Le rôle de l`eau dans le système Terre

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L’eau et la dynamique
lithosphérique
page 16
Quality of
our Groundwater
Resources: Arsenic
and Fluoride
page 82
Ressources en eau :
une gestion nécessairement
locale dans une approche
globale
page 94
La revue du BRGM pour une Terre Durable
BRGM's journal for a sustainable Ear th
N° 13 > juillet 2011 > 8
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L’école Nationale
d’Applications des Géosciences
Cycle de formation « Gestion durable
des ressources minérales »
L’ENAG est une école d’applications dont
l’objectif est d’apporter à des étudiants de
haut niveau une formation répondant aux
besoins de l’industrie et de la société dans le
domaine de la gestion durable des ressources
minérales. Dans un contexte de tension
sur l’approvisionnement en ressources
minérales et de prise en compte des aspects
environnementaux, sociétaux et éthiques,
l’école offre un enseignement d’excellence
et une ouverture sur le monde industriel.
Le cycle de formation ‘‘ Gestion durable
des ressources minérales ’’ a pour vocation
de former des spécialistes adaptables et
responsables, pour répondre aux nouveaux
besoins des États, des services géologiques
nationaux et des industriels du secteur.
personnes titulaires de diplôme d’ingénieur,
Master ou titre équivalent (niveau BAC+5)
et cadres français ou étrangers. Ce cycle, à
finalité professionnelle, est d’une durée de
16 mois dans le cadre d’une scolarité en
continu ou de 22 mois dans le cadre d’un
contrat d’apprentissage. Il conduit à un
Diplôme Universitaire délivré sous la
responsabilité conjointe de l’ENAG et de la
composante OSUC de l’Université d’Orléans.
Les intervenants sont issus d’organismes,
d’entreprises ou d’universités françaises ou
étrangères et contribuent ainsi à ouvrir l’ENAG
et ses étudiants sur le monde professionnel
et académique ainsi qu’à l’international.
Les partenaires de l’ENAG :
L’ENAG prépare à la conduite de projets,
au sein d’équipes multiculturelles, par une
maîtrise des concepts les plus récents dans le
domaine de la R&D et une connaissance du
fonctionnement des structures économiques.
Les diplômés auront donc une triple
compétence : géologique, économique et
managériale. La formation s’adresse aux
Début des cours le 10 septembre 2012
Candidatures du 30 novembre 2011 au 31 mars 2012
Dossiers de candidatures et informations
sur le site web : www.enag-brgm.fr
Contact : [email protected]
Tél : (+33) (0) 02.38.64.47 90
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MINISTÈRE
DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
ET DE LA RECHERCHE
école de terrain de l’ENAG
Reconnaissance cartographique
dans le sud marocain (Jbel Saghro)
N°13
Édito - Nathalie Kosciusko-Morizet
04
Le mot du rédacteur en chef - Jacques Varet
06
Introduction scientifique - Ghislain de Marsily
08
16
24
30
L’eau dans le système solaire, des glaces cométaires
aux manteaux planétaires - Jean Duprat
L’eau et la dynamique lithosphérique - Laurent Jolivet
De l’eau dans les magmas - Michel Pichavant
The role of non-magmatic water in volcanic hazards
Franco Barberi, Maria Luisa Carapezza
La convection
48
De nouvelles perspectives pour l’exploitation
des ressources géothermales
sommaire
40
hydrothermale et les ressources associées
Laurent Guillou-Frottier
Frédérik Bugarel, Éric Lasne, Dominique Tournaye
56
Fluides et genèse des concentrations minérales
64
Dynamique de l’eau, de l’érosion à la sédimentation
72
Les grands systèmes fluviaux del’Holocène à l’Anthropocène,
indicateurs des changements globaux
Michel Cathelineau, Marie-Christine Boiron, Johann Tuduri
Philippe Négrel, Christophe Rigollet
Michel Meybeck, Hans Dürr
82
Quality of our Groundwater Resources: Arsenic and Fluoride
88
Les travaux souterrains :
perturbations hydrodynamiques et risques de pollution
94
102
104
Dr. D. Kirk Nordstrom
Robert Fabriol, Emmanuel Ledoux
Ressources en eau : une gestion nécessairement locale
dans une approche globale
Nathalie Dörfliger, Jérôme Perrin
Tribune - Les terriens et l’eau - Jean Margat
Points de vue croisés - Le rôle de l’eau sur la planète Terre
Jean-François Minster, Bernard Rousseau, Dr Alice Aureli
109
Chiffres clés
111
Brèves
G é o s c ie n ce s • n u m é ro 1 3 • j u i l l e t 2 0 11
Le rôle de l’eau
dans le Système Terre
03
Juillet 2011 • numéro 13
Stalactite en construction
(grotte du Cirque, Assier, Lot).
Stalactite under construction
(Cirque cave, Assier, Lot, France).
© J.-F. Fabriol.
Direction de la Communication et des Éditions du BRGM - 3 av. Cl. Guillemin - 45060 Orléans Cedex 2 - Tél. : 02 38 64 37 84 - [email protected]
Directeur de la rédaction : Jacques Varet • Responsables du numéro « Le rôle de l’eau dans le système Terre » : Hélène Pauwels, Philippe Négrel • Directrice de
la publication : Florence Vanin • Comité de rédaction : Philippe Dutartre (Service Public), Catherine Truffert (Recherche), Jean-Claude Guillaneau (International),
Hervé Gaboriau (Pollution, déchets), Nathalie Dörfliger (Eau), Hormoz Modaressi (Risques naturels), Pierre Nehlig (Géologie, cartographie), Patrice Christmann
(Ressources minérales), Fabrice Deverly (Actions régionales) • Coordination et secrétariat de rédaction : Françoise Trifigny • Révision : Olivier Legendre,
Françoise Trifigny • Responsable d’édition : Pierre Vassal • Maquette et réalisation : Chromatiques éditions 01 43 45 45 10 • Impression :
Imprimerie Vincent – Tours – Imprimerie certifiée Imprim’Vert • ISSN 1772-094X • ISBN 978-2-7159-2513-7 • Dépôt légal à parution • Référencée
dans la base Scopus d’Elsevier.
Toute reproduction de ce document, des schémas et infographies, devra mentionner la source « Géosciences, la revue du BRGM
pour une Terre durable » • Le comité de rédaction remercie les auteurs et les relecteurs pour leur contribution • Les propositions
d’articles sont à envoyer à [email protected]
Liste des annonceurs : BRGM Formation c.2 • BRGM éditions c.3 • SDEC p.15
01
Nathalie Kosciusko-Morizet
Ministre de l’Écologie,
du Développement durable,
des Transports et du Logement
Des enjeux
de première importance
D
ans le système Terre, l’eau joue un rôle essentiel :
Géosciences lui consacre un dossier attendu.
en mars 2012 à Marseille, sera, je l’espère, l’occasion
d’évoquer ces enjeux et de proposer des solutions.
Le BRGM s’est très tôt penché sur la question de l’eau, et
en particulier de l’eau souterraine. Il s’est mesuré ainsi
à des enjeux internationaux de première importance,
puisque bon nombre des grands bassins hydrographiques ou d’aquifères sont transfrontaliers. Des enjeux
d’actualité, en France comme dans le reste du monde.
Le 6e Forum mondial de l’eau, que la France organise
En Europe, nous disposons aujourd’hui de la directivecadre sur l’eau qui demande aux État membres de
maintenir ou de restaurer le bon état des eaux. La
France s’est fixée comme objectif d’atteindre ce bon
état pour au moins deux tiers de ses masses d’eau d’ici
2015. C’est un objectif ambitieux qui a besoin du
concours résolu de tous les acteurs de l’eau. La directive
édito
© William Beaucardet / EDF
européenne relative à l’évaluation et la gestion des
risques d’inondation demande, pour sa part, aux États
membres de réduire les conséquences négatives des
inondations sur la santé humaine, l’environnement, le
patrimoine culturel et l’activité économique. C’est un
vaste chantier qui montre combien la connaissance des
aléas actuels et futurs et des impacts du changement
climatique, est devenue un enjeu majeur.
De la même manière, il nous faut faire progresser notre
connaissance des interactions entre l’eau et l’énergie.
Parce que la production d’énergie dépend souvent de la
ressource en eau, et parce que la production d’énergie
doit être respectueuse de l’eau. Le développement des
énergies renouvelables, telles que la géothermie, ou de
sources non conventionnelles, comme les gaz et huiles
de schistes, ne peuvent pas déroger à ce principe.
Cette connaissance repose sur la recherche scientifique, par exemple sur la manière dont les différents
types d’eau interagissent. Ainsi, les eaux souterraines
peuvent par leur composition chimique avoir un impact
tant sur les eaux superficielles que sur les écosystèmes
associés. Ces prélèvements peuvent par ailleurs avoir
une influence sur les aquifères proches du littoral et
provoquer des intrusions salines.
Tous ces enjeux montrent combien nous ne pouvons
nous satisfaire d’une gestion de l’eau à court terme. Il
nous appartient de préserver la ressource en eau pour
les générations futures, en prenant dès maintenant et
sans attendre les mesures qui s’imposent. L’expertise
scientifique du BRGM est un atout pour y parvenir.
03
G é o s c ie nce s • n um é ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
Paysage de bord de Loire à proximité de la centrale
nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux.
Landscape along the banks of the Loire River near
the Saint-Laurent-des-Eaux nuclear power plant.
le mot du rédacteur en chef
le mot du rédacteur en chef
04
Jacques Varet
Conseiller du Président,
BRGM
[email protected]
L’eau, aussi essentielle
à la vie qu’à
la dynamique même
de notre planète
A
lors que l’on fête cette année le 50e
anniversaire du premier vol habité,
on garde en mémoire le choc de ces
premières images satellites de la terre caractérisée par ces couleurs bleue et blanche, qui
la distinguent si bien des autres planètes.
C’est la présence de l’eau, qui incontestablement a été à la source de la vie, et qui se
déploie sous diverses formes, déterminant
l’image que l’on a désormais de l’eau sur notre
planète terre : nuages atmosphériques et
brumes ; mers et océans ; cours d’eaux, lacs et
zones humides des continents ; glaces des
pôles et des sommets les plus élevés !
On pourrait en déduire – n’est-ce pas l’impression, voire la connaissance du plus grand
nombre ? – que l’eau caractérise l’enveloppe
fluide, la plus externe, de notre planète.
Mais il est de notre devoir de rappeler, et de
bien montrer que son rôle ne s’arrête pas là !
En effet, c’est moins connu mais tout aussi
puissant : l’eau est aussi un agent moteur du
système terre lui-même, du plus profond que
l’on en connaisse jusqu’au plus superficiel.
Cette eau méconnue contenue dans les profondeurs de la terre – d’une abondance sans
Un agent moteur
du système terre,
du plus profond
au plus superficiel.
doute égale à celle que nous connaissons en
surface – n’est pas seulement le composant
passif d’une masse supposée inerte. C’est
bien un élément moteur déterminant de
nombreuses caractéristiques parmi les plus
importantes de notre notre bonne vieille terre.
Nous l’avons appris à l’école : à travers l’érosion,
elle modèle le relief présent, et par son action
elle est venue à bout de nombreuses chaînes
de montagnes aujourd’hui arasées. Mais on
sait aussi, depuis quelques années déjà, que
l’eau joue un rôle majeur dans la dynamique
même de la lithosphère et de l’asthénosphère,
comme dans le mouvement des plaques et
dans ceux du manteau. À diverses profondeurs, par sa présence, elle modifie la nature
des mécanismes, cassants ou non ; elle a donc
un rôle important dans les risques sismotectoniques et technologiques. L’eau joue
aussi, bien souvent, un rôle déterminant dans
l’origine et la nature même des magmas et
leur évolution. L’exemple du volcan islandais
nous a montré qu’elle intervenait dans le
caractère plus ou moins explosif des éruptions
et donc des risques volcaniques ; en outre,
c’est un facteur déterminant pour les applications de la géothermie.
En effet, l’eau est bien présente, pratiquement
à toute profondeur et à toute température
dans le manteau et dans la croûte terrestre.
Mise en mouvement par la thermique profonde,
elle-même vecteur de chaleur, et interagissant
avec les roches qu’elle traverse, elle joue en
conséquence un rôle majeur dans les mécanismes de transformation des roches et les
phénomènes métallogéniques.
le mot du rédacteur en chef
de l’eau dans le système terre. Le changement
climatique aura non seulement une incidence
sur l’eau de surface et les aquifères, mais en
outre les politiques d’adaptation nécessiteront
un recours accru – par une gestion à la fois
active et éclairée – aux réservoirs profonds.
Certes tous les mécanismes géologiques ne
sont pas maîtrisables par l’homme, mais une
bonne connaissance est néanmoins nécessaire
pour comprendre les phénomènes en cause,
s’assurer d’un bon usage des ressources, si
Agir à son égard avec précaution, pour la partie
dont la responsabilité nous incombe.
Si une gestion par bassin se justifie
aujourd’hui du point de vue administratif,
notamment pour maîtriser les pollutions,
organiser un retour à la qualité des masses
d’eau et développer un bon usage des aquifères profonds, c’est avec un regard plus porté
encore vers l’intérieur de notre planète que
nous devrons, demain, considérer la gestion
abondantes et diversifiées, mais qu’il faut
néanmoins savoir dénicher. L’eau est un composant essentiel, non seulement de la planète
terre dans son ensemble, mais aussi de la
relation que nous entretenons avec elle. Dès
lors, il nous revient d’agir à son égard avec
précaution, au moins pour la partie dont la
responsabilité nous incombe. n
Lagon Bleu, Islande.
Ce site de balnéothérapie
et récréatif a été développé
à partir des eaux de rejet
de la centrale géothermique
thermoélectrique voisine.
Blue Lagoon, Iceland.
This balneotherapy and
recreational site was developed
from waste waters from
the nearby geothermal
thermoelectric plant.
© iStockphoto.
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2011
Dans ce n°13 de Géosciences, nous avons
essayé de faire le tour, avec les meilleurs
spécialistes, de la plupart des mécanismes et
phénomènes géologiques dans lesquels l’eau
joue un rôle déterminant. Le lecteur pourra
ainsi vérifier que, soit que l’on considère la
recherche fondamentale, ou que l’on s’intéresse
aux applications les plus finalisées, une bonne
connaissance du rôle de l’eau est essentielle
pour tout travail géoscientifique. Il en résulte
que la gestion de l’eau par nos sociétés ne
peut pas s’arrêter à des questions de surface.
05
L’eau sur Terre :
abondance
et pénurie
intro scientifique
intro scientifique
06
Ghislain de Marsily
Professeur émérite
à l’Université Paris VI
Membre des Académies
des Sciences et des Technologies
La planète
possède
aujourd’hui
environ
29 500 barrages,
stockant
un volume
d’eau total
de 8 500 km3.
Beaucoup d’eau…
Une eau source d’énergie…
ela tient presque du miracle, il y a de
l’eau, beaucoup d’eau sur la planète
Terre. Si l’on arasait tous les continents
et comblait toutes les fosses océaniques, la
Terre serait recouverte d’un océan unique
d’environ 2,6 km d’épaisseur. C’est beaucoup,
et encore est-il probable qu’autant ou même
plus d’eau soit stockée dans le manteau… Le
miracle, c’est que cette eau soit encore là… En
effet, dans la haute atmosphère des planètes
telluriques, la dissociation de la molécule
d’eau par le rayonnement solaire libère de
l’hydrogène, léger, que ne retient pas la
gravité. C’est vraisemblablement par ce
mécanisme que Mars et Mercure, plus
petites et donc de gravité plus faible, ont
perdu leur eau. Vénus aussi a perdu beaucoup d’eau, mais cela proviendrait de la
composition de son atmosphère qui contient
beaucoup d’eau à haute altitude. Pour la
Terre, la quantité d’eau perdue par ce processus en 4,6 milliards d’années a été estimée à
3 mètres d’eau, par rapport aux 2,6 km qui
nous restent… C’est là le miracle !
L’eau et l’énergie, un autre grand sujet actuel
sur lequel il faut réfléchir. La planète possède
aujourd’hui environ 29 500 grands barrages,
qui produisent de l’énergie électrique ou
assurent l’irrigation, en stockant un volume
d’eau total de 8 500 km3. La plupart d’entre
eux ont été construits entre 1950 et 2000,
avec un pic de construction annuel de 800
barrages en 1975, contre moins de 20
aujourd’hui. 70 % du potentiel hydroélectrique est exploité en Europe et en Amérique
du Nord, contre 35 % en Amérique du Sud,
20 % en Asie et 10 % en Afrique. Nul doute que
la planète va bientôt reprendre la construction
de ces équipements, tant pour l’énergie que
pour l’irrigation. En France, il reste peu de sites
à équiper, mais il serait indispensable de
construire et d’équiper des sites avec des
couples de barrages, reliés, à des altitudes
différentes, pour « turbiner » les eaux dans les
C
Une eau qui sculpte…
De très nombreux aspects du rôle de l’eau sur
la planète sont remarquablement traités dans
ce numéro. Il semble utile d’en rappeler un de
plus, celui de façonner le relief de la Terre, à
part égale avec la tectonique, l’une érodant ce
que l’autre a formé. Cette érosion peut être
lente, progressive ou au contraire soudaine et
catastrophique : on pense aux Missoula Floods,
aux États-Unis, qui ont créé des chenaux
gigantesques, par vidanges de grands lacs
glaciaires lors de la dernière déglaciation, il y
a entre 13 000 et 15 000 ans. Avec le changement climatique, de semblables accidents
catastrophiques pourraient se produire prochainement dans l’Himalaya, et il semblerait que
le creusement de la Manche soit le résultat
d’un tel phénomène…
Cascade du Ray Pic, Ardèche.
The Ray Pic waterfall (Ardèche Department). © J. Tuduri.
Lac et barrage de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes).
The Serre-Ponçon dam and reservoir lake
(Hautes-Alpes Department).
© Fotolia.
deux sens afin de stocker de l’énergie. Avec un
rendement énergétique de l’ordre de 70 %,
c’est la seule façon connue de stocker l’énergie
à grande échelle et de façon efficace, ce dont
nous avons un urgent besoin pour pouvoir
développer les énergies renouvelables, qui
sont intermittentes. Ce type d’aménagement
devrait être imposé par la puissance publique
en même temps que sont autorisés les
équipements de production d’énergie renouvelable, éolienne ou solaire. Sinon, ce sont les
énergies fossiles qui seront amenées à palier
l’intermittence des énergies renouvelables.
Une eau pour nous nourrir…
irriguées. Tout ceci aura un coût écologique
élevé (déforestation, barrages…), mais que
faire ? Laisser la famine réguler la démographie ? N’oublions pas que la remontée du
niveau des mers par suite du changement
climatique, à l’heure actuelle de 3 mm/an, fera
aussi perdre des deltas fertiles à l’agriculture.
Danger : une eau venant
à manquer…
Dernier problème lié à l’eau, celui de sa rareté
occasionnelle. De tout temps, la Terre a connu
des périodes de vaches grasses suivies de
période de vaches maigres. Les dernières
grandes périodes de famines connues sont
D’ici 2050, il faudra trouver 4 500 km3
d’eau douce supplémentaire par an
pour nourrir la population mondiale.
quatre ingrédients pour juguler la crise alimentaire qui s’annonce à grands pas :
éradiquer le gaspillage de nourriture (environ
30 % de la quantité commercialisée dans les
pays développés) et réduire la consommation
de produits d’origine animale, augmenter le
rendement des cultures, augmenter les surfaces
cultivées en agriculture pluviale et les surfaces
celles du XIXe siècle (1876-1878 et 1896-1900),
qui ont frappé simultanément l’Inde, la Chine,
le Brésil et l’Éthiopie (et peut-être d’autres
régions où les données font défaut), comme
l’a étudié Aramtyra Sen (1999) et qu’il a appelé
« le déclin de disponibilité alimentaire ».
Chaque épisode de famine a entraîné le décès
de 30 millions de personnes, en Chine et en
Inde seulement, soit 4 % de la population
mondiale de l’époque. Cette simultanéité des
déficits hydriques dans au moins trois continents, dans la zone de mousson, peut
s’expliquer par des événements « El Niño »
particulièrement intenses ces années-là. Les
travaux d’Ortlieb (2000) en Amérique du Sud
ont montré que de tels événements sont rares,
en moyenne deux par siècle depuis 1500. Mais
on peut craindre que le changement climatique perturbe cette statistique.
Demain peut-être, dans cinq ans, dans dix ans,
des événements climatiques extrêmes se
chargeront de nous rappeler la sévérité occasionnelle de notre planète, le fait qu’il nous
faut absolument de l’eau, beaucoup d’eau
pour vivre, d’autant plus que la population
mondiale continue d’augmenter. Si nous
n’avons pas eu la sagesse de la stocker, cette
eau, sous la forme de grains dans nos greniers,
quand elle était abondante, ce seront sans
doute les famines qui se chargeront de réguler
une démographie que nous n’aurons pas su
contrôler nous-mêmes. n
Bibliographie : Leridon, H., Marsily, G. de, coordonnateurs (2011)
– Démographie, climat, alimentation mondiale. Rapport pour la
Science et la Technologie de l’Académie des Sciences. Publié par
EDP Sciences, Paris, 313 p. Marsily, G. de (2009) – L’eau, un trésor en
partage. Dunod, Paris, 256 p. Ortlieb, L. (2000) – The documented
historical period of El Niño events in Peru: an update of the Quinn
record (16th to 19th centuries). In: El Niño and southern oscillation.
Multiscale variability and local and regional impacts. H.F. Diaz
and V. Markgraf, ED., Cambridge University Press. Sen, A., Drèze, J.
(1999) – Omnibus. Oxford University Press, New Delhi.
07
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
Du point de vue des consommations, la grande
question actuelle liée à l’eau est la production
alimentaire, comme le signale Jean Margat
(page 102) dans ce numéro. Environ 90 % de
l’eau que nous consommons sert à nous nourrir,
si on compte les agricultures irriguées et pluviales. D’ici 2050, quand la Terre comptera
probablement un peu plus de 9 milliards
d’habitants, il faudra en gros doubler la
production agricole par rapport à 2000, pour
tenir compte de l’augmentation du nombre
d’habitants, de leur âge, de l’éradication de la
malnutrition, qui frappe aujourd’hui près de
1 milliard d’habitants, ce qui est intolérable,
et enfin du changement des habitudes
alimentaires, qui hélas se traduit par une
augmentation excessive de la consommation
de produits d’origine animale. C’est ainsi qu’il
faudra trouver d’ici 2050 environ 4 500 km3
d’eau douce supplémentaire par an pour nourrir
la population mondiale. Est-ce possible ? Oui,
probablement, en utilisant simultanément
l’eau dans le système solaire, des glaces cométaires aux manteaux planétaires
La molécule d’eau a joué un rôle
majeur dans la formation
des planètes et de leur évolution.
Dans le disque d’accrétion qui
entourait le jeune soleil, la ligne
des glaces marque la séparation
entre la zone de formation
des planètes telluriques et celle
des planètes géantes gazeuses
et glacées. Les différents objets
du système solaire (planètes,
satellites, astéroïdes et comètes)
présentent des contenus en eau très
différents. Certains ont acquis leur
eau dès leur formation, alors que
pour d’autres, dont la Terre,
il s’agit très probablement d’un
processus secondaire.
L’eau dans le système solaire,
des glaces cométaires
aux manteaux planétaires
système solaire
08
À l’origine de l’architecture du système solaire : la ligne des glaces
L’
Jean Duprat
Centre de Spectrométrie
Nucléaire et de Spectrométrie
de Masse IN2P3, CNRS,
Université Paris Sud XI
[email protected]
Le monde des glaces. Image d’Encelade, satellite de
Saturne, prise en 2004 par la sonde Cassini.
A world of ice. A view of Encelades, one of Saturn’s
natural satellites, taken by the Cassini probe in 2004.
© NASA.
eau est une molécule abondante dans la plupart des environnements astrophy­
siques. Ses constituants, l’hydrogène et l’oxygène, sont des éléments majeurs des
phases gazeuses et solides de l’Univers. Issu du big bang, l’hydrogène représente
9 atomes sur 10 : c’est le constituant principal de la matière. L’oxygène est l’élément le
plus abondant résultant de la nucléosynthèse stellaire et le constituant majeur des
phases minérales. Par rapport aux autres molécules simples telles que l’ammoniac ou
le méthane, l’eau possède la température de condensation la plus haute. L’ensemble de
ces propriétés remarquables,
ainsi que sa haute solvabilité et
sa faible viscosité, confèrent à
L’eau a un rôle fondamental
cette molécule un rôle fonda­
dans l’architecture du système
mental dans l’architecture du
système solaire et l’évolution
solaire et l’évolution planétaire.
planétaire.
water in the solar system, from cometary ice to planetary mantles
Dans leurs grandes lignes, les séquences qui jalonnent
l’évolution du nuage de gaz et de poussières de la
nébuleuse protosolaire au système solaire actuel sont
comprises. Les étoiles telles que le Soleil se forment
dans des régions froides(1) et denses du milieu inter­
stellaire : les cœurs moléculaires. Durant les premiers
millions d’années qui suivent son effondrement
gravitationnel, le jeune système stellaire est constitué
d’une étoile centrale entourée d’un disque d’accrétion.
La température et la densité surfacique de ce disque
décroissent avec la distance à la protoétoile. C’est au
sein de ce disque que s’agglomèrent de petits corps
jusqu’à former des planétésimaux de quelques
dizaines, voire centaines de kilomètres. À partir de
cette taille, le couplage aérodynamique de ces objets
avec le disque gazeux devient négligeable et leur évo­
lution orbitale est dictée par leurs interactions
gravitationnelles mutuelles. Ce sont ces planétési­
maux qui, par chocs successifs, ont formé les planètes
rocheuses et les cœurs solides des planètes géantes.
Dans son architecture actuelle, le système solaire
présente une discontinuité remarquable : en dessous
de 2 UA(2), les planètes telluriques, au­delà de 5 UA,
le monde des géantes gazeuses et glacées (figure 1).
