Justice environnementale : «Pour nous citoyens, le droit est une arme»
Le Monde, 4 Décembre 2015 (Par Angela Bolis)
http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/12/04/faux-proces-monsanto-france-devant-les-
tribunaux-la-justice-environnementale-en-action_4824634_3244.html
La France sera-t-elle le prochain Etat à passer devant les tribunaux pour politique climatique
négligente ? Après le cas des Pays-Bas, condamnés en juin à réduire davantage leurs émissions de
gaz à effet de serre, c’est au tour de l’association « Notre affaire à tous » d’emprunter la voie
judiciaire pour tenter de contraindre Paris à prendre des engagements de réduction de ses émissions
plus ambitieux, et des mesures plus efficaces contre le dérèglement climatique.
Premier pas de cette procédure, l’association a envoyé, jeudi 3 décembre, une réclamation à l’Etat
français pour lui demander de « remédier au préjudice » que constitue le changement climatique
pour les populations présentes et futures. A défaut d’une réponse positive dans les deux mois, elle
portera plainte au tribunal administratif. La toute jeune association, créée cet été pour une meilleure
reconnaissance des droits de l’environnement, est composée d’un noyau d’une dizaine de militants,
pour la plupart juristes, certains issus de l’ONG End Ecocide on Earth, et de certains membres
d’Europe Ecologie-Les Verts – dont son porte-parole Julien Bayou. « En France, c’est une
première, souligne sa présidente, Marie Toussaint. Pour nous citoyens, le droit est une arme, et peut
faire surgir des choses surprenantes.
»Surprenantes, comme par exemple le verdict sans précédent qu’a prononcé le tribunal de La Haye
en juin, en condamnant l’Etat néerlandais à réduire ses émissions de 25 % d’ici à 2020 par rapport à
1990. Les juges, donnant raison à l’ONG Urgenda qui a mené l’opération, ont estimé que l’effort
actuel était insuffisant au regard de la contribution des Pays-Bas au réchauffement planétaire. Et
qu’il était du devoir du gouvernement de protéger sa population contre les impacts attendus du
dérèglement climatique. Cette opération a inspiré, depuis, de nombreuses initiatives, par exemple en
Belgique, où l’association Klimaatzaak (Action pour le climat) a engagé un procès similaire contre
les autorités en avril.
Lire aussi : Aux Pays-Bas, le premier jalon historique d’une justice climatique
Un vrai-faux procès contre Monsanto
Signe de l’essor des mouvements en faveur d’une justice environnementale, l’annonce de « Notre
affaire à tous » est survenue presque simultanément avec celle, jeudi après-midi, de la fondation
Tribunal Monsanto. Celle-ci a donné le coup d’envoi de son opération de vrai-faux procès contre la
multinationale agrochimique, lors d’une conférence de presse sur le site Place to Be.
La fondation, qui a lancé « la plus grande plateforme de crowdfunding jamais réalisée » pour
récolter un million d’euros, est composée d’ONG et de personnalités comme la militante écologiste
indienne Vandana Shiva, l’ancienne ministre de l’environnement Corine Lepage, l’ancien
rapporteur de l’ONU sur le droit à l’alimentation Olivier de Schutter, le professeur Gilles-Eric
Séralini, ou encore Marie-Monique Robin, auteure de l’enquête Le Monde selon Monsanto.
Même s’il n’est pas reconnu, le procès, qui aura lieu à La Haye en octobre 2016, se déroulera «
avec une vraie procédure judiciaire, de vrais juges, de vrais avocats, de vrais témoins », a affirmé
Marie-Monique Robin. « On veut faire de ce procès un exemple, pour montrer comment des
grandes entreprises, uniquement mues par le profit, mettent en danger la santé des populations et la
sécurité climatique, a-t-elle expliqué. La COP21 a exclu l’agriculture de ses négociations, alors