Une introduction à la mondialisation

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Une introduction à la mondialisation
Contents
1. Qu’est-ce que la mondialisation ? .................................................................................................... 1
1.1 Ouverture des pays au commerce international ......................................................................... 1
1.2 Internationalisation des entreprises ............................................................................................ 5
1.3 L’endettement des pays pauvres, un fléau de la mondialisation ? ............................................. 6
3 La mondialisation est-elle irréversible ? ........................................................................................... 7
3.1 Un premier épisode au XIXème siècle......................................................................................... 7
3.2 Convergence des valeurs culturelles ? ....................................................................................... 9
Références .......................................................................................................................................... 14
1. Qu’est-ce que la mondialisation ?
La mondialisation est un ensemble de phénomènes liés entre eux incluant, à des degrés divers :
i.
ii.
iii.
iv.
L’augmentation rapide de la part des activités ouvertes à la concurrence mondiale
L’internationalisation des entreprises sous forme d’IDE et de prises de participation
L’accroissement de la mobilité des facteurs (travail et capital)
La convergence des valeurs culturelles et politiques
1.1 Ouverture des pays au commerce international
L’accroissement du commerce des biens est le plus facilement mesurable, car ils sont enregistrés
par les douanes de tous les pays.
1
Figure 1
Commerce de biens : (Import + export)/PIB
Croissance du commerce mondial vs. croissance du
PIB mondial
70.00
60.00
50.00
40.00
Low & middle income
30.00
High income
20.00
10.00
1960
1964
1968
1972
1976
1980
1984
1988
1992
1996
2000
2004
2008
-
Source : WDI
Source: WTO, World Trade Report 2013
On note :
o Déplacement de l’activité intérieure par la concurrence internationale (destruction et création
d’emplois)
o Dépendance accrue à l’égard de l’extérieur, mais, par la même, réduite à l’égard des chocs
intérieurs
o Renversement de tendance à la fin des années 80 : les pays émergents deviennent plus ouverts
que les pays industriels
Déclin des pays industriels dans le l’activité et le commerce mondial (meilleure répartition) :
Figure 2
Part des pays de l’OCDE dans le revenu mondial
(a) En dollars constants
(b) à la PPP
90.00
70.00
80.00
60.00
70.00
60.00
50.00
40.00
50.00
Share of world GDP, constant dollars,
OECD
Share of world GDP, constant dollars,
non-OECD
40.00
30.00
30.00
20.00
20.00
10.00
10.00
Share of world GDP at PPP, OECD
Share of world GDP, at PPP, non-OECD
-
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
1960
1963
1966
1969
1972
1975
1978
1981
1984
1987
1990
1993
1996
1999
2002
2005
2008
2011
-
Source : World Bank, World Development Indicators
2
Figure 3
Evolution de la composition géographique du commerce mondial
Source : Yoshino (2012)
Figure 4
Classement des exportateurs mondiaux de biens en 2012
On observe des tendances similaires en termes de commerce de services. Leur augmentation a
marqué le pas pour les pays en développement dans la fin de la décennie 2000 mais il ne s’agit
probablement que d’un phénomène temporaire. L’importance des exportations de services en Inde
est particulièrement spectaculaire.
3
Figure 5
Exportations de services depuis les années 70
(a) Exportations de services en pourcentage du (b) Même chose, Inde seulement
PIB, par niveau de revenue
14
18
16
12
14
10
12
8
10
Low & middle income
6
8
High income
6
4
4
2
0
0
1971
1974
1977
1980
1983
1986
1989
1992
1995
1998
2001
2004
2007
2010
2
Source: World Bank, World Development Indicators
Figure 6
Exportations de services commerciaux, 2012
Source : WTO, World Trade Report 2013
4
Trade in services (% of
GDP)
1.2 Internationalisation des entreprises
L’internationalisation des entreprises se voit dans la croissance des flux d’IDE (Figure 7).
Figure 7
Flux d’IDE entrants (nets au niveau de l’entreprise), % du PIB
6.00
5.00
4.00
3.00
Low & middle income
High income
2.00
1.00
2009
2006
2003
2000
1997
1994
1991
1988
1985
1982
1979
1976
1973
1970
-
Source : World Bank, World Development Indicators
On note l’ordre de grandeur beaucoup moins grand (1%-5% du PIB) que pour le commerce. On
note également que les IDE sont très cycliques et le sont encore plus pour les pays industriels.
