Document 1233994

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Formation continue des professeurs de SES
L’économie du développement durable
Montpellier 17 octobre 2014
Alain Beitone
« Nous savons trois choses à propos du réchauffement climatique fait de la main de l’homme.
Tout d’abord, les conséquences seront terribles si nous ne prenons pas rapidement des
mesures afin de limiter les émissions de gaz carbonique. Deuxièmement, en termes purement
économiques, les mesures nécessaires ne devraient pas être trop difficiles à prendre : faits
correctement, les contrôles sur les émissions de gaz ralentiraient sûrement la croissance
économique, mais pas énormément. Troisièmement, ces mesures sont néanmoins très
difficiles politiquement parlant.
Mais pourquoi est-ce si difficile à mettre en place ? Est-ce l’importance des intérêts
particuliers ?
J’étudie ce problème et j’en arrive à la conclusion surprenante que les intérêts particuliers ne
sont pas la principale raison. Ils existent, bien entendu, et jouent un rôle important ; le
financement venant des intérêts alimentés par l’énergie fossile a joué un rôle crucial dans le
fait de maintenir l’illusion que les sciences du climat sont moins ancrées que ce qu’elles ne
sont. Mais les enjeux monétaires ne sont pas aussi grands que ce que l’on pourrait penser. Ce
qui rend les mesures raisonnables sur le climat difficiles à mettre en place c’est autre chose –
un mélange toxique d’idéologie et d’anti-intellectualisme ».
Paul Krugman, Intérêts, idéologie et climat, 10 juin 2014
http://www.rtbf.be/info/chroniques/detail_interets-ideologie-et
climat?id=8288365&chroniqueurId=5032403
« Alors pourquoi l’opposition à des mesures visant à la protection de l’environnement est-elle
si intense ?
Eh bien pensez au réchauffement climatique du point de vue de quelqu’un qui a grandi en
prenant Ayn Rand au sérieux, en croyant que la poursuite débridée de ses intérêts personnels,
c’est toujours bien et que le gouvernement, c’est toujours le problème, jamais la solution. Puis
arrivent certains scientifiques qui déclarent qu’une poursuite de ses propres intérêts, sans
retenue, détruira le monde et que l’intervention du gouvernement est la seule réponse. Peu
importe à quel point votre proposition d’intervention est bienveillante envers les marchés ;
c’est un défi direct à la vue du monde libertarien.
Et la réaction naturelle c’est le déni – un déni en colère. Que l’on lise ou que l’on regarde
quelque débat un peu long à propos de la politique du climat, et l’on se retrouve frappé par le
venin, la rage froide des négationnistes.
Le fait que les inquiétudes quant au climat soient basées sur un consensus scientifique
aggrave encore les choses, parce qu’il joue sur l’anti-intellectualisme qui a toujours été une
force puissante dans la vie américaine, surtout à droite. Il n’est pas vraiment surprenant que
tant de politiques de droite et d’experts se soient rapidement tournés vers des théories du
complot, puis vers des accusations selon lesquelles des milliers de chercheurs partout dans le
monde se liguaient pour mettre en place une supercherie gigantesque dont le but était de
justifier une prise arbitraire du pouvoir par le gouvernement. Après tout, les gens de droite
n’ont jamais aimé ou fait confiance aux scientifiques, dès le début
Le véritable obstacle, alors que l’on tente de faire face au réchauffement climatique, c’est
donc une idéologie économique renforcée par une hostilité envers la science. En quelque
sorte, cela rend la tâche encore plus aisée : en fait, nul besoin de forcer les gens à accepter de
grandes pertes d’argent. Mais il nous faut dépasser notre fierté et notre ignorance volontaire,
et ça, c’est difficile, en effet ».
Paul Krugman, Intérêts, idéologie et climat, 10 juin 2014
http://www.rtbf.be/info/chroniques/detail_interets-ideologie-et
climat?id=8288365&chroniqueurId=5032403
L’environnement dans les programmes de SES
Seconde :
Première
3.4 Quelles sont les
principales
défaillances du marché
?
Asymétries d'information,
externalités, biens collectifs
On
montrera
qu'en
situation
d'information
asymétrique, on constate l'existence d'équilibres
avec rationnement voire l'absence de marché
(marché des voitures d'occasion, marchés des
professionnels de santé et des avocats, marché de
l'assurance, etc.). Les diverses manières de
produire et de diffuser de l'information - labellisation,
publicité, comparateurs de prix, magazines de
consommateurs, etc. - pourront être évoquées, de
même que la réglementation publique sur
l'information.
En s'appuyant sur des exemples, on montrera aussi
que les marchés peuvent être défaillants dans le
domaine de l'allocation des ressources en présence
de biens collectifs ou d'externalités (pollution,
éclairage public, pollinisation par les abeilles, etc.).
