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3.2 Les insectes forestiers et leurs besoins en habitat
Les arbres offrant des microhabitats tels que les branches mortes, les cavités creusées par les
pics, les blessures d’écorce ou les carpophores de polypores sont vitaux pour un large éventail
de coléoptères saproxyliques spécialistes. Ces arbres-habitats, et donc leurs microhabitats,
sont moins nombreux dans les forêts exploitées que dans les vieilles forêts naturelles (Brunet
et Isacsson, 2010 et Müller et al., 2008). Les arbres creux, en particulier, abritent beaucoup
d’espèces d’insectes inscrites sur liste rouge et présentant de faibles capacités de dispersion,
à l’instar du pique-prune (Osmoderma eremita), l’une des espèces saproxyliques les mieux
étudiées, ainsi qu’un excellent indicateur en tant qu’espèce unique. Autrefois présents à tra-
vers toute l’Europe, ses populations sont aujourd’hui très fragmentées. Tributaire des arbres
creux, surtout des chênes, cette espèce vit pendant des générations dans des arbres adéquats
individuels.
Une modélisation a révélé que 20 peuplements comportant au moins 10 arbres creux dans
un rayon de 250 m sont nécessaires pour former une métapopulation viable (Ranius et Hedin,
2004). Les polypores constituent une autre ressource très importante pour un grand nomb-
re d’espèces fongicoles. Nombre d’espèces sont des indicateurs de forêts ayant une longue
continuité de bois mort, ainsi qu’une grande valeur de conservation. Une liste récemment
compilée d’espèces reliques de coléoptères de la forêt primaire regroupe, par exemple, les
espèces n’ayant que des observations relictuelles, celles ayant d’importants besoins en bois
mort, celles présentant une population en déclin et celles liées à la continuité d’habitat. On
constate que 16 % d’entre elles sont des fongivores (Müller et al., 2005).
Des volumes totaux élevés de bois mort ne garantissent pas l’existence à long terme de quel-
que espèce que ce soit. Ces niveaux peuvent même s’avérer trop faibles pour des espèces en
particulier, les microhabitats spécifiques peuvent être trop rares ou la connectivité entre les
habitats adéquats peut être limitante. Les stades de décomposition tardifs des morceaux de
bois mort de grandes dimensions et les microhabitats tels que les cavités abritant plusieurs
espèces de coléoptères inscrites sur les listes rouges sont absents des forêts exploitées. De
plus, la dynamique des populations saproxyliques à l’échelle du paysage nécessite des recher-
ches plus avancées.
Encadré 26. Volumes de bois mort recommandés pour les coléoptères saproxyli-
ques
Les coléoptères saproxyliques sont l’un des groupes indicateurs les mieux étudiés en
termes de biodiversité forestière. Leurs besoins en volumes de bois mort ont été com-
pilés par Müller et Bütler (2010). Sur la base de ces valeurs, ainsi qu’au vu de leur appli-
cabilité dans les forêts exploitées, on recommande de manière indicative les volumes
de bois mort suivants pour le maintien d’une riche faune de coléoptères saproxyliques :
Volumes de bois mort
Forêts collinéennes de chêne et de hêtre 30-50 m³/ha
Forêts mixtes de montagne (hêtre-sapin-épicéa) 40-80 m³/ha
Forêts boréo-alpines d’épicéa et de pin 20-50 m³/ha