Enfin, les flux entrants d’IDE vers les pays industriels et les pays émergents sont corrélés
positivement : il n’y a pas d’effet de substitution entre pays industriels et émergents.
Figure 8
Flux d’IED sortants, % du PIB
7.00
6.00
5.00
4.00
Low & middle income
3.00
High income
2.00
1.00
2010
2007
2004
2001
1998
1995
1992
1989
1986
1983
1980
1977
1974
1971
-
Source : World Bank, World Development Indicators
En ce qui concerne les flux sortants, on observe une croissance très rapide des flux en provenance
de pays émergents. Jusque dans la décennie 2000, il s’agissait dans la plupart des cas de sorties de
capitaux liées à une situation économique détériorée. Depuis 2000, on observe par contre un
mouvement d’internationalisation d’entreprises du Sud (entreprises chiliennes en Argentine,
chaînes de supermarchés Kenyanes en Ouganda, etc.) qui reflète leur montée en puissance.
5
1.3 L’endettement des pays pauvres, un fléau de la mondialisation ?
La dette des pays pauvres, en pourcentage du PIB, a connu une courbe en cloche, avec un pic au
tournant du siècle. La baisse peut être attribuable aux nombreuses initiatives de réduction de dette,
en particulier la plus efficace, l’initiative dite PPTE (pays pauvres très endettés), qui consistant en
un pardon de dette extérieure par le club de Paris en échange de conditionnalités très fortes.
Figure 9
Dette exterieure, % du PIB
45.00
40.00
35.00
30.00
25.00
20.00
Low & middle income
15.00
10.00
5.00
1970
1973
1976
1979
1982
1985
1988
1991
1994
1997
2000
2003
2006
2009
-
Source : World Bank, World Development Indicators
Attention cependant: Le graphique pourrait être sévèrement biaisé. Si on met tous les pays en
développement, le dénominateur est enflé par la présence de la Chine. Il faut donc limiter
l’échantillon aux pays à faible revenu, ou aux pays d’Afrique. En fait, cet ajustement change les
valeurs (voir l’axe vertical) mais ne change cependant pas la forme générale de la courbe.
Figure 10
Dette extérieure, % du PIB
100
90
80
70
60
50
Low income
40
SSA
30
20
10
1970
1972
1974
1976
1978
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
0
Source : World Bank, World Development Indicators
6
3 La mondialisation est-elle irréversible ?
La mondialisation est souvent considérée comme un phénomène à la fois nouveau et irréversible.
Cependant, elle est le deuxième épisode, après un premier qui s’est mal terminé.
3.1 Un premier épisode au XIXème siècle
Le développement des chemins de fer et des premières technologies de communication (le
télégraphe) au XIXème siècle a provoqué une première vague de mondialisation entre 1815 et 1875,
sanctionnée par une série d’accords de Libre Echange dans les années 1860.
Figure 11
La première divergence
Source : WTO, World Trade Report 2013
Cette vague de mondialisation a été suivie d’un retour du protectionnisme entre 1875 et la Première
Guerre Mondiale (Tableau 1).
Tableau 1
Niveau des droits de douane moyens, 1875-1913
7
Source : Bairoch et Kozul-Wright (1996)
Ce retour du protectionnisme s’est accompagné d’un essor de la réthorique nationaliste et
xénophobe qui a contribué, avec les rivalités commerciales (notamment entre l’Angleterre et
l’Allemagne) au déclenchement de la Première Guerre Mondiale, sans vraiment entraver l’essor du
commerce et des migrations durant la période qu’on a appelé la Belle Epoque. C’est entre les deux
guerres que l’anti-mondialisation a atteint son paroxysme, et en particulier pendant la Grande
Dépression de 1929-1935 (Figure 12).
Figure 12
Et le retour de bâton
Source : WTO, World Trade Report 2013
8
Ce renversement pourrait-il se produite ? On pourrait le croire au vu de la montée des discours
xénophobes, « communautaristes », et anti-immigrants dans beaucoup de pays. Cependant des
garde-fous existent aujourd’hui qui n’existaient pas au siècle dernier. La principale différence entre
la première et la seconde mondialisation est l’existence des institutions supranationales (Banque
Mondiale, FMI et OMC) créées à la conférence de Bretton Woods en 1944. L’OMC, en particulier,
institutionnalise et est garante des règles du système commercial multilatéral.
