Une introduction à la mondialisation Contents 1. Qu’est-ce que la mondialisation ? .................................................................................................... 1 1.1 Ouverture des pays au commerce international ......................................................................... 1 1.2 Internationalisation des entreprises ............................................................................................ 5 1.3 L’endettement des pays pauvres, un fléau de la mondialisation ? ............................................. 6 3 La mondialisation est-elle irréversible ? ........................................................................................... 7 3.1 Un premier épisode au XIXème siècle......................................................................................... 7 3.2 Convergence des valeurs culturelles ? ....................................................................................... 9 Références .......................................................................................................................................... 14 1. Qu’est-ce que la mondialisation ? La mondialisation est un ensemble de phénomènes liés entre eux incluant, à des degrés divers : i. ii. iii. iv. L’augmentation rapide de la part des activités ouvertes à la concurrence mondiale L’internationalisation des entreprises sous forme d’IDE et de prises de participation L’accroissement de la mobilité des facteurs (travail et capital) La convergence des valeurs culturelles et politiques 1.1 Ouverture des pays au commerce international L’accroissement du commerce des biens est le plus facilement mesurable, car ils sont enregistrés par les douanes de tous les pays. 1 Figure 1 Commerce de biens : (Import + export)/PIB Croissance du commerce mondial vs. croissance du PIB mondial 70.00 60.00 50.00 40.00 Low & middle income 30.00 High income 20.00 10.00 1960 1964 1968 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004 2008 - Source : WDI Source: WTO, World Trade Report 2013 On note : o Déplacement de l’activité intérieure par la concurrence internationale (destruction et création d’emplois) o Dépendance accrue à l’égard de l’extérieur, mais, par la même, réduite à l’égard des chocs intérieurs o Renversement de tendance à la fin des années 80 : les pays émergents deviennent plus ouverts que les pays industriels Déclin des pays industriels dans le l’activité et le commerce mondial (meilleure répartition) : Figure 2 Part des pays de l’OCDE dans le revenu mondial (a) En dollars constants (b) à la PPP 90.00 70.00 80.00 60.00 70.00 60.00 50.00 40.00 50.00 Share of world GDP, constant dollars, OECD Share of world GDP, constant dollars, non-OECD 40.00 30.00 30.00 20.00 20.00 10.00 10.00 Share of world GDP at PPP, OECD Share of world GDP, at PPP, non-OECD - 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 1960 1963 1966 1969 1972 1975 1978 1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 - Source : World Bank, World Development Indicators 2 Figure 3 Evolution de la composition géographique du commerce mondial Source : Yoshino (2012) Figure 4 Classement des exportateurs mondiaux de biens en 2012 On observe des tendances similaires en termes de commerce de services. Leur augmentation a marqué le pas pour les pays en développement dans la fin de la décennie 2000 mais il ne s’agit probablement que d’un phénomène temporaire. L’importance des exportations de services en Inde est particulièrement spectaculaire. 3 Figure 5 Exportations de services depuis les années 70 (a) Exportations de services en pourcentage du (b) Même chose, Inde seulement PIB, par niveau de revenue 14 18 16 12 14 10 12 8 10 Low & middle income 6 8 High income 6 4 4 2 0 0 1971 1974 1977 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 2007 2010 2 Source: World Bank, World Development Indicators Figure 6 Exportations de services commerciaux, 2012 Source : WTO, World Trade Report 2013 4 Trade in services (% of GDP) 1.2 Internationalisation des entreprises L’internationalisation des entreprises se voit dans la croissance des flux d’IDE (Figure 7). Figure 7 Flux d’IDE entrants (nets au niveau