Mieux adapter les soins aux aînés, depuis l

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Actualités
par Michel Dongois
Projet Optimah du CHUM
Mieux adapter les soins aux aînés, depuis l’urgence
jusqu’aux unités de soins
Les soins à la clientèle âgée ne
concernent pas seulement ceux de
longue durée. En effet, 88 % des
aînés vivent à domicile de
façon souvent autonome et
consultent pour des soins dans
toutes les spécialités. À l’hôpital,
les patients de plus de 75 ans
contribuent pour près de 40 % aux
journées d’hospitalisation1. Le milieu hospitalier doit donc s’adapter aux particularités de cette
clientèle. Le CHUM s’y emploie avec
l’approche Optimah2, déployée
dans quatre unités de soins, dont
deux urgences. On vise à l’implanter dans la majorité des unités.
La vigilance du médecin
Que signifie pour le médecin le fait de tenir compte au quotidien des particularités de la personne âgée ? La Dre Annik Dupras donne quelques indices, soulignant que, bien souvent, c’est l’évaluation initiale qui manque. Il
est essentiel de :
 surveiller l’apparition du délirium et traiter rapidement les causes;
 surveiller et intervenir tôt si les apports nutritionnels sont insuffisants;
 redoubler de vigilance face aux médicaments prescrits, pour mieux tenir
compte de la physiologie du vieillissement et de son impact
sur la pharmacocinétique et pharmacodynamique;
 cesser dès que possible les traitements qui entravent la mobilité
(sonde urinaire, soluté en continu);
 encourager et éduquer le patient quant à l’importance du maintien
de son autonomie durant son séjour.
L
e séjour à l’hôpital, ou à l’urgence, constitue en soi un risque
pour la personne âgée si l’approche de soins n’est pas adaptée. Ainsi, 30 % des gens âgés se retrouvent avec un syndrome d’immobilisation ou un délirium. Le
déconditionnement débute souvent
dès leur arrivée. « Or, il est possible
de prévenir en bonne partie ce syndrome dysfonctionnel, disent en
chœur la Dre Annik Dupras, gériatre, et Sylvie Lafrenière, infirmière
et conseillère en soins spécialisés
(clientèle des personnes âgées). On
reconnaît les particularités des enfants. De même, l’ensemble des professionnels de la santé doit être sensibilisé et formé aux particularités et
aux vulnérabilités liées au vieillissement, souvent accéléré en présence
de maladies chroniques. »
La prévention, ça marche, affirment
la Dre Dupras et Sylvie Lafrenière. Là
où l’on a procédé à des interventions
de soins adaptés, selon des études, on
observe une amélioration de l’état
fonctionnel au congé et du taux de
délirium d’au moins 30 %. On note
aussi une diminution de l’usage des
contentions physiques et chimiques,
et du taux d’hébergement.
Sur le terrain
Responsables du développement de
l’approche Optimah du CHUM,
Sylvie Lafrenière et la Dre Dupras
ont conçu, entre autres, un outil
baptisé « Les signes vitauxAÎNÉES » (SV-AÎNÉES). Il cible six
aspects de la santé reconnus, pour
lesquels une détérioration est indicative ou prédictive de complications et de déclin fonctionnel chez
l’aîné. Six signes vitaux que l’équipe
médicale doit surveiller au quotidien et intégrer dans sa routine de
soins auprès de chaque patient âgé :
 Autonomie et mobilité
 Intégrité de la peau
 Nutrition et hydratation
 Élimination
 État cognitif et comportement
 Sommeil
Les étapes
À l’équipe soignante de vérifier
d’abord l’état habituel et actuel de ces
six SV-AÎNÉES à l’arrivée à l’hôpital.
Dès l’admission, on met en place des
interventions préventives systémati-
Photo : Michel Dongois
Sylvie Lafrenière et la Dre Annik Dupras
ques, et des interventions de traitement des problèmes cernés. Pour les
patients connus comme étant à haut
risque, ces interventions sont intensifiées en collaboration avec l’équipe
interprofessionnelle et avec l’implication active du patient et de ses proches aidants. L’équipe s’assure enfin
de la continuité de cette vigilance
tout au long du parcours de soins.
On peut s’étonner que cela ne soit
pas déjà une réalité tant ces principes semblent évidents. Mais plus les
soins deviennent sophistiqués sur le
plan technique, plus on tend à
oublier la base. Et surtout, note la
Dre Dupras, chez certains médecins, c’est tout un changement de
culture qui s’impose. « Parallèlement au traitement de la maladie
aiguë, il faut prêter une attention
particulière à l’aspect cognitif et
fonctionnel de la santé, afin d’assurer un réel succès de nos interventions de pointe », ajoute-t-elle.
En effet, il ne s’agit pas simplement
de viser la survie de la personne
âgée, mais d’être attentif à sa qualité
de vie et de personnaliser ses objectifs thérapeutiques en fonction de sa
vulnérabilité propre. En bref, d’insérer les SV-AÎNÉES dans le plan de
suivi et de traitement individuel.