Terminale
Thèmes et questionnements
3.1 La croissance
économique est-elle
compatible avec la
préservation den
l'environnement ?
Notions
Capital naturel,
physique, humain,
institutionnel, biens
communs,
soutenabilité,
réglementation,
taxation, marché de
quotas d'émission.
Indications complémentaires
On expliquera pourquoi l'analyse économique du
développement durable, qui se fonde sur la
préservation des possibilités de développement
pour les générations futures, s'intéresse au niveau
et à l'évolution des stocks de chaque type de
capital (accumulation et destruction) ainsi qu'à la
question décisive du degré de substitution entre
ces différents capitaux.
On évoquera, à l'aide d'exemples, les limites
écologiques auxquelles se heurte la croissance
économique (épuisement des ressources
énergétiques et des réserves halieutiques,
déforestation, augmentation de la concentration
des gaz à effet de serre, etc.).
L'exemple de la politique climatique permettra
d'analyser les instruments dont disposent les
pouvoirs publics pour mener des politiques
environnementales. En lien avec le programme de
première sur les marchés et leurs défaillances, on
montrera la
complémentarité des trois types d'instruments que
sont la réglementation, la taxation, les marchés de
quotas d'émission.
Acquis de première : externalités, droits de
propriété, offre et demande, défaillances du
marché
I. Les enjeux environnementaux
POPULATION HUMAINE
Nombre d’humains
Usage des ressources naturelles
ACTIVITES HUMAINES
Agriculture
Industries/Services
Loisirs/Tourisme
Commerce international
BIOCHIMIE GLOBALE
ADDITIONS ET
TRANSFORMATION
DES TERRES
Altération du cycle du
carbone
Déforestation
Forêts
Altération du cycle de
l’azote
Invasion d’espèces
Chasse
Pêche
Pâturage
Fertilisation
DESTRUCTIONS BIOTIQUES
Altération du cycle de
l’eau
Pollutions chimiques
CHANGEMENT CLIMATIQUE
Effet de
serre/Réchauffement
Evènements
climatiques extrêmes
PERTE DE DIVERSITE
DEGRADATION DES
BIOLOGIQUE
ECOSYSTEMES
Extinction/mise en
danger des espèces
Dégradation des
services écosystémiques
Diminution des
populations
Moindre résilience
écologique
Le changement économique et écologique planétaire
au cours du 20ème siècle (1890-1990)
Facteur
d’augmentation
Population
4
Population urbaine
13
Economie (PIB)
14
Production industrielle
40
Consommation d’énergie
13
Emissions de CO2
17
Emissions de SO2
13
Consommation d’eau
9
Prises de poissons marins
35
Superficie des forêts
0,8 (baisse de 20%)
Lecture : la population mondiale a été multipliée par un facteur 4 entre 1890 et 1990
Source : E. Laurent et J. Le Cacheux, Economie de l’environnement et économie écologique, Armand
Colin, Coll. Cursus, 2012
Excluabilité : l'accès au bien peut être rendu
payant
Non excluabilité : l’accès au bien ne peut pas
être contrôlé par un prix
Biens privatifs :
riva
lité
-:
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l'us
age
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unit
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chev
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Biens de club :
priv
nt
e
- programme de télévision
crypté
les
- salles de spectacle
aut
- autoroutes à péage
res
- connaissances protégées par la
propriété intellectuelle
- les biens tutélaires (contrôle
comme les cigarettes ou l'accès à
Biens communs :
- banc de poissons
- les ressources
forestières
non rivalité :
l'usage d'une unité de
bien n'en prive pas les
autres.
public de l'accès à un bien privatif,
l'éducation)
Biens collectifs :
- la défense nationale
- les phares maritimes
- les radios libres
- les connaissances non
brevetées
- la préservation du climat
Source : E. Buisson-Fenet et M. Navarro, La microéconomie en pratique, Armand Colin, Coll.
Cursus2012
Les différents types de capital
Type de capital
C’est un stock
Capital naturel
Constitué par la nature elle-même, mais
susceptible d’être détruit par l’usage :
réserves de pétroles ou de minéraux,
biodiversité, couche d’ozone, qualité de
l’eau et de l’air, etc.
Capital physique produit
Ensemble des machines, des bâtiments,
des outils, des infrastructures, etc.
utilisés au cours du processus de
production
Par extension, capital immatériel au
sens de la CN (logiciels).
Il s’use et doit être remplacé
(amortissement)
Ensemble des connaissances et des
aptitudes qui sont « incorporées » aux
individus grâce à l’expérience et à la
formation.
Capital humain
Capital
social
institutionnel
et
Ensemble des règles normes et relations
sociales qui structurent les interactions
sociales.