de l’entreprise), % du PIB 6.00 5.00 4.00 3.00 Low & middle income High income 2.00 1.00 2009 2006 2003 2000 1997 1994 1991 1988 1985 1982 1979 1976 1973 1970 - Source : World Bank, World Development Indicators On note l’ordre de grandeur beaucoup moins grand (1%-5% du PIB) que pour le commerce. On note également que les IDE sont très cycliques et le sont encore plus pour les pays industriels. Enfin, les flux entrants d’IDE vers les pays industriels et les pays émergents sont corrélés positivement : il n’y a pas d’effet de substitution entre pays industriels et émergents. Figure 8 Flux d’IED sortants, % du PIB 7.00 6.00 5.00 4.00 Low & middle income 3.00 High income 2.00 1.00 2010 2007 2004 2001 1998 1995 1992 1989 1986 1983 1980 1977 1974 1971 - Source : World Bank, World Development Indicators En ce qui concerne les flux sortants, on observe une croissance très rapide des flux en provenance de pays émergents. Jusque dans la décennie 2000, il s’agissait dans la plupart des cas de sorties de capitaux liées à une situation économique détériorée. Depuis 2000, on observe par contre un mouvement d’internationalisation d’entreprises du Sud (entreprises chiliennes en Argentine, chaînes de supermarchés Kenyanes en Ouganda, etc.) qui reflète leur montée en puissance. 5 1.3 L’endettement des pays pauvres, un fléau de la mondialisation ? La dette des pays pauvres, en pourcentage du PIB, a connu une courbe en cloche, avec un pic au tournant du siècle. La baisse peut être attribuable aux nombreuses initiatives de réduction de dette, en particulier la plus efficace, l’initiative dite PPTE (pays pauvres très endettés), qui consistant en un pardon de dette extérieure par le club de Paris en échange de conditionnalités très fortes. Figure 9 Dette exterieure, % du PIB 45.00 40.00 35.00 30.00 25.00 20.00 Low & middle income 15.00 10.00 5.00 1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009 - Source : World Bank, World Development Indicators Attention cependant: Le graphique pourrait être sévèrement biaisé. Si on met tous les pays en développement, le dénominateur est enflé par la présence de la Chine. Il faut donc limiter l’échantillon aux pays à faible revenu, ou aux pays d’Afrique. En fait, cet ajustement change les valeurs (voir l’axe vertical) mais ne change cependant pas la forme générale de la courbe. Figure 10 Dette extérieure, % du PIB 100 90 80 70 60 50 Low income 40 SSA 30 20 10 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 0 Source : World Bank, World Development Indicators 6 3 La mondialisation est-elle irréversible ? La mondialisation est souvent considérée comme un phénomène à la fois nouveau et irréversible. Cependant, elle est le deuxième épisode, après un premier qui s’est mal terminé. 3.1 Un premier épisode au XIXème siècle Le développement des chemins de fer et des premières technologies de communication (le télégraphe) au XIXème siècle a provoqué une première vague de mondialisation entre 1815 et 1875, sanctionnée par une série d’accords de Libre Echange dans les années 1860. Figure 11 La première divergence Source : WTO, World Trade Report 2013 Cette vague de mondialisation a été suivie d’un retour du protectionnisme entre 1875 et la Première Guerre Mondiale (Tableau 1). Tableau 1 Niveau des droits de douane moyens, 1875-1913 7 Source : Bairoch et Kozul-Wright (1996) Ce retour du protectionnisme s’est accompagné d’un essor de la réthorique nationaliste et xénophobe qui a contribué, avec les rivalités commerciales (notamment entre l’Angleterre et l’Allemagne) au déclenchement de la Première Guerre Mondiale, sans vraiment entraver l’essor du commerce et des migrations durant la période qu’on a appelé la Belle Epoque. C’est entre les deux guerres que l’anti-mondialisation a atteint son paroxysme, et en particulier pendant la Grande Dépression de 1929-1935 (Figure 12). Figure 12 Et le retour de bâton Source : WTO, World Trade Report 2013 8 Ce renversement pourrait-il se produite ? On pourrait le croire au vu de la montée des discours xénophobes, « communautaristes », et anti-immigrants dans beaucoup de pays. Cependant des garde-fous existent aujourd’hui qui n’existaient pas au siècle dernier. La principale différence entre la première et la seconde mondialisation est l’existence des institutions supranationales (Banque Mondiale, FMI et OMC) créées à la conférence de Bretton Woods en 1944. L’OMC, en particulier, institutionnalise et est garante des règles du système commercial multilatéral. 