La molécule d’eau est responsable de cette frappante
césure. En effet, le processus de croissance planétaire
(1) – Quelques dizaines de degrés kelvins (K). 0 K correspond à -273,15 degrés Celsius.
(2) – L’Unité Astronomique (UA) est la distance Soleil-Terre, soit 150 106 kms.
est, dans un premier temps, gouverné par l’accrétion
de solides. Dans le disque protoplanétaire, il existait
une distance héliocentrique à partir de laquelle
la température était suffisamment basse pour que
l’eau se trouve sous forme de glace. Cette distance cor­
respond à une discontinuité où, localement, la densité
surfacique de solides augmente : c’est la ligne des
glaces. L’évolution temporelle de la localisation de
la ligne des glaces reste une question difficile. Les
pressions dans le disque protoplanétaire étant très
inférieures à la pression terrestre, l’eau se trouvait très
probablement sous forme gazeuse pour des tempé­
ratures supérieures à 150­170 K. Au moment de
la formation des planètes, il est probable que cette
limite se situait autour de 2­3 UA, c’est­à­dire dans
la région de l’actuelle ceinture d’astéroïdes.
Les planètes situées en deçà de cette limite se sont
formées à partir d’une masse moins abondante de
solides, essentiellement composés de silicates et de
métaux. Ceci explique la densité élevée (4 à 5,5 g/cm3)
et les masses peu importantes des planètes tellu­
riques (de 0,06 à 1 masse terrestre, M ⊕ (3)). Leurs
atmosphères sont secondaires, c’est­à­dire issues
du dégazage des roches qui ont contribué à la
formation planétaire. Elles sont composées majo­
ritairement de molécules lourdes et complexes :
CO2, N2, O2…
(3) – La masse de la Terre est M⊕ = 5,97 1024 kg.
Fig. 1: The solar system in
its present configuration
(the relative sizes of
the planets have been
respected approximately, but
not the distances between
them). From the sun outwards,
the cutoff point is clearly
visible between the small,
rocky planets (Mercury, Venus,
Earth and Mars) and the four
giant planets (Jupiter, Saturn,
Uranus and Neptune).
© Lunar and Planetary Institute.
09
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
Les atmosphères des planètes géantes sont
constituées d’hydrogène et d’hélium primordiaux.
Fig. 1 : Le système solaire dans
sa configuration actuelle
(la taille relative des planètes
est approximativement
respectée mais pas leurs
distances). En partant
du Soleil, on distingue
la séparation entre
les planètes telluriques
de petite taille (Mercure,
Vénus, la Terre et Mars) et
les quatre planètes géantes
(Jupiter, Saturne, Uranus
et Neptune).
l’eau dans le système solaire, des glaces cométaires aux manteaux planétaires
10
Par opposition, les planètes géantes gazeuses (Jupiter
et Saturne) et géantes glacées (Uranus, Neptune) ont
des masses considérablement plus élevées (318, 95, 14
et 17 M⊕ pour Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune
respectivement) et des densités faibles (entre 0,69 et
1,64). Au­delà de la ligne des glaces, l’importante quan­
tité de solides (constitués d’une large fraction de glace
d’eau) a permis aux embryons planétaires de croître
rapidement jusqu’à dépasser la masse critique de
10­15 M⊕. Au­delà de cette limite, la masse de l’objet
est suffisante pour localement capturer le gaz du
disque. Ainsi les atmosphères des planètes géantes
sont dites « primaires », c’est­à­dire constituées
d’hydrogène et d’hélium primordiaux. Le disque
gazeux d’accrétion local (une subnébuleuse) qui
entourait Jupiter et Saturne a donné naissance à
certains de leurs satellites ainsi qu’à leur système
d’anneaux. Uranus et Neptune ont connu une
croissance plus lente : lorsque leur masse a atteint la
valeur critique, une large partie du gaz du disque avait
été éjectée par les intenses vents stellaires émis par
le proto­soleil (cet épisode d’activité intense, dite
phase T-Tauri, a duré quelques millions d’années).
Ainsi, la masse d’Uranus et de Neptune est essentiel­
lement contenue dans leur noyau glacé (entouré
d’une atmosphère ténue), alors que celle de Jupiter et
de Saturne est contenue dans leur atmosphère.
Entre sa condensation sur les grains de silicates du
disque protoplanétaire dans les premiers millions
d’années du système solaire et son incorporation dans
les océans terrestres, les calottes polaires martiennes
ou le manteau glacé d’Europe, l’eau du système solaire
a vécu une longue histoire, essentiellement dépen­
dante de la taille et de l’orbite de son corps parent.
La suite de cet article présente un panorama succinct
du contenu en eau des différents objets planétaires.
Le lecteur intéressé pourra trouver de plus amples
informations dans Encrenaz 2004.
En deçà de la ligne des glaces :
le monde des roches
Nos voisins :
Mercure, Venus, Mars et les astéroïdes
Ressemblant de façon frappante à la Lune, Mercure
est quasiment dépourvue d’atmosphère. Ses condi­
tions de surface sont, a priori, incompatibles avec la
présence d’eau. Pourtant, des observations suggèrent
la présence ténue de glace d’eau dans les régions
Entre Mars et Jupiter, la ceinture d’astéroïdes marque
la frontière entre le monde des roches et celui des glaces.
polaires (très probablement apportée par des asté­
roïdes hydratés ou des comètes). Sur Vénus,
la situation est différente. De taille comparable à la
Terre, l’atmosphère de cette planète est principale­
ment constituée de gaz carbonique. Masquée par des
nuages d’acide sulfurique, sa surface présente des
conditions infernales (des températures supérieures
à 740 K et une pression de 93 bars). L’eau est présente
dans l’atmosphère vénusienne sous forme de traces
(environ 30 ppm(4)).
Le contenu en eau de Mars a fait couler beaucoup
d’encre. Plus éloignée du Soleil et de masse dix fois
plus petite que la Terre, Mars présente un fort gradient
thermique de surface variant de 150 K aux pôles en
hiver à 300 K aux basses latitudes en été. L’atmosphère
martienne composée à 95 % de CO2 est ténue
(6 mbar). Sa teneur en vapeur d’eau est extrêmement
faible (environ 100 µm précipitables à comparer à
2 700 m sur Terre). Depuis plusieurs décennies, de
considérables efforts ont été entrepris par les agences
spatiales européennes et américaines pour connaître
le cycle de l’eau martienne. Le contenu en eau des
calottes polaires a été étudié en détail par la caméra
OMEGA de la mission Mars Express, ce qui a permis
de montrer que de la glace d’eau est effectivement
présente sous la glace de CO2.
Entre Mars et Jupiter, la ceinture d’astéroïdes marque
la frontière entre le monde des roches et celui
des glaces. Les tailles des astéroïdes observés sont typi­
quement kilométriques (1 000 km pour le plus gros,
Ceres). Nous connaissons leurs propriétés grâce aux
données spectroscopiques des missions spatiales et à
l’étude des météorites. La teneur en eau des astéroïdes
est très variable : les astéroïdes de type silicatés (S),
dont sont probablement issues la grande majorité des
météorites, sont quasiment totalement secs, alors que
les astéroïdes de type C et D peuvent contenir une
proportion conséquente d’eau ( jusqu’à 10 %).
Récemment, de la glace d’eau a été détectée à la sur­
face de l’astéroïde 24 Themis. Cette grande disparité
montre que cette population contient très probable­
ment des objets s’étant agglomérés de part et d’autre
de la ligne des glaces.
(4) – ppm : partie par million (10-6).
water in the solar system, from cometary ice to planetary mantles
Un cas tellurique particulier, la Terre
Dans Jupiter, les abondances élémentaires de diffé­
rents éléments (C, N, S Ar, Kr, Xe) présentent des
enrichissements remarquablement constants
(d’un facteur 3­4) par rapport aux valeurs solaires
déterminées par les mesures sur les météorites
primitives (les chondrites carbonés de type CI). De tels
enrichissements sont effectivement attendus lors
d’une formation par accrétion d’un cœur solide de
planétésimaux glacés suivi d’un effondrement gravi­
tationnel local du gaz du disque protoplanétaire.
Pourtant, les rapports oxygène/hydrogène (O/H)
mesurés dans la troposphère des planètes géantes
sont très inférieurs à ceux attendus dans cette même
hypothèse. Ainsi, le rapport O/H de Jupiter est infé­
rieur de plus d’un facteur 2 à celui du gaz protosolaire.
Il est très probable que l’eau de Jupiter soit en fait
condensée dans des nuages d’eau ou d’ammoniac et
que les rapports O/H observés à ce jour ne soient pas
représentatifs du rapport O/H global de la planète.
De très faibles traces d’eau troposphérique ont été
détectées dans Saturne. Sur Uranus et Neptune, l’eau
se trouve condensée dans leurs couches profondes
non accessibles à l’observation.
L’eau profonde est l’un des agents
majeurs de la dynamique terrestre.
En revanche, de la glace d’eau a été identifiée à la
surface de la quasi­totalité des satellites de Jupiter (à
l’exception d’Io), Saturne et Uranus. La présence de
glace dans ces objets est corroborée par leurs faibles
Au-delà de la ligne des glaces :
le monde des glaces
Les géantes gazeuses et glacées
Photo 1 : Le satellite de
Jupiter Europa photographié
par la mission spatiale Galileo
(NASA) le 28 juin 1996.
Les couleurs ont été
modifiées pour mettre en
relief les irrégularités de
surface. Les plaines glacées
apparaissent en bleu et
les lignes et sillons marbrés
rouges et bruns indiquent
la présence de contaminants
à la surface de la glace.
La dimension de la zone
imagée est de 1 260 km.
Photo 1: Jupiter’s satellite,
Europa, photographed on 28
June 1996 by NASA’s Galileo
spacecraft. False color has
been used here to enhance the
visibility of surface
irregularities. Icy plains appear
in bluish hues and lineae
and troughs in mottled red
and brown indicate the
presence of contaminants
in the ice.
The area covered is about
1,260 km across.
© NASA/JPL/University of Arizona.
11
G é o s c i e nce s • n u m é ro 1 3 • j u i l le t 201 1
La Terre se distingue des autres planètes car l’eau y est
présente sous ses trois formes : gazeuse, liquide et
solide. C’est un cas remarquable qui résulte de la
combinaison de différents facteurs : la taille de notre
planète, son orbite, l’effet de serre, etc. La masse d’eau
contenue dans les sédiments, les océans et l’atmos­
phère est bien connue et représente 280 ppm (soit
1,7 x 1021 kg). La quantité d’eau contenue dans la Terre
profonde est plus difficile à estimer. Son évaluation
repose sur des études expérimentales sur la capacité
de rétention d’eau dans les minéraux du manteau.
À des profondeurs dépassant 90 km, l’eau se com­
porte comme le cérium (Ce). Selon certains auteurs,
l’invariance du rapport H2O/Ce dans les échantillons
provenant du manteau terrestre supérieur et dans
ceux provenant du manteau terrestre inférieur
suggère une distribution homogène de l’eau dans le
manteau correspondant à une proportion de
150­350 ppm (rapportée à la masse totale de la Terre),
ce qui représente l’équivalent d’un océan enfoui. En
revanche, selon d’autres auteurs, les études à haute
pression des minéraux de la zone de transition (wads­
leyite et ringwoodite) et du manteau profond
(Mg­perovskite, Ca­perovskite et magnesiowustite)
suggèrent que la teneur en eau de la terre profonde
est inhomogène, avec un manteau supérieur sec, une
zone de transition et un manteau profond riches en
eau. Dans cette hypothèse, la masse totale d’eau
contenue dans le manteau serait nettement supé­
rieure (7­11 x 1021 kg, répartie en part comparable entre
la zone de transition et le manteau profond). Dans
tous les cas de figure, l’eau profonde est l’un des
agents majeurs de la dynamique terrestre. Le lecteur
intéressé trouvera de plus amples détails dans
F. Albarède 2009 et H. Rollinson 2006.
l’eau dans le système solaire, des glaces cométaires aux manteaux planétaires
> Des poussières cométaires dans les neiges antarctiques
Grâce au soutien de l’Institut polaire français Paul-Émile
Victor (IPEV), des collectes de poussières interplanétaires sont régulièrement organisées dans les calottes
polaires arctiques et antarctiques. Très récemment, des
poussières d’origine très probablement cométaire ont
été découvertes dans les neiges des régions centrales
du continent antarctique [Duprat et al. (2010)]. La
collecte a été effectuée à proximité de la base permanente franco-italienne CONCORDIA, située au Dôme C
à 1 100 km des côtes de Terre-Adélie.
Sur place, la neige de surface y est exceptionnellement
bien protégée de la contamination par des poussières
terrestres. Certaines de ces micrométéorites présentent
des teneurs en carbone très élevées (environ 50 % en
volume) comparables à celles des grains CHON observés
par les sondes spatiales Vega et Giotto lors du passage
de la comète de Halley. Ce carbone est sous forme de
matière organique très désorganisée. La teneur en deutérium de cette matière organique est extrêmement
élevée (D/H de 10 à 30 fois la valeur SMOW). n
Collecte de micrométéorites à proximité de la station
CONCORDIA (régions centrales antarctiques 75°S, 123°E).
Collecting micrometeorites near CONCORDIA station
(central Antarctica 75°S, 123°E).
© J. Duprat, CSNSM.
12
Micrométéorite à grain fin (collection CONCORDIA).
Certaines de ces particules ont des compositions
chimiques et isotopiques suggérant fortement une origine
cométaire.
A fine-grained micrometeorite (CONCORDIA Collection).
Some of these particles display chemical and isotopic
compositions strongly suggesting a cometary origin.
© C. Engrand, CSNSM.
Dans les calottes polaires, sur Mars,
la glace d’eau est présente
sous la glace de CO2.
water in the solar system, from cometary ice to planetary mantles
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
13
densités (par exemple la densité de Titan est de 1,9 g/cm3).
Europa et Encelade sont deux exemples embléma­
tiques de ces objets glacés. Les mouvements des
plaques de glaces à la surface d’Europa suggérant
l’existence d’eau liquide dans les profondeurs de ce
satellite de Jupiter ont déclenché un intérêt considé­
rable (photo 1). Les anneaux de Saturne, Uranus et
Neptune sont principalement constitués de glace
d’eau. La mission Cassini a récemment permis l’observation
de phénomènes spectaculaires de cryo­volcanisme au
pôle sud d’Encelade. La signature de la glace d’eau
s’affaiblit avec la distance héliocentrique, les satellites
d’Uranus en montrent encore quelques signes dans le
proche infrarouge alors que ceux de Neptune présen­
tent principalement les signatures de glaces d’azote
et de méthane.
Les comètes, une fenêtre sur les régions froides
du disque protoplanétaire
Au­delà de l’orbite de Neptune survivent les résidus
solides qui ont échappé à l’accrétion stellaire et
planétaire, les comètes (photo 2). Constituées de
glaces et de roches en proportions comparables, les
comètes ont des diamètres ne dépassant pas
quelques kilomètres. Contrairement aux planètes (ou
aux astéroïdes de grande taille), elles sont trop petites
pour avoir subi un processus de différenciation. On
distingue un premier réservoir de comètes situé entre
30 et 70 UA qui comprend la ceinture de Edgeworth­
Kuiper et, un peu plus loin, le disque épars. Le second
réservoir cométaire, le nuage de Oort, se trouve aux
confins du système solaire (de 5 000 à 200 000 UA).
Photo 2 : Comète Hale-Bop
photographiée lors de
son passage en avril 1997.
Photo 2: The comet Hale-Bop
photographed as it passed
in April 1997.
© J. Mouette, IAP.
l’eau dans le système solaire, des glaces cométaires aux manteaux planétaires
14
> Les rapports deutérium/hydrogène (D/H) de l’eau
Les rapports deutérium/hydrogène (D/H) dans différents composants planétaires fournissent de précieuses
informations sur les réservoirs dont ils sont issus ainsi
que sur les processus secondaires qui les ont affectés.
Le rapport D/H de l’eau cométaire est 2 fois supérieur
à la valeur SMOW(1). Des enrichissements supérieurs ont
été observés (un facteur 15) pour la molécule HCN ainsi
que dans la matière organique de météorites et de
poussières interplanétaires primitives (micrométéorites
antarctiques). Ces enrichissements ont très probablement pour origine des réactions ion-molécules à basses
températures (environ 30 K) qui ont eu lieu soit dans
les régions froides (externes) du disque protoplanétaire
soit dans le cœur du nuage moléculaire interstellaire
parent. Ces mêmes rapports D/H fournissent par
ailleurs une contrainte sur la proportion « d’eau cométaire » dans les océans terrestres (environ < 10 %,
Robert, 2001). Les rapports D/H des atmosphères
planétaires sont extrêmement riches en informations :
l’atmosphère jovienne permet de connaître le D/H de
la nébuleuse protosolaire (~ 2 x 10-5, soit 10 fois inférieur
à SMOW) ; ceux de Mars et de Venus reflètent probablement l’échappement d’une large partie de leur
proto-atmosphère. n
(1) – Le rapport D/H SMOW (1.5 x 10-4) est celui des océans terrestres
(Standard Mean Ocean Water).
Les comètes se sont très probablement agrégées à
proximité des orbites actuelles des planètes géantes
puis, sous l’influence gravitationnelle de la migration
de ces dernières, elles ont soit migré vers l’extérieur
pour s’accumuler vers une centaine d’UA soit ont été
expulsées à très grandes distances héliocentriques
pour former le nuage de Oort. L’eau cométaire fut
identifiée pour la première fois (sous forme de vapeur)
lors du passage de la comète de Halley en 1986.
Depuis de nombreuses années, différentes missions
spatiales ou collectes dans les régions polaires ont
pour objet l’étude des matériaux cométaires (encadré
page 12). En janvier 2006, la mission Stardust (NASA)
a permis le retour en laboratoire de poussières préle­
vées dans l’atmosphère de la comète 81P/Wild2.
En 2014, la mission Rosetta permettra d’observer in
situ la comète 67P/Churyumov Gerasimenko.
dans la haute atmosphère de ces planètes. Dans le cas
de Mars, cet échappement est favorisé par la faible
gravité et l’arrêt précoce de la dynamo interne qui pro­
tégeait sa haute atmosphère du rayonnement ionique
solaire. Cet échappement est en accord avec l’enrichis­
sement en deutérium observé dans l’atmosphère
résiduelle de ces deux planètes, la perte de l’isotope
léger (H) étant favorisé par rapport au lourd (D)
(encadré ci-dessus). Pourtant, l’hypothèse d’une accré­
tion à partir d’un matériau humide paraît en
désaccord avec les faibles rapports volatils/réfractaires
de la Terre, de la Lune et de Mars comparés à celui des
chondrites carbonées. De même, les compositions iso­
topiques de différents éléments volatils (K, Zn) ne
montrent pas l’enrichissement en isotopes lourds
attendu dans le cas d’un échappement [F. Albarède
(2009)].
D’où viennent les océans terrestres ?
S’il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus sur la
teneur initiale en eau des planètes telluriques, en
revanche une large partie de la littérature considère
que l’eau « moderne » actuellement observée a été
apportée tardivement, alors que les planètes avaient
déjà acquis une grande partie de leur masse. C’est
l’hypothèse dite du vernis tardif. Les simulations
numériques montrent que l’évolution de l’orbite des
planètes géantes a perturbé les orbites des petits
corps situés au­delà de la ligne des glaces et, qu’une
partie d’entre eux a ainsi pu être propulsée vers le sys­
tème solaire interne et délivrer leur eau aux planètes
L’apport de l’eau sur les planètes telluriques reste une
question controversée de la planétologie moderne.
Pendant longtemps, l’approche communément
admise était celle d’une accrétion humide où Vénus,
la Terre et Mars auraient débuté avec des proto­
atmosphères riches en eau issues du dégazage de
leurs constituants. Dans ce scénario, l’absence d’eau
dans les atmosphères vénusienne et martienne
modernes peut être expliquée par un échappement
massif par photodissociation de la molécule d’eau
Publicité
water in the solar system, from cometary ice to planetary mantles
telluriques [Morbidelli et al. (2000)]. De nombreuses
questions concernant les conditions de cet apport
restent à élucider : à quel moment de la formation pla­
nétaire a­t­il eu lieu ? Quelle en a été la durée ? A­t­il
pris la forme d’un ou plusieurs planétésimaux de
grande taille ? Quelle a été la contribution des pous­
sières ? L’apport d’eau aux minéraux du manteau a eu
pour conséquence d’en diminuer la viscosité et a très
probablement déclenché la dynamique planétaire qui
a abouti au régime de tectonique des plaques que
nous connaissons aujourd’hui.
Ainsi, si l’eau a littéralement façonné notre planète et
reste l’un des ingrédients cruciaux ayant permis l’émer­
gence de la vie telle que nous la connaissons, cette
même molécule a joué un rôle non moins fondamen­
tal dans l’architecture du système solaire lui­même à
l’époque plus reculée où les planètes se formaient. n
L’apport d’eau aux minéraux
du manteau a très
probablement déclenché
la dynamique planétaire.
Water in the solar system, from cometary ice to planetary mantles
Water was an abundant molecule
in the accretion disc surrounding
the proto-sun during the first millions
of years after the gravitational collapse
of the solar nebula. It played a crucial
role in the formation of planets
and their subsequent evolution.
The snowline marks the limit where
this molecule changes from a gaseous
to a solid state (i.e. ice). Inside
the snowline, dry planetesimals slowly
accreted to form small, high-density,
rocky planets, while beyond extended
the realm of low-density, gaseous
and icy giant planets. Compared to
Earth, all other telluric planets are dry,
for any water that may have been
present in their initial atmospheres
(degassed from their forming rocks)
most probably escaped.
The water content in the mantle
of terrestrial planets is still poorly
constrained: minerals in the Earth’s
mantle may contain up to several
oceans-worth of water. The rocky core
of the giant planets accreted rapidly
from icy planetesimals and reached
a critical mass limit triggering a local
gravitational collapse of gas from
the protoplanetary disk. The water in
these large planets is confined at high
pressure at depths inaccessible to
observation. Water ice is detected,
however, on most of their satellites.
Like asteroids, comets are small bodies
that avoided accretion into the central
star or the planets. While asteroids
exhibit a wide range of types, from dry
to moderately moist compositions,
comets are composed of about half
water ice. They most probably formed
at a few tens of AU from the protosun
and were subsequently expelled by
the giant planet migration to form
the Kuiper belt and the Oort cloud.
Well preserved, comets provide a unique
window of observation into the cold
regions of the protoplanetary disk.
The water currently observed on rocky
planets (including Earth) was most
probably supplied totally or in large
part in the late stages of their
formation by water rich planetesimals.
Bibliographie : F. Albarède (2009) – Volatile accretion history of the terrestrial planets and dynamic implications. Nature 461(7268):1227­33. J. Duprat et al. (2010) – Extreme Deuterium Excesses in Ultracarbonaceous
Micrometeorites from Central Antarctic Snow. Science. 328: 742. T. Encrenaz, (2004) – À la recherche de l’eau dans l’Univers, Belin, 176 p. A. Morbidelli et al. (2000) – Source regions and timescales for the delivery
of water to the Earth. MAPS 35: 1309­1320. F. Robert (2001) – The Origin of Water on Earth, Science 293, 1056. H.-R. Rollinson (2006) – Early Earth Systems: A Geochemical Approach Blackwell Publishing Ltd, 296p.
l’eau et la dynamique lithosphérique
Concentrée à la surface du Globe,
l’eau n’en est pas moins présente
en grande quantité à l’intérieur
de la Terre. Elle y joue un rôle
majeur en diminuant la résistance
des roches, en permettant leur
fusion partielle et en transportant
des éléments chimiques.
Elle interagit à toutes les échelles
d’espaces et de temps dans
les profondeurs de la croûte et
du manteau, que ce soit pendant
les séismes, la formation des chaînes
de montagnes ou des rifts. Sans eau,
il est probable que la tectonique des
plaques serait très différente, voire
absente de la dynamique terrestre.
L’eau
et la dynamique
lithosphérique
géodynamique
16
Où trouve-t-on l’eau à l’intérieur de la Terre ?
Laurent Jolivet
Professeur
Institut des sciences de la Terre d’Orléans (ISTO)
Université d’Orléans/INSU-CNRS
[email protected]
Schiste bleu de l’île de Syros dans les Cyclades.
Le fond de la roche est constitué essentiellement
de grenats et de glaucophane, un minéral hydraté bleu
(de la famille des amphiboles) qui est stable dans des
conditions de pression et de température caractéristiques
de la subduction. Les grands minéraux clairs sont
des lawsonites, un silicate calcique très riche en eau
(environ 14 %), qui reste stable dans les grandes
profondeurs (plus de 200 km) des zones de subduction.
Blueschists from Syros Island in the Cyclades.
The rock’s matrix consists essentially of garnets and
glaucophane, a blue hydrated mineral (of the amphibole
family) which is stable under the high-pressure and
low-temperature conditions characteristic of subduction
zones. The large, light-coloured minerals are lawsonites,
a highly water-rich (approximately 14%) calcium silicate,
which remains stable at the great depths
(exceeding 200 km) prevailing in subduction zones.
© L. Jolivet.
L’
eau libre est abondante à la surface de la Terre, mais on pense qu’elle est aussi
présente en grandes quantités et sous diverses formes à très grande profondeur,
jusqu’à la base du manteau, voire jusque dans le noyau [Bolfan-Casanova (2005) ;
Ohtani et al., (2005)]. Dans les dix à vingt premiers kilomètres de la croûte terrestre, l’eau
circule en empruntant les fractures qui forment un réseau plus ou moins interconnecté.
On estime en général que la limite inférieure de pénétration des fluides libres correspond
à la zone de transition entre le régime de déformation cassante et le régime ductile plus profond.
Même si, dans les profondeurs du manteau, la
Le volume d’eau
concentration des fluides aqueux est faible, le
volume du manteau est tel que les quantités
stocké dans le manteau
d’eau stockées sont très importantes, au moins
est au moins équivalent
équivalentes au volume d’eau visible en surface.
au volume d’eau
visible en surface.