Ce
capital
social
et
institutionnel est bien produit et
accumulé par le comportement des
acteurs privés ou publics. Il peut
s’accroître ou se réduire.
Source : Alain Beitone
…qui produit des services ou des
revenus
Utilisation marchande ou non de ces
ressources (vente de pétrole ou de
charbon), protection par la couche
d’ozone contre certains rayonnements
solaires, satisfaction esthétique à la
contemplation de la nature, etc.
Production
Revenus du capital
Surcroit de revenu pour une quantité de
travail donnée en faveur de l’individu
qui a accumulé plus de capital humain (il
ne faut donc pas assimiler travail et
capital humain)
Surcroit de bien-être, de productivité,
gestion plus efficiente du capital naturel
(biens communs).
Le capital naturel
« De même que le capital productif ou le capital humain, le capital naturel recouvre un ensemble très
large de composants allant des ressources naturelles épuisables ou renouvelables à l’ensemble des
services que rend l’environnement. Les aspects en terme de ressources ne posent que peu de
difficultés d’appréhension qu’il s’agisse de ressources épuisables telles que le pétrole, le charbon, le
gaz ou encore l’uranium ou de ressources renouvelables telles que la forêt, les ressources agricoles
et halieutiques, la biodiversité (définie en terme de génome) ou encore l’eau. Nous avons
généralement l’impression de pouvoir les concevoir sans trop d’effort. Il est à noter que l’utilisation
des ressources exige le plus souvent une immobilisation de capital physique, mais dans le cas des
ressources renouvelables cela nécessite également l’existence de services de régulation naturels qui
permettent leur reproduction. La détérioration de ces services risque en effet de provoquer la
raréfaction, voire la disparition de biens antérieurement considérés comme « libres », c'est-à-dire
disponible en quantités infinies : l’eau, l’air, la stabilité du climat, la biodiversité,… Lorsque nous
nous intéressons aux différents services rendus par la nature, la palette à tendance à s’élargir avec
des services de production (alimentation, ressources énergétiques, production d’eau, ressources
pharmaceutiques, ressources génétiques ou encore ressources ornementales), des services de
régulation (qualité de l’air, érosion, purification de l’eau, régulation climatique, amortissement des
effets des aléas climatiques), des services primaires (formation des sols, photosynthèse, cycle de
l’eau, cycles des nutriments essentiels à la vie) ou encore des services culturels participant à la
créativité, l’inspiration, aux valeurs éducatives ainsi qu’à un certain nombre d’activités récréatives
allant de la contemplation d’un paysage aux activités sportives de plein air. De manière rétroactive
une détérioration de ces différents services peut impacter négativement nos capacités de production
directement ou indirectement. L’apparition d’un certain nombre de maladies liées, par exemple à la
pollution atmosphérique, peut dégrader le capital humain engendrant ainsi un coût non négligeable
pour l’ensemble de l’économie, de même pour la dégradation d’éléments naturels constitutifs du
capital productif par exemple la raréfaction des ressources en bois, en biodiversité ou la dégradation
des nappes phréatiques.
Il apparaît ainsi que le capital naturel joue un rôle non nul dans la productivité de nos deux facteurs
de production habituellement considérés. Dans ce cas, il est logique de considérer qu’une partie de
la création de la valeur soit imputable au capital environnemental.»
Source : P-A Jouvet et C De Perthuis (2012), « La croissance verte : de l’intention à la mise en
œuvre », Les cahiers de la chaire économie du climat, Série Information et débat n°15
K. Schubert : Quels enseignements tirer des modèles économiques de croissance, in Les économistes
et la croissance verte, Conseil économique pour le développement durable, Mai 2012
Institutions et coopération (Elinor Ostrom)
Source : Elinor Ostrom, « Par-delà les marchés et les états », Revue de l’OFCE, n° 120, 2011
http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/120/r120-2.pdf
Capital naturel et capital social pour quelques pays
CHINE
JAPON
ETATS-UNIS
Source : Inclusive Wealth Report 2012
http://www.unep.org/pdf/IWR_2012.pdf
Evolution du parc automobile français, 1978-2007, en millions de véhicules
Source : E. Laurent et J. Le Cacheux, Economie de l’environnement et économie écologique, Armand
Colin, Coll. Cursus, 2012
Paradoxe de Jevons (effet rebond)
« Il est illusoire de penser qu’un usage plus économique d’un
carburant conduit à une consommation moindre. C’est l’exact
opposé qui est vrai » (Jevons, 1865).