3.2 Convergence des valeurs culturelles ? La définition de différences de valeurs culturelles entre pays remonte essentiellement aux travaux de Hofstede (1980) qui avait caractérisé les sociétés selon 5 dimensions d’attitude au travail à partir d’une enquête mondiale sur 117'000 employés d’IBM (où il avait fondé un département de recherche sur le personnel) entre 1967 et 73. Les dimensions étaient au départ (d’autres ont été ajoutées par la suite, et ici je réécris les noms de ces dimensions pour les rendre plus transparents) : 1. 2. 3. 4. Acceptation du pouvoir Individualisme Aversion au risque Compétitivité (ce qu’il avait appelé « masculinité ») auquelles se sont ajoutées par la suite deux autres : 5. Patience 6. Restreinte Ces travaux ont lancé une véritable industrie de mesure des distances culturelles et de leurs implications pour le comportement des entreprises (e.g. modes d’entrée). En gros, l’acceptation du pouvoir est la plus forte dans les pays émergents (Asie, Pays Arabes, Amérique Latine) ; les EtatsUnis sont au milieu. L’individualisme est le plus fort dans les pays industriels. L’aversion au risque est la plus forte en Amérique Latine et dans les pays germanophones. La compétitivité est la plus faible dans les pays scandinaves et au Chili mais très forte au Japon et en Suisse. La patience est la plus forte en Asie ; quant à la restreinte, elle est la plus forte en Asie de l’Est. Figure 13 Les catégories culturelles de Hofstede dans le monde Acceptation du pouvoir Individualisme 9 Source : http://www.clearlycultural.com/geert-hofstede-cultural-dimensions/uncertainty-avoidance-index/ Compétivitité (« masculinité ») Aversion au risque Source : http://www.clearlycultural.com/geert-hofstede-cultural-dimensions/uncertainty-avoidance-index/ Questions (inter alia) : Le pays est-il la bonne unité d’observation ? La variation entre pays est-elle supérieure à la variation intra-pays ? Plus récemment Thoenig et al. (2009) mesurent la distance culturelle entre deux pays i et j par l’indice de factionnement Fij dans les réponses aux questions du World Values Survey. Intuition: supposons qu’il n’y ait qu’une seule question et qu’elle soit binaire (oui/non). Soit i un pays, et si la proportion de répondants avec « oui ». L’indice de fractionnement interne est Fi 1 si 1 si 2 1 Hi 2 (1) où Hi est l’indice de concentration de Herfindahl. Il est égal à la probabilité que deux individus pris au hasard dans le pays i répondent différemment à la question. Si on interprète si comme un groupe 10 ethno-linguistique, Fi est l’indice de fractionnement ethno-linguistique largement utilisé par les géographes et les sociologues.L’indice de distance culturelle entre les pays i et j est défini de façon similaire par Dij 1 si s j 1 si 1 s j (2) Et correspond à la probabilité que deux individus pris au hasard dans les pays i et j respectivement répondent différemment à la question. Avec toujours une question, mais à choix multiples (n = 1,…,N réponses possibles), l’indice devient Dij 1 n sin s jn (3) Finalement, avec k questions à choix multiples, on prend la moyenne des indices par question Dij 1 1 n sin s jn K k Tableau 2 Question-type du World Values Survey Source: World Values Survey 11 (4) Figure 14 Evolution de la distance culturelle, 1989-93 à 2000-2003 Source : Thoenig, Maystre, Olivier, Verdier 2009 L’existence d’une proportion substantielle de points au-dessous de la droite à 45o suggère que la distance culturelle s’est réduite pendant la « seconde mondialisation », un fait remarquable. Parmi les déterminants de la distance culturelle, le commerce international semble jouer un rôle important. Empiriquement, la valeur de l’indice dépend des facteurs observables suivants : Table 1 Déterminants de la distance culturelle 12 Source : Thoenig, Maystre, Olivier, Verdier 2009 13 Références Bairoch, Paul, and