement. Bien plus, à l’exception de la période 1967/1979 et celle qui
s’ouvre en 1999, toutes les autres se caractérisent par l’instabilité, des remises en
cause, et des crises majeures. Cependant, toutes ces périodes permettent de faire
un triple constat :
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- l’Algérie n’a pas réussi à construire une économie puissante et
diversifiée pour la libérer progressivement de la dépendance à l’égard
des hydrocarbures ;
- l’Algérie a accepté la fatalité de devenir un pays rentier, acceptant
délibérément de tomber dans le piège de la facilité. En choisissant cette
option suicidaire à très long terme, elle n’a pas réussi à réduire ses
vulnérabilités qui, bien au contraire, se sont dangereusement aggravées
au fil des ans ;
- enfin, elle a perdu sa vocation traditionnelle d’exportatrice. Elle a
renoncé à défendre ses parts de marché dans le monde pour ses
produits agricoles, par exemple. Malgré des discours lénifiants, elle est
en fait, en dehors de la mondialisation. Elle subit puisqu’elle n’a à
proposer. En réalité, elle ne veut pas se lancer dans la compétition
internationale que lui imposerait des exigences qu’elle n’est pas prête à
accepter, notamment en ce qui concerne la remise en cause de son
système politique et économique.
En un mot, le développement inachevé se reflète à travers la structure du
PIB, des échanges extérieurs et du budget de l’Etat.
a) La structure du PIB
La structure de l’économie nationale se caractérise par une
pétrolisation excessive. Elle reflète l’échec de la stratégie algérienne initiée
depuis l’indépendance puisqu’elle n’a pas permis la création d’une économie
moins dépendante des hydrocarbures comme le stipulait le fameux slogan :
« semer du pétrole pour récolter des usines ». Cette pétrolisation excessive a
donc aggravé les vulnérabilités du pays comme l’attestent la structure du PIB,
des échanges extérieurs et des recettes budgétaires.
Un seul produit détermine tous les paramètres économiques du pays.
Sur ce plan, l’économie algérienne est atypique et se rapproche davantage
d’un pays sous-développé et monoexportateur. Les fluctuations du prix du
baril de trole agissent immédiatement sur ces paramètres. C’est dire
l’ampleur de la fragilité mais aussi de la vulnérabilité de l’Algérie aux chocs
pétroliers. L’on peut même affirmer sans aucune exagération que sa survie est
liée au prix du baril. Elle fait partie de ces rares pays dans le monde qui
affichent une économie aussi atypique.
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Répartition sectorielle du PIB aux prix courants
(En milliards de dinars)
2001
2002
2003
2004
2005
1443,9
2514,0
412,1
312,7
358,9
958,1
472,2
302,9
4260,8
1477,1
2683,1
417,2
325,9
409,9
1031,0
499,1
377,5
4537,7
1873,2
2987,9
510,0
344,9
446,6
1133,2
553,2
403,1
5264,2
2329,3
3352,3
578,9
368,9
503,9
1293,8
606,6
445,1
6126,7
3394,0
3626,0
577,0
393,0
559,0
1451,0
646,0
499,0
7519,0
(En pourcentage du PIB)
Hydrocarbures
Autres secteurs
Dont : Agriculture
Industries manufacturières
Services des administration publiques
33,89
59,00
9,67
7,34
11,08
32,55
59,13
9,19
7,18
11,00
35,58
56,76
9,69
6,55
10,51
38,02
54,72
9,45
6,02
9,90
45,14
48,22
7,67
5,23
8,59
(Variation annuelle en pourcentage)
Hydrocarbures
Autres secteurs
Dont : Agriculture
Industries manufacturières
Services des administration publiques
Produit Intérieur Brut
-10,7
12,3
19,0
7,6
11,2
3,3
2,3
6,7
1,2
4,2
5,7
6,5
26,8
11,4
22,2
5,8
10,8
16,0
24,3
12,2
13,5
7,0
9,7
16,4
45,7
8,2
-0,3
6,5
6,5
22,7
Source : ONS
Une analyse sommaire de ce tableau permet de conclure :
- le poids prépondérant du secteur des hydrocarbures puisqu’ils sont de
1443,9 milliards de dinars, en 2001, et 3394 milliards de dinars, en 2005 ;
leur part passe ainsi de 33,89 % du PIB en 2001 à 45,14 %, à 2005, soit
une progression de près de 12 points. Durant la même période, la part des
autres secteurs dans le PIB, passe de 2514 milliards de dinars à 3626 en
valeur absolue, mais il y a une régression de près de 11 points en valeur
relative. Ainsi, nous constatons une évolution asymétrique dans les deux
secteurs qui montre l’aggravation de la pétrolisation de l’économie
nationale ;
- tous les secteurs productifs sont en régression en valeur relative, en
l’occurrence l’agriculture et les industries manufacturières puisque leurs
parts respectives perdent 2 points entre 2001 et 2005 ;
- les deux postes « services hors administrations publiques » et « services
des institutions publiques » progressent en valeur absolue grâce à la rente
pétrolière ;
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