Musée d’art Thomas Henry / Service éducatif Cérès foulant aux pieds les attributs de la guerre De Simon Vouet (1590 – 1649) ____________________________________________________________ Huile sur toile 114.5 x 98.3 H/T Eléments biographiques : Simon Vouet est né le 9 janvier 1590 et mort le 30 juin 1649 à Paris. Fils d’un maître peintre Laurent Vouet, c’est probablement avec son père qu’il fera ses premiers apprentissages en peinture de 1600 à 1610. Issu d’une famille bourgeoise aisée, Simon Vouet voyagera beaucoup dans sa jeunesse. C’est comme cela qu’à 14 ans, il est choisi pour aller à Londres faire le portrait d’une grande dame, fort honorable par sa naissance et sa beauté. De retour à Paris, il sera ensuite choisi par l’ambassadeur de France à Constantinople (le Baron de Sancy) pour le suivre à la porte Ottomane et réaliser ainsi des portraits du grand Turc de 1611 à 1612. 1 Mais ce séjour n’est qu’une étape, avant son voyage en Italie, qui débutera vers 1613, par Venise puis ensuite Rome, en 1614. En 1621, on le trouvera à Gênes, puis en 1626, à Naples. On le verra également à Milan et à Parme. A cette époque, Rome est la capitale incontestée des arts et beaucoup d’artistes s’y précipitent pour admirer des exemples de la renaissance comme Raphaël ou Michel Ange. Le jeune Vouet se laisse tenter par le ténébrisme du Caravage et réalise des chefs d’œuvres du genre comme « Diseuse de bonne aventure » ou « St Jérôme et l’ange ». Sous le pontificat d’Urbain VIII Barberini, Vouet deviendra un des premiers peintres de la ville éternelle et surtout, le chef de file de l’école française à Rome. Il reçoit à ce titre la plus haute distinction artistique romaine et est élu en 1624, au principat de l’Académia di San Luca, puissante corporation de peintres et sculpteurs romains. Urbain VIII, le fera travailler en 1624, à la Basilique St Pierre de Rome, sur une grande fresque murale (malheureusement détruite au XVIII e siècle) qui servira par la suite d’écrin à la « Piéta » de Michel Ange. Après quinze années passées en Italie, où entre temps, il s’est marié avec Virginia Di Vezzo miniaturiste italienne, Simon Vouet est rappelé a Paris par Louis XIII en 1627. C’est alors une deuxième carrière qui commence pour lui. Il deviendra premier peintre de Louis XIII et en vingt ans multipliera les retables, décors de galerie, d’appartements et autres cartons de tapisserie sans pour autant délaisser les peintures de chevalet. Un important atelier se constituera autour de lui pour honorer les multiples commandes dont il fait l’objet. Elèves et spécialistes tels que Juste d’Egmont, Pierre Patel ou encore François Belin vont œuvrer et collaborer avec des peintres comme Le Sueur ou Le Brun futures gloires du siècle au sein même de l’atelier de Vouet. Celui-ci devient l’entrepreneur de grands chantiers décoratifs qu’il réalise pour le Roi Louis XIII, l’aristocratie ou l’église. L’un des chantiers les plus importants de sa carrière fut très certainement les décors de la chapelle, de l’oratoire du Roi, et le plafond de la chambre de la Reine du château de Saint Germain en Laye de 1635 à 1637. A partir de 1644, bien que son style commence à devenir « démodé », il travaille pour Anne d’Autriche à Fontainebleau et au Palais Royal. De tout cela, et en particulier des décors profanes, il ne reste que bien peu de choses car son œuvre a largement pâti des destructions consécutives aux changements de goûts. Heureusement, Simon Vouet eu le souci constant de pérenniser ses œuvres par le biais de la gravure. Et quelques vestiges provenant de décors royaux démembrés subsistent pour notre plus grand bonheur tels que : - « Allégories de la vertu, de la charité et de la richesse » (1630-1635) Musée du Louvre. « Nymphes au corsage généreux » Musée de Nancy Un nombre important d’œuvres dont : - « Loth et ses filles » (1633) Musée des Beaux-Arts de Strasbourg - « Allégorie de la Richesse » (1630/1635) Musée du Louvre - « Allégorie de la Charité » (1630/1635) Musée du Louvre - « Allégorie de la Vertu » (1640) St Germain en Laye - « La présentation de Jésus au temple » ( 1641) Musée du Louvre. - « Le ravissement de St Louis » (1642) Musée des Beaux-Arts de Rouen - « Cérès foulant aux pieds les attributs de la guerre » (vers 1645) Musée Thomas Henry à Cherbourg. - « Saturne vaincu par l’amour, Vénus et l’espérance » (1646) Musée de Bourges - « L’enlèvement d’Europe » (1640) Collection Thyssen Ou encore les peintures de retables : - « Les Apôtres au tombeau de la Vierge » et « l’Assomption de la Vierge » Eglise de Saint- Nicolas des Champs Paris - « Le martyre de Saint Eustache et de sa famille » Eglise Saint Eustache Paris 