Richard Kozul-Wright (1996), “Globalization Myths: Some Historical Reflections On Integration, Industrialization And Growth In The World Economy”; WIDER discussion paper 113; Geneva: United Nations. Hofstede, Geert (1980), Culture’s consequences: International differences in work-related values; Beverly Hills, CA: Sage. Thoenig, Mathias, N. Maystre, J. Olivier et T. Verdier (2009), « Product-Based Cultural Change : Is the Village Global ? » ; CEPR dp 7438. OMC (2013), World Trade Report 2013; Genève: OMC. Yoshino, Yutaka (2012), Uncovering Drivers for Growth and Diversification of Tanzania’s Exports and Exporters; A Technical Background Report on Export for the 2014 World Bank Tanzania Country Economic Memorandum; Washington, DC: The World Bank. 14 Annexe: Les origines du commerce mondial Les routes commerciales de l’Antiquité La Haute Antiquité L’Egypte, grand empire de la Haute Antiquité, importait essentiellement de l’encens de ce qui est aujourd’hui le sud du Pakistan. L’encens, utilisé pour les cérémonies religieuse et pour des vertus hygiéniques imaginaires, arrivait par des chaînes de caravanes et de cabotage, chaque maillon parcourant une distance limitée. En 1460 av. JC, la reine Hatshepsout envoie une expédition navale reconnaître le pays d’origine de l’encens que les égyptiens appellent le pays de Pount. L’expédition passe le détroit de Bab el Mandeb (« porte de l’affliction ») séparant la Mer Rouge de la Mer d’Oman. Elle ramène des arbres à encens qui d’ailleurs ne survivront pas à la transplantation. La reine en tire une gloire considérable, bien que le pharaon Sahouré l’ait déjà tentée mille ans plus tôt (ce qui avait été oublié entre temps). Le commerce international se développe lentement avec la civilisation phénicienne (qui occupe le Liban actuel, capitale Tyr) dont les marchands exportent de la « pourpre » (une teinture textile). Leur « bateaux noirs » transportent des produits alimentaires (huile, blé. orge) et des produits de luxe (animaux, esclaves). Ils importent d’Europe du Nord des minerais (cuivre, argent, étain) en passant par le détroit de Gibraltar grâce à des ancres flottantes. En 814 av. JC, ils fondent Carthage, qui deviendra elle-même une grande cité commerçante (et rivale de Rome). L’Antiquité classique Alexandre ouvre les routes terrestres du commerce avec l’Asie en emmenant son armée jusqu’à Kaboul et Peshawar en 330 av. JC. Néarque fait le voyage de retour par la mer. Les Grecs découvrent ainsi les marées et la mousson. En même temps, un autre Grec, Pythéas, mène une expédition navale sur la route de l’étain (importé de Suède) jusqu’en Islande (ultima Thulé, par 63o Nord). Il découvre lui aussi les marées, ainsi que la banquise. Les Grecs et les Romains importent de grandes quantités de poivre et d’épices d’orient. En 290, les Grecs font ériger le premier phare à Alexandrie. Comme ils n’exportent pas de produits manufacturés, le monde antique a un déficit commercial chronique avec l’Asie, financé par de l’or. En 24 av. JC, Strabon compte jusqu’à 120 navires mettant à la voile pour l’Inde chaque année. Il s’agit de gros cargos de mille tonnes dont certains vont jusqu’à l’actuelle Ahmadabad (Pakistan) pour prendre livraison de la soie livrée par des caravanes venant de Chine et d’autres jusqu’à Ceylan. Ils traversent l’Océan Indien en pleine mousson avec des pilotes Tamouls pour arriver dans les ports indiens quand ils rouvrent juste à la fin de celle-ci. Dans le même temps, de grosse jonques chinoises transportaient régulièrement la soie et les épices depuis la Chine jusqu’à la mer Rouge et au Golfe Persique, avec pour destinations Bagdad et les villes méditerranéennes. Le déclin du commerce antique La productivité agricole de l’Italie romaine étant décroissante entre le 1er siècle av. JC et le IVème siècle ap. JC, Rome importe des quantités croissantes de céréales d’Egypte et d’Afrique du Nord. Claude fait construire en 42 un port artificiel à l’embouchure du Tibre capable d’abriter 200 15 navires. Mais ce commerce comme le commerce au long cours avec l’Inde ne résiste pas à l’effondrement de l’Empire Romain au Vème siècle. Toutes les routes commerciales