On trouve l’eau sous diverses formes dans la
Terre profonde. Tout d’abord, elle circule librement
dans les fractures ou dans les veines des roches
métamorphiques. Si on entre plus avant dans l’intimité des roches, on trouve de l’eau sous
forme de films très minces entre les grains minéraux. Cette eau joue un rôle majeur dans
la dissolution et l’hydrolyse des minéraux, dans le transport et le dépôt des éléments
chimiques dans les roches, ainsi que dans les processus tectoniques. Une grande part de
water and lithospheric dynamics
Fig. 1 : Répartition
et circulation de l’eau
dans la lithosphère
et une partie du manteau
profond. Les termes
en bleu correspondent
à des minéraux qui
contiennent de l’eau
sous forme dissoute comme
l’olivine, la wadsleyite
et la ringwoodite.
Les flèches bleues
indiquent les principaux
trajets suivis par l’eau.
Fig. 1: Distribution and
circulation of water within
the lithosphere and part
of the lower mantle.
Terms in blue correspond
to minerals containing
water in dissolved form
such as olivine, wadsleyite
and ringwoodite.
Blue arrows indicate
the main pathways
followed by water.
Source : L. Jolivet, V. Famin, P. Philippot
et Ph. Agard. Au plus profond
de la Terre. Pour la Science, n° 58,
janvier-mars 2008.
cette eau est intégrée à la roche dès la formation des
sédiments. L’eau de mer, piégée dans la porosité des
roches lors de la diagenèse, se retrouve ainsi entraînée
en profondeur.
L’eau est présente dans les minéraux essentiellement
sous deux formes. Elle peut faire partie intégrante de
leur formule chimique, l’ion OH- étant intégré dans la
structure cristalline. Les exemples les plus classiques
sont les micas ou les argiles, mais des minéraux moins
connus comme les amphiboles, la lawsonite, la chlorite
contiennent également des proportions d’eau importantes (jusqu’à 14 % dans la lawsonite ou la chlorite).
L’eau peut également être sous forme dissoute dans
des minéraux dont la formule chimique n’en contient
pas. On peut ainsi observer des proportions significatives d’eau dans des minéraux normalement anhydres
tels que l’olivine ou le quartz. Dans ces deux cas, l’eau
contenue dans les minéraux joue un rôle majeur dans
les processus de déformation et de recristallisation
métamorphique.
L’eau entre dans les profondeurs de la Terre par les
failles normales comme celles qui fracturent la croûte
océanique dans les rifts médio-océaniques. Cette eau
peut descendre profondément dans la croûte, voire
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
17
l’eau et la dynamique lithosphérique
Dans les régions de magmatisme
d’arc, la richesse en eau des magmas
est à l’origine d’un volcanisme
explosif très dangereux.
18
jusque dans le manteau. Mais c’est essentiellement par
les zones de subduction qu’une grande partie de l’eau
s’introduit dans le manteau [Schmidt et Poli (1998)].
L’eau emprisonnée dans les sédiments, dans la croûte
ou dans le manteau pénètre à l’intérieur de la Terre, où
elle est stockée au sein de phases minérales hydratées
telles que la lawsonite, les amphiboles ou la serpentine.
Elle se répartit dans le manteau grâce à la convection,
en particulier dans la zone de transition entre le
manteau supérieur et le manteau inférieur, entre 450
et 670 km de profondeur. Lors de la subduction, une
part importante de cette eau est relâchée par des
réactions de déshydratation. Elle provoque la fusion
partielle du manteau situé au-dessus de la plaque
plongeante et, en conséquence, facilite l’émission de
produits volcaniques en surface : c’est le magmatisme
d’arc. Dans ces régions, la richesse en eau des magmas
est à l’origine d’un volcanisme explosif très dangereux.
Il est difficile de faire le bilan volumétrique de l’eau qui
entre et qui ressort du manteau, mais il est vraisemblablement équilibré.
Où est l’eau dans la lithosphère ?
La question se pose différemment pour la lithosphère
continentale et la lithosphère océanique. Dans le cas
des océans, le problème est relativement simple car
la lithosphère est renouvelée en permanence. L’eau
pénètre essentiellement dans la croûte et dans le
manteau par les failles et les fractures de la région du
rift médio-océanique. Un circuit de type convectif
s’établit avec une descente d’eau de mer froide et une
remontée d’eau chaude chargée en éléments métalliques par les sources hydrothermales telles que les
fumeurs noirs. Les observations des séries ophiolitiques
affleurant dans les chaînes de montagnes montrent
que l’eau de mer pénètre jusqu’à la base de la croûte
(entre 4 et 10 km) et parfois au sommet du manteau,
transformant les gabbros en amphibolites et les
péridotites en serpentinites. Cette injection d’eau
dans le manteau, et la transformation des roches en
serpentinites, a des conséquences très importantes
sur la géodynamique interne, car les phases hydratées
sont en général peu résistantes.
Photo 1 : Quartzite à pyrope et phengite (mica blanc) du massif de Dora Maira
dans les Alpes occidentales. Malgré un enfouissement supérieur à 100 km, cette roche
contient des minéraux hydratés (micas blancs) en proportions importantes.
Photo 1: Quartzite containing pyrope and phengite (white mica) from the Dora Maira Massif
in the western Alps. Although buried at depths exceeding 100 km, this rock contains
hydrated minerals (white mica) in large proportions.
© L. Jolivet.
Le cas de la lithosphère continentale est plus complexe.
Son histoire géologique peut être très longue, de
plusieurs milliards d’années dans certains cas, et sa
structure beaucoup plus hétérogène. L’eau de la lithosphère continentale a trois origines : l’eau des sédiments,
l’eau circulant dans les failles et les zones de déformation en général, et l’eau contenue dans les magmas,
qu’ils soient d’origine mantellique ou crustale. Tant
que les sédiments ne sont pas impliqués dans des
processus tectoniques, l’eau des sédiments ne joue pas
de rôle majeur dans la géodynamique. Mais, lorsqu’ils
sont enfouis en profondeur, parfois sous une chaîne de
montagne, une série de réactions métamorphiques
conduisant souvent à la déshydratation des roches va
redistribuer cette eau. Les phyllosilicates (argiles,
micas…) sont les porteurs privilégiés de l’eau dans la
croûte continentale. Une part significative de l’eau reste
intégrée à des phases minérales hydratées jusqu’à de
grandes profondeurs, puisque les roches métamorphiques d’ultra-haute pression du massif de Dora
Maira, dans les Alpes, enfouies à plus de 100 km de
profondeur, conservent des quantités importantes de
micas blancs [Chopin et Schertl (1999)].
Photo 2 : Comportement
des roches en fonction
de leur composition
minéralogique et de
leur teneur en eau.
Dans ce gneiss, les parties
les plus riches en micas
(en blanc), sont
partiellement fondues,
alors que les parties les
plus basiques, anhydres,
restent intactes
(affleurement de
la Province des Gneiss
dans l’ouest
de la Norvège).
Photo 2: Behaviour
of rocks according to their
mineralogical composition
and water content.
In this gneiss, the portions
containing the most mica
(white) have been partially
melted, whereas the drier,
more basic, anhydrous
portions have remained
unaltered (the Gneiss
Province outcrop in
western Norway).
© L. Jolivet.
Gé o sci e n ce s • nu m é ro 13 • ju i l l et 2011
water and lithospheric dynamics
19
l’eau et la dynamique lithosphérique
> L’origine des eaux profondes déterminée à partir des isotopes de l’oxygène
et de l’hydrogène
Catherine Lerouge – BRGM – [email protected]
L’eau présente à la surface de la Terre
résulte pour une grande part de l’intense dégazage qui a eu lieu après son
accrétion. De nos jours, le volume
d’eau libéré par le globe, dû essentiellement au dégazage des magmas
(figure 1), équivaut à peu près au
volume d’eau entrant. De grands
volumes d’eau pénètrent en effet
dans la lithosphère en passant par les
pores, les fractures de la couverture
sédimentaire (330 106 km3) (1) et les
structures tectoniques (dorsales
médio-océaniques, décollements
lithosphériques), jusque dans
l’asthénosphère via les zones de
subduction. Ensemble, lithosphère
et asthénosphère contiennent un
volume d’eau évalué à 400 106 km3 (1).
La géochimie des isotopes stables
de l’oxygène (rapport isotopique
18O/16O) et de l’hydrogène (rapport
isotopique D/H) permet de retracer
l’origine de ces eaux (figure 2).
Les eaux de surface, eau de mer et
eaux météoriques, ont été échantillonnées sur l’ensemble de la
surface de la Terre et ont fait l’objet
d’analyses systématiques. Les eaux
d’origine mantellique ont été essentiellement analysées par extraction
de l’eau contenue dans les roches
volcaniques telles que les basaltes
des rides médio-océaniques.
Les eaux présentes dans la lithosphère ont souvent une origine mixte.
Ce sont : 1) des eaux de surface ayant
pénétré dans la croûte par les
réseaux de fractures et failles, ou 2)
des eaux résultant de la déshydratation des roches profondes ou du
dégazage magmatique, et remontant
via des structures tectoniques. Ces
eaux circulant à travers la lithosphère interagissent avec les roches.
Elles sont à l’origine de précipitations
dans les fractures et de modifications minéralogiques ; une partie est
piégée dans les minéraux soit sous
la forme d’inclusions fluides, soit
incorporée dans leur réseau cristallin
(minéraux hydroxylés).
Les compositions isotopiques en
oxygène et en hydrogène de ces
eaux peuvent être mesurées directement à partir de l’eau contenue par
Atmosphère
Arc
insulaire
Continent
Zone d’accrétion
Lithosphère
Glace
Dorsale
Medio-océanique
Zone de
subduction
Océan
Océan
Granite issu de fusion
partielle de croûte
Continent
Fusion partielle de
plaque subductée
Complexe
mafique
Asthénosphère
Eaux d’origine magmatique
mantellique (juvéniles).
Eaux métamorphiques (eaux d’origine mantellique, eaux issues
de la déshydratation de la croûte inférieure ou associée à la fusion crustale).
Eaux météoriques.
Eau de mer.
Fig. 1 : Coupe simplifiée de la surface de la Terre montrant les principales circulations d’eau entre atmosphère, lithosphère et asthénosphère.
Fig. 1: Schematic cross-section of the Earth showing the major water fluid transferts between atmosphere, lithosphere and asthenosphere.
© C. Lerouge, BRGM.
© C. Lerouge, BRGM
-10
ea
ux
mé
téo
riq
u
es
-15
ed
Dr
oit
Fig. 2: Oxygen and hydrogen isotopic
compositions of the main water reservoirs:
asthenosphere, lithosphere and atmosphere.
Isotopic data are given in the standard d
notation relative to the international standard
SMOW, following the equation:
([18O/16O]sample/[18O/16O]standard – 1)
x 1 000 (‰ SMOW)
20
es
Fig. 2 : Compositions isotopiques en oxygène
et hydrogène des principaux réservoirs
d’eau connus : asthénosphère, lithosphère -20
et atmosphère. Les compositions isotopiques
de l’eau sont exprimées en unités d pour mille
par rapport au standard international SMOW
(Standard Mean Ocean Water), définies par
l’équation : ([18O/16O]échantillon/[18O/16O]
standard – 1) x 1 000 (‰ SMOW)
-5
0
-20
Eau de mer
0
5
10
d18O (‰ SMOW)
15
-40
-60
-80
-100
-120
Eaux d’origine
magmatique
mantellique
(H2O asthénosphère )
-140
-160
dD (‰ SMOW)
20
25
Eaux
métamorphiques
(lithosphère
300-600 °C)
les inclusions fluides, mais les
volumes sont infimes. Elles peuvent
aussi être déterminées indirectement à partir des minéraux issus
des fluides aqueux. En effet, ces
minéraux ont une composition isotopique représentative de celle du
fluide, qui dépend de la température
de formation du minéral. L’origine
des eaux peut ensuite être déterminée en comparant leur composition
isotopique avec celle des principaux
réservoirs connus (figure 2). n
(1) – Données provenant du site http://www2.
ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s3/cycle.eau.
html.
water and lithospheric dynamics
La partie supérieure de la croûte continentale est parcourue
d’un réseau de failles et de veines plus ou moins interconnectées
qui autorise la circulation de l’eau à grande échelle.
Lorsque la fusion partielle et la production de magma
granitique sont importantes – comme c’est le cas dans
les chaînes de montagnes très matures ou pendant les
épisodes d’écroulement post-orogénique –, la montée
des magmas riches en eau vers les parties supérieures
de la croûte va contribuer à « assécher » la croûte
inférieure. Celle-ci est alors caractérisée par des lithologies plus anhydres comme des granulites par
exemple. Par ailleurs, l’observation de zones de déformation intense – grands chevauchements, grandes
failles normales à faible pendage, grands décrochements – révèle des phases minérales hydratées et des
veines minéralisées, montrant que de l’eau a circulé
jusqu’à des profondeurs supérieures à 20 km [Famin
et al., (2004)]. La partie supérieure de la croûte continentale est parcourue d’un réseau de failles et de
veines plus ou moins interconnectées qui autorise la
circulation de l’eau à grande échelle. Plus profondément, à des températures supérieures à 350-400 °C,
la circulation des fluides est beaucoup plus limitée ;
la production de fluides par des réactions métamorphiques est essentiellement locale. Dans la croûte
continentale, la zone de transition entre la déformation
cassante et la déformation ductile joue donc un rôle
majeur dans la répartition de l’eau et, comme nous le
verrons par la suite, dans la déformation.
Il y a également de l’eau dans le manteau, sous la
lithosphère continentale, comme le montrent les
enclaves remontées par certains volcans. Il s’agit d’une
question de première importance, car la présence ou
l’absence d’eau dans le manteau lithosphérique souscontinental conditionne en grande partie sa résistance.
Comment l’eau interagit-elle
avec la déformation ?
L’eau joue un très grand rôle dans les processus
tectoniques en rendant les roches plus facilement
déformables. C’est un point d’importance majeure
car, pour que de grands déplacements soient possibles
(déplacements des plaques les unes par rapport aux
autres, glissements de plusieurs centaines de kilomètres
le long de grandes failles), il faut que les roches soient,
localement, suffisamment peu résistantes pour être
fortement déformées. Or, l’eau est au premier plan des
acteurs de ces processus de déformation.
Par sa seule présence, et en dehors de toute modification de la minéralogie, l’eau rend les roches plus
déformables. Sous la forme de films très minces entre
les grains, l’eau est un agent lubrifiant qui se révèle très
efficace. Par ailleurs, l’eau transporte des éléments
chimiques en solution d’un point à l’autre de la roche,
entraînant des dissolutions à certains endroits et des
recristallisations en d’autres.
Un deuxième processus contribue à affaiblir les roches.
Lors de l’enfouissement, la minéralogie des roches
se transforme en s’adaptant à l’augmentation de la
pression et de la température : c’est le métamorphisme.
En présence d’eau, des phases cristallines hydratées,
comme les micas, vont se former. L’eau ayant tendance
à s’insinuer le long des zones de déformation principales, au travers des failles et des veines, c’est surtout
dans ces zones que vont se former les associations
minérales riches en micas ou autres phases hydratées.
Par exemple, on observe souvent que la déformation
d’un granite – composé en majorité de quartz et de
L’eau joue un très grand rôle
dans les processus tectoniques en rendant
les roches plus facilement déformables.
G é o s c i e n ce s • n u m é ro 1 3 • j u i l l e t 2 0 11
Une part importante de l’eau peut être relâchée dans
la croûte (zone de subduction), auquel cas elle va diminuer le point de fusion des roches de composition
granitique, provoquant une fusion partielle et donnant
naissance à des magmas granitiques tels que ceux du
Baltoro ou du Manaslu en Himalaya.
21
l’eau et la dynamique lithosphérique
22
feldspath potassique anhydres, avec un faible pourcentage de mica (qui contient 3 à 4 % d’eau) –, se traduit
par la formation (par hydratation) d’une nouvelle roche,
un micaschiste, beaucoup plus riche en micas. Lors de
la déformation, qui peut être tout d’abord cassante,
l’eau pénètre la roche et transforme par hydrolyse des
feldspaths anhydres en micas hydratés. Ces derniers,
constitués en outre de feuillets superposés, sont
beaucoup moins résistants aux contraintes mécaniques que les feldspaths. Une instabilité peut alors se
créer et la déformation se localiser dans une zone
privilégiée. Ce type d’interaction est couramment
observé aux profondeurs de la transition ductilecassant et dans les zones de subduction où les
recristallisations métamorphiques soulignent la zone
de décollement des grands chevauchements.
Lors des séismes, des fractures
s’ouvrent et se referment
en permanence, créant des variations
rapides de pression des fluides.
Un troisième type d’interaction est à prendre en
compte dans les processus de fracturation. De façon
générale, les roches sont d’autant plus résistantes à la
fracturation que la pression, et donc la profondeur,
qu’elles subissent est élevée. Dans le cas où des fluides
sont piégés dans une formation rocheuse, ils vont
supporter une part de la charge (on dit qu’ils sont en
surpression) et diminuer d’autant la pression effective
supportée par la roche, qui sera de fait plus facile à
fracturer. Or, lors de la déformation de la croûte, en
particulier au moment des séismes, des fractures
s’ouvrent et se referment en permanence, créant des
variations rapides de pression des fluides. Lors du
fonctionnement sismique d’une faille, ces variations de
pression et de déformation des roches sont parfois
appelées pompage sismique. Les données de la sismologie montrent que les zones de failles sismiques
sont en effet riches en fluides, en particulier vers la base
du domaine cassant.
Photo 3 : (haut) Granulites précambriennes anhydres parcourues de fractures
le long desquelles se développe une minéralogie de haute pression partiellement
hydratée, dans le faciès métamorphique des éclogites (parties sombres).
(bas) Quand la déformation devient plus intense, les zones éclogitisées, hydratées
et moins résistantes, sont davantage déformées et suivent la déformation,
ce qui induit une recristallisation métamorphique plus poussée.
Photo 3: (Top) Precambrian anhydrous granulites crisscrossed with cracks along
which a high-pressure mineralogy has developed that is partially hydrated
in the metamorphic facies of the eclogites (dark-coloured parts).
(Bottom) When deformation intensifies, the zones with eclogite, which
are hydrated and less resistant, are more strongly deformed and follow
the deformation, thereby causing a more pronounced metamorphic
re-crystallization.
© L. Jolivet.
water and lithospheric dynamics
Water and lithospheric
dynamics
La faille de San Andreas en Californie est très active et bien visible dans le paysage. L’intensité de l’activité sismique le long
de la faille est notamment conditionnée par la présence d’eau dans les formations rocheuses en profondeur.
The San Andreas Fault in California is very active and is clearly visible in the landscape. Earthquake intensity along the fault is notably
conditioned by the presence of water in the rocky formations at depth.
© http://earthobservatory.nasa.gov
Quelles conséquences
pour la géodynamique ?
On voit donc se dessiner une série d’interactions entre
les fluides et la déformation, depuis les domaines
cassant et sismique jusqu’aux domaines ductiles plus
profonds. Ces processus, qui conduisent à la localisation
de la déformation par les fluides, sont reconnus sur de
nombreux exemples. La faille de San Andreas possède
des portions le long desquelles le glissement est
permanent et régulier, produisant une multitude de
petits séismes souvent non ressentis par les populations. En revanche, certaines de ses portions sont très
dangereuses, caractérisées par des séismes rares mais
violents. La nature des roches en profondeur, mais aussi
leur richesse en fluides contrôlent ces différences de
comportement.
À une échelle plus vaste, la présence de phases
hydratées en profondeur, comme la serpentine dans
les zones de subduction, contribue fortement à lubrifier
les grands contacts tectoniques. On retrouve dans
les chaînes de montagnes des roches ayant fait un
aller-retour supérieur à 80-100 km de la surface vers
des profondeurs, puis à nouveau vers la surface où
on les trouve aujourd’hui. La subduction explique
facilement le trajet des roches vers la profondeur.
Mais il faut aussi qu’elles se détachent de la plaque
plongeante, puis qu’elles remontent. Dans le cas de la
subduction océanique, la lithosphère plongeante comporte un niveau riche en serpentine au sommet du
manteau ; ce niveau peu résistant peut être le siège
d’un décollement et faciliter le décrochage d’unités
tectoniques qui remontent ensuite vers la surface grâce
aux forces de flottabilité.
L’eau joue donc un rôle majeur à tous les niveaux de
la géodynamique, depuis les failles de la croûte
supérieure jusqu’aux grandes profondeurs des zones
de subduction. Elle est présente en quantités importantes dans le manteau et y joue un rôle en diminuant
la résistance, mais aussi en facilitant la fusion des
roches et la formation de magmas qui rejoignent la
surface. Il y a donc plusieurs échelles de circulation
de l’eau dans la Terre, allant des petites cellules de
convection observées au niveau des dorsales médioocéaniques jusqu’à la grande circulation impliquant la
subduction et le magmatisme d’arc. n
Concentrated mainly at the
surface, water is nevertheless
present deep inside the Earth
where it plays a prominent
role by lowering the
mechanical resistance of rocks,
by allowing partial melting
of the crust and mantle and
by transporting chemical
elements. Present in large
quantities in sediments, as
well as in the oceanic crust
and serpentinised mantle, it
enters the depths of the Earth
through subduction zones.
Part of this water can plunge
to depths of several hundreds
of kilometres, where it modifies
the mechanical properties
of the mantle; the remainder
is expelled towards the surface
in magma. Via faults, it also
penetrates the crust, where
it facilitates deformation
in the uppermost 10-20 km
of the continental crust.
An interaction is observed
at all spatial scales between
deformation (faults and
ductile shear zones) and
the circulation of aqueous
fluids from the surface
towards the depths of the
crust and mantle. Similarly,
fluids interact with the
deformation of the lithosphere
at different time-scales,
ranging from earthquakes
(a few seconds or minutes)
to the uplift of mountain belts
or the formation of rifts (a few
tens of millions of years).
It is likely that, without water,
plate tectonics would be very
different, or even non-existent
in the Earth dynamics.
Bibliographie : Bolfan-Casanova, N. (2005) – Water in the Earth’s mantle. Mineralogical Magazine, 69(3): 229-257. Burov, E.-B. and Watts, A.-B. (2005) – The long-term strength of the lithosphere: «jelly-sandwich» or
«crème brulée”? GSA Today, 16(1): http://dx.doi.org/10.1130/1052-5173(2006)016<4:tltSOc>2.0.cO;2. Chopin, C. and Schertl, H.-P. (1999) – The UHP Unit in the Dora-Maira Massif, Western Alps. International Geology Review,
41: 765-780. Famin, V., Philippot, P., Jolivet, L. and Agard, P. (2004) – Evolution of hydrothermal regime along a crustal shear zone, Tinos Island, Greece. Tectonics, 23: http://dx.doi.org/10.1029/2003TC001509. Ohtani, E.,
Hirao, N., Kondo, T., Ito, M. and Kikegawa, T. (2005) – Iron-water reaction at high pressure and temperature, and hydrogen transport into the core. Phys Chem Minerals (2005) 32: 77-82, http://dx.doi.org/10.1007/s00269004-0443-6. Schmidt, M.-W. and Poli, S. (1998) – Experimentally based water budgets for dehydrating slabs and consequences for arc magma generation Earth and Planet. Sci. Lett., 163: 361-379. Szeliga, W.,
Melbourne, T.-I., Miller, M.-M. and Santillan, V.-M. (2004) – Southern Cascadia episodic slow earthquakes Geophysical Research Letters, 31: L16602, http://dx.doi.org/10.1029/2004GL020824.
de l’eau dans les magmas
La présence de concentrations
importantes en eau dissoute
( jusqu’à environ 10 % du poids)
dans les magmas terrestres
est une des caractéristiques
spécifiques de notre planète.
Plus que tout autre constituant,
l’eau modifie en profondeur
les propriétés physiques
et chimiques des magmas.
Elle affecte des processus
géologiques fondamentaux
comme la fusion partielle,
l’ascension, l’éruption, le dégazage
et la cristallisation des magmas.
C’est un agent essentiel dans
le transport et la redistribution
des métaux dans les gisements
magmatiques-hydrothermaux.
De l’eau dans
les magmas
liquide silicaté
24
Des observations de terrain à la mesure de la concentration
en eau des magmas
Michel Pichavant
Directeur de Recherche CNRS
Institut des Sciences de la Terre
d’Orléans, UMR 6113
[email protected]
Éruption vulcanienne du 8 janvier 2010
à Soufrière Hills, Montserrat.
Vulcanian eruption on 8 January 2010,
Soufrière Hills volcano, Montserrat.
© Montserrat Volcano Observatory (MVO).