2 Apports culturels : Simon Vouet est le peintre français qui a introduit les courants Italiens et le style Baroque dans la peinture française. Durant sa période Italienne, (1613-1627) c’est le naturalisme et le clair obscur du courant Caravagesque qui le séduit, formats à mi-corps, éclairages latéraux violents et un goût du réalisme qui va peu à peu s’adoucir. On retrouvera ce traitement dans le « Spadassin » au Muséum Herzog de Brunswick ou encore dans la « Diseuse de bonne aventure » d’Ottawa. Mais avec des œuvres comme « Les anges et la passion » de Naples ou encore « L’entendement, la mémoire et la volonté » du Capitole s’amorce déjà l’éloignement du courant Caravagesque. Trois tableaux d’autel, exécutés à la fin de son séjour en Italie marquent une évolution rapide dans le style de l’artiste. Peinture tout en mouvement et courants d’air amorce, ici un naturalisme nouveau, probablement d’inspiration vénitienne qui préfigure déjà un genre prometteur de l’allégorie. « La circoncision » (1622) Eglise Sant’Angelo Naples. « L’apparition de la vierge à Saint Bruno » (1626) Chartreuse de San Martino « Le temps vaincu » (1627) Prado. La période Parisienne. Simon Vouet rentre à paris en 1627 un peu précipitamment sur ordre de Louis XIII. Paris est en pleine reconstruction à l’époque et Louis XIII le veut immédiatement pour premier peintre. Rapidement les commandes affluent, appartements Royaux, cartons de tapisseries, galeries, chapelles, églises autant de lieux où le monumentalisme doit être de rigueur. C’est donc vers ce style monumental que Vouet va évoluer sans pour autant abandonner la peinture de chevalet. Pour honorer ses commandes, il ouvre un atelier où de futures gloires tels Le Brun ou Le Sueur parmi tant d’autres viendront collaborer. L’entreprise est presque familiale deux de ces collaborateurs épouseront des nièces de Vouet et il mariera deux de ses filles à François Tortebat et Michel Dorigny. Le style de Simon Vouet aura un impact très fort sur les carrières de Le Sueur ou Le Brun mais ceux-ci finiront par s’en détacher pour adopter un style plus personnel. De 1627 à 1649, pendant près de 20 ans Vouet réalise un nombre incalculable de chantiers. Parmi les plus célèbres : En 1629, peinture du retable de l’Eglise Saint Nicolas-des-Champs. En 1630-1631, réalisation avec l’aide de François Perrier, de la décoration de la galerie du château de Chilly, pour le Marquis d’ Effiat. Puis de la galerie du château de Chessy, pour le Président Fourcy. En 1632-1635, réalisation du décor de la galerie des hommes illustres au Palais Cardinal ainsi que la chapelle du château de Rueil pour Richelieu. En 1634, il entame le décor de la galerie supérieure de l’hôtel du surintendant des Finances Claude Bullion. En 1635, il peint le maître hôtel de l’église Saint Eustache. Il commencera également à cette date une série de douze grands tableaux de l’Histoire de Théagène et Chariclée pour le décor du Château de Wideville, propriété de Bullion. De 1635 à 1637, il peint au château Neuf de Saint Germain en Laye les décors de la chapelle, de l’oratoire du Roi, et le plafond de la chambre de la Reine. A partir de 1636, il travaille aussi dans l’hôtel du chancelier Séguier dont il décore la chapelle puis la bibliothèque. En 1640-1641, viennent les travaux pour les jésuites. Retable de l’église professe Saint Louis et pour le noviciat des jésuites une « Vierge prenant les jésuites sous sa protection ». A partir de 1644, il travaille pour Anne d’Autriche à Fontainebleau (vestibule de la galerie de Diane) et au Palais royal (cabinet des bains, oratoire, chambre et petite galerie). 3 Ses compositions, comme toutes celles du XVI, XVII et XVIIIe siècles, sont construites à partir d’une géométrie de lignes dynamiques. Elles sont larges, enlevées, rythmées par le mouvement, spirales et courbes épousent le mouvement des drapés, les coloris sont éclatants, baignés d’une lumière blonde ou argentée. Admirable dessinateur, Vouet est profondément attaché au réel. Les gestes, les attitudes des personnages, les mises en perspectives, les détails sont remarquables de réalisme. Simon Vouet fait un très grand nombre de dessins préparatoires, où ses figures sont exécutées à la mine noire rehaussée de blanc sur papier gris ou beige. Il fera également des études d’ensemble, avec parfois des mises au carreau. Au cours de sa carrière parisienne, Vouet s’adonnera aussi à la technique du pastel et fera toute une galerie de portraits de personnages de la cour de Louis XIII. Hélas, ces pastels appartiennent tous à des collections privées et ne sont pas visibles du public. Vers 1640, on peut noter dans la carrière de