disparaissent les unes après les autres. Certaines revivront sous l’Empire Arabe. Les produits indiens et chinois parviennent à Bagdad, mais par cabotage, les bateaux arables n’étant pas conçus pour la navigation hauturière. Par contre, en pacifiant la zone qui va de l’Afghanistan à l’Afrique du Nord, les Arabes développent le commerce terrestre qu’ils organisent avec des « caravansérails » (haltes pour marchands). Le commerce médiéval En Europe, le commerce du Moyen-âge est essentiellement terrestre. La chute du califat de Bagdad en 1258 sous les coups de Gengis Khan élimine les routes traditionnelles du monde arabe mais en recrée de nouvelles. Marco Polo en profite pour visiter l’Asie et la faire connaître aux occidentaux. Le commerce intra-européen, lui, se développe avec les foires du XIIIème siècle. Les routes étant peu sûres, les marchands du Moyen-Age développent des techniques financières pour assurer les paiements internationaux comme la lettre de change (A en France a une dette à B en Hollande, et C en Hollande a une dette à D en France. Alors A paie D). Les commerçants du Moyen-Age développent également des formes de sociétés (en commandite). Venise La route terrestre par Constantinople est détruite sur ordre des Vénitiens lors de la dernière croisade, qui met la ville à sac. Venise devient alors maîtresse du commerce sur la Méditerranée, annonçant une nouvelle période commerciale. Les commerçants vénitiens sont partout et contrôlent les filières d’approvisionnement : c’est la fin des chaînes d’intermédiaires locaux indépendants. Ils renvoient aussi systématiquement les cargaisons défectueuses, déplaçant le risque sur les intermédiaires orientaux. C’est déjà le modèle du commerce européen d’aujourd’hui. La « galère », un fort convoi escorté, emporte 1.5 tonne d’or vénitien vers Alexandrie et en rapporte 2'500 tonnes d’épices, qui sont vendues jusqu’à 40 fois leur prix. Les marchands vénitiens vendent aussi des esclaves achetés sur la côte des balkans (des slaves) qui sont revendus dans les casernes et les harems arabes (avec l’assentiment de l’Eglise). D’autres convois maritimes allaient en Flandre par le détroit de Gibraltar acheter de l’or et de l’argent des mines hongroises. Avec l’âge, d’aventuriers les commerçants deviennent banquiers. Le commerce chinois Le Moyen-Age marque l’apogée du commerce maritime chinois. En 1341, le voyageur arabe Ibn Battuta décrit de grosses jonques chinoises à quai à Calicut (côte ouest de l’Inde, dite « des Malabars ») de 4 mats ou plus, longues de soixante mètres, pouvant transporter plusieurs dizaines de marchands et leurs familles, avec installations sanitaires, barbier, bazar etc. Ces jonques naviguaient aux étoiles sur une latitude constante en haute mer. Mais c’est la fin d’une époque. Après l’invasion de la Chine par Kubilaï Khan, la dynastie Yuan (1276-1368) multiplie les taxes confiscatoires. Les adversaires du commerce font interdire le commerce privé avec les pays étrangers en 1395 et le commerce des grains par la mer en 1415. En 1436, l’Empereur Zhentong punit de mort la construction de navires hauturiers à plusieurs mats. La Grande Muraille est achevée dans le même siècle –après 1'800 ans de travaux—et la Chine entre en hibernation pour trois 16 siècles. Une interdiction de commerce maritime similaire est appliquée en Inde [vérifier] et ces interdits profitent largement aux marchands européens. La Renaissance et les Grandes Découvertes La Renaissance voit un nouvel essor du commerce méditérranéen maintenant contrôlé par Gênes, Florence, puis Venise. Cette dernière profite du défaut de paiement du roi d’Angleterre Henri VIII sur ses dettes aux banquiers florentins, qui subissent alors une crise catastrophique. L’exploration de la route maritime vers l’Asie par le cap de Bonne Espérance par Vasco de Gama est suscitée, entre autres, par l’augmentation du prix du poivre qui incite à chercher des routes moins coûteuses que celles qu’empruntent les caravanes. Cette augmentation du prix du poivre est elle-même due à une augmentation brutale des achats chinois vers … (O’Rourke 2007). Les Portugais Les Portugais prennent pied en Afrique, de l’autre côté du