Une proportion significative de
médecins ne reconnaît pas les facteurs de risque des complications
iatrogènes chez sa clientèle âgée3. Il
est donc essentiel de mettre à jour
les connaissances et de les intégrer
dans les soins quotidiens de l’ensemble des soignants, incluant le
corps médical. Et ce, particulièrement en ce qui a trait au délirium, au
syndrome d’immobilisation et aux
particularités liées à la prescription
de médicaments pour cette clientèle. Ainsi, il sera possible, à travers
leurs interventions de soins, d’intégrer des mesures d’intervention préventives, de dépistage et de traitement précoce de ces complications
fréquentes, afin d’éviter la spirale
malheureuse entraînant la perte
d’autonomie, autrement évitable.
10 | L’actualité médicale | www.ProfessionSante.ca | 19 janvier 2011
Examen périodique
Soigner une personne âgée peut
être complexe, car les symptômes
des maladies sont souvent atypiques chez elle. « Ils peuvent se présenter uniquement par un changement des signes vitaux-AÎNÉES »,
note la Dre Dupras. De plus, les
SV-AÎNÉES permettent d’évaluer
le retentissement des problèmes de
santé dans une perspective globale
et fonctionnelle. « Cet outil peut
donc aussi être utile pour le suivi
des personnes âgées en première ligne, lors de l’examen périodique,
par exemple. »
Par ailleurs, les équipes de bénévoles collaborent également en
effectuant des « visites de stimulation cognitive et sensorielle » au
chevet des aînés plus vulnérables,
identifiés par l’équipe soignante.
« Optimah est une approche de
petits pas », résume Sylvie Lafrenière. Mais c’est aussi une priorité
au CHUM, la haute direction et
les autorités médicales, DSP en
tête, appuyant l’initiative. Une
trousse d’implantation aidera à
soutenir, étape par étape, l’implantation de l’approche Optimah. Elle
sera disponible sous peu aux établissements intéressés. 
Pour en savoir plus
sur les SV-AÎNÉES
et l’approche Optimah :
Dre Annik Dupras
[email protected]
Sylvie Lafrenière
[email protected]
Pour consulter le document
Approche adaptée à la personne âgée
en milieu hospitalier :
www.iugm.qc.ca/iugm/documenta
tion/publications/rapports-en-ligne
1. Info Med-Echo, bulletin no10, mai 2008.
2. Acronyme pour « Approche interdisciplinaire
d’optimisation des soins aux personnes âgées
à l’hôpital ».
3. Fernandez, Arch Int Med 2008; 168 (4): 3906.
Au-delà de ces indications pratiques, la Dre Dupras ajoute : « Les personnes
âgées n’ont pas toutes la même vulnérabilité et ce n’est pas parce qu’un
patient est âgé que tout se détériorera inéluctablement pour lui. »
processus de soins favorisant
le déclin fonctionnel
 Repos au lit d’emblée et sans indication encore très fréquent
 Mesures de remplacement de la contention méconnues
 Dénutrition sous-évaluée et sous-traitée
 Mesures de dépistage et d’intervention sur le délirium déficientes
 Usage souvent non justifié de culottes d’incontinence (installées d’office)
 Surutilisation des psychotropes
 Usage de médicaments non appropriés à la personne âgée
 Dosages inadéquats de médicaments
Personne âgée hospitalisée
encore plus vulnérable
 Prévalence plus importante de maladies chroniques;
 Trouble de la mobilité et atteinte cognitive et fonctionnelle de base
fréquents;
 Comorbidités et symptômes communs;
 Présentation atypique de maladies fréquentes;
 Polypharmacie fréquente.
Des chiffres qui parlent
Un événement indésirable survient involontairement durant les soins. Il est
indépendant de la situation de base des patients et entraîne un préjudice.
Un événement indésirable affecte 7,5 % des Canadiens hospitalisés1.
Parmi les patients âgés en bonne santé au départ2 , cet événement :
 affecte 14,3 % des aînés hospitalisés;
 double la durée de séjour (+10 jours);
 augmente les coûts de 7500 $ par patient.
 chaque heure passée à l’urgence augmente le risque de 3 %.
Par ailleurs
 Le quart des réactions indésirables médicamenteuses
aurait pu être évité3;
 60 % des patients alités le sont sans aucune indication médicale4;
 Une journée d’immobilité = 3 jours de récupération;
 Une semaine d’immobilité = 3 semaines de récupération;
 Chaque jour d’immobilité cause une perte de 1 % à 3 %
de la masse musculaire.
1. Étude canadienne sur les événements indésirables (2004).
2. Forum Gestion des soins de santé. Adverse events in older patients admitted to acute
care, 2009. CHUM.
3. Sager, 1998, Clin Ger Med 14(4) 669-79.
4. JAGS 2004 52(8) 1263-70.
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