Simon Vouet un rapprochement assez significatif avec le classicisme (préciosité du dessin et du coloris). C’est aussi à cette période que la peinture de Simon Vouet commence à ennuyer le Roi. Celui-ci d’ailleurs, demandera à Nicolas Poussin peintre classique du « Grand genre » (la peinture d’histoire) de devenir son peintre officiel Le Roi déclarera à l’endroit de Simon Vouet : « Voilà Vouet bien attrapé ! » Ce qu’il convient de retenir, c’est que le baroque Italien que Vouet amena en France n’en fit pas pour autant un peintre superficiel de second ordre. Les sujets religieux qu’il peignait n’étaient pas moindres que la peinture d’histoire de Nicolas Poussin. La peinture française reste encore très marquée par l’œuvre de Simon Vouet. Celui-ci aura eu au moins le mérite de synthétiser le baroque italien et le classicisme français pour donner lieu à un baroque français. Simon Vouet dominera la scène artistique jusqu’à sa mort en 1649 et son style Baroque français sera repris par Le Brun à Versailles sous Louis XIV. Analyse de l’œuvre : Cérès foulant aux pieds les attributs de la guerre vers 1645 et gravée en 1666 est une œuvre décorative commandée par Anne d’Autriche pour illustrer la politique de sa régence. Cette peinture est une allégorie (représentation d’idées par des figures symboliques). Ce tableau est organisé de manière géométrique autour du personnage de Cérès. Une ligne oblique relie les « Putti » (petits anges) aux trophées foulés des pieds de la Déesse Cérès. Une autre ligne oblique relie Neptune à Pluton en faisant se croiser le trident de Neptune et la gerbe de blé de Cérès. Cette composition est complexe et présente autour de deux personnages principaux Cérès et Neptune tous les nombreux symboles des bienfaits de la paix sur la terre et la mer. La gravure réalisée en 1666 à partir de l’œuvre originale commente ainsi le tableau : « Ainsi la Paix écarte le Mal, autant elle engendre le Bien. Donc, ne doit-il pas aimer la Paix, celui qui veut être heureux ? » 4 Mais qui sont ces personnages ? Cérès est la déesse de la terre et surtout des moissons. Neptune quant à lui est Dieu de l’eau et de la mer Pluton est le Dieu des enfers mais aussi des richesses souterraines. Qu’a voulu représenter Simon Vouet dans cette allégorie ? Cérès est le personnage central de l’œuvre, l’artiste a voulu rassembler de nombreux symboles sur le thème de la paix et de l’abondance qui triomphe de la guerre. Pour la paix, c’est le rameau d’olivier dans les mains des « putti » et la couronne d’olivier sur la tête de Cérès. Pour l’abondance, c’est le blé que Cérès tient dans sa main mais aussi la présence de Pluton Dieu des enfers mais également dieu des richesses souterraines. Pour alléger sa composition Vouet représente Pluton sous la forme d’une statuette accompagnée d’un Cerbère, chien a trois têtes garde des richesse infernales. Quant à Neptune, il est identifiable à son trident et accompagné de chevaux marins et d’une queue de triton. On peut y voir ici un symbole de réconciliation entre la terre et l’eau. La paix est aussi symbolisée par des trophées de victoire. En effet on voit Cérès fouler des pieds ce qui est symbole de la gloire militaire dans l’antiquité (deux casques, un bouclier, un carquois rempli de flèches et le faisceau que les magistrats romains portaient en signe de guerre auxquels s’ajoute un étendard) Ces objets se retrouvent sous forme de trophées décoratifs dans le décor des palais classiques. Cette scène est présentée devant un temple ionique qui renforce la mise en scène par la perspective de ses colonnes. Le temple a évidemment une connotation religieuse et on peut y voir en haut à gauche un bas relief ou est représentée une scène de sacrifice qui fait penser à un ex-voto*. Tous ces symboles concourent à renforcer l’idée des bienfaits de la paix. La composition de l’ensemble est construite à partir d’une géométrie permettant de relier les éléments essentiels autour de lignes dynamiques. Cette composition est très rigoureuse et permet de disposer de nombreux symboles sans nuire à l’effet général. La plupart de ces symboles se réfèrent à une culture classique et religieuse que Simon Vouet partageait avec ses clients. Il était de cette manière plus aisé pour lui de les intégrer dans les grands travaux commandés comme les décors de palais, de châteaux et les églises. Ce type d’œuvre nécessite de posséder certaines clefs pour pouvoir en apprécier le propos. En cela que l’art classique nécessite un minimum de culture globale. Ex Voto : tableau, objet ou plaque gravée qu’on suspend dans une église ou un lieu vénéré, à la suite d’un vœu ou en mémoire d’une grâce obtenue. 5