3.2 Convergence des valeurs culturelles ?
La définition de différences de valeurs culturelles entre pays remonte essentiellement aux travaux
de Hofstede (1980) qui avait caractérisé les sociétés selon 5 dimensions d’attitude au travail à partir
d’une enquête mondiale sur 117'000 employés d’IBM (où il avait fondé un département de
recherche sur le personnel) entre 1967 et 73. Les dimensions étaient au départ (d’autres ont été
ajoutées par la suite, et ici je réécris les noms de ces dimensions pour les rendre plus transparents) :
1.
2.
3.
4.
Acceptation du pouvoir
Individualisme
Aversion au risque
Compétitivité (ce qu’il avait appelé « masculinité »)
auquelles se sont ajoutées par la suite deux autres :
5. Patience
6. Restreinte
Ces travaux ont lancé une véritable industrie de mesure des distances culturelles et de leurs
implications pour le comportement des entreprises (e.g. modes d’entrée). En gros, l’acceptation du
pouvoir est la plus forte dans les pays émergents (Asie, Pays Arabes, Amérique Latine) ; les EtatsUnis sont au milieu. L’individualisme est le plus fort dans les pays industriels. L’aversion au risque
est la plus forte en Amérique Latine et dans les pays germanophones. La compétitivité est la plus
faible dans les pays scandinaves et au Chili mais très forte au Japon et en Suisse. La patience est la
plus forte en Asie ; quant à la restreinte, elle est la plus forte en Asie de l’Est.
Figure 13
Les catégories culturelles de Hofstede dans le monde
Acceptation du pouvoir
Individualisme
9
Source : http://www.clearlycultural.com/geert-hofstede-cultural-dimensions/uncertainty-avoidance-index/
Compétivitité (« masculinité »)
Aversion au risque
Source : http://www.clearlycultural.com/geert-hofstede-cultural-dimensions/uncertainty-avoidance-index/
Questions (inter alia) : Le pays est-il la bonne unité d’observation ? La variation entre pays est-elle
supérieure à la variation intra-pays ?
Plus récemment Thoenig et al. (2009) mesurent la distance culturelle entre deux pays i et j par
l’indice de factionnement Fij dans les réponses aux questions du World Values Survey.
Intuition: supposons qu’il n’y ait qu’une seule question et qu’elle soit binaire (oui/non). Soit i un
pays, et si la proportion de répondants avec « oui ». L’indice de fractionnement interne est
Fi  1   si   1  si 
2
 1  Hi
2
(1)
où Hi est l’indice de concentration de Herfindahl. Il est égal à la probabilité que deux individus pris
au hasard dans le pays i répondent différemment à la question. Si on interprète si comme un groupe
10
ethno-linguistique, Fi est l’indice de fractionnement ethno-linguistique largement utilisé par les
géographes et les sociologues.L’indice de distance culturelle entre les pays i et j est défini de façon
similaire par
Dij  1  si s j  1  si  1  s j 
(2)
Et correspond à la probabilité que deux individus pris au hasard dans les pays i et j respectivement
répondent différemment à la question. Avec toujours une question, mais à choix multiples (n =
1,…,N réponses possibles), l’indice devient
Dij  1  n sin s jn
(3)
Finalement, avec k questions à choix multiples, on prend la moyenne des indices par question
Dij 

1
 1  n sin s jn
K k

Tableau 2
Question-type du World Values Survey
Source: World Values Survey
11
(4)
Figure 14
Evolution de la distance culturelle, 1989-93 à 2000-2003
Source : Thoenig, Maystre, Olivier, Verdier 2009
L’existence d’une proportion substantielle de points au-dessous de la droite à 45o suggère que la
distance culturelle s’est réduite pendant la « seconde mondialisation », un fait remarquable. Parmi
les déterminants de la distance culturelle, le commerce international semble jouer un rôle important.
Empiriquement, la valeur de l’indice dépend des facteurs observables suivants :
Table 1
Déterminants de la distance culturelle
12
Source : Thoenig, Maystre, Olivier, Verdier 2009
13
Références
Bairoch, Paul, and Richard Kozul-Wright (1996), “Globalization Myths: Some Historical
Reflections On Integration, Industrialization And Growth In The World Economy”; WIDER
discussion paper 113; Geneva: United Nations.
Hofstede, Geert (1980), Culture’s consequences: International differences in work-related values;
Beverly Hills, CA: Sage.