L’
idée que des quantités significatives d’eau puissent être présentes dans les magmas
terrestres ne s’est imposée que récemment. Nourrie à l’origine de certaines observations de terrain, pegmatites et manifestations hydrothermales associées aux granites,
ou roches migmatitiques interprétées en terme « d’anatexie humide » (fusion partielle
en présence d’une phase fluide libre), la notion de magma hydraté est ensuite confortée
par les mesures de composition des gaz volcaniques, dont les premières datent du début
du XXe siècle. Toutefois, ce sont surtout les données expérimentales et les développements
analytiques qui vont fournir les preuves concrètes. Les premières mesures de solubilité à
haute pression établissent la possibilité d’une dissolution de quantités importantes d’eau,
jusqu’à plusieurs % poids, dans les liquides silicatés [Goranson (1931)]. La démonstration
expérimentale [Tuttle and Bowen (1958)] que la majorité des roches granitiques et rhyolitiques coïncide avec la composition des points minima et eutectiques du système
quartz-albite-orthose en présence d’un excès d’eau établit à la fois l’origine magmatique
du granite et le caractère fortement hydraté des liquides silicatés impliqués. Par la suite, il
faudra le développement d’approches théoriques, principalement thermodynamiques,
expérimentales et analytiques combinées, pour quantifier la teneur en eau des magmas
water in magma
Kilauea
Mélange de produits
de fusion du manteau
et de sédiments subductés
5 000
La Réunion
4 000
E-MORB
3 000
Les teneurs en eau des magmas naturels
2 000
Les données dont on dispose actuellement sont encore
très loin de couvrir le spectre complet des magmas
naturels. Cette base de données, bien que fragmentaire, montre toutefois clairement que les concentrations
en eau dans les magmas terrestres sont variables et
dépendent à la fois du type de série magmatique et,
au sein d’une même série, de la composition du liquide
silicaté. Une compilation récente des données des
inclusions vitreuses (figure 1) montre que les concentrations en eau les plus élevées (de l’ordre de 10 % poids
au maximum) se rencontrent dans les séries magmatiques des zones de subduction. Notons toutefois que
des concentrations comparables à ces dernières se
trouvent également dans d’autres séries magmatiques,
qu’il s’agisse de séries plutoniques à caractère anorogénique avec amphibole exprimée (H2O > 5-6 % poids,
[Dall’Agnol et al. (1999)]) ou de produits leucogranitiques à biotite et muscovite issus de l’anatexie crustale
(H2O = 6-8 % poids, [Scaillet et al. (1995)]). Il importe
de souligner que les concentrations en eau élevées
ne se limitent pas aux compositions de magmas différenciés. Les liquides basaltiques de l’arc des Petites
Antilles présentent ainsi des concentrations de l’ordre
de 6-8 % poids pour les basaltes alumineux, et autour
de 4-5 % poids pour les basaltes primitifs [Pichavant
et al. (2002 ; 2007)], les valeurs obtenues expérimentalement et par analyse des inclusions vitreuses [Bouvier
et al. (2008)] étant en bon accord. On voit donc que les
magmas basaltiques terrestres peuvent être hydratés
même si des différences importantes apparaissent avec
le type de lignée magmatique et le contexte géodynamique (figure 1). Mentionnons ici la controverse actuelle
sur la teneur en eau des liquides parents des komatiites
[Arndt et al. (1998)], avec la possibilité que des taux
de fusion élevés puissent s’expliquer par une fusion
partielle hydratée du manteau à l’Archéen.
1 000
0
Minimum pour
les magmas d’arc,
basé sur le flux
de CO2
5 kb
Guat
(BVF)
c, e c o
Stromb
N-MORB
2 kb
Mexico
G Cas OIB
0
1
Dégazage
Cerro Negro
25
Fg
2
3
4
H2O (wt. %)
5
6
7
Fig. 1 : Compilation des données de concentration en eau et en CO2 dans
les inclusions vitreuses des basaltes. Données des volcans d’arc d’Amérique
Centrale (Fuego, Fg ; Cerro Negro ; Guatemala en arrière du front volcanique,
Guat BVF), de la ceinture volcanique trans-mexicaine (Mexico), du Stromboli
(Stromb) et du Galunggung (G). À titre de comparaison, les données pour
les basaltes océaniques (MORB, point et rectangle), et pour le Kilauea,
La Réunion et un basalte de type île océanique de la chaîne des Cascades
(Cas OIB) sont figurées.
D’après Wallace (2005).
Fig. 1: Compilation of water and CO2 concentration data in glass inclusions
from basalts. Data for arc volcanoes from Central America (Fuego, Fg;
Cerro Negro; Guatemala behind the volcanic front, Guat BVF),
from the trans-Mexican volcanic belt (Mexico), Stromboli (Stromb)
and from Galunggung (G). For comparison, data for MORBs (dot and
rectangle), Kilauea, Reunion Island and for one OIB from the Cascades
(Cas OIB) are shown.
From Wallace (2005).
Les concentrations en eau
les plus élevées (de l’ordre de 10 %)
se rencontrent dans les séries
magmatiques des zones de subduction.
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
6 000
CO2 (ppm)
naturels. Parmi les approches les plus utilisées à l’heure
actuelle pour mesurer les concentrations en eau des
magmas, mentionnons notamment (1) les méthodes
expérimentales basées sur la détermination des
équilibres de phases en fonction de la teneur en eau
dissoute et (2) les techniques d’analyse directe des
inclusions vitreuses piégées dans les phénocristaux des
roches magmatiques, avec des méthodes comme la
microspectroscopie infra-rouge et, plus récemment,
la microspectroscopie Raman.
7 000
de l’eau dans les magmas
9.0
Fig. 2 : Variation de la concentration en eau dissoute
en fonction de la pression pour différents liquides silicatés
de composition (1) basaltique, (2) andésitique, (3) granitique
et (4) pegmatitique.
Données à 1 100 °C et à l’équilibre avec une phase vapeur
composée essentiellement d’eau pure (définition
de la solubilité de l’eau). Les données montrent
le rôle essentiel de la pression et, dans une moindre mesure,
de la composition du liquide sur la solubilité de l’eau.
From Burnham (1979).
Basalte
Andésite
Granite
3
7.0
2
6.0
D’après Burnham (1979).
Fig. 2: Variation of dissolved water concentration
versus pressure for various silicate melts of (1) basaltic,
(2) andesitic, (3) granitic and (4) pegmatitic composition.
Data at 1100°C and at equilibrium with excess vapour
(definition of the solubility of water). The data show
the critical influence of pressure and, to a lesser extent, of melt
composition on the solubility of water.
1 100°C
8.0
Pression (kbar)
26
1
5.0
4 Pegmatite
4.0
3.0
2.0
1.0
Ces données soulignent le contraste important entre
les concentrations en eau des liquides magmatiques
naturels, telles qu’elles peuvent être évaluées à partir
des approches expérimentales ou analytiques
modernes, et les concentrations en eau conventionnelles, obtenues à partir de méthodes globales de
géochimie en roche totale. Ce contraste est évidemment pour l’essentiel imputable au caractère
généralement fortement dégazé (et donc déshydraté)
des roches magmatiques, en particulier des roches
plutoniques. La concentration en eau d’une granodiorite contenant 10 % poids d’amphibole est environ
vingt fois inférieure à celle du liquide silicaté à partir
duquel ce minéral a cristallisé. Ceci souligne les limitations de l’utilisation des données en roche totale pour
estimer la concentration en eau des magmas naturels.
Dans le même ordre d’idées, certains indicateurs minéralogiques comme la présence de minéraux hydroxylés
dans l’assemblage des phases (amphibole ou biotite)
sont à manipuler avec précaution. L’approche expérimentale nous renseigne que la cristallisation de
liquides silicatés fortement hydratés n’est pas toujours
susceptible de fournir ces phases hydroxylées dont la
stabilité dépend de plusieurs paramètres. Par ailleurs,
l’amphibole peut cristalliser à partir de clinopyroxène
en conditions subsolidus et la muscovite être secondaire dans de nombreux granites. Ces considérations
soulignent la principale difficulté quand on aborde la
question de l’eau dans les magmas, à savoir l’estimation précise des concentrations impliquées, dans la
mesure où l’empreinte des conditions lors de l’évolution
magmatique est en grande partie effacée dans les
stades finaux de la cristallisation.
0
0
2.0
4.0
6.0
8.0
10.0
% poids H2O
Il convient de noter que des concentrations en eau
de l’ordre de 5 voire de 10 % poids dans les magmas
terrestres représentent des valeurs tout à fait considérables quand on les exprime en grandeurs molaires. À
titre d’exemple, dans un liquide silicaté de composition
albitique (NaAlSi3O8) contenant 10 % poids d’eau dissoute, 34 % des unités silicatées seront hydroxylées
(calculs faits sur la base d’un oxygène dans la formule
chimique et en supposant que l’eau se dissout uniquement sous la forme d’espèces hydroxylées OH). Il est
clair que de telles concentrations vont nécessairement
conduire à des modifications extrêmement marquées
dans la spéciation (à l’échelle atomique) et la structure
du silicate fondu. On comprend mieux l’influence
considérable de l’eau sur les propriétés physiques et
chimiques des magmas (cf. ci-après). Enfin, il est important de bien faire la distinction entre concentration en
eau d’un liquide silicaté (l’eau est un constituant chimiquement dissous dans la structure du silicate fondu)
et concentration en eau d’un magma, système
polyphasé pouvant comprendre un liquide silicaté (qui
peut être partiellement hydraté), une phase gazeuse
(généralement constituée en majorité d’eau et dans
une moindre mesure de CO2 et d’espèces soufrées) et
des phases cristallisées pouvant être soit anhydres
soit hydroxylées.
12.0
14.0
water in magma
L’eau exerce une influence considérable
sur la cinétique de cristallisation.
Rôle de l’eau sur les propriétés physiques
et chimiques des liquides silicatés
Tout aussi marquée est l’influence de l’eau sur les
propriétés chimiques des liquides silicatés. L’abaissement
des températures liquidus (de début de cristallisation)
en présence d’eau dissoute est une des caractéristiques
les mieux établies par les expérimentations, que ce soit
pour des systèmes simples ou pour des compositions
de liquides silicatés naturels. Là encore, des différences
existent dans le détail sur l’importance des modifications introduites par la présence d’eau, ces dernières
tendant à être plus importantes pour les compositions
de liquides silicatés granitiques ou rhyolitiques que pour
les basaltiques. Ces différences de « susceptibilité » des
liquides silicatés vis-à-vis de l’eau dissoute sont bien
illustrées par les données expérimentales dans le système
diopside-anorthite (figure 4). Le constituant anorthite
du liquide silicaté est fortement affecté par la présence
Fig. 3 : Variation
de la viscosité
d’un liquide silicaté
de composition
andésitique en
fonction de la teneur
en eau dissoute
à différentes
températures.
Andésite
9
7
5
1 000 K
3
1 250 K
1
-1
D’après Mysen et Richet
(2005).
1 700 K
0
2
4
6
8
% poids H2O
10
Fig. 3: Variation
in the viscosity
of an andesite melt
with the amount
of dissolved water
at different
temperatures.
From Mysen and Richet
(2005).
1 600
1 500
Fig. 4 : Diagramme
de phases du système
diopside (Di) –
anorthite (An)
(1) à sec à 0,1 MPa
(1 atmosphère),
(2) à sec à 1 GPa et
(3) avec un excès d’eau
à 1 GPa (PH2O = Ptotale).
sec 1 GPa
1 400
1 300
sec 0.1 MPa
D’après Winter (2001).
Fig. 4: Phase diagram
of the diopside (Di) –
anorthite (An) system
for (1) dry conditions at
0.1 MPa (1 atmosphère),
(2) dry conditions at 1 GPa
and (3) wet conditions
at 1 GPa (PH2O = Ptotal).
1 200
1 100
1 000
PH2O = 1 GPa
Di
20
40
% poids
60
80
An
From Winter (2001).
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • ju i l l et 2011
11
log viscosity (Pa.s)
L’influence de l’eau sur la viscosité (figure 3) est emblématique des modifications concernant les propriétés
physiques. L’addition d’eau conduit à des abaissements
de la viscosité de plusieurs ordres de grandeur, d’autant
plus importants que la température décroît, du liquide
stable jusqu’au liquide surfondu. Les abaissements de
viscosité les plus importants sont observés pour les
premiers 2 ou 3 % poids d’eau ajoutés. Les données dont
on dispose maintenant sur la viscosité des liquides
magmatiques hydratés montrent que l’effet de l’eau
varie en importance avec la composition. L’abaissement
de la viscosité est d’autant plus marqué que le liquide
silicaté est polymérisé (granites, rhyolites). Pour les
compositions dépolymérisées (basaltes), la diminution
de la viscosité est moins importante, les données pour
l’andésite (figure 3) illustrant un cas intermédiaire.
13
T°C
L’eau exerce une influence considérable sur la viscosité,
la conductivité électrique, la température de début de
cristallisation, la nature de l’assemblage de phases apparaissant dans la course de cristallisation, la diffusivité
chimique des cations, la cinétique de cristallisation, pour
ne citer que quelques propriétés essentielles des silicates
fondus. Il est important de préciser que, dans ce qui suit,
le rôle de l’eau sera uniquement considéré via les modifications apportées aux propriétés du silicate fondu. Les
caractéristiques des systèmes magmatiques multiphasés
(mousses, émulsions) ne seront pas abordées ici.
27
Ponces de l’activité
récente du complexe
volcanique de l’île
de Pantelleria (Italie).
Ce dépôt résulte
du dégazage et
de la fragmentation
d’un magma hydraté
dans le conduit.
Pumice stone from
recent activity in
the volcanic complex
on Pantelleria Island
(Italy).
This deposit results
from the degassing
and fragmentation
of water-rich magma
in the conduit.
© M. Pichavant.
28
d’eau, comme le montre l’abaissement très important
de la température liquidus de l’anorthite à 1 GPa (environ 375 °C), et le rétrécissement très net du domaine de
cristallisation primaire de l’anorthite en conditions
saturées en eau. En comparaison, le constituant diopside
est beaucoup moins affecté par l’addition d’eau. Ce type
d’interaction « sélective » de l’eau vis-à-vis des différents
constituants du liquide silicaté est à l’origine de l’effet
modificateur de H2O sur les diagrammes de phases,
propriété qui peut être directement exploitée pour la
détermination précise des concentrations en eau des
magmas naturels.
Les séries magmatiques d’arc
reflètent le caractère hydraté
des magmas et des liquides.
Quelques implications pour
le système Terre
L’importance des modifications apportées aux propriétés physiques et chimiques des magmas confère à l’eau
un rôle particulier dans de nombreux processus pétrogénétiques tels que la fusion partielle, les mécanismes
d’ascension, de mise en place et d’éruption, dans le
dégazage et la cristallisation des magmas.
Le magmatisme d’arc fournit une remarquable illustration de ces processus. Les zones de subduction sont
un contexte géodynamique d’importance clé pour la
formation de la croûte continentale, dont la composition
dans le cas de la Terre est très particulière. Bien que
certains aspects des processus à l’origine de la croûte
continentale soient encore en discussion, il est clair que
des mécanismes de fusion partielle hydratée, soit de
sources mantelliques, soit de mélanges de roches basaltiques et sédimentaires subductées, sont impliqués.
L’abaissement préférentiel des températures de cristallisation du plagioclase par rapport à celles des pyroxènes
water in magma
Water in Magma
et de l’olivine en présence d’eau (figure 4) conduit à des
liquides résiduels appauvris en constituants ferromagnésiens et enrichis en Ca et Al, deux caractéristiques
chimiques importantes de la lignée calco-alcaline et de
la croûte continentale dans son ensemble.
Les séries magmatiques d’arc se distinguent aussi par
des assemblages de phases spécifiques, qui reflètent le
caractère hydraté des magmas et des liquides silicatés
impliqués. L’amphibole peut ainsi apparaître dans la
course de cristallisation dès les compositions basaltiques
évoluées. La conséquence directe est une augmentation
très importante de la teneur en silice des liquides
résiduels, avec l’obtention de liquides dérivés typiques
de la composition des roches intermédiaires de la
série calco-alcaline (andésite basaltique, andésite,
dacite). À titre de comparaison, dans le cas des séries
basaltiques pauvres en eau, les lignées de différenciation ne montrent des enrichissements en silice (couplés
avec une importante augmentation de la concentration
en fer) que très tardivement, pour des taux de cristallisation importants. La plupart des roches andésitiques
récentes en contexte d’arc provient donc de la différenciation de liquides basaltiques hydratés. Il convient
toutefois de distinguer ici le cas des adakites, roches
intermédiaires qui sont interprétées comme des produits de fusion partielle de sources métabasaltiques
subductées et dont les signatures en éléments traces
sont spécifiques.
Les mécanismes d’ascension, de mise en place et
d’éruption des magmas d’arc se distinguent par des
manifestations explosives typiques (produits pyroclastiques, dômes de lave) qui traduisent le caractère
hydraté des magmas et dont la variabilité est imputable
à la complexité des modalités de dégazage, ces derniers
impliquant essentiellement l’eau mais aussi les autres
constituants volatils présents. Certains constituants
des phases fluides magmatiques (soufre) jouent un rôle
important dans le contrôle de la chimie de l’atmosphère,
ainsi que dans les processus de transfert des métaux
vers l’encaissant. Le magmatisme d’arc est en effet
La cristallisation de magmas
hydratés libère des quantités
importantes d’eau.
un important pourvoyeur de substances minérales
et d’éléments métalliques (Au, Cu, Ag, Mo…). Ici, l’eau
intervient à plusieurs titres. Tout d’abord, sa capacité
de contrôler la structure des liquides silicatés affecte
l’incorporation et la concentration au stade magmatique des éléments métalliques. Ceci peut conduire
dans certaines conditions favorables (de composition
et structure du liquide silicaté, et des paramètres rédox)
à la genèse de magmas spécialisés qui constituent de
véritables pré-concentrations pour certains éléments
métalliques. Ensuite, la cristallisation de magmas
hydratés va pouvoir libérer des quantités importantes
d’eau et de fluides dans la périphérie des corps magmatiques. Ces systèmes magmatiques-hydrothermaux (la
phase fluide étant principalement d’origine magmatique) vont être susceptibles de transférer le stock
métal, de le redistribuer et le redéposer sous la forme
de gisements porphyriques et épithermaux. Toutefois,
bien que l’eau intervienne de façon déterminante
dans ces processus de concentration et de transfert
des éléments métalliques, il est clair que d’autres
constituants volatils sont impliqués de façon active
dans la genèse de ces gisements métalliques en
contexte d’arc. C’est le cas en particulier du soufre dont
le rôle dans les mécanismes de complexation des métaux
est critique. En tant que constituant volatil majeur, l’eau
a une influence déterminante sur l’ensemble de la
gamme des processus pétrogénétiques, et les données
dont on dispose maintenant permettent d’en mieux
cerner les différents effets. Mais, les progrès réalisés
dans notre connaissance de l’influence de l’eau peuvent
être vus comme une étape vers la nécessaire prise en
compte du rôle de l’ensemble des constituants volatils
majeurs dans les processus magmatiques. n
The idea that significant
amounts of water can be present
in terrestrial magmas is relatively
new. Initially based on field
observations, the concept of
hydrous magma was first
supported during the last century
by volcanic gas data.
Later, decisive proof was brought
by experimental results and
analytical measurements. Today,
precise quantification of the
water concentration in natural
magmas has become the
challenging task. To achieve this
goal, modern approaches include
experimental phase equilibria
and the direct analysis of water
in glass inclusions. Although the
current database is not yet
complete, available data stress
the variability of water
concentrations in terrestrial
magmas. Many magmatic series,
either from plutonic or volcanic
environments, are relatively
water-rich. Basaltic compositions
from subduction zone settings
can have water concentrations
exceeding 5 wt %. When recast
in mole fractions, these
concentration data show that
water in melts can be present in
the same range of concentrations
as silicate units, explaining
its dramatic influence on the
physical and chemical properties.
For example, water can lower
the viscosity of silicate melts by
several orders of magnitude.
The liquidus temperatures of
silicate melts can be depressed
by several hundreds of degrees.
As a consequence, water exerts
a specific influence on a wide
range of petrogenetic processes
such as partial melting,
ascension, emplacement
and eruption of magmas on
Earth, as well as on magma
crystallization, degassing
and transfer of metals towards
magmatic-hydrothermal ore
deposits.
Bibliographie : Arndt N., Ginibre C., Chauvel C., Albarède F., Cheadle M., Herzberg C., Jenner G., Lahaye Y. (1998) – Were komatiites wet? Geology, 26, 739-742. Bouvier, A.-S., Metrich, N., Deloule, E. (2008) –
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Prentice Hall. 697 p.
the role of non-magmatic water in volcanic hazards
Dangerous steam jets laden with
fine ash are generated by the
explosive interaction of primarily
fragmented magma with surface or
underground water. Explosive
eruptions occurring in a crater lake
or causing the sudden and massive
melting of a glacier near the crater,
produce very hazardous lahars
(mudflows), which can also be
generated when rain mobilizes
loose volcanic deposits on steep
mountain slopes. In confined
geothermal aquifers, steam pressure
may exceed the lithostatic load,
thereby generating phreatic
explosions with a dangerous
emission of solid rock fragments
and carbon dioxide clouds.
The role
of non-magmatic
water in volcanic
hazards
phreatic explosions
30
Explosive magma-water interaction
W
Franco Barberi
Professor of Volcanology
University of Rome Tre, Italy
[email protected]
Maria Luisa Carapezza
Senior Researcher
Istituto Nazionale Geofisica e Vulcanologia,
Roma, Italy
[email protected]
A violent emission of steam and ash produced in 2001 by a
phreatomagmatic flank eruption of Mt. Etna, Italy. The small
cone was formed by accumulation of pyroclastic ejecta.
Une émission violente de vapeur et de cendres en 2001 suite
à une éruption phréatomagmatique latérale de l’Etna, Italie.
Le petit cône est formé par l’accumulation d’éjecta pyroclastiques.
© M.-L. Carapezza.
ater plays a major role in volcanic activity, as this is largely controlled by the
viscosity and volatile content of the magma, and the juvenile water
contained in the magmatic liquid since its primary generation is the most
abundant volatile component of magmas [Papale et al. (1998)]. At depth, magma is
under-saturated in water which is totally dissolved in the magmatic liquid and may
produce crystals when cooled. Because of the pressure decrease during its ascent
toward the Earth’s surface, the magmatic liquid becomes saturated in water at a depth
dependent on the magma’s initial water content. Any further pressure decrease that
occurs as the magma rises produces the exolution from the liquid of gas bubbles
composed of water and other volatiles such as carbon dioxide (vesiculated magma).
The magma then becomes a biphase (liquid plus gas) or a multiphase (liquid plus gas
plus crystals) system. The lighter gas
bubbles tend to rise more rapidly than the
liquid generating them, their ascent being
Water plays a major role
controlled by the magma’s viscosity. The
in volcanic activity.
magma’s initial content in water and other
volatiles and its viscosity control the type
le rôle de l’eau non magmatique dans le risque volcanique
volcanic plume
volcanic vent
fragmentation surface
exsolution surface
magma reservoir
of volcanic activity that will occur. As magma
continues to rise to the surface, more and more gas
bubbles will be produced. If their volume in the liquid
is not too high, a continuous flow of magmatic liquid
with suspended gas bubbles will be emitted at the
surface. These are the lava flows characteristic of
effusive volcanic activity. If, on the contrary, the initial
water content is high and the magmatic liquid has a
high viscosity that prevents the gas from escaping,
the gas bubbles will increase in number and size until
a critical value (about 70-80% of the total volume) is
reached that causes the sudden fragmentation of the
magma [Cashman et al. (2000)]. A mixture of gas and
liquid fragments results which mounts very rapidly
to the surface, giving rise to the explosive activity of
volcanoes (figure 1).
The preceding brief description pertains to purely
magmatic volcanic activity, and we will now address
the problem of “hydromagmatic explosions” resulting
from the interaction of magma with external water.
It has long been known that an exceptional emission
of steam and ash occurs when an eruptive vent opens
beneath a surface water-body, as in submarine
eruptions (e.g. Capelinhos, Azores 1957; Surtsey,
Iceland 1963), in eruptions in a crater lake (e.g. Taal,
Philippines 1965) or in subglacial eruptions (like the
2010 Eyjafjallajokull eruption in Iceland, see boxed
Figure 1 : Processus se produisant dans les conduits volcaniques lors
d’éruptions explosives. Au niveau de la surface de saturation, le magna
est saturé en composants volatils. Des bulles de gaz commencent
à se former un peu au-dessus (surface d’exsolution). Le magma se fragmente
lorsque le gaz occupe 70-80 % du volume (surface de fragmentation).
À cet endroit, le magma passe subitement d’un liquide contenant des bulles
de gaz en suspension à un gaz contenant des fragments de liquide
en suspension, processus qui s’accélère fortement vers la cheminée
(d’après Cashman et al., 2000).
31
The deep-seated aquifer interacting
with the rising magma may be
a high-temperature geothermal reservoir.
text). More recently, it has become clear that magma
can also interact explosively with subsurface water
within deep-seated aquifers cut by the volcanic
conduit (phreatomagmatic activity) and that at least
a small phreatomagmatic phase can occur in
practically all types of explosive eruptions ranging
from high-energy Plinian (as in Vesuvius prototype of
79 AD), to Vulcanian (La Fossa, Vulcano 1888-1890) and
Strombolian (Etna, 2000) [Barberi et al. (1988)]. It has
been proposed [Sheridan and Wohletz (1983)] that
hydromagmatic explosions are the natural equivalent
of the so-called fuel-coolant interaction, an explosive
physical process observed in industrial contexts when
a hot liquid (the fuel) accidentally comes into contact
with a cold vaporizable liquid (the coolant). The
explosion results from the rapid conversion of thermal
energy into mechanical energy, produced by the
sudden vaporization of the coolant, possibly at a
superheated liquid state. In hydromagmatic
explosions, magma is the fuel and water the coolant.
G é os c i e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
saturation surface
Figure 1: Processes occurring in volcanic conduits during explosive
eruptions. At the saturation surface, magma is saturated in volatile
components. Gas bubbles start to nucleate at a slightly higher level
(exsolution surface). Magma fragmentation occurs when gas occupies
70-80% of the volume (fragmentation surface). Here the magma
suddenly transforms from a liquid with suspended bubbles to a gas
with suspended fragments of liquid that strongly accelerates towards
the vent (after Cashman et al., 2000).
the role of non-magmatic water in volcanic hazards
32
Magma interact explosively
with subsurface water
within deep-seated aquifers.
It is important to stress that a simple magma-water
contact, such as a lava flow entering the sea or
flowing over a glacier, is not sufficient to produce
a hydromagmatic explosion (photo 1). Explosive
interaction can occur only if the magma is already
fragmented by the exsolution of juvenile volatiles,
offering a very large contact surface for heat exchange
with water. This is supported by the following natural
evidence:
– in submarine eruptions such as at Capelinhos and
Surtsey (photo 2), when the seawater no longer had
access to the vent, because this had been insulated
by the accumulation and rapid alteration of ash, it
became clear that the eruption had a primarily
Strombolian explosive character. The primarily
fragmented nature of the magma is also confirmed
by the vesiculated nature of the juvenile clasts that
were emitted;
– there are many examples of lava domes which
have grown within a crater lake with no explosive
interaction with water (e.g. the lava dome that
formed in 1971-1972 in the crater lake of the Soufrière
volcano on St. Vincent Island): the same is true for
lava flows entering water (photo 1);
– there are countless examples of effusive eruptions
fed by basaltic magma rising along conduits or
fissures cut through underground aquifers (e.g. Etna,
the Canary Islands, Hawaiian volcanoes) with no
explosive activity being generated despite the
contact between the (non-fragmented) magma and
the water. These basaltic, mostly effusive volcanoes
Photo 1: The Stromboli 2007
eruption: a lava flow enters
the sea, producing water
vaporization but no
explosive activity.
