Qui peut croire que le modèle atomiste proposé par Niels Bohr fût inspiré par Démocrite ?
Dans les sciences, le passé, au contraire, peut constituer l’obstacle épistémologique à
surmonter. C’est pourquoi Nietzsche nous exhorte dans sa Seconde considération
intempestive à « ne plus nous concevoir comme les héritiers du passé, mais comme les
descendants des erreurs et des égarements des générations à cause desquelles nous sommes
là. » (1874, 1988, p. 30).
C’est dans cette perspective que Hamel et Prahalad (1995, p. 59), nous invitent à « apprendre
à oublier ».
Ils discernent en effet dans le passé un double risque :
Les leçons du passé qui laissent une trace profonde et sont transmises d’une génération à l’autre
constituent un double danger pour toute entreprise. D’abord, avec le temps, chacun perd de vue
l’origine de ses convictions. Ensuite, le dirigeant peut en venir à croire que ce qu’il ignore ne vaut pas la
peine d’être connu […] et il est rare que le dirigeant cherche l’origine de telle conception de
l’entreprise, de la stratégie, de la concurrence ou du secteur d’activité. Dans quel environnement a-t-elle
vu le jour ? De quoi nos convictions dépendent-elles ? Il en résulte un respect excessif pour ce qui fut .
Car le passé influence progressivement les façons de penser, les réussites d’hier peuvent
devenir facteur de sclérose, et le succès appeler… l’échec.
« ce que [le dirigeant] connaît le mieux, c’est souvent le passé. Les lois de la réussite dans le monde
d’hier se sont inscrites dans son esprit à mesure qu’il gravissait les échelons de la hiérarchie. Or, à
moins que ces remparts contre l’originalité ne soient brisés, l’entreprise sera incapable d’inventer son
avenir » (Hamel et Prahalad, 1995, p. 63).
En définitive, l’histoire serait superflue, voire nocive. D’où le précepte auquel nos auteurs
aboutissent : « évoquer moins volontiers les leçons du passé pour former les salariés de
demain (entraîner les soldats à utiliser le pic ou l’arc ne présente guère plus d’intérêt quand on
vient de découvrir le mousquet » (Hamel et Prahalad, 1995, p. 65).
Que peut-on ajouter d’autre ? Si, peut-être noter que dans l’ordre alphabétique, juste après
Hamel et Prahalad, on trouve Hamon et Torres les auteurs de Mémoires d’avenir (1987).
1.2 Quand des gestionnaires « racontent des histoires »
Il est fréquent que les gestionnaires aient recours à l’histoire dans leurs propos ; mais elle est
trop souvent mal menée.
L’exemple de Nonaka et Takeuchi (1997) est éloquent à cet égard. Les auteurs tirent leur
argument des différences culturelles entre Occident et Orient. Pour appréhender la pensée
occidentale, les auteurs se fondent sur certains thèmes développés par quelques
philosophes choisis. En introduction, ils proposent une histoire succincte de la philosophie
de la connaissance en différenciant l’Occident, caractérisé, selon eux, par l’explicite (ils
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