détroit de Gibraltar, en 1415 (après un cafouillage extrême). Gil Eanes de Lagos entre dans la “Mer des Ténèbres” (l’Atlantique au-delà des Canaries) et contourne le Cap de la Peur (cap de Bonne Espérance) en 1434. Les Occidentaux ne connaissent alors rien de la navigation hauturière : les Portugais inventent tout, le compas, la navigation aux étoiles. Puis tout s’accélère avec la découverte de l’Amérique en 1492. En juillet 1494, le traité de Tordesillas sépare le monde entre les Espagnols (qui ont tous les territoires à l’Ouest de la longitude 46W) et les Portugais qui ont tous les territoires à l’Est. En 1524, un traité symétrique, le Traité de Saragosse, re-partage le monde entre Espagnols et Portugais aux Moluques. Les Espagnols ont tout ce qui est à l’Est, ce qui signifie que pour atteindre l’Asie et ses épices, ils doivent traverser le Pacifique. En dépit des efforts de Charles Quint, ils n’arriveront jamais à établir des lignes maritimes profitables sur une telle distance excepté le fameux « galion de Manille » dont les rotations duraient un an, jusqu’à celle du Magellan, le dernier, en 1815. Alors que Christophe Colomb ne trouve rien d’intéressant en Amérique,Vasco de Gama mouille devant Calicut (côte des Malabars) en 1498.1 Les cargaisons d’épices importées paient six fois le coût de l’expédition, tout compris (un navire sur 6 et un homme sur 4 ne reviennent pas). Les convois appareillaient en mars-avril de la « plage des larmes », viraient au large du Brésil deux mois plus tard (c’est généralement là qu’apparaissait le scorbut), passaient le cap de BonneEspérance –sans le voir, mais guidés par les oiseaux de mer — dans les tempêtes vers août (en plein hiver austral), puis piquaient vers l’Inde en profitant de la mousson. Si la mousson était manquée, les bateaux hivernaient huit mois au Mozambique où les hommes mouraient de maladie comme des mouches (le Portugal n’avait pas les moyens d’organiser une escale au Cap comme les Hollandais le feraient plus tard). Les bateaux atterrissaient à Goa, la « Rome de l’Orient », ville de 200 000 habitants, où ils chargaient le fret. L’atmosphère sur les bateaux au retour était particulièrement violente en raison des richesses embarquées. Les Hollandais 1 Chose surprenante, les Grandes Découvertes passent totalement inaperçu des humanistes de l’époque, étant le fait d’une poignée d’aventuriers. 17 L’arrivée des Hollandais dans le commerce au long cours date de la publication en 1596 à Amsterdam d’un Itinerario portugais. A partir de 1602, les Hollandais s’installent à Malacca puis fondent Batavia (Jakarta, où il ne fait pas bon vivre : un million de morts en 22 ans d’épidémies continues, environ un tiers de la population chaque année) et contrôlent tout le commerce de la région avec une organisation institutionnelle beaucoup plus sophistiquée que celle des Portugais, tout en substituant un modèle fondé sur l’entreprise privée au modèle étatique des Portugais et des Espagnols. Le commerce au long cours est financé par une banque et ses actionnaires, et non plus par l’Etat : des moyens beaucoup plus importants sont mobilisés au service d’une entreprise privée mais monopolistique, la VOC (Vereenigde Oostindische Compagnie), dont l’apogée va de 1680 à 1720. Toute l’organisation coloniale est au service du profit de la compagnie, qui maintient les prix des épices en restreignant l’offre. La VOC. Malgré ces politiques, l’offre d’épices augmente, et les prix baissent couvrant de moins en moins les risques (1 naufrage sur 4 bateaux). La profitabilité de la VOC diminue jusqu’à sa faillite et dissolution en 1798. Les Anglais L’apparition du pavillon britannique en haut du Pélican de Francis Drake aux Moluques en 1580 annonce le tour des Anglais. 2 Le déclin des Hollandais leur permet de s’implanter en Inde –à Madras et Bombay— puis plus tard en Chine, d’où les marchands européens importeront près de 170 millions de pièces de porcelaine entre le XVIème et le XIXème siècle (jusqu’à ce que les prix baissent, de nouveau, jusqu’à rendre le commerce improfitable). [A suivre—Sources à vérifier] 2 Lancaster essuya une tempête de neige au large de Madagascar en 1603. 18