Photo 1 : L’éruption du
Stromboli en 2007 : une
coulée de lave atteint la mer,
déclenchant la vaporisation
de l’eau mais aucune activité
explosive.
© F. Barberi.
display phreatomagmatic explosive phases only
when groundwater flows into the conduit above the
fragmentation surface of a magma column feeding
Strombolian activity [Barberi et al. (1988)] (see header
photo).
The study of the deposits of many hydromagmatic
eruptions has shown that the explosive magma-water
interaction causes the following hazard-increasing
effects:
– an increase in magma fragmentation, with generation
of a huge quantity of fine-grained ash and consequent
increase in ash dispersal;
– a decrease in the ratio between juvenile magma
fragments and xenoliths from the country rocks
fragmented by the explosions, particularly in
phreatomagmatic eruptions; the deep-seated
aquifer interacting with the rising magma may be
a high-temperature geothermal reservoir, and
analysis of the hydrothermal minerals of the
ejected xenoliths yields important information on
its temperature, thereby providing a valuable tool
for geothermal exploration [Barberi et al. (1988)]
(see boxed text);
– frequently overpressured eruptive jets are emitted
(eruptive gas pressure higher than atmospheric
pressure), with generation of very dangerous
pyroclastic base surges, which are ground-hugging,
expanding rings of gas and volcanic debris at the
base of an explosion column with a high-velocity
horizontal component.
Eruptions resulting from the explosive
interaction of magma with
groundwater are fairly common.
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2011
le rôle de l’eau non magmatique dans le risque volcanique
33
Photo 2:
Left: The submarine eruption that formed
Surtsey Island, south of Iceland, in 1963.
Near the end of the hydromagmatic explosive
phase ( jet of steam laden with black ash),
the seawater no longer had access to the vent,
and it became clear that the magma interacting
with water was primarily fragmented
( jet of glowing fragments).
© J.-F. Guest.
Right: Also in the 2001 phreatomagmatic
activity of Etna, the magma interacting with
groundwater was primarily fragmented
( jet of glowing scoriae).
© M.-L. Carapezza.
Photo 2 :
À gauche : L’éruption sous-marine qui a donné
naissance à l’île de Surtsey, au sud de l’Islande,
en 1963. Vers la fin de la phase hydromagmatique
explosive (jet de vapeur chargé de cendres noires),
l’eau de mer n’avait plus accès à la cheminée. Il s’est
avéré que le magma, avant son interaction avec l’eau,
était fragmenté (jet de fragments incandescents).
© J.-F. Guest.
À droite : De même lors de l’activité
phréatomagmatique de l’Etna en 2001, le magma
entrant en interaction avec les eaux souterraines
était déjà fragmenté (jet de scories incandescentes).
© M.-L. Carapezza.
>Phreatomagmaticeruptions
andgeothermalexploration
In order for a high or medium enthalpy geothermal field to be capable of generating
electricity, all the following elements must be present:
(a) a deep heat source transferring heat to the overlying rocks and their fluids;
this source is provided by a recent shallow magmatic intrusion or volcanic
magma chamber;
(b) a geothermal reservoir, i.e. an adequate volume of fractured permeable rocks
containing the hot fluid that will be extracted to the surface by wells;
(c) a cover of impermeable rocks atop the reservoir, to prevent heat dissipation.
The geothermal exploration activity consists first in ascertaining the existence of
these elements through geological, geochemical and geophysical investigations,
after which the reservoir is tested via high-cost deep drilling. In volcanic areas, where
most of the geothermal systems are located, important low-cost information on
the presence of a deep-seated reservoir and on its temperature (T) can be obtained
by studying the volcanic products emitted during phreatomagmatic eruptions, i.e.
generated by the explosive interaction of magma with a deep aquifer. These products
contain abundant fragments of the rocks hosting the aquifer and of its impervious
cover, which thus can be easily recognized. In addition, the study of the hydrothermal
minerals, i.e. minerals produced by the circulation of hot water through the
underground rocks, provides information on the permeability and T of these rocks.
Basically three main hydrothermal zones can be recognized:
(1) argillitic, characterized by the dominance of such clay minerals as montmorillonite,
which is stable at T<150-180 °C;
(2) phyllitic, dominated by phyllosilicates such as chlorite and sericite;
(3) propylitic, with dominant Ca-Al silicates such as epidote, albite, etc., which form
at T>200-220 °C. The first two zones are impermeable and constitute the cap-rock
of the geothermal system, whereas the third can maintain fracture permeability
and represents the typical reservoir of a high enthalpy geothermal field. n
Geothermal reservoir
Rain water
Rain water
Hot water
Hot rock
Phreatomagmatic plume
of the Grimsvötn volcano
(Iceland), in May 2011.
Panache phréatomagmatique
du volcan Grimsvötn (Islande),
mai 2011.
© T. Gudmundsson, Univ. of Iceland.
Hot rock
General scheme of a high-temperature geothermal field. Meteoric rain water
infiltrates and is heated at the contact with hot rocks near the magmatic source.
Geothermal production is enhanced by natural fracturation of the rocks.
Schéma de principe d’un gisement géothermique de haute température.
L’eau de pluie s’infiltre et se trouve réchauffée au contact de la roche portée
à haute température par la proximité du réservoir magmatique. La production
géothermale est facilitée par la fracturation naturelle des roches.
Source : La géothermie, collection Enjeux des Géosciences, BRGM Editions, 2005.
le rôle de l’eau non magmatique dans le risque volcanique
Photo 3: Fine-grained phreatomagmatic
surges emitted at the end of large
Plinian eruptions.
Left: The transition from pumice
fragments to fine surges in the Minoan
eruption of Santorini, Greece.
Right: The pyroclastic surges on
the caldera rim of Tambora volcano,
Indonesia, emitted in the final
phreatomagmatic phase of the 1815
eruption.
Phreatomagmatic eruptions resulting from the
explosive interaction of magma with groundwater
are fairly common volcanic phenomena, although
their energy and eruptive dynamics may differ
considerably. There are some common fundamental
aspects controlling the incorporation of subsurface
water into these explosions: the explosive interaction
with water, for the reasons already discussed, can
occur only if the magma is primarily fragmented.
Therefore it can occur only with aquifers located at
depths lower than that of the magma-fragmentation
surface in the conduit. The magma-water interaction
can take place only if the volatile pressure of the
fragmented magma in the conduit is lower than the
hydrostatic pressure of the involved aquifer. The
different behaviours observed in phreatomagmatic
explosive eruptions are mostly controlled by the
depth of the magma fragmentation surface in the
conduit, which is in turn an expression of intrinsic
properties of the magma, such as juvenile volatile
content, viscosity and the solubility of volatiles in the
melt. In high-energy explosive eruptions (Plinian or
sub-Plinian), the phreatomagmatic phase, when
present, characteristically occurs at a late stage after
an important initial magmatic phase producing
pumice fallout and pyroclastic flows, during which
most of the juvenile gases are released. There are very
many examples of this behaviour, e.g. all the Plinian
or sub-Plinian eruptions of Vesuvius [Sheridan et al.,
(1981)], the big 1815 eruption of Tambora in Indonesia
and the famous 17th Century BC Minoan eruption of
Santorini in Greece (photo 3). In these eruptions, the
magma fragmentation surface was very deep, near
or at the magma chamber level as indicated by the
erupted xenoliths [Barberi et al. (1988)]. Under such
conditions, the initial volatile pressure in the conduits
is high, well above the hydrostatic pressure, and the
interaction with water cannot take place until late in
the eruption when the juvenile gases are nearly
exhausted. It has to be noted that pyroclastic base
surges produced in this late phreatomagmatic
phase may travel farther than the early magmatic
© F. Barberi.
G é o s c i e nce s • nu mé ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
Explosive phreatomagmatic eruptions
Photo 3 : Déferlantes phréatomagmatiques
à grains fins émises en phase finale
des grandes éruptions pliniennes.
À gauche : La transition fragments
de pierre ponce et déferlantes fines lors de
l’éruption minoenne du Santorin, Grèce.
À droite : Déferlantes pyroclastiques
émises en phase phréatomagmatique
finale sur la marge de la caldeira du volcan
Tambora en Indonésie (éruption de 1815).
35
Photo 4: The plaster cast of the body of a Pompeii inhabitant killed by the final
phreatomagmatic pyroclastic surges of the Vesuvius 79 AD eruption.
Photo 4 : Moulage en plâtre du corps d’un habitant de Pompéi tué par les derniers
déferlements pyroclastiques de l’éruption du Vésuve en 79 AD.
the role of non-magmatic water in volcanic hazards
>L’éruptionphréatomagmatiqueduvolcanEyjafjöll
Jacques Varet – Conseiller du Président, BRGM – [email protected]
L’éruption du volcan islandais Eyjafjöll a fortement perturbé le
trafic aérien pendant plusieurs mois en 2010. Une activité sismique a
commencé à se manifester fin 2009 et s’est brutalement intensifiée
le 26 février suivant, premier signe avant-coureur de l’éruption. Dans
une première phase, l’éruption était principalement effusive avec des
fontaines de laves basaltiques atteignant 200 mètres de hauteur.
De type sub-aérien classique, située dans une zone dépourvue de
couverture glaciaire, elle s’est poursuivie jusqu’au 12 avril. Une
soudaine reprise de l’activité est observée plus à l’ouest, sous
couverture glaciaire à partir d’une fissure N-S de 2 km de long. Les
caractéristiques de l’éruption ont alors soudainement changé : de
l’eau fondue émise sous la calotte glaciaire et un panache éruptif de
cendres sont observés dès le matin du 14 avril ; d’importantes coulées
boueuses se développent, ces phénomènes résultant de l’interaction
de la lave avec la glace. Cette deuxième phase se traduit également
par une modification de la nature des laves, qui s’enrichissent en silice
et présentent un caractère plus explosif. Le contact de la glace (0 °C)
et du magma explosif (à plus de 1 000 °C) détermine une éruption
phréatomagmatique(1) avec la formation d’un panache de cendres qui
a pu atteindre 10 000 mètres d’altitude.
36
L’Islande est avec l’Afar – également un « point chaud » – le seul segment
émergé de dorsale océanique. Une des zones les plus actives de la
planète où l’on observe régulièrement des phénomènes tectoniques,
volcaniques et phréatiques spectaculaires. Mais, se produisant à l’air
libre, ils n’ont pas les mêmes caractéristiques que sous plusieurs milliers de mètres de fonds marins. Dans le cas de l’Islande, la couverture
glaciaire joue en outre un rôle déterminant. Lorsque l’épaisseur de
glace est importante, l’éruption peut rester sous-glaciaire, constituant
ces thuyas aux formes caractéristiques (très fortes pentes) ; lorsqu’elle
est plus modeste, apparaissent ces émissions atmosphériques de
grande ampleur, inhabituelle pour les dorsales, sauf lorsqu’elles
se produisent à faibles profondeur, comme ce fut le cas aux Açores
(éruption du Capelinhos, île de Faial, Açores, documentée par H. Tazieff
en 1957-1958) ou au sud de l’Islande (éruption de Surtsey, 1963-1967).
Le panache de cendres en route vers l’Europe,
tel qu’il fut visible par les satellites le 15 avril 2010 vers midi.
The cinder plume headed for Europe as it appeared on April 15, 2010,
midday, on satellite images.
© Photo/NEODAAS/University of Dundee.
Le volcan Eyjafjöll se situe à l’extrémité méridionale du segment de
dorsale traversant l’Islande de part en part selon un axe nord-sud.
Cette dorsale est relayée, à l’ouest, par un système volcano-tectonique
disposé « en échelon », jusqu’à la péninsule de Reykjanes d’où elle se
prolonge dans l’océan par la dorsale médio-atlantique. Morphologiquement, l’Eyjafjöll est un édifice allongé en direction est-ouest
qui constitue plutôt l’équivalent d’une zone de fracture que d’une
dorsale ; ses laves de type alcalines(2) avec différenciation magmatique
vers des compositions trachytiques sont bien différentes des basaltes
fissuraux de l’axe occidental de Reykjanes. n
L’éruption phréatomagmatique du volcan Eyjafjöll le 15 avril 2010.
(1) – www.brgm.fr/dcenewsFile?ID=1097
(2) – Barberi F., Bonatti E., Marinelli G. & Varet J. (1974) – Transverse tectonics during the
split of a continent data from the Afar Rift. Tectonophysics, 23, p. 17-29.
Phreatomagmatic eruption at Eyjafjöll on April 15, 2010.
© quitsmokingaidsreviewed.info.
le rôle de l’eau non magmatique dans le risque volcanique
pyroclastic flows, as was the case during the 79 AD
Vesuvius eruption, when most of the Pompeii
inhabitants who survived the initial phase of the
eruption were killed in the late phreatomagmatic
phase (photo 4). In other phreatomagmatic eruptions,
such as at Monte Nuovo (Campi Flegrei, Italy in 1538
and at La Fossa, Vulcano Island in 1888-1890), the
explosive water-magma interaction occurred in an
early phase. In both cases, the nature of the lithic
ejecta indicates that the magma fragmentation
surface was very shallow and that interaction
occurred with shallow aquifers either confined or not.
At La Fossa, the reason for the early interaction has
been found in initial phreatic explosions that reduced
the overburden, creating immediate conditions of
volatile pressure in the conduit lower than the
hydrostatic pressure of even a shallow aquifer. Finally
we should mention that the phreatomagmatic phase
of an explosive eruption may evolve in very different
ways, depending on the hydrogeological (availability
of water) and the primary magmatic conditions
(basically the juvenile gas content and gas solubility
in the melt). Two contrasting behaviours have been
observed:
a) the quantity of water interacting with the magma
decreases with time. A transition is observed
from wet (coexistence of steam and liquid water)
to dry (presence of only superheated steam)
phreatomagmatic products and then to magmatic
tephra. This transition has been observed only
when the interaction occurs within shallow
aquifers (e.g. Campi Flegrei; Vulcano);
b) the quantity of interacting water increases with
time. An inverse transition from magmatic tephra
to dry and then to wet phreatomagmatic tephra
is observed. This behaviour seems typical of
interaction with deep aquifers having a good
transmissivity (e.g. Vesuvius Plinian eruptions).
Phreatic explosions
may precede and even favour
a true volcanic eruption.
Volcanic mud flows (lahars)
Another aspect of the role of external water in
enhancing volcanic hazards is the generation of very
dangerous mud-flows, called “lahar” by volcanologists
from the Indonesian term. Lahars are water flows
laden with solid materials of volcanic origin (ash,
lapilli, blocks) or taken from the soil as they flow
downhill. They can travel for long distances at
velocities of up to 30 meter per second, destroying
everything in their path. The most common
mechanisms of lahar generation are summarized
hereinafter.
Eruptions in a crater lake
Typical examples are those of Kelut in Indonesia, Taal
in the Philippines and Ruapehu in New Zealand, where
sub-lacustrine eruptions suddenly empty the water
of the crater lake, generating catastrophic floods. In
1919, the violent emission of 39 million cubic meters
of water from the Kelut crater lake caused the
destruction of 104 villages with 5110 victims up to 30
km from the volcano. In order to prevent the risk of
new lahars, the Dutch excavated a drainage tunnel to
maintain the water in the lake at a low level. This has
long been considered the first work of the mankind
to reduce volcanic risk, but actually a similar work,
with the same purpose, had been carried out in the
4th Century BC by the Romans at the Albano crater
lake, near Rome.
Melting of glaciers atop the volcano
The 1985 explosive eruption of Nevado del Ruiz in
Colombia melted tens of millions of cubic meters of
the summit glacier. A flood was generated with a
discharge peak estimated at 30,000 cubic meters per
second, that destroyed the village of Armero, 70 km
from the crater, causing 2500 victims. Tremendous
destructions were caused in 1877 and 1980 by lahars
generated by the eruptive melting of the summit
glacier of respectively the Cotopaxi volcano in
Ecuador and Mt. St. Helens volcano in USA. The study
of these and other similar eruptions has shown that
in order to obtain, by the melting of ice, the quantity of
water needed to produce a lahar, pyroclastic flows must
be emitted by the volcano, i.e. high-temperature gas
clouds laden with glowing magma fragments which
flow very rapidly over wide zones of the glacier
surface. A simple lava flow cannot generate a lahar,
for its contact surface with the glacier is too small.
Géosci ences • n u méro 13 • ju i l l et 2011
37
the role of non-magmatic water in volcanic hazards
Mobilization by heavy rains of loose volcanic
material deposited on steep slopes
All high-energy explosive eruptions deposit thick
layers of loose volcanic deposits made of ashes,
scoriae and lapilli on the flanks of the volcano and of
the down-wind relief. This material may be mobilized
by heavy syn- or post-eruption rains and transported
down valleys as dense mud flows. The mobilization by
rain of loose pyroclastic material deposited on the
volcano’s steep slopes by the 1992 eruption of
Pinatubo, in the Philippines, generated great lahars in
the following two years. Lahars of this type have been
generated in many explosive eruptions of Vesuvius
and in May 1998, 54 years after its most recent
eruption, 160 persons were killed by mud flows caused
by rain transporting old pyroclastic tephra on the
steep Apennines slopes.
Steam explosions from geothermal
reservoirs
38
Finally, in this short review devoted to the role of
external water in volcanic hazards, we should mention
the so-called phreatic eruptions or explosions,
although many of them arise from shallow confined
geothermal reservoirs without involving magma, like
the explosion that occurred in 1282 at the geothermal
(non-volcanic) field of Larderello, Italy. Phreatic
eruptions are localized phenomena that only affect a
limited area surrounding the explosive vent. In
densely populated zones, however, they may represent
highly dangerous events. Aside from the hazard due
to the fall of solid blocks ejected by the explosions
(e.g. Etna, 1979: 9 deaths; Agua Shuca, El Salvador,
1990: 26 deaths), the major dangers connected with
phreatic eruptions are:
– the discharge of gas clouds rich in carbon dioxide:
e.g. Dieng, Indonesia, 1987, 147 victims;
– the production of base surges, lahars and directional
blasts, sometimes accompanied by debris
avalanches: e.g. Bandai, Japan,1888, 461 victims.
Phreatic explosions occur when the steam and gas
pressure within a confined, shallow, high-temperature
geothermal reservoir exceeds the lithostatic pressure
of the impermeable rock cover. This may happen
Photo 5:
Left: Phreatic explosion at Guagua Pichincha volcano, Ecuador, in 1981.
Right: The Stephanos phreatic explosion crater in the island of Nisyros, Greece.
Photo 5 :
À gauche : Explosion phréatique au volcan de Guagua Pichincha, Équateur, en 1981.
À droite : Cratère de l’explosion phréatique de Stephanos, sur l’île de Nisyros, en Grèce.
© F. Barberi.
Le rôle de l’eau
non magmatique dans
le risque volcanique
An eruption of Mount Etna (Sicily, Italy). Ash laden with water vapour rising from
the crater while the anhydrous basalt magma flows out through a lateral crack.
Éruption de l’Etna (Sicile, Italie). Des cendres chargées en vapeur d’eau sortent du
cratère tandis que le magma basaltique anhydre est émis par une fissure latérale.
© BRGM Im@gé, P. Lachassagne, 12 mars 2000.
because of an increase in steam production within the
confined aquifer due to seismic events, which reduce
the lithostatic load by fracturing the cover and/or
increase the heat flux by deep hot fluid ascent through
the fractured basement. An example is the 1976-1977
seismo-phreatic crisis of La Soufrière in Guadaloupe. In
volcanic areas, the heating of the shallow confined
aquifer generating the steam overpressure can be due
to magma uplift, and in this case the phreatic
explosions may precede and even favour a true volcanic
(magmatic or phreatomagmatic) eruption because
they reduce the lithostatic load, as occurred in 1888 at
Vulcano (Italy), in 1980 at Mt. St. Helens (USA) and in
1985 at Nevado del Ruiz (Colombia). The phreatic
explosions at active volcanoes with magma at a high
level in the conduit, such as those of 1979 at Etna and
of 1924 at Kilauea, Hawaii, are caused by infiltration
from the surface of meteoric water or of the water of
a crater lake (e.g. Ruapehu, New Zealand, 1969 and 1975)
down to very hot fractured rocks, the impervious cover
often being created by the plugging of the conduit due
to wall collapses. A review of 132 phreatic historic events
[Barberi et al. (1992)] shows that most of these (115)
were not followed by magmatic or phreatomagmatic
eruptions. Phreatic explosions characteristically
produce a wide crater with a breccia ring, made of
fragments of the rocks hosting the hot aquifer and of
its impervious cover, with no juvenile magmatic
material (photo 5). The study of the hydrothermal
minerals of these ejecta provides useful information
on the temperature of the confined geothermal
aquifer. n
L’interaction explosive entre le
magma et les eaux de surface
– mers, lacs, glaciers – ou
souterraines recoupées par
le conduit volcanique donne
naissance à des jets violents,
souvent sous haute pression
et dangereux, de vapeur
chargée de cendres fines
(activité hydromagmatique
ou phréatomagmatique).
Cette interaction n’a lieu que
si le magma mis en contact
avec l’eau est déjà fragmenté
(activité volcanique explosive)
de sorte qu’une surface de
contact importante existe
entre le magma et l’eau,
facilitant ainsi un transfert
efficace de la chaleur.
Des cendres sont produites par
une fragmentation explosive
consécutive du magma et
de la roche encaissante.
L’étude des fragments éjectés
lors d’éruptions phréatomagmatiques permet
d’évaluer par ailleurs l’intérêt
de l’aquifère d’un point de vue
géothermique. Les phénomènes volcaniques les plus
dévastateurs sont les lahars
(ou coulées de boue) résultant
des éruptions explosives
sous-lacustres, de la fonte
de glaciers au sommet
des volcans, ou du transport
par les eaux de pluie de débris
volcaniques non consolidés
provenant de cônes
volcaniques à pentes raides ou
de montagnes avoisinantes.
Dans des aquifères
géothermaux peu profonds
confinés sous une couverture
de roches imperméables,
la réduction de la charge
lithostatique, du fait de
la fracturation sismique ou
de l’augmentation du flux de
chaleur provenant du magma
ascendant, peut déclencher
des explosions phréatiques
accompagnées d’émissions
dangereuses d’éjecta solides
et de nuées mortelles
de dioxyde de carbone.
References: Barberi F., Navarro J. -M., Rosi M., Santacroce R., Sbrana A. (1988) – Explosive interaction of magma with groundwater: insights from xenolithes and geothermal drillings. Rend. Soc. It. Mineral. Petrol.,
Vol. 43-4, p. 901-926. – Barberi F., Bertagnini A., Landi P., Principe C. (1992) – A review on phreatic eruptions and their precursors. J. Volcanol. Geotherm. Res., Vol. 52, p. 231-246. – Cashman K. -V., Sturtevant B.,
Papale P., Navon O. (2000) – Magmatic fragmentation. In Encyclopedia of Volcanoes, Academic Press, p. 421-430. – Papale P., Neri A., Macedonio G. (1998) – The role of magma composition and water content in
explosive eruptions I. Conduit ascent dynamics. J. Volcanol. Geotherm. Res., Vol. 85, p. 75-93. – Sheridan M.-F., Barberi F., Rosi M., Santacroce R. (1981) – A model for Plinian eruptions of Vesuvius. Nature, Vol. 298,
p. 282-285. – Sheridan M.-F., Wohletz K.-H. (1983) – Hydrovolcanism: basic considerations and review. J. Volcanol. Geotherm. Res., Vol. 17, p. 1-29.
la convection hydrothermale et les ressources associées
Au niveau des dorsales océaniques,
les fumeurs noirs rejettent
un fluide sulfuré à des températures
relativement constantes, autour
de 350-380 °C. Les propriétés
physiques de l’eau, si particulières,
expliquent ce phénomène.
Sur les continents, les systèmes
géothermaux montrent tous
des signatures thermiques typiques
de la convection hydrothermale.
L’étude de ce phénomène complexe
et discontinu, par le biais
de la modélisation numérique,
permet de mieux comprendre
les circulations de fluide, et donc
les caractéristiques des ressources
minérales et énergétiques associées.
La convection
hydrothermale
et les ressources
associées
métallogénie
40
Les circulations de fluides dans la croûte
Laurent Guillou-Frottier
Géophysicien
Service des Ressources Minérales – BRGM
[email protected]
Cheminées hydrothermales au large des îles de Wallis-etFutuna, identifiées lors de la campagne océanographique
Futuna 2010. Ici, le rejet des fluides sulfurés s’est arrêté,
démontrant le caractère transitoire des circulations
hydrothermales. Quelques kilomètres plus loin,
les cheminées actives rejettent un fluide sombre à 347 °C.
© J. Gouin, communication personnelle, membre de la campagne Futuna 2010.
Hydrothermal chimneys off the Wallis-et-Futuna Islands,
identified during the Futuna 2010 oceanographic campaign.
Here, the discharge of sulphide-rich fluids has ceased, showing
the transient character of hydrothermal circulation. A few
kilometers away, active chimneys release black fluid at 347°C.
© J. Gouin, pers. comm., member of the Futuna 2010 campaign.
