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Préambule
La famille des Herpesviridae est sans aucun doute une des familles virales les plus
intéressantes et ce, pour diverses raisons. Premièrement, elle regroupe des espèces virales
infectant tout le règne animal depuis les invertébrés jusqu’aux vertébrés supérieurs dont
l’homme. Ce dernier subit l’infection de plusieurs espèces d’Herpesviridae dont certains sont
responsables de pathologies graves. Deuxièmement, les Herpesviridae sont capables, en plus
d’un cycle réplicatif lytique, d’établir une infection latente réactivable qui persiste durant
toute la vie du sujet infecté. Troisièmement, l’origine de la famille des Herpesviridae est
ancestrale et remonte à au moins 200 millions d’années. Il est généralement admis que les
Herpesviridae ont évolué selon un phénomène de co-spéciation avec leurs hôtes. Ce
processus de co-évolution explique l’adaptation remarquable de certains Herpesviridae à
leur hôte chez qui ils n’induisent aucune pathologie; alors que le passage accidentel de ces
espèces virales chez une espèce hôte non-naturel peut engendrer une pathologie mortelle.
Quatrièmement, les Herpesvirales possèdent un génome de très grande taille (supérieur à
100 kb et pouvant atteindre 300 kb pour l’herpèsvirus cyprin 3 (CyHV-3)) et pourvu de
certains gènes ayant une origine cellulaire. Enfin cinquièmement, l’aspect le plus fascinant
de cette famille virale est, sans aucun doute, la diversité et la complexité des interactions
qu’ils établissent avec leurs hôtes. C’est à ce titre que notre laboratoire étudie divers modèles
d’infection à Herpesviridae. Ci-dessous sont résumés en cinq thématiques les résultats
principaux obtenus par notre laboratoire au cours des 8 dernières années lors de l’étude des
interactions hôtes-herpèsvirus.
I/ Evolution des herpèsvirus
L’herpèsvirus bovin 4 (BoHV-4) est un gammaherpèsvirus appartenant au genre Rhadinovirus
au même titre que l’herpèsvirus humain 8 (HHV-8), l’agent responsable du sarcome de
Kaposi. Le BoHV-4 a été isolé, de par le monde, de bovins sains ou atteints de pathologies
diverses. Son rôle en tant qu’agent étiologique d’une entité précise reste un sujet de
controverses. En 2000, le séquençage du génome du BoHV-4 a révélé un gène nommé Bo17,
présentant un très haut degré d’homologie avec un gène humain codant pour une enzyme
de la famille des -1,6-Nacétylglucosaminyltransférases (1,6GnT) (Vanderplasschen et al.,
2000). Cette découverte est fascinante à plus d’un titre. Tout d’abord, parce que tous les
membres de la famille des 1,6GnTs sont impliqués dans des processus biologiques majeurs,
notamment liés à l’immunité et aux différenciations cellulaires et tissulaires. Ceci laisse
supposer que Bo17 pourrait jouer un rôle clef dans la biologie du BoHV-4. Aucun autre virus
n’étant connu pour exprimer une 1,6GnT, le BoHV-4 représente un modèle unique pour
l’étude de la biologie complexe de cette famille enzymatique dans le contexte d’une
infection virale. Ensuite, le haut degré de conservation de cette séquence virale d’origine
cellulaire a suggéré une acquisition très récente de ce gène par l’ancêtre du BoHV-4 au
cours de l’évolution. L’ORF Bo17 constitue par là un modèle adéquat pour étudier l’origine et
l’évolution d’un gène d’herpèsvirus acquis aux dépends de son hôte.
Nos recherches sur l’ORF Bo17 ont été à l’origine de résultats inespérés. Tout d’abord, nous
avons pu démontrer que la séquence Bo17 du BoHV-4 constitue un gène exprimé au cours
de la multiplication virale et dont le produit d'expression est un homologue fonctionnel de la
C2GnT-M humaine douée des activités core 2, core 4 et I. Le BoHV-4 reste à ce jour le seul
virus qui code pour ce type de glycosyltransferase (Vanderplasschen et al., 2000).