« Une illustration sectorielle simple du « paradoxe de Jevons » est offerte par la
dynamique des gaz à effet (GES) de serre issus du transport routier dans
l’Union européenne. Selon l’Agence européenne de l’environnement (2009),
les véhicules routiers servant au transport de personne ont vu l’intensité de
combustion des énergies fossiles qu’ils utilisent reculer de plus de 40% de 1990
à 2005 et leur intensité carbonique reculer de l’ordre de 2%. En revanche, le
nombre de kilomètres parcourus a littéralement explosé, progressant de plus
de 100% sur cette période, de même qu’a progressé le nombre de voitures
privées dans la flotte totale (de près de 10%). Le transport de marchandises
connaît une évolution voisine, avec une progression de plus de 80% du
kilométrage, de 40% de la part des camions dans la flotte totale de véhicules,
tandis qu’a reculé leur intensité carbonique (de 2%) et leur intensité de
combustion (de près de 30%). En d’autres termes, les innovations
technologiques ne suffisent pas à compenser l’effet volume du transport
routier depuis 1990. Au total, les émissions de GES liées au transport,
imputables à 90% au transport routier, ont progressé de plus de 20% dans
l’Union européenne ».
Source : E. Laurent et J. Le Cacheux, Economie de l’environnement et économie écologique, Armand
Colin, Coll. Cursus, 2012
Elinor Ostrom et le marché
La théorie dominante recommande de se fier aux marchés, aux droits de propriété et à
l'idée que, si les individus possèdent les ressources, ils en prendront soin. Qu'en pensezvous ?
Utiliser les seules incitations des marchés pousse à surexploiter
rapidement la ressource. Par exemple, en pêcherie, si vous vendez le
poisson et retournez pêcher davantage, tant qu'on peut vendre, cela
conduira probablement à une surpêche. Mais, si l'on établit une règle
commune pour que ne pas pêcher une partie de l'année, les
pêcheurs gagneront plus d'argent sur vingt ans, car la filière restera
productive.
La théorie du marché est bonne pour les biens privés qui présentent
peu d'externalités, c'est-à-dire d'impact environnemental non pris en
compte dans le prix du bien. En ce qui concerne les grands systèmes océans, forêts, atmosphère -, elle n'est pas efficace, parce que ces
biens présentent trop d'externalités.
Elinor Ostrom (Interview par Hervé Kempf) Le Monde, 6 septembre 2009
La question de l’actualisation
Valeur actualisée d’un million d’euros
Taux d’actualisation de 2 %
Taux d’actualisation de 4 %
Taux d’actualisation de 8 %
à 30 ans
à 100 ans
552 000
138 000
308 000
20 000
99 000
400
Source : Rapport Lebègue (2005).
Plus le taux d’actualisation est faible, plus la préférence pour le futur est forte et plus on est fondé à
demander des efforts importants aux générations présentes.
« Actualiser fortement « écrase » l’avenir : cela revient à donner moins de poids à l’avenir qu’au
présent. Par exemple, avec un taux d’actualisation de 10%, il n’est légitime de dépenser un euro
aujourd’hui pour combattre le changement climatique que si cette dépense est susceptible de
rapporter 14 000 euros dans 100 ans ! Avec un taux d’actualisation de 2%, dépenser un euro
aujourd’hui est légitime si cette dépense est susceptible de ne rapporter ne serait-ce que 7,30 euros
dans 100 ans. Choisir le bon taux d’actualisation est délicat. Un taux trop élevé sacrifie les intérêts des
générations futures. Un taux trop faible conduit les générations actuelles à faire des sacrifices
économiquement injustifiés »
R. Guesnerie et Nicholas Stern (2012), 2 économistes face aux enjeux climatiques, Editions Le
Pommier (p. 33)
« Le choix d’un taux d’actualisation social reflète donc des choix de politique économique ainsi qu’une
éthique sociale. Il exprime un jugement de valeur, et aussi un jugement sur l’avenir, et par là une
vision plus ou moins optimiste du futur.
La valeur actuelle des sommes futures est en effet d’autant plus faible que les taux d’actualisation
sont élevés. La détermination des termes de l’échange entre le présent et le futur exprime une plus ou
moins grande impatience du présent, un degré plus ou moins élevé de myopie à l’égard du futur. Une
forte dépréciation du futur, se reflétant dans des taux d’actualisation élevés, incite à se comporter
comme si l’on n’avait pas d’avenir, à jouir de la consommation présente en renonçant à investir, c’està-dire à construire l’avenir. L’horizon temporel est très limité. A l’inverse, plus les taux d’actualisation
sont faibles, plus l’importance accordée au futur est grande. Des taux d’actualisation nuls, c’est-à-dire
l’absence d’actualisation, situe sur le même plan les valeurs perçues dans le présent et dans le futur.
L’horizon temporel est repoussé à l’infini. On peut même imaginer des taux d’actualisation négatifs
reflétant une valeur du futur supérieure à celles qui est accordée au présent »
Annie Vallée (2011), Economie de l’environnement, Seuil, Coll. Points, (pp. 302-303)
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