L’
eau circule à la surface de la Terre, dans les profondeurs de la croûte terrestre ainsi
que dans le manteau sous-jacent, notamment par le biais des zones de subduction
(voir article Jolivet, ce volume). Mis à part les écoulements créés par la topographie
(ruissellement et infiltration des eaux superficielles), le moteur de la circulation des
fluides dans la croûte profonde peut être thermique ou mécanique, c’est-à-dire que des
différences de température, ou des différences de pression, vont guider les écoulements
des fluides. En revanche, les propriétés physiques du fluide et de la roche peuvent freiner
ou accélérer ces circulations, tout comme les réactions chimiques liées aux interactions
entre l’eau et la roche (dissolution et précipitation). Enfin, l’état du fluide (liquide,
gazeux, ou supercritique) peut influencer fortement la dynamique des écoulements.
Ainsi, la circulation des fluides crustaux fait intervenir des processus physiques et
chimiques qui interagissent les uns avec les autres (voir article Pichavant, ce volume). Le
long des dorsales océaniques, par exemple, les roches du manteau sont altérées par l’eau
de mer (serpentinisation), et les transformations minérales qui en résultent correspondent
à des réactions fortement exothermiques. Ce dégagement de chaleur très important
alimente à son tour le moteur thermique des circulations de fluide, et le processus de
hydrothermal convection and associated resources
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
41
serpentinisation peut alors s’auto-entretenir. Sur les
continents, l’altération hydrothermale des granites fait
également intervenir des réactions fortement exothermiques, comme la chloritisation de la biotite, ce qui
pourrait expliquer la présence d’eaux tièdes à faible
profondeur. La compréhension de ces phénomènes
couplés nécessite la simulation numérique des écoulements, en prenant en compte au mieux les conditions
physico-chimiques du fluide et des roches encaissantes.
Les vitesses de circulation des fluides peuvent
s’échelonner de quelques cm/an (remontées de
fluides chauds dans les zones fracturées) à plusieurs
m/s (geysers et fumerolles, photo 1). Selon des études
expérimentales récentes, la croissance cristalline
nécessiterait des vitesses locales des fluides de
plusieurs dizaines de m/an [Sizaret et al. (2009)].
Le caractère discontinu de ces circulations pourrait
expliquer ces différences, ce qui souligne l’importance
de simuler les écoulements en régime transitoire.
Les ressources hydrothermales de la Terre, qu’elles
soient minérales ou énergétiques, se concentrent là
où les circulations de fluide sont les plus « efficaces ».
Par exemple, un refroidissement rapide des fluides
minéralisés pourra conduire à la formation d’un gisement métallifère, et une remontée rapide de fluides
chauds concentrera une ressource géothermale
potentielle. Il est donc essentiel de comprendre la
dynamique et l’évolution temporelle de ces systèmes
pour mieux évaluer, voire prédire, le potentiel de ces
ressources hydrothermales.
Photo 1 : Geyser de Geysir,
en Islande, éjectant
de la vapeur d’eau
à plusieurs dizaines
de mètres de haut.
Photo 1: The Geysir geyser,
in Iceland, ejecting
hot water and steam up
to several tens of meters.
© F. Michel, BRGM Im@gé
Le moteur de la circulation
des fluides dans la croûte profonde
peut être thermique ou mécanique.
G é o s c i e nce s • nu m éro 1 3 • j u il l et 2 0 11
41
la convection hydrothermale et les ressources associées
>Unetempératuremaximalepourlesfumeursnoirs
Quelle que soit la température du magma sous-jacent, les fluides hydrothermaux sulfurés provenant des cheminées
hydrothermales de la croûte océanique (les fumeurs noirs) ont des températures qui ne dépassent pas 400 °C, et
qui sont le plus souvent comprises entre 350 et 380 °C. Parmi diverses hypothèses, il apparaît que les propriétés
physiques du fluide hydrothermal fournissent la meilleure explication. Lorsque le fluide passe de 10 à 200 °C, sa
densité ne baisse que de 10 % alors que sa viscosité décroît d’un facteur 10, facilitant la descente de fluides à 200 °C.
La densité chute à partir de 300 °C environ, ce qui favorise fortement l’ascension. En fait, il apparaît que la résistance
hydraulique est minimale à 400 °C pour l’écoulement ascendant, et minimale à 200 °C pour l’écoulement descendant.
Ces températures permettent donc de maximiser l’efficacité du transport énergétique. n
1 000
10-3
Densité r (kg/m3)
800
r
600
400
µ
200
o
200
b)
42
10-4
400 600 800 1 000 1 200
Température (°C)
Viscosité µ (Pa.s)
a)
a) Densité et viscosité dynamique de l’eau pour une
pression de 30 MPa (environ 3 km de profondeur) ;
b) Modèle numérique de circulation hydrothermale
dans un fumeur noir, où les isothermes 100, 300
et 380 °C sont représentées (bleu, orange et vert clair)
et où les flèches illustrent le flux massique.
D’après Coumou et al. (2008).
a) Water density and dynamic viscosity at a pressure
of 30 MPa (at depths of approximately 3 km);
b) Numerical model of hydrothermal circulation
in a black smoker, where 100, 300 and 380°C isotherms
are illustrated (blue, orange and light green)
as well as mass fluxes (arrows).
After Coumou et al. (2008).
hydrothermal convection and associated resources
Bien qu’à la surface de la croûte terrestre la chaleur
s’évacue principalement par conduction thermique,
des conditions géologiques locales particulières
peuvent mener aux transferts de chaleur par convection thermique. La convection hydrothermale est un
mode de transfert de chaleur qui s’effectue par le
mouvement des fluides. Lorsqu’un fluide est chauffé,
sa densité diminue, et la force d’Archimède qui en
résulte peut l’emporter sur les forces résistantes au
mouvement, comme celle due à la viscosité du fluide
ou à une perméabilité trop faible. Dans ce cas, le système évacue sa chaleur par la circulation du fluide :
les fluides chauds légers remontent, se refroidissent
en surface du système, deviennent alors suffisamment froids et denses pour redescendre vers la base
du système convectif.
Les variations locales du flux de chaleur océanique
reflètent les circulations convectives de fluide hydrothermal, celles-ci comprenant des circulations latérales
de grande échelle, ainsi que des écoulements verticaux
localisés au niveau des cheminées hydrothermales.
Lorsque les fluides qui sont expulsés de ces cheminées
sont riches en sulfures (les fumeurs noirs) leurs températures sont comprises entre 350 et 380 °C, et ce quelle
que soit la température du magma sous-jacent. Ce
phénomène a été expliqué grâce à des simulations
numériques qui prennent en compte les propriétés
physiques des fluides hydrothermaux (encadré p. 42),
mais également par des études de géo-thermobarométrie de ces systèmes [Fontaine et al. (2009)].
À la surface des continents, le flux de chaleur montre
également des variations qui peuvent être dues à la
présence d’une chambre magmatique sous-jacente. Les
températures alors engendrées peuvent faire remonter
les fluides crustaux par instabilité gravitaire au travers
des zones les plus perméables. Les systèmes hydrothermaux continentaux sont qualifiés de systèmes
géothermaux dès que les conditions profondeurtempérature permettent, économiquement, une exploitation de leur chaleur. À titre d’exemple, le réservoir
géothermal de Bouillante en Guadeloupe correspond
à un système en convection hydrothermale où des
températures de 250 °C sont présentes à 600 mètres
de profondeur.
Si les systèmes géothermaux n’ont pas tous les mêmes
températures (voir article Barberi et Carapezza, ce volume),
les allures des profils thermiques verticaux qu’on y
mesure (figure 1) montrent tous un gradient thermique
faible au sein du réservoir, ce qui reflète l’homogénéisation thermique créée par la circulation convective.
Fig. 1 : Géothermes mesurés dans des forages
d’exploration géothermique (traits pleins)
en comparaison avec un géotherme sans
convection thermique (trait pointillé).
Fig. 1: Temperature profiles (solid lines) measured
in geothermal exploration boreholes compared
with a temperature profile where no convection
occurs (dotted line).
43
Géo sci ences • n u méro 13 • ju i l l et 2011
La convection hydrothermale
la convection hydrothermale et les ressources associées
z=0
Unité supérieure peu perméable
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
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Aquifère (Bundsandstein)
++++++++++++++
+++++++++++++
Granite homogène perméable
Forte production de chaleur
+++++++++++++
++++++++++++++
+ + +Granite
+ + + + homogène
+++++++
+ + + perméable
++++++++
moins
+ + + Production
+ + + + + + +de
+ chaleur
+ + + + +plus
+ + faible
++++++
++++++++++++++
+++++++++++++
Granite peu perméable
+++++++++++++
5 km + + + + + + + + + + + + + +
Les simulations permettent
de délimiter les zones possédant
un potentiel important.
Fig. 2 : En haut, données de température dans le graben
du Rhin et profil mesuré à Soultz-sous-Forêts (trait plein) ;
structure géologique simplifiée à droite.
En bas, modèle numérique de convection hydrothermale.
Le profil thermique obtenu en présence de convection
(en vert) reproduit les mesures.
Fig. 2: Top: temperature data in the Rhine graben with the
temperature profile measured at Soultz-sous-Forêts (solid line);
right: simplified geological structure.
Bottom: numerical model of hydrothermal convection.
The temperature profile obtained where convection occurs
(green line) fits the measured temperature profile.
hydrothermal convection and associated resources
Néanmoins, la reproduction de données à partir de
simulations numériques ne suffit pas à valider le
modèle proposé : d’une part, plusieurs modèles
peuvent aboutir au même résultat, et d’autre part plusieurs hypothèses simplificatrices peuvent être
avancées (fluide non salé, monophasique, pas d’apport extérieur, etc). Aujourd’hui, les codes numériques
les plus poussés fonctionnent avec des équations
d’état du fluide qui prennent en compte les variations
de composition (proportions entre H2O, NaCl et CO2),
mais aussi les changements d’état (liquide, vapeur ou
état supercritique) en fonction de la pression et de la
température [Ingebritsen et al. (2010)].
Fig. 3:
a) Temperatures (top) interpolated over a 200 km long, west-east section of France’s
South-East Basin cutting across 4 faulted zones (dotted lines), and associated
thermal anomalies (bottom);
b) Models of hydrothermal convection in a faulted zone with variable permeability.
The three cases, depicting, right to left, 4, 6 and 8 convective cells, correspond to
different numerical procedures chosen to obtain a solution.
En dehors des systèmes géothermaux, des circulations
de fluides chauds au sein des zones fracturées ont été
suggérées pour expliquer les signatures thermiques
identifiées à partir de mesures en fond de forage pétrolier [Garibaldi et al. (2010)]. En particulier, la superposition
d’anomalies positives et négatives de l’ordre de ± 20 °C
par rapport à la moyenne régionale (figure 3a) peut
s’expliquer dans le cadre de la convection hydrothermale,
dès que la diminution de la perméabilité avec la profondeur est prise en compte (figure 3b).
En réalité, les zones faillées représentent bien des couloirs perméables, mais sur une période déterminée.
Les successions d’épisodes de cristallisation et de dissolution font que la perméabilité est une propriété
physique qui dépend du temps, ce qui modifiera inéluctablement la dynamique du système hydrothermal.
G é o s c i e n ce s • n u m é ro 1 3 • j u il l et 201 1
Ces profils thermiques servent de données de calage
pour les modélisations numériques qui tentent de
reproduire la physique de la convection hydrothermale. La figure 2 illustre un exemple numérique de la
circulation hydrothermale générée au sein d’un granite perméable. En considérant un modèle géologique,
certes simplifié, mais contraint par les observations
de terrain et des mesures sur échantillons, ce cas particulier pourrait correspondre au système géothermal
de Soultz-sous-Forêts, car les données thermiques
sont reproduites par la simulation.
Fig. 3 :
a) Températures (haut) interpolées sur une coupe ouest-est du bassin du Sud-Est
de la France, de largeur 200 km, traversant 4 zones faillées (traits pointillés),
et anomalies thermiques associées (bas) ;
b) Modèles de convection hydrothermale dans une zone faillée de perméabilité
variable. Les trois cas, qui montrent de gauche à droite 4, 6 et 8 cellules
convectives, correspondent à différentes procédures numériques choisies
pour obtenir une solution.
45
la convection hydrothermale et les ressources associées
46
Selon les récentes modélisations en régime transitoire, les anomalies thermiques générées laissent leur
empreinte thermique pendant plusieurs dizaines de
milliers d’années après la fin des écoulements. Ainsi,
les mesures de température réalisées aujourd’hui
peuvent apporter des informations sur les paléocirculations de fluides.
Malgré les progrès réalisés dans la compréhension de
la convection hydrothermale, le phénomène reste difficile à modéliser. Les exemples montrés en figure 3b
correspondent aux mêmes paramètres physiques,
mais la procédure numérique choisie pour arriver à
une solution stable est différente. Autrement dit, on
obtient différentes solutions stables pour un même
jeu de paramètres, ce qui rend la compréhension de
ces phénomènes encore plus complexe.
D’autres ressources
hydrothermales énergétiques ?
La circulation des fluides de la croûte peut s’effectuer
à différentes échelles. L’anomalie géothermique de
Soultz-sous-Forêts pourrait ne représenter que
l’un des chemins verticaux empruntés par les fluides
circulant dans l’ensemble du graben du Rhin. Les
mesures de températures dont nous disposons ne
sont pas toutes corrigées de façon homogène, et les
incertitudes peuvent atteindre 20 à 30 °C à 2 km de
profondeur. En d’autres termes, il n’est pas exclu que
d’autres systèmes géothermaux exploitables existent
en Alsace, mais leur exploration doit commencer par une
mise à jour des corrections des données disponibles.
De la même manière, la recherche d’autres sites
géothermiques exploitables en Guadeloupe est
dépendante de la compréhension du système
magmatique-hydrothermal de Bouillante. La grande
inconnue reste la géométrie du réservoir magmatique
sous-jacent, car si une seule poche magmatique peut
n’engendrer qu’une ascension de fluide géothermal,
une intrusion magmatique allongée, qui correspondrait à une ramification latérale souterraine, comme
sous le Kilauea à Hawaï, pourrait déclencher plusieurs
remontées de fluide hydrothermal (figure 4).
D’autres ressources
hydrothermales minérales ?
Comme pour les ressources géothermales, la potentialité de découvrir de nouvelles ressources minérales
dépend également de la compréhension des mécanismes de circulation des fluides crustaux.
Fig. 4 : En haut : modèle géologique simplifié de Bouillante,
avec un réservoir magmatique de taille variable. Au-dessous,
modèles de convection hydrothermale à Bouillante dans le cas
d’une poche magmatique isolée (milieu) ou d’un réservoir
allongé de 6 km de rayon (en bas). Les courants ascendants
(bleu clair) ont tous une température moyenne de 250 °C.
Fig. 4: Top: Simplified geological model of the Bouillante area,
with a magma reservoir of variable size. Below: Numerical models
of hydrothermal convection in the case of a small (middle) or
a 6 km-long (bottom) magma reservoir. All upwellings (light blue)
present average temperatures around 250 °C.
Hydrothermal convection
and associated resources
La centrale géothermique de Soultz-sous-Forêts exploite la chaleur profonde des granites sous le graben du Rhin ;
cette chaleur est apportée par les fluides chauds circulant dans le granite fracturé.
Soultz geothermal plant (EGS: enhanced geothermal system) is exploiting the heat from deep granite underneath
the Rhine graben; this heat comes from hot fluids flowing through the fractured granite.
© BRGM Im@gé.
Les gisements aurifères orogéniques, qui se localisent
le long des grandes failles crustales montrent une
répartition plus ou moins régulière, avec des espacements d’environ 20, 45, et 50 km pour les failles de
Boulder-Leroy en Australie, de Cadillac au Québec, et
d’Ashanti au Ghana, respectivement. Des modèles de
convection hydrothermale en trois dimensions ont
montré que la variation spatiale de la perméabilité
pouvait expliquer la localisation des zones de refroidissement rapide, là où le potentiel de minéralisation
est le plus élevé [Harcouët-Menou et al. (2009)].
D’autres modèles récents de convection hydrothermale
autour des intrusions granitiques ont permis de retrouver les zones qui ont le meilleur potentiel de
minéralisation. Les simulations réalisées prennent alors
un caractère prédictif, puisqu’elles permettent ensuite
de délimiter d’autres zones possédant a priori un potentiel important, mais qui sont inconnues des gîtologues.
Même si la compréhension des circulations hydrothermales ne cesse de progresser, il semble nécessaire de
considérer aujourd’hui l’évolution spatiale et temporelle de la perméabilité du système hydrothermal, tout
comme le rôle exothermique de certaines réactions
chimiques associées aux interactions fluide-roche.
Depuis plusieurs années, les études des systèmes
hydrothermaux commencent à se multiplier. Il est à
noter que ces développements se réalisent parallèlement aux études des réservoirs géothermiques ou à
celles des risques associés au stockage de CO2. Dans
un futur proche, il est probable que d’autres domaines
touchant aux problèmes énergétiques, comme la
quantification des flux d’hydrogène émis lors des
réactions de serpentinisation de la croûte océanique,
bénéficient des simulations numériques des processus hydrothermaux où les réactions chimiques
seraient prises en compte. n
La potentialité de découvrir de nouvelles ressources dépend également
de la compréhension des mécanismes de circulation des fluides.
Fluid circulation in the Earth’s
crust involves heat and mass
transfer mechanisms which
could lead to the formation of
hydrothermal resources, either
energetic or mineral in nature.
When temperature contrasts
and rock permeability are
strong enough, hydrothermal
convection sets in and regulates
heat and compositional
transfer mechanisms. Besides
depending on local geological
conditions, features
of hydrothermal convection
are also described by physical
properties of fluids and of
embedding rocks. In particular,
spatial and temporal evolution
of rock permeability controls
the conditions for fluid
circulation. Moreover,
permeability can be affected by
chemical reactions occurring
during hydrothermal
convection. On the one hand,
mineral transformations
resulting from hydrothermal
convection can thermally feed
the system thanks to the
associated heat production,
but on the other, they can also
slow down fluid circulation
by mineral precipitation
which induces a permeability
decrease.
Thanks to numerical modelling
of the involved physical
mechanisms, such complex
processes are now better
understood. Thus, studies on
the evolution of hydrothermal
systems help in understanding
the formation of ore deposits
and the concentration
of anomalously hot fluids
at shallow depths. In addition
to the difficulties inherent
to the numerical modelling of
these processes, it now seems
necessary to account for the
temporal evolution of physical
properties, and consequently
to consider the role of chemical
exothermic reactions involved
during water-rock interactions.
Bibliographie : Coumou D., Driesner T., and C.-A. Heinrich (2008) – The structure and dynamics of mid-ocean ridge hydrothermal systems, Science, 321, 1825-1828. – Fontaine F.-J., Wilcock W.-S.-D., Foustoukos D.-E.,
and D.-A. Butterfield (2009) – A Si-Cl geothermobarometer for the reaction zone of high-temperature, basaltic-hosted mid-ocean ridge hydrothermal systems, Geochem. Geophys. Geosys., 10, 5, Q05009,
doi:10.1029/2009GC002407. – Garibaldi C., Guillou-Frottier L., Lardeaux J.-M., Bonté D., Lopez S., Bouchot V., and P. Ledru (2010) – Thermal anomalies and geological structures in the provence basin: implications
for hydrothermal circulations at depth, Bull. Soc. Geol. Fr., 181, 4, 363-376. – Harcouet-Menou V., Guillou-Frottier L., Bonneville A., Adler P.-M. and V. Mourzenko (2009) – Hydrothermal convection in and around
mineralized fault zones: insights from two- and three-dimensional numerical modeling applied to the Ashanti belt, Ghana, Geofluids, 9, 116-137. – Ingebritsen S.-E., Geiger S., Hurwitz S. and T. Driesner (2010) –
Numerical simulation of magmatic hydrothermal systems, Rev. Geophys., 48, RG1002, doi: 10.1029/2009RG000287 – Sizaret S., Branquet Y., Gloaguen E., Chauvet A., Barbanson L., Arbaret L. and Y. Chen (2009) –
Estimating the local paleo-fluid flow velocity: new textural method and application to metasomatism, Earth Planet. Sci. Lett., 280, 71-82.
de nouvelles perspectives pour l’exploitation des ressources géothermales
Depuis 2007, la relance de
la géothermie basse température,
initiée par le Grenelle de
l’environnement, permet
la réalisation de nouveaux projets
de géothermie profonde en Île-deFrance. Grâce à la modélisation
des réservoirs, on peut désormais
optimiser l’exploitation de
la ressource en tenant compte
des dispositifs en activité ou à venir.
Le schéma d’exploitation utilisé pour
le Dogger depuis plus de quarante
ans pourrait être appliqué à d’autres
aquifères sur l’ensemble des bassins
sédimentaires français ou proposé
à d’autres pays européens.
Vue d’ensemble du chantier sur le site
d’Aéroports de Paris à Orly (avril-juillet 2010).
An overall view of the Aéroports de Paris
drilling site at Orly (April-July 2010).
© Aéroports de Paris.
De nouvelles
perspectives pour
l’exploitation
des ressources
géothermales
dogger du bassin de paris
48
Frédérik Bugarel
Hydrogéologue, Chef de projets
CFG Services*
[email protected]
Éric Lasne
Géochimiste, Directeur de projets
Responsable du service Production
et Gestion de Chaleur
CFG Services*
[email protected]
Dominique Tournaye
Directeur de projets, Responsable du service
Ingénierie Géothermique
CFG Services (*)
[email protected]
* Compagnie Française de Géothermie
L’
eau dans le système Terre n’est pas seulement importante pour ce qui concerne
ses impacts géologiques, ou encore son usage en tant que ressource. C’est aussi
un vecteur énergétique essentiel. La géothermie s’est développée jusqu’à ce jour
grâce à l’existence de systèmes de circulation hydrothermale et de réserves d’eau
chaude stockée dans des réservoirs géothermiques. Nous avons choisi l’exemple du
Bassin parisien pour montrer l’importance que peut avoir un bon usage de l’eau
présente dans les couches sédimentaires en tant que ressource énergétique,
notamment pour le chauffage urbain (ndlr).
Deux ans et demi après le lancement du projet, la mise en service, en novembre 2010,
du doublet géothermique sur le site d’Aéroports de Paris à Orly (encadrés ci-contre) ouvre
l’exploitation d’un nouveau gisement dans l’aquifère du Dogger. Cette ressource est
utilisée en région parisienne pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire
(ECS) de logements et de bâtiments collectifs au moyen de réseaux de chaleur. Elle
alimente aujourd’hui l’équivalent de 150 000 logements franciliens.
Il s’agit de la quatrième opération depuis 2007, mais la deuxième opération nouvelle
après celles d’Orly Nouvelet (2007) et de Sucy-en-Brie (2008) qui correspondent à
new prospects for geothermal resources exploitation
L’opération de géothermie profonde au Dogger sur le site aéroportuaire d’Orly a été menée par les services techniques des Aéroports
de Paris et le bureau d’études CFG Services, respectivement pour les
aspects valorisation thermique et ressource géothermale. À partir
d’une plate-forme unique, proche de la centrale thermique existante,
deux puits symétriques, déviés et orientés, ont été forés jusqu’à une
profondeur verticale d’environ 1 750 mètres. Pour un budget global
d’investissement de l’ordre de 12 M€ HT, ces forages, réalisés de mai
à juillet 2010, permettent de pomper et de réinjecter 250 à 300 m3/h
d’une eau à 74 °C. Le taux de couverture visé pour la géothermie est
de 30 % des consommations totales d’énergie sur le site aéroportuaire. Ceci permet d’éviter le rejet d’environ 10 500 tonnes de CO2
dans l’atmosphère, soit une réduction de 68 % par rapport à une
solution de référence « gaz » actuelle. n
ORLYTECH
Zone d’activités
ORLY OUEST
Terminal
Échangeur
CENTRALE
THERMIQUE
CŒUR D’ORLY
Futur quartier d’affaires
Doublet
géothermique
ORLY SUD
Terminal
1 40
0m
1 74
0m
Eau puisée à 74°
Eau restituée à 35°
Nappe géothermique
du Dogger
Représentation schématique du doublet géothermique et du réseau de chaleur mis en service en 2010 sur le site d’Aéroports de Paris, à Orly.
L’énergie thermique (74°C) est puisée à 1740 m de profondeur dans la couche calcaire du Dogger. © Document Aéroport de Paris
Schematic view of the geothermal doublet and of the heating network operating since 2010 for the Orly Airport site, south of Paris.
The geothermal heat (74°C) is produced from Dogger limestones layer, 1740 m deep. © Document Aéroport de Paris
des réhabilitations, et celle de Paris Nord-Est (Porte
d’Aubervilliers, 2009). Ces réalisations témoignent de la
relance de l’exploitation industrielle de la géothermie
basse température 1 en Île-de-France, après deux
décennies au cours desquelles l’activité s’est principalement concentrée sur la maintenance des dispositifs
créés dans les années 1980.
Trente-cinq exploitations, principalement localisées
dans les départements de Seine-Saint-Denis et du Valde-Marne, sollicitent la ressource géothermale du
Dogger. Le contexte aujourd’hui favorable au développement des énergies renouvelables devrait permettre
la réalisation de nouveaux projets à court terme.
(1)
Selon la température du fluide géothermal, les applications se déclinent
en géothermie très basse température (inférieure à 30 °C), basse température
(entre 30 et 90 °C) et haute température (supérieure à 90 °C).