Thoenig, Mathias, N. Maystre, J. Olivier et T. Verdier (2009), « Product-Based Cultural Change : Is
the Village Global ? » ; CEPR dp 7438.
OMC (2013), World Trade Report 2013; Genève: OMC.
Yoshino, Yutaka (2012), Uncovering Drivers for Growth and Diversification of Tanzania’s Exports
and Exporters; A Technical Background Report on Export for the 2014 World Bank Tanzania
Country Economic Memorandum; Washington, DC: The World Bank.
14
Annexe: Les origines du commerce mondial
Les routes commerciales de l’Antiquité
La Haute Antiquité
L’Egypte, grand empire de la Haute Antiquité, importait essentiellement de l’encens de ce qui est
aujourd’hui le sud du Pakistan. L’encens, utilisé pour les cérémonies religieuse et pour des vertus
hygiéniques imaginaires, arrivait par des chaînes de caravanes et de cabotage, chaque maillon
parcourant une distance limitée. En 1460 av. JC, la reine Hatshepsout envoie une expédition navale
reconnaître le pays d’origine de l’encens que les égyptiens appellent le pays de Pount. L’expédition
passe le détroit de Bab el Mandeb (« porte de l’affliction ») séparant la Mer Rouge de la Mer
d’Oman. Elle ramène des arbres à encens qui d’ailleurs ne survivront pas à la transplantation. La
reine en tire une gloire considérable, bien que le pharaon Sahouré l’ait déjà tentée mille ans plus tôt
(ce qui avait été oublié entre temps). Le commerce international se développe lentement avec la
civilisation phénicienne (qui occupe le Liban actuel, capitale Tyr) dont les marchands exportent de
la « pourpre » (une teinture textile). Leur « bateaux noirs » transportent des produits alimentaires
(huile, blé. orge) et des produits de luxe (animaux, esclaves). Ils importent d’Europe du Nord des
minerais (cuivre, argent, étain) en passant par le détroit de Gibraltar grâce à des ancres flottantes.
En 814 av. JC, ils fondent Carthage, qui deviendra elle-même une grande cité commerçante (et
rivale de Rome).
L’Antiquité classique
Alexandre ouvre les routes terrestres du commerce avec l’Asie en emmenant son armée jusqu’à
Kaboul et Peshawar en 330 av. JC. Néarque fait le voyage de retour par la mer. Les Grecs
découvrent ainsi les marées et la mousson. En même temps, un autre Grec, Pythéas, mène une
expédition navale sur la route de l’étain (importé de Suède) jusqu’en Islande (ultima Thulé, par 63o
Nord). Il découvre lui aussi les marées, ainsi que la banquise. Les Grecs et les Romains importent
de grandes quantités de poivre et d’épices d’orient. En 290, les Grecs font ériger le premier phare à
Alexandrie. Comme ils n’exportent pas de produits manufacturés, le monde antique a un déficit
commercial chronique avec l’Asie, financé par de l’or. En 24 av. JC, Strabon compte jusqu’à 120
navires mettant à la voile pour l’Inde chaque année. Il s’agit de gros cargos de mille tonnes dont
certains vont jusqu’à l’actuelle Ahmadabad (Pakistan) pour prendre livraison de la soie livrée par
des caravanes venant de Chine et d’autres jusqu’à Ceylan. Ils traversent l’Océan Indien en pleine
mousson avec des pilotes Tamouls pour arriver dans les ports indiens quand ils rouvrent juste à la
fin de celle-ci. Dans le même temps, de grosse jonques chinoises transportaient régulièrement la
soie et les épices depuis la Chine jusqu’à la mer Rouge et au Golfe Persique, avec pour destinations
Bagdad et les villes méditerranéennes.
Le déclin du commerce antique
La productivité agricole de l’Italie romaine étant décroissante entre le 1er siècle av. JC et le IVème
siècle ap. JC, Rome importe des quantités croissantes de céréales d’Egypte et d’Afrique du Nord.
Claude fait construire en 42 un port artificiel à l’embouchure du Tibre capable d’abriter 200
15
navires. Mais ce commerce comme le commerce au long cours avec l’Inde ne résiste pas à
l’effondrement de l’Empire Romain au Vème siècle. Toutes les routes commerciales disparaissent
les unes après les autres. Certaines revivront sous l’Empire Arabe. Les produits indiens et chinois
parviennent à Bagdad, mais par cabotage, les bateaux arables n’étant pas conçus pour la navigation
hauturière. Par contre, en pacifiant la zone qui va de l’Afghanistan à l’Afrique du Nord, les Arabes
développent le commerce terrestre qu’ils organisent avec des « caravansérails » (haltes pour
marchands).