> Le principe de fonctionnement
d’un doublet géothermique conventionnel
Un doublet géothermique est un système fermé constitué d’un puits producteur
qui extrait le fluide géothermal, d’un échangeur de chaleur assurant le transfert
des calories du fluide géothermal vers l’eau du réseau de chaleur, et d’un puits
injecteur qui réinjecte l’intégralité du fluide géothermal refroidi dans l’aquifère
d’origine. Pour des raisons environnementales liées à sa nature corrosive, le
fluide est réinjecté dans la nappe. L’avantage est de recharger l’aquifère, mais
l’inconvénient est de créer une « bulle froide » au niveau du puits injecteur,
qui va se développer pendant toute la durée de l’exploitation jusqu’à atteindre le
puits producteur. Cette « percée thermique » signe la fin de vie du dispositif, qui
doit être conçu de manière à ce qu’elle ne se produise pas lors des trente premières
années d’exploitation (durée correspondant au permis d’exploitation), au risque
de remettre en cause la rentabilité économique du projet. n
49
Géosci ences • n u méro 13 • ju i l l et 2011
> Le doublet géothermique sur le site d’aéroports de paris, à orly
de nouvelles perspectives pour l’exploitation des ressources géothermales
Massifs volcanique récents
Chaînes récentes : aquifères superficiels discontinus
Site géothermique en cours d’étude
Bassins sédimentaires peu profonds (aquifères continus)
Source thermale 25°C < T° < 80°C
Gisement de vapeur
Bassins sédimentaires profonds
(aquifères continus)
La France métropolitaine recèle dans son sous-sol un
potentiel géothermique important dont une infime
partie est aujourd’hui exploitée. Les principales ressources sont localisées dans les deux grands bassins
sédimentaires français, Bassin parisien et Bassin aquitain, ainsi qu’en Alsace dans des structures en relation
avec le Fossé rhénan (figure 1).
Aquifères continus profonds, ressources
prouvées ou probables (température > 70°C)
Dans d’autres régions, les ressources potentielles sont
encore peu sollicitées et les projets de géothermie
profonde n’ont à ce jour pas abouti.
Le potentiel géothermique « profond » (ressource
exploitable à partir d’une température minimale de
30 °C) permet d’alimenter un réseau de chaleur à partir d’aquifères présentant une température inférieure
à 50 °C, comme par exemple à Châteauroux (Indre), où
la température du fluide géothermal est de 34 °C.
Pour que le fluide géothermal soit à une température
supérieure à 60 °C, permettant ainsi une exploitation
géothermique par échange direct au travers d’échangeurs
de chaleur, il est nécessaire d’exploiter un aquifère
plus profond. Compte tenu du gradient géothermique
moyen (augmentation de la température de 3 °C par
100 mètres de profondeur), cette ressource se situe à
plus de 1 500 mètres de profondeur.
Senonian
Source : site Internet www.geothermie-perspectives.fr
100 km
Buntsandstein
Permian
Paris
Oligocene
Kimmeridgian
Eocene
3 km
Keuper
Muschelkalk
Cenomanian
Albian
Lower
Cretaceous
Upper Jurassic
E
Upper Cretaceous
Lower Cretaceous
W
Dogger
Malm
Fig. 1: The geothermal resource potential in France.
Turonian
Tithonian
JURASSIC
Dogger
Fig. 1 : Le potentiel géothermique en France.
o
Triassic
Liassic
CRETACEOUS
TERTIARY
Oxfordian
Callovian
Bathonian
Bajocian
Aalenian
Lias
Toarcian
Carboniferous basin
Lower
Lias
Rhaetian
TRIASSIC
50
Massifs cristallins : aquifères superficiels discontinus
Le potentiel géothermique « profond »
en France métropolitaine
Keuper
Fig. 2 : Coupes géologiques du Bassin parisien avec localisation des principaux aquifères.
Fig. 2: Geological cross-sections of the Paris Basin showing the locations of the main aquifers.
Bundsandstein
Permian
Carboniferous
Basement
Eau douce
Eau saline
© BRGM, Département Géothermie.
new prospects for geothermal resources exploitation
En raison du contexte urbain des opérations de
géothermie, une étude d’impact environnemental
est effectuée, s’intéressant notamment aux impacts
temporaires des travaux de forage et des activités
liées à l’exploitation. L’étude propose des mesures
compensatoires adaptées aux nuisances générées par
l’activité.
Dans le cadre des opérations de géothermie profonde
en Île-de-France, des subventions peuvent être accordées par l’ADEME (Agence de l’environnement et de
la maîtrise de l’énergie), la région Île-de-France et le
FEDER (Fonds européen de développement régional).
Le Fonds Chaleur, par exemple, est un outil financier
géré par l’ADEME qui a été mis en place à la suite
des engagements du Grenelle de l’environnement
d’octobre 2007, afin de développer la production de
chaleur à partir des énergies renouvelables.
> Le Trias du bassin de Paris :
un nouveau réservoir géothermique ?
Vincent Bouchot – BRGM – Département Géothermie – [email protected]
pour l’équipe de projet CLASTIQ-2, BRGM
Les formations argilo-gréseuses du Trias sont des réservoirs géothermiques qui pourraient être exploités comme ceux du Dogger. Plus profond (jusqu’à 3 200 m) et plus
chaud (jusqu’à 125 °C), le Trias s’étend largement sous le Dogger, notamment en région
parisienne. Compte tenu de sa profondeur et du nombre réduit d’opérations géothermiques (Achères, Cergy et Melleray) conduites sur ces formations, le Trias reste méconnu.
C’est pourquoi le BRGM a lancé en 2009 le projet CLASTIQ-2, cofinancé par l’ADEME, dont
l’objectif est d’améliorer la connaissance des réservoirs profonds des bassins sédimentaires du territoire métropolitain. Il a notamment été décidé de construire, avec le
logiciel PETREL, un modèle prédictif 3D des réservoirs clastiques du Trias, qui couvre une
superficie d’environ 12 000 km2 entre les villes de Paris, Sens, Épernay et Reims.
Dans un premier temps, à partir d’informations extraites de 70 forages pétroliers, un
modèle géométrique 3D a été élaboré contenant 12 séquences stratigraphiques corrélées
les unes aux autres. Ce modèle géométrique maillé a ensuite été renseigné avec les
propriétés des roches (température, perméabilité, transmissivité), afin de prévoir quantitativement la ressource géothermale. Au final, on aboutira à un modèle susceptible
de prévoir la transmissivité des réservoirs argilo-gréseux du Trias, avec une probabilité
qui variera en fonction de la distance aux forages. Ce travail sera finalisé fin 2011, date à
laquelle les données du modèle 3D seront mises à disposition des opérateurs (projet
ADEME de mise en ligne des données Thermo2Pro). n
Le contexte géologique du Bassin
parisien et la ressource géothermale
du Dogger
La stratigraphie du Bassin parisien est largement
dominée par des dépôts sédimentaires du Secondaire.
Un certain nombre d’aquifères sont contenus dans les
formations perméables du bassin dont les flancs se
relèvent à l’est et à l’ouest (figure 2).
Les aquifères susceptibles de fournir un fluide géothermal à une température minimale de 30 °C sont les
sables de l’Albien/Néocomien, les calcaires du Lusitanien,
les calcaires du Bathonien (Dogger) et les grès du Trias.
L’aquifère albien/néocomien est utilisé pour l’alimentation en eau potable de la région parisienne. Les
aquifères du Lusitanien et du Trias sont potentiellement intéressants en terme de température, compte
tenu de leur profondeur, mais ils restent mal connus
à ce jour (encadré ci-contre). L’aquifère du Dogger est
une ressource largement exploitée en Île-de-France pour
Top Trias
Argiles
Rhétien
Donnemarie progradant (D1R et D2P)
Chaunoy progradant (C1P et C2P)
Donnemarie retrogradant (D1R et D2R1 et 2)
Chaunoy retrogradant (C1R et C2R)
Coupe stratigraphique N-S de Melun-Meaux (vue de l’est), montrant la succession
des séquences clastiques du Trias du bassin de Paris. Les principales formations réservoirs
sont les « grès du Chaunoy » et les « grès de Donnemarie ».
Source : Coupe extraite du modèle 3D réalisé sous PETREL dans le cadre du projet CLASTIQ-2 (Bouchot et al., 2010).
N-S stratigraphic section between Melun and Meaux (viewed from the east),
showing the succession of clastic sequences in the Triassic formation of the Paris Basin.
The main reservoirs are located in the Chaunoy and the Donnemarie sandstones.
Source: Cross section derived from the 3D model built under PETREL in the framework of the CLASTIQ-2 project
(Bouchot et al., 2010).
51
Géosci ences • n u méro 13 • ju i l l et 2011
Du point de vue réglementaire, l’objectif de la géothermie étant la récupération de chaleur souterraine,
assimilée à une substance minérale qualifiée de « gîte
géothermique », c’est le Code minier (voir article
Pichavant, ce volume) qui s’applique. La DRIEE (Direction
régionale et interdépartementale de l’environnement
et de l’énergie) d’Île-de-France et les DREAL (Directions
régionales de l’environnement, de l’aménagement et
du logement) sont en charge du suivi des installations
géothermiques existantes et de l’instruction des
dossiers relatifs aux nouveaux projets : demandes de
permis de recherche d’un gîte géothermique et d’autorisation d’ouverture de travaux de forage.
de nouvelles perspectives pour l’exploitation des ressources géothermales
les besoins de la géothermie basse énergie. Son
potentiel géothermique, assimilable à un couple
débit-température, répond aux besoins de réseaux de
chaleur conséquents. Cette ressource est donc mieux
connue [Lopez et al. (2010)] que les trois autres
aquifères, qui représentent plutôt des ressources
potentielles.
À l’échelle du Bassin parisien, l’aquifère du Dogger est
constitué de plusieurs couches productives (6 à 13),
d’épaisseurs et de débits variables selon les secteurs
[Rojas et al. (1989)] et dont les perméabilités peuvent
varier d’un facteur 200 (0,2 à 40 Darcy).
Schématiquement, la succession stratigraphique des
calcaires du Bathonien (dans le Dogger) est la suivante,
du haut vers le bas :
– l’ensemble du Comblanchien (figure 3), qui compte
jusqu’à cinq niveaux producteurs et totalise 25 % de
la production d’eau de l’aquifère ;
– l’ensemble oolithique (figure 3), constitué de calcarénites à forte porosité, qui regroupe jusqu’à
7 horizons producteurs et assure les deux tiers
environ de la production ;
– l’ensemble des alternances marno-calcaires dans
lesquelles quelques niveaux producteurs peuvent
être identifiés.
52
Les débits d’exploitation du Dogger peuvent atteindre
300 m3/h, et la température du fluide varie entre 57
et 84 °C (figure 4) en fonction de la profondeur du
réservoir (entre 1 600 et 1 800 mètres).
Avec plus de 110 forages profonds réalisés en Île-deFrance, les nouveaux projets bénéficient d’une solide
information géologique et hydrogéologique à partir
de laquelle sont déterminés l’architecture des puits
(profondeurs des tubages, déviation des puits), les programmes de forage et les consommations électriques
prévisionnelles du dispositif. Toutes ces informations
permettent d’évaluer les coûts d’investissement et de
fonctionnement de l’exploitation.
Le BRGM a ainsi pu déterminer les secteurs favorables
au développement de la géothermie du Dogger en
région parisienne, en réduisant les incertitudes
relatives à la ressource géothermale en termes,
notamment, de productivité des ouvrages (débit d’eau
exploitable) et de température du fluide.
L’étude de faisabilité technico-économique permet de
concevoir le dispositif qui offre une performance thermique optimale et qui garantit des impacts hydrauliques
et thermiques faibles sur les exploitations géothermiques les plus proches. Le choix de la configuration
finale dépend des résultats de la modélisation du réservoir qui constitue de ce fait un outil d’aide à la décision.
Enfin, le suivi géologique du forage, les diagraphies et les
essais de production des ouvrages permettent de déterminer les caractéristiques réelles des ouvrages et du
réservoir. La modélisation numérique devient par la suite
un outil de gestion de la ressource (encadré ci-contre).
Fig. 3
Fragment du niveau comblanchien
Fragment du niveau oolithique
L’optimisation de l’exploitation du Dogger
0,5 mm
Fig. 4
Fig. 3 : Observation à la loupe
binoculaire d’un échantillon
prélevé en cours de forage
au niveau du réservoir du doublet
géothermique sur le site d’Aéroports
de Paris, à Orly (mai 2010).
Fig. 3: Observation with a stereo
microscope of a sample taken at
the reservoir level during the drilling
of the Aéroports de Paris doublet
on the Orly site (May 2010).
© CFG Services.
Fig. 4 : Température du Dogger.
Fig. 4: Temperatures in the Dogger
aquifer.
© BRGM, Département Géothermie.
new prospects for geothermal resources exploitation
> Développement des « bulles froides » dans l’aquifère du Dogger
Virginie Hamm – BRGM – Département Géothermie – [email protected]
Le contexte de relance de la géothermie
profonde en Île-de-France, avec les lois du
Grenelle de l’environnement et la mise en
place du Fonds Chaleur en 2009, nécessite
une gestion efficace de l’aquifère du
Dogger et une connaissance des « bulles
froides » qui se sont développées autour
des puits injecteurs depuis le démarrage
de l’exploitation des doublets, soit pour la
plupart entre 1980 et 1985.
Sur les 35 doublets actuellement en exploitation dans la région parisienne, 27 sont
localisés dans le Val-de-Marne et la SeineSaint-Denis. Depuis 2009, un modèle de
gestion de la ressource a été mis en place
à l’échelle de ces deux départements afin,
d’une part, de mieux connaître l’amplitude
des zones refroidies en vue d’optimiser
l’implantation de forages dans le cadre de
nouvelles opérations ou de réhabilitations
et, d’autre part, de prévoir le début de
refroidissement aux puits producteurs.
Ce modèle est alimenté par la base de
données DOGGER, créée en 2001, qui capitalise l’ensemble des informations relatives
au fonctionnement des opérations
(données d’exploitation, données sur les
ouvrages et sur les paramètres du réservoir,
données physico-chimiques, etc.).
Le projet est cofinancé par une convention
pluriannuelle entre l’ADEME et le BRGM
dans le cadre du Centre technique géothermie créé en juillet 2008 pour répondre
aux besoins des professionnels de la
géothermie. n
Cartographie des « bulles froides »
dans les départements de Seine-Saint-Denis
et du Val-de-Marne après 30 ans
d’exploitation géothermique.
Distribution of cooled bodies in
the Seine-Saint-Denis and Val-de-Marne
Departments after 30 years of geothermal
exploitation.
© BRGM, Département Géothermie.
Géosci ences • n u méro 13 • ju i l l et 2011
53
de nouvelles perspectives pour l’exploitation des ressources géothermales
54
Fig. 5 : Simulation des impacts hydraulique (en haut)
et thermique (en bas) d’un projet géothermique.
La modélisation numérique du réservoir
Fig. 5: Simulation of hydraulic (top) and thermal (bottom)
impacts of a geothermal project.
L’objectif de la modélisation numérique du réservoir
est de déterminer la configuration optimale du nouveau dispositif :
– l’écartement minimal nécessaire entre les points
d’impact des forages du doublet, afin d’éviter tout
risque de percée thermique pendant une période
inférieure à trente ans ;
– les impacts hydraulique et thermique (figure 5) sur
les exploitations voisines (et réciproquement), en
orientant le nouveau dispositif de manière adéquate.
© CFG Services.
La simulation numérique du réservoir intègre l’historique des exploitations géothermiques voisines du
projet. Afin de minimiser le risque de sous-dimensionnement du dispositif, des marges de sécurité sont
retenues pour tenir compte de l’hétérogénéité du
réservoir (perméabilité, nombre et épaisseur des
niveaux producteurs…) et des modes de fonctionnement des exploitations géothermiques simulées
(débits, températures d’injection).
Le choix du modèle conceptuel dépend de la connaissance locale du réservoir et notamment du nombre de
niveaux producteurs. Un modèle multicouches permet
généralement de rendre compte des amplitudes
thermiques entre niveaux producteurs et interstrates
sous l’effet de la réinjection.
Les phénomènes physiques restitués dans le modèle
numérique prennent en compte l’écoulement du
fluide géothermal dans le milieu poreux et le transport
de chaleur. Celui-ci intègre la convection et la dispersion
thermique dans l’aquifère, ainsi que la conduction
dans l’aquifère et dans les épontes (roches encaissantes) (figure 6).
Le suivi géologique de forage et les essais de puits
Les données géologiques sont obtenues en cours
d’opération par l’analyse des déblais du forage (figure 3)
et par l’interprétation de diagraphies différées. Les
programmes actuels de développement des puits
(par acidification du réservoir calcaire) et de diagraphies
Fig. 6 : Exemple de structure et maillage
d’un modèle numérique à deux niveaux producteurs
prenant en compte le transport de chaleur.
Fig. 6: Example of structure and meshing for
a numerical model with two feeding levels taking
into account heat transport.
© CFG Services.
Injecteur
Éponte supérieure
Niveau producteur 1
Producteur
{
{
Éponte inférieure
Éponte supérieure
{
Niveau producteur 1
Éponte inférieure
(mur = plan de symétrie)
Injecteur
new prospects for geothermal resources exploitation
sont similaires à ceux pratiqués il y a trente ans. Ils
permettent d’identifier et de caractériser les différents
niveaux producteurs du Dogger.
Les opérations de forage se terminent avec les essais
de puits, au moyen desquels on détermine les caractéristiques réelles de productivité et d’injectivité des
ouvrages.
Les outils informatiques et les méthodes d’interprétation, héritées du domaine pétrolier, permettent
désormais d’obtenir des résultats fiables très rapidement, en prenant en compte des modèles de réservoir
complexes.
Le protocole d’essai est proche de celui qui est mis en
œuvre par les pétroliers en milieu sédimentaire.
Cependant, la productivité des ouvrages est supérieure
à celle des ouvrages pétroliers compte tenu des forts
diamètres mis en œuvre, et l’évacuation des eaux géothermales produites s’avère plus difficile en milieu
urbain en raison de contraintes environnementales
plus strictes.
Les perspectives de développement
de la géothermie basse température
dans les bassins sédimentaires
Les perspectives de développement de la géothermie
basse température sont multiples en France métropolitaine. Dans le Bassin parisien, c’est le cas des aquifères
de l’Albien/Néocomien, du Lusitanien et du Trias, qui
présentent des potentialités intéressantes, notamment
là où le Dogger s’avère moins favorable ou est déjà
fortement exploité.
Pour les aquifères moins profonds que le Dogger (dont
les niveaux de température sont inférieurs), ces potentialités sont d’autant plus intéressantes que les besoins
de chaleur sont en diminution dans les bâtiments du
fait de l’évolution des réglementations thermiques et
des objectifs du Grenelle de l’environnement.
Dans le Bassin aquitain, une douzaine de forages,
principalement localisés en Gironde, exploitent les
ressources géothermales depuis une trentaine d’années.
Les perspectives de développement
de la géothermie basse température
sont multiples en France.
Le contexte diffère nettement de celui du Bassin parisien
dans la mesure où toutes les exploitations fonctionnent
en puits unique, c’est-à-dire sans réinjection du fluide.
Aujourd’hui, les services de l’État font pression sur les
maîtres d’ouvrage dans l’optique des renouvellements
des permis d’exploitation pour que ceux-ci mettent
en œuvre la réinjection en complément d’une meilleure
valorisation de la ressource en surface. Dans le département des Landes, la ville de Mont-de-Marsan, qui
compte deux forages profonds captant les aquifères
calcaires du Sénonien inférieur et du Cénomanien,
élabore un schéma directeur de gestion de la ressource
géothermale exemplaire de cette volonté de gérer la
ressource à l’échelle régionale.
Enfin, l’Alsace et le Fossé rhénan présentent un potentiel géothermique déjà exploité en Allemagne (site de
Bruchsal au nord-est de Karlsruhe). Un forage profond
(de l’ordre de 2 000 mètres) dans la région de
Rittershoffen, près de Strasbourg, permettra de le vérifier
sur le territoire national.
Au niveau international, le schéma d’exploitation
réussi du Dogger dans le Bassin parisien pourrait
servir d’exemple pour les pays d’Europe centrale et
orientale, bien pourvus en ressources géothermales
de basse et moyenne température. On pense notamment au Bassin pannonien, au bassin de Podhale et
au bassin des Carpates.
Le développement des réseaux de chaleur alimentés
par géothermie devrait être promu rapidement dans
les pays de l’Union européenne comme la Bulgarie, la
république Tchèque, la Hongrie, la Pologne, la
Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Cette action de
promotion/développement concerne aussi d’autres
pays de l’Union Europénne (Danemark, Royaume-Uni,
Irlande) ayant des ambitions affirmées vis-à-vis des
énergies renouvelables à l’horizon 2020. L’action peut
être réalisée via des études et projets bilatéraux, mais
aussi lors de programmes européens ambitieux permettant de créer les synergies nécessaires entre
partenaires des pays concernés. n
New prospects for
geothermal resources
exploitation
The new Aéroports de Paris
doublet on the Orly site is
the fourth deep geothermal
operation since 2007
involving the Dogger
aquifer (Bathonian
limestone), evidence
of increasing recourse
to low-energy resources
in the île-de-France region.
In this area, where fluid
temperature varies between
57 and 84°C according
to reservoir depth,
the resource has been
in use for over forty years
providing heat and
domestic hot water to
some 150,000 residences.
This has been made possible
by a thorough knowledge
of the aquifer’s geological
and hydrogeological
characteristics gained
from drilling operations
(geological surveys and
production tests).
This information concerning
the reservoir is subsequently
used as input for numerical
modelling, a decisionmaking tool used to
support device design and
resource management.
This global approach
that has been applied to
the Dogger aquifer opens
up fresh perspectives for
tapping low-temperature
geothermal energy in other
deep aquifers in French
sedimentary basins, notably
in the Paris, Aquitaine
and Rhine areas, where
new projects are under
consideration in the near
future.
Bibliographie : Lopez S., Hamm V., Le Brun M., Schaper L., Boissier F., Cotiche C. and Giuglaris E. (2010) – 40 years of Dogger aquifer management in Ile-de-France, Paris Basin, France. Geothermics,Volume 39,
Issue 4, December 2010, pp.339-356. Special Issue on the Sustainable Utilization of Geothermal Energy. – Rojas J., Giot D., Le Nindre Y.-M. et al. (1989) – Caractérisation et modélisation du réservoir géothermique
du Dogger, Bassin parisien, France. Rapport final. Report BRGM/RR-30169-FR, BRGM, Orléans, France, 240 pp.
fluides et genèse des concentrations minérales
Fluides et genèse
des concentrations
minérales
La Terre est un système complexe
qui évolue depuis près de
4,5 milliards d’années et dans lequel
nous puisons notamment nos
ressources minérales. Depuis
toujours, l’eau joue un rôle majeur
dans la genèse de ces ressources.
Elle transporte des ions et des gaz,
formant des fluides qui circulent
à toutes les profondeurs de la croûte
terrestre, sous des conditions
de pression et de température
plus ou moins élevées.
Ces circulations de fluides sont
à l’origine de concentrations
hydrothermales qui procurent
l’essentiel des ressources en Zn,
Pb, Ag, Ge, U, Ba ou F, et plus de 50 %
des ressources en Cu, Co, Au, Sn et W.
Inclusion fluide multiphasée dans du quartz montrant
un cristal de halite et de calcite, une phase liquide et
une bulle de vapeur. Gisement de talc de Trimouns (Ariège,
Pyrénées). Taille de l’inclusion 30 µm.
A multiphase fluid inclusion in quartz displaying a halite and
calcite crystal, a liquid phase and a vapour bubble. The Trimouns
talc deposit (Ariège, French Pyrenees). Inclusion size 30 µm.
© M.-C. Boiron.
inclusions fluides
56
Michel Cathelineau
Directeur de recherche – UMR7566 – CNRS
Géologie et Gestion des Ressources
Minérales et Energétiques
[email protected]
Marie-Christine Boiron
Chargée de recherche – UMR7566 – CNRS
Géologie et Gestion des Ressources
Minérales et Energétiques
[email protected]
Johann Tuduri
Directeur adjoint
ENAG – BRGM SCHOOL
[email protected]
L
es gisements métalliques de la partie supérieure de la lithosphère, à l’exception de
ceux strictement liés à la cristallisation d’un magma, sont pour la plupart associés
à l’existence d’une phase fluide, qui a extrait les métaux à partir d’une roche source,
les a transportés puis déposés dans un piège. Les processus d’extraction, de transport et
de dépôt sont particulièrement efficaces puisque
les teneurs en métaux des gisements multiplient
par des facteurs de 103 à 106 les concentrations
L’eau est un acteur
initiales des roches sources (tableau 1).
majeur de la genèse des
ressources minérales.
Les concentrations minérales sont en général le
résultat d’une longue histoire polyphasée. La
reconstruction de cette histoire, souvent complexe,
nécessite : i) de connaître les conditions physico-chimiques liées au transport et au dépôt
des métaux, ii) d’évaluer les concentrations en métaux dans les fluides géologiques et iii)
d’apprécier l’aptitude de ces fluides, issus de différents réservoirs, à transporter ces métaux.
fluids in ore forming processes
Élément
Or
Argent
Uranium
Plomb
Cuivre
Zinc
Baryum
Fer
Concentration moyenne
dans la croûte terrestre
Teneur d’exploitation
0,1 g/t
100 à 600 g/t
16 g/t
8%
0,0003 g/t
1 g/t
1 à 30 g/t
Facteur
d’enrichissement
1 000 à 6 000
0,02 à 20 %
200 à 200 000
50 g/t
0,5 à 5 %
100 à 1 000
400 g/t
30 à 80 %
60 g/t
50 000 g/t = 5 %
5 à 20 %
30 à 65 %
Or, il ne reste plus de traces de ces phases fluides, à
l’exception :
– des perturbations créées lors de leur passage (filons,
brèches, zones de dissolution) ;
– des inclusions fluides dans les minéraux néoformés.
Les inclusions fluides (encadré ci-dessous) constituent
Tab. 1 : Illustration de l’importance
des mécanismes d’enrichissement conduisant
à la formation d’un gîte minéral : concentration
moyenne dans la croûte terrestre et teneur
d’exploitation de huit éléments métalliques.
3 000 à 100 000
5 000
Tab. 1: Illustration of the importance
of the enrichment mechanisms that result
in the formation of an ore deposit: mean
concentration in the Earth’s crust and
grade in mined deposits for eight metallic
substances.
900 à 3 500
800 à 2 000
10
ainsi des objets de choix pour la reconstitution des
paléocirculations et la compréhension des interactions
physico-chimiques entre le fluide et la roche percolée
à l’origine des concentrations métalliques. Des inclusions fluides aussi vieilles que 2 milliards d’années
peuvent être ainsi préservées et constituer d’inestimables témoins du passé.