Le commerce médiéval
En Europe, le commerce du Moyen-âge est essentiellement terrestre. La chute du califat de Bagdad
en 1258 sous les coups de Gengis Khan élimine les routes traditionnelles du monde arabe mais en
recrée de nouvelles. Marco Polo en profite pour visiter l’Asie et la faire connaître aux occidentaux.
Le commerce intra-européen, lui, se développe avec les foires du XIIIème siècle. Les routes étant
peu sûres, les marchands du Moyen-Age développent des techniques financières pour assurer les
paiements internationaux comme la lettre de change (A en France a une dette à B en Hollande, et C
en Hollande a une dette à D en France. Alors A paie D). Les commerçants du Moyen-Age
développent également des formes de sociétés (en commandite).
Venise
La route terrestre par Constantinople est détruite sur ordre des Vénitiens lors de la dernière
croisade, qui met la ville à sac. Venise devient alors maîtresse du commerce sur la Méditerranée,
annonçant une nouvelle période commerciale. Les commerçants vénitiens sont partout et contrôlent
les filières d’approvisionnement : c’est la fin des chaînes d’intermédiaires locaux indépendants. Ils
renvoient aussi systématiquement les cargaisons défectueuses, déplaçant le risque sur les
intermédiaires orientaux. C’est déjà le modèle du commerce européen d’aujourd’hui. La « galère »,
un fort convoi escorté, emporte 1.5 tonne d’or vénitien vers Alexandrie et en rapporte 2'500 tonnes
d’épices, qui sont vendues jusqu’à 40 fois leur prix. Les marchands vénitiens vendent aussi des
esclaves achetés sur la côte des balkans (des slaves) qui sont revendus dans les casernes et les
harems arabes (avec l’assentiment de l’Eglise). D’autres convois maritimes allaient en Flandre par
le détroit de Gibraltar acheter de l’or et de l’argent des mines hongroises. Avec l’âge, d’aventuriers
les commerçants deviennent banquiers.
Le commerce chinois
Le Moyen-Age marque l’apogée du commerce maritime chinois. En 1341, le voyageur arabe Ibn
Battuta décrit de grosses jonques chinoises à quai à Calicut (côte ouest de l’Inde, dite « des
Malabars ») de 4 mats ou plus, longues de soixante mètres, pouvant transporter plusieurs dizaines
de marchands et leurs familles, avec installations sanitaires, barbier, bazar etc. Ces jonques
naviguaient aux étoiles sur une latitude constante en haute mer. Mais c’est la fin d’une époque.
Après l’invasion de la Chine par Kubilaï Khan, la dynastie Yuan (1276-1368) multiplie les taxes
confiscatoires. Les adversaires du commerce font interdire le commerce privé avec les pays
étrangers en 1395 et le commerce des grains par la mer en 1415. En 1436, l’Empereur Zhentong
punit de mort la construction de navires hauturiers à plusieurs mats. La Grande Muraille est achevée
dans le même siècle –après 1'800 ans de travaux—et la Chine entre en hibernation pour trois
16
siècles. Une interdiction de commerce maritime similaire est appliquée en Inde [vérifier] et ces
interdits profitent largement aux marchands européens.
La Renaissance et les Grandes Découvertes
La Renaissance voit un nouvel essor du commerce méditérranéen maintenant contrôlé par Gênes,
Florence, puis Venise. Cette dernière profite du défaut de paiement du roi d’Angleterre Henri VIII
sur ses dettes aux banquiers florentins, qui subissent alors une crise catastrophique. L’exploration
de la route maritime vers l’Asie par le cap de Bonne Espérance par Vasco de Gama est suscitée,
entre autres, par l’augmentation du prix du poivre qui incite à chercher des routes moins coûteuses
que celles qu’empruntent les caravanes. Cette augmentation du prix du poivre est elle-même due à
une augmentation brutale des achats chinois vers … (O’Rourke 2007).
Les Portugais
Les Portugais prennent pied en Afrique, de l’autre côté du détroit de Gibraltar, en 1415 (après un
cafouillage extrême). Gil Eanes de Lagos entre dans la “Mer des Ténèbres” (l’Atlantique au-delà
des Canaries) et contourne le Cap de la Peur (cap de Bonne Espérance) en 1434. Les Occidentaux
ne connaissent alors rien de la navigation hauturière : les Portugais inventent tout, le compas, la
navigation aux étoiles. Puis tout s’accélère avec la découverte de l’Amérique en 1492. En juillet
1494, le traité de Tordesillas sépare le monde entre les Espagnols (qui ont tous les territoires à
l’Ouest de la longitude 46W) et les Portugais qui ont tous les territoires à l’Est. En 1524, un traité
symétrique, le Traité de Saragosse, re-partage le monde entre Espagnols et Portugais aux Moluques.
Les Espagnols ont tout ce qui est à l’Est, ce qui signifie que pour atteindre l’Asie et ses épices, ils
doivent traverser le Pacifique. En dépit des efforts de Charles Quint, ils n’arriveront jamais à établir
des lignes maritimes profitables sur une telle distance excepté le fameux « galion de Manille » dont
les rotations duraient un an, jusqu’à celle du Magellan, le dernier, en 1815.
Alors que Christophe Colomb ne trouve rien d’intéressant en Amérique,Vasco de Gama mouille
devant Calicut (côte des Malabars) en 1498.1 Les cargaisons d’épices importées paient six fois le
coût de l’expédition, tout compris (un navire sur 6 et un homme sur 4 ne reviennent pas). Les
convois appareillaient en mars-avril de la « plage des larmes », viraient au large du Brésil deux
mois plus tard (c’est généralement là qu’apparaissait le scorbut), passaient le cap de BonneEspérance –sans le voir, mais guidés par les oiseaux de mer — dans les tempêtes vers août (en plein
hiver austral), puis piquaient vers l’Inde en profitant de la mousson. Si la mousson était manquée,
les bateaux hivernaient huit mois au Mozambique où les hommes mouraient de maladie comme des
mouches (le Portugal n’avait pas les moyens d’organiser une escale au Cap comme les Hollandais
le feraient plus tard). Les bateaux atterrissaient à Goa, la « Rome de l’Orient », ville de 200 000
habitants, où ils chargaient le fret. L’atmosphère sur les bateaux au retour était particulièrement
violente en raison des richesses embarquées.
Les Hollandais
1
Chose surprenante, les Grandes Découvertes passent totalement inaperçu des humanistes de l’époque, étant le fait
d’une poignée d’aventuriers.
17
L’arrivée des Hollandais dans le commerce au long cours date de la publication en 1596 à
Amsterdam d’un Itinerario portugais. A partir de 1602, les Hollandais s’installent à Malacca puis
fondent Batavia (Jakarta, où il ne fait pas bon vivre : un million de morts en 22 ans d’épidémies
continues, environ un tiers de la population chaque année) et contrôlent tout le commerce de la
région avec une organisation institutionnelle beaucoup plus sophistiquée que celle des Portugais,
tout en substituant un modèle fondé sur l’entreprise privée au modèle étatique des Portugais et des
Espagnols. Le commerce au long cours est financé par une banque et ses actionnaires, et non plus
par l’Etat : des moyens beaucoup plus importants sont mobilisés au service d’une entreprise privée
mais monopolistique, la VOC (Vereenigde Oostindische Compagnie), dont l’apogée va de 1680 à
1720. Toute l’organisation coloniale est au service du profit de la compagnie, qui maintient les prix
des épices en restreignant l’offre. La VOC. Malgré ces politiques, l’offre d’épices augmente, et les
prix baissent couvrant de moins en moins les risques (1 naufrage sur 4 bateaux). La profitabilité de
la VOC diminue jusqu’à sa faillite et dissolution en 1798.
Les Anglais
L’apparition du pavillon britannique en haut du Pélican de Francis Drake aux Moluques en 1580
annonce le tour des Anglais. 2 Le déclin des Hollandais leur permet de s’implanter en Inde –à
Madras et Bombay— puis plus tard en Chine, d’où les marchands européens importeront près de
170 millions de pièces de porcelaine entre le XVIème et le XIXème siècle (jusqu’à ce que les prix
baissent, de nouveau, jusqu’à rendre le commerce improfitable). [A suivre—Sources à vérifier]
2
Lancaster essuya une tempête de neige au large de Madagascar en 1603.
18
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