> Des témoins exceptionnels de la circulation des fluides
Les inclusions fluides sont des cavités intracristallines qui renferment une ou plusieurs phases
fluides (liquide, gaz) et parfois des phases solides
à température ambiante. La taille de ces inclusions est généralement comprise entre 2 et 20 µm,
et peut atteindre exceptionnellement quelques
centaines de micromètres.
Les inclusions fluides se forment au cours de la
croissance du minéral hôte, souvent à la faveur de
défauts cristallins. Elles peuvent également se
former dans des microfractures, après la cristallisation du minéral. L’étude des inclusions fluides a
connu un grand essor durant ces dernières décen-
nies. Leur caractérisation est possible grâce à des
techniques comme la microthermométrie (observation des changements de phase sous
microscope) ou par des techniques plus pointues
de microanalyse. Les études d’inclusions fluides
peuvent être réalisées sur la plupart des minéraux
transparents sous lumière visible (quartz, fluorine,
calcite, barytine, halite) et dans certains minéraux
opaques (sphalérite, stibine, pyrite) sous infrarouge. La connaissance de la chimie des
paléofluides permet d’obtenir des données quantifiées de concentrations en gaz et sels pour
modéliser les réactions entre fluides et minéraux.
Elle permet également d’estimer les conditions
de pression, de température et de profondeur de
circulation des fluides. Enfin, le couplage entre
études structurales et caractérisation des paléofluides permet de relier les événements de
déformation avec les différents épisodes de percolation des fluides.
Les champs d’application sont divers et variés en
Sciences de la Terre : pétrologie des roches magmatiques, métamorphiques ou sédimentaires,
formation des gisements de métaux, diagenèse
des bassins et formation des réservoirs d’hydrocarbures. n
Inclusions fluides de la mine de cobalt, nickel,
argent et or de Bou Azzer (2,5 Mt @ 1,27 % Co,
1 % Ni, 50 g/t Ag, 6 g/t Au) dans le sud du Maroc.
A) Veine de calcite, quartz et arséniures
de cobalt. © A. Chauvet.
B) Bandes de croissance soulignées par des inclusions
fluides et des arséniures opaques. © J. Tuduri.
C) Inclusion fluide triphasée (Liquide-Vapeur-Halite).
© M.-C. Boiron.
Fluid inclusions in the Bou Azzer cobalt, nickel,
silver and gold mine (2.5 Mt @ 1.27% Co, 1% Ni,
50 g/t Ag, 6 g/t Au) in southern Morocco.
A) A vein containing calcite, quartz and cobalt
arsenides.
B) Growthbands enhanced by fluid inclusions and
opaque arsenides.
C) Three-phase fluid inclusion (Liquid-Vapour-Halite).
fluides et genèse des concentrations minérales
58
1
4
1 km
5
1
6
7
H2O-CO2-CH4-N2
Circulation
hydrothermale
convective
CO2-H2O
H2O
7
CO2
100 km
Les grands réservoirs de fluides
de la lithosphère
L’identification des réservoirs sources de fluides au
moyen de leurs signatures géochimiques est essentielle pour mieux comprendre les processus de
migration des fluides, leurs interactions avec les roches
traversées et les mécanismes nécessaires à la genèse
des concentrations minérales. Selon leur localisation
dans la croûte, les fluides ont des compositions et des
origines variées (figure 1).
Dans les tous premiers kilomètres de la lithosphère, les
fluides dominants (1) sont des fluides de recharge qui
percolent à partir de la surface (fluides météoriques).
Ils sont relativement dilués, appartiennent au système
H2O-sels (Na dominant), avec de très faibles quantités
de gaz (CO2, CH4). Ils sont piégés dans des conditions
de pression de quelques dizaines à quelques centaines
de bars et à des températures variant entre 50 et
350 °C. C’est le domaine des fluides des systèmes
géothermiques actifs ou des systèmes hydrothermaux
des provinces volcaniques auxquels sont associés les
dépôts de métaux (Au, Ag, Cu…). Dans les niveaux
superficiels, des processus d’ébullition peuvent être
observés lorsque la température est élevée. L’ébullition
a pour conséquence de libérer les gaz dissous dans la
solution hydrothermale. Il aboutit à la précipitation des
éléments restant en solution (Au, As, Sb, Ag).
3
4
H2O-sels-CH4-HC
H2O-sels (Na, Ca, Mg)
Socle granitique
6
50 km
H2O-sels (Na)
4
5
H2O-sels (Na, K, Li)
2
Bassin sédimentaire
4
5 km
10 km
H2O
Domaine orogénique
déformé
Composition
et direction d’écoulement
des principaux fluides
rencontrés dans la croûte
4
Principaux réservoirs
1 Eau météorique
2 Eau de mer évaporée
3 Eau de mer
4 Fluides de bassins
5 Fluides magmatiques
6 Fluides métamorphiques
7 Fluides profonds
Dans les bassins sédimentaires, les fluides (4) appartiennent au système H2O-gaz-(hydrocarbures)-sels et
dérivent en partie de l’eau de mer. Na, Ca et Mg sont
les ions dominants de la phase liquide. La salinité est
variable, car trois types de fluides peuvent interagir :
i) l’eau de mer (3), ii) l’eau de recharge provenant des
aquifères affleurant (1), et iii) les eaux issues de l’évaporation de l’eau de mer (2) ou des eaux piégées dans
des minéraux évaporitiques (gypse, anhydrite, halite,
sylvite, etc.). CO2, CH4, (± N2) et hydrocarbures trouvent
leur origine dans la maturation de la matière organique
présente dans les sédiments. Ces fluides sont piégés
dans des conditions de pression de l’ordre de quelques
centaines de bars à des températures relativement
basses (50-250 °C).
Fig. 1 : Coupe
présentant
les principaux
réservoirs fluides,
les circulations
des solutions
hydrothermales et
leurs compositions
dans la croûte
terrestre.
Fig. 1: A cross-section
depicting the main
fluid reservoirs,
hydrothermal
circulations and
their compositions
in the lithosphere.
© M.-C. Boiron.
Les fluides hydrothermaux d’origine magmatique (5)
sont issus de la séparation d’une phase fluide lors de la
cristallisation de magmas. Ces fluides de moyenne à
haute température (350 °C à plus de 600 °C) sont généralement enrichis en K et peuvent posséder des teneurs
non négligeables en Li. Accumulés au toit des plutons,
Les fluides dans les différents niveaux de la croûte
ont des compositions et des origines variées.
fluids in ore forming processes
Photo 1 : Mine
de molybdène
de Climax
(≈1Gt @ 0.4 % Mo)
située à près de 3 500 m
d’altitude au cœur des
montagnes Rocheuses
(Colorado, États-Unis).
À l’aube du XXIe siècle
elle avait produit près
de 60 % du Mo mondial.
Photo 1: The Climax
molybdenum mine
(≈1Gt @ 0.4% Mo)
situated at an altitude
of almost 3500 m
in the heart of
the Rocky Mountains in
the state of Colorado
(United States).
At the dawn of the
21st century, it had
already yielded nearly
60% of the world’s Mo.
© J. Tuduri.
leur libération s’effectue lorsque leur pression excède
la pression de confinement, provoquant d’importantes
fracturations, appelées stockworks une fois minéralisées. Ces gîtes comptent parmi les plus importants
gisements au monde de Cu, Mo et Au (Chuquicamata
au Chili, Climax aux États-Unis et Grasberg en
Indonésie, photo 1).
À plus grande profondeur (5-15 km), les fluides (6) sont
généralement en équilibre avec les roches encaissantes
(métamorphiques ou granitiques). Les compositions
chimiques sont dominées par H2O, CO2, CH4 et N2. Les
fluides sont associés au métamorphisme prograde
(fluides métamorphiques où l’eau est issue de processus de déshydratation) ou rétrograde (fluides
pseudo-métamorphiques, équilibrés avec leurs encaissants). Les fluides sont piégés sous des pressions de
l’ordre de 2 à 5 kbars et à des températures relativement élevées (300-500 °C). Les gîtes aurifères des
cratons africains, canadiens ou australiens se sont mis
en place dans ces conditions le long de grandes failles
crustales (photo 2).
À quelques dizaines de kilomètres de profondeur (7),
des fluides de forte densité à CO2 (± H2O) sont observés. Dans des conditions réputées anhydres et peu
favorables à la mise en place de minéralisations économiques, la présence d’eau et les rapports H2O-CO2 dans
ces fluides font l’objet de débat.
Photo 2 : Or dans des échantillons
de veines de quartz et carbonate
de la mine d’or de Daisy Milano
(≈ 200 000 t @ 40 g/t Au)
située près de Kalgoorlie
dans le craton du Yilgarn
en Australie occidentale.
Photo 2: Gold in samples of
quartz and carbonate veins
from the Daisy Milano
(≈ 200 000 t @ 40 g/t Au)
gold mine located near
Kalgoorlie in the Yilgarn craton,
western Australia.
© A. Caté.
Géosci ences • n u méro 13 • ju i l l et 2011
59
fluides et genèse des concentrations minérales
60
Du transfert des métaux
par les fluides à leur précipitation
Fertilité des roches sources
La « fertilité » de certaines parties de la lithosphère
augmente non seulement quand la concentration en
métal augmente, mais aussi lorsque le porteur du
métal est potentiellement soluble dans des conditions
physico-chimiques qui rendent le métal facilement et
naturellement extractible. Dans le cas de l’uranium,
dont les roches sources sont parmi les mieux connues,
la présence d’uraninite, très sensible aux conditions
d’oxydo-réduction, est un facteur beaucoup plus important que la concentration elle-même du métal. À
l’inverse, des roches fortement concentrées en uranium,
du fait de la présence de thorite, ne constituent généralement pas une source fertile, car la phase renfermant
le métal est très stable, à moins que ce minéral soit
dans un état de déstabilisation avancée du fait du
rayonnement alpha de l’uranium et du thorium.
Le processus de dépôt
Le dépôt et la concentration d’un minerai dans un piège
nécessitent une combinaison de facteurs favorables :
durée du processus, efficacité du fractionnement… La
précipitation des métaux à partir de la phase fluide
est avant tout un processus thermodynamique ; la
déstabilisation des porteurs de métaux en solution est
favorisée par la modification de la phase fluide et
par celle des conditions physico-chimiques externes
(réactions avec les roches encaissantes, mélange de
fluides, variation de température, pression, ébullition).
Ainsi, des fluides en équilibre à relativement haute
température et/ou faible pH peuvent engendrer des
concentrations hydrothermales s’ils migrent dans des
zones de plus faible température et/ou de pH plus
élevé. Le dépôt peut également être favorisé par des
processus de dilution à faible température lorsqu’elles
favorisent la déstabilisation des complexes chlorurés.
Un nouvel exemple où
les fluides sont à l’origine
d’un gisement de classe
mondiale : la mine d’argent
d’Imiter (8 Mt @ 550 g/t Ag)
située dans le sud
marocain (Anti-Atlas
oriental). Connue depuis
le Moyen Âge, elle est la
première mine productrice
d’argent en Afrique.
Yet another example where
liquids have created
a world-class deposit:
the Imiter silver mine
(8 Mt @ 550 g/t Ag), located
in southern Morocco
(western Anti-Atlas). Known
since medieval times,
it is the foremost silverproducing mine in Africa.
© BRGM Im@gé, J. Tuduri.
Les roches sources des autres métaux, en revanche, sont
bien souvent hypothétiques. Ceci est lié au fait que, leurs
concentrations dans les roches sources sont très faibles,
souvent inférieures aux limites de détection. Elles ne
sont donc généralement pas analysables en routine.
Rôle des fluides
Les phases fluides issues des grands réservoirs ne
jouent un rôle dans l’extraction des métaux que si leurs
concentrations en ligands (soufre ou chlore, par exemple)
permettent d’envisager un transport efficace du métal
et si elles sont en déséquilibre avec les phases porteuses
de métaux (extraction par déstabilisation, dissolution
des porteurs primaires). Les concentrations les plus
riches sont à mettre en relation avec des fluides soit de
très forte salinité, soit de haute température, ces deux
paramètres ayant un rôle positif sur la capacité des
fluides à transporter les métaux (figure 2).
Le soufre est nécessaire à la précipitation des sulfures,
porteurs de l’essentiel des métaux. Il peut être issu du
dégazage des magmas ou, dans les environnements
sédimentaires, de la sulfato-réduction bactérienne et
de la réduction thermochimique. Le chlore peut être
d’origine marine, concentré par évaporation (saumure
dite primaire) ou issu de la dissolution d’évaporites
(saumure dite secondaire) ; il peut aussi être d’origine
magmatique.
Fig. 2 : Relations entre concentration en Cl, en métaux (Pb) et température
des fluides de différents systèmes hydrothermaux (d’après Yardley, 2005).
Fig. 2: The relationships between Cl and metal (lead) concentrations and
the temperature of fluids in various hydrothermal systems (from Yardley, 2005).
fluides et genèse des concentrations minérales
62
L’eau dans les bassins
Surface : eaux de pluies, eau de mer.
Réservoirs : aquifères conés,
issus de la compaction des sédiments.
Interactions entre eaux
et roches (évaporites) : formation
de solutions saumâtres enrichies
en Cl, Na, Mg, K +/- Pb,
Zn, Ag, Ba, F, U.
Calcaires
Marnes
Argilites, matière
organique, soufre
Grès
Circulations et interactions
Infiltrations des solutions
dans le sous-bassement constitué
de granitoïdes et de schistes.
Interactions saumures/roches
encaissantes.
Altérations (remplacements)
et mise en solution de métaux.
Na
Na Na
Formations des minéralisations
Dolomitisation, mélange de fluides
(surface/profonds) et mise en place
de cellules de convections.
Optimisation de la mise en solution
des métaux (zone d’altération)
et précipitation contrôlée à l’interface
socle-sédiments.
Ba, F, Pb, Zn, Ag
Ca (K
)
S
Saum
ures e
nrichie
s
Évaporites et formations
silico-clastiques
Socle (roches magmatiques
et métamorphiques) + régolites
Les fluides à l’interface socle-couverture
L’action des fluides d’origine sédimentaire ne se limite
pas exclusivement au bassin : elle peut affecter le socle
sous-jacent à la faveur de fractures. C’est dans ce
contexte que se forme une grande partie des minéralisations de Pb, Zn, Cu, Co, Ag, U de basse à moyenne
température [Essarraj et al. (2005), Piqué et al. (2008),
Richard et al. (2010)].
Les circulations de fluides à l’interface socle-couverture
sont un thème de recherche de première importance
(figure 3). Deux types de fluides de composition
contrastée sont fréquemment rencontrés dans ces
environnements : des fluides dilués, correspondant à
des fluides de recharge météorique, et des saumures,
résultant de l’évaporation de l’eau de mer et expulsées
durant des épisodes de compaction et/ou d’extension
associés à des événements géodynamiques majeurs.
Ces saumures montrent des potentialités à mobiliser,
transporter puis déposer les métaux [Wilkinson et al.
(2009)]. Les processus de dilution et/ou les variations
des paramètres redox représentent ici les principaux
mécanismes à l’origine des concentrations minérales
Ainsi, en Europe de l’Ouest, les minéralisations à Pb, Zn,
et Ag ainsi que celles à F et Ba sont associées aux
phases de rifting (ouverture de l’océan Atlantique, puis
du golfe de Gascogne) [Boiron et al. (2010)]. Au Canada,
les minéralisations à U des bassins d’âge Protérozoïque
résultent de mécanismes similaires.
S
U, F
K
K K
Mg
Mg Mg Mg
Chaleur
Étudier la chaîne « source, extraction, transport,
piégeage, préservation » est un objectif majeur pour la
compréhension de la genèse des ressources minérales.
Cette démarche est la clé de la découverte de ressources nouvelles, situées à des profondeurs toujours
plus grandes, aux teneurs plus faibles ou provenant de
gisements encore mal connus du point de vue de leur
mécanisme de genèse. L’étude de la phase fluide (eau,
gaz, sels) est l’une des sources d’informations les plus
riches, comme l’ont montré les pétroliers.
Il reste encore à déterminer, pour de nombreux métaux,
leur source, la nature de leurs porteurs, et comment
les concentrations en métaux ont été acquises par
les fluides percolants. La collaboration étroite entre
métallogénistes, géophysiciens et modélisateurs
de l’évolution de la lithosphère est nécessaire pour
comprendre le couplage entre géodynamique et mouvements des fluides. Il est pour cela essentiel de se
situer dans un cadre lithosphérique, beaucoup de
gisements étant décrits sans être replacés précisément
dans la formation des orogènes ou des bassins.
Progresser dans la datation des objets minéralisés euxmêmes sera pour cela déterminant afin de connaître
les relations entre la circulation des fluides minéralisateurs, la déformation de la lithosphère et la déformation
localisée, source de formation des pièges structuraux.
C’est le défi de ce XXIe siècle : accomplir des progrès
décisifs pour améliorer la prospection des gisements
métalliques. n
Fig. 3 : Les circulations
de fluides à l’interface
entre socle et couverture.
Fig. 3: Fluid circulations
at the interface between
basement and cover.
fluids in ore forming processes
> L’hydrogéochimie à l’échelle de quelques micromètres cube
Durant la dernière décennie, le développement des techniques d’ablation laser (LA) et de rayonnement
synchrotron a permis d’apporter des données quantifiées sur la composition chimique des fluides
notamment pour les éléments majeurs et certains
éléments en trace. Les premiers travaux ont porté
sur l’analyse des métaux (notamment Cu) dans les
inclusions magmatiques, puis sur les fluides associés
aux gisements de type MVT. Enfin, des concentrations
en uranium variant de la dizaine à plusieurs centaines
de ppm ont pu être analysées par LA-ICPMS dans les
saumures sodi-calciques des gisements d’uranium en
Athabasca, au Canada [Richard et al. (2010)]. La compréhension des processus à l’origine du transport et du
dépôt des métaux a ainsi été largement améliorée
avec l’avènement de l’étude de la chimie des paléofluides. En effet, le couplage des études des paragenèses
métalliques et des minéraux de gangue ou d’altération
associé à la caractérisation de la chimie des fluides
ayant circulé à différentes époques de l’histoire des
transferts d’éléments constitue un axe de recherche
essentiel pour la compréhension des processus impliqués dans ces transferts.
L’ablation laser couplée à l’ICPMS est devenue une technique reconnue et efficace pour analyser les éléments
mineurs et traces dans les minéraux et dans les
solutions piégées sous forme d’inclusions fluides. En
combinant la forte résolution spatiale des lasers avec la
sensibilité des systèmes d’analyses multi-élémentaires
des ICPMS, elle est un outil absolument indispensable
pour accéder à la chimie détaillée des paléofluides.
Le système d’analyse élémentaire localisée (échelle de
quelques micromètres à 200 micromètres) est constitué
de deux équipements couplés : i) un laser d’ablation
équipé d’une optique de focalisation et de traitement
du faisceau et d’une chambre d’ablation et de collection
de la matière ablatée ; ii) un spectromètre ICPMS quadripolaire utilisant un dispositif de collision-réaction. n
20 µm
Début de
l'ablation laser
1 000 000
Intensité (coups)
100 000
20 µm
Ouverture de l'inclusion fluide
10 000
– Na
– Si
–K
– Cu
– Sr
– Ag
1 000
100
10
1
0
11
22
Temps (s)
33
44
Photographie de l’équipement d’ablation laser couplée à l’ICPMS (LA-ICPMS) installé au laboratoire G2R, Nancy.
Photographie de l’inclusion fluide avant et après ablation.
Spectre de masse obtenu après ablation laser et analyse d’une inclusion fluide.
Photo of the laser ablation inductively coupled plasma mass spectrometry equipment (LA-ICPMS) installed
in the G2R laboratory in Nancy. Photo of the fluid inclusions before and after laser ablation.
Mass spectrum obtained after fluid inclusion laser ablation and analyis.
© M.-C. Boiron.
Fluids in ore forming
processes
Water-gas-salt fluids are the most
common metal carriers and cause
of metal enrichments in the crust,
being the main agent in extracting
ore metals from source rocks,
transporting them in drainage
zones, and finally precipitating them
in chemical and structural traps.
Meteoric waters, seawater and
basinal brines, as well as magmatic
and metamorphic fluids in deeper
structural levels, may predominate
in several distinct fluid reservoirs,
but may interact at depth with host
rocks and mix when geologic
processes favour mass and heat
transfer via thermal gradients. While
high-temperature (350-650°C)
magmatic hydrothermal systems
may provide considerable amounts
of precious and base metal stocks
and are frequently considered to be
one of the main factors favouring
economic concentrations, other
widely varied processes occur at
lower temperatures (100-250°C),
particularly in domains along
faults, at the interface between
the basement and the sedimentary
cover.
Ore-forming fluids are now better
known thanks to a nearly complete
reconstruction of the fluid chemistry
of inclusion fluids, with pH, ligand
(chlorine, sulphide) concentration,
temperature and redox processes
being important agents in the
transport and deposition of ore
minerals. Processes that may change
one or more of these parameters are
of crucial importance for the metal
deposition, this encouraging more
accurate micro-analysis and
thermodynamic modelling.
Moreover, research today should
also focus on the links between
ore systems, fluid flow and
geodynamics, and must take
advantage of new non-conventional
dating techniques for fluid-rock
interactions to fully reconstruct
ore systems at the scale of crustal
provinces.
Bibliographie : Boiron M.-C., Cathelineau M., Richard A. (2010) – Fluid flows and metal deposition near basement / cover unconformity: Lessons and analogies from Pb-Zn-F-Ba systems for the understanding
of Proterozoic U deposits. Geofluids, 10, 270-292. Essarraj S., Boiron M.-C., Cathelineau M., Banks D.-A., Benaharref M. (2005) – Penetration of surface – evaporated brines into the Proterozoic basement
and depositon of Co and Ag at Bou Azzer (Morocco): Evidence from fuid inclusions. Journal of African Earth Sciences, 41, 25-39. Piqué A., Canals A., Grandia F., Banks D.-A. (2008) – Mesozoic fluorite in NE Spain
record regional base metal-rich brine circulation through basin and basements during extentional events. Chemical Geology, 257, 139-152. Richard A., Pettke T., Cathelineau M., Boiron M.-C., Mercadier J.,
Cuney M., Derome D. (2010) – Brine-rock interaction in the Athabasca basement (McArthur River U deposit, Canada): consequences for fluid chemistry and uranium uptake. Terra Nova, 22, 303-308.
Wilkinson J.-J., Stoffell B., Wilkinson C.-C., Jeffries T.-E., Appold M.-S. (2009) – Anomalously metal-rich fluids form hydrothermal ore deposits. Science, 323, 764-767. Yardley B.-W.-D. (2005) – Metal concentrations
in crustal fluids and their relationship to ore formation. Economic Geology, 100, 613-632.
dynamique de l’eau, de l’érosion à la sédimentation
L’eau recouvre les trois quarts
de la surface de notre planète
et son action est primordiale
dans les processus d’altération,
d’érosion, de transport
et de sédimentation.
Elle est le moyen de transport
des particules par les fleuves
vers le milieu marin, elle participe
à la diagenèse qui transforme
les sédiments : l’eau est au cœur
de la plupart des processus
d’évolution sédimentaire.
Dynamique de l’eau,
de l’érosion à
la sédimentation
érosion
64
Le cycle de l’eau
L’
eau couvre les trois quarts de la surface de notre planète. Elle constitue les rivières,
les nappes souterraines, les lacs, les mers, les océans ; elle est présente dans les
sols et est constitutive des êtres vivants. Sous toutes ces formes, l’eau participe à ce
que l’on appelle le cycle de l’eau. Depuis
quelques 4 milliards d’années, la quantité
d’eau présente sur la planète, évaluée à
Depuis 4 milliards d’années,
plus d’un milliard de km3 au total, n’a pas
changé. C’est toujours le même volume
la quantité d’eau présente
d’eau qui ne cesse de se transformer,
sur la Terre n’a pas changé.
passant par les états de vapeur, d’eau
liquide, de neige et de glace, qui entretient
le cycle permanent de l’eau.
Philippe Négrel
BRGM, Adjoint au chef de Service
Métrologie, Monitoring, Analyse
[email protected]
Christophe Rigollet
BRGM, Adjoint au chef de Service
Géologie
[email protected]
Érosion fluviatile dans les coulées
récentes des volcans d’Islande.
Fluvial erosion in recent lava flows
from volcanoes in Iceland.
© Ph. Négrel.
L’eau est omniprésente dans tous les processus géodynamiques internes et externes. Il
est bien rare que l’explication d’un phénomène géologique ne fasse pas intervenir l’eau,
à quelque échelle que ce soit.
water dynamics, from erosion to sedimentation processes
déterminent à eux seuls l’écoulement des eaux.
Le réseau hydrographique superficiel est composé
d’arborescences de courants plus ou moins denses et
ramifiés. Selon le système fluviatile, le réseau peut
disperser ou concentrer les eaux avec une capacité de
transport très variable. Les aquifères souterrains sont
constitués par des formations poreuses, des fractures
ouvertes et des réseaux karstiques. Là aussi, de fortes
hétérogénéités géologiques influent sur les volumes et
l’écoulement des eaux souterraines.
Les rivières et les aquifères (photos 1a, 1b et 2) occupent
une fonction centrale dans ce système et sont le lieu de
processus variés : de l’amont vers l’aval, la rivière est
successivement un lieu d’érosion, de transit, puis de
dépôt. Dans la partie amont des rivières, les phénomènes
Photos 1a et 1b :
Des petits ruisseaux
drainant les planèzes
d’Auvergne (gauche)
à la fonte des neiges
hivernales (débit d’une
centaine de litres
par seconde) aux rapides
du fleuve Congo
à Brazzaville (droite)
en période de hautes
eaux (débit de plus
de 55 000 m3/s).
Photos 1a and 1b:
(left) Small streams draining
the Auvergne Planezes
during the winter snow melt
(flow rate of the order
of 100 l/s) and (right)
the rapids of the Congo River
at Brazzaville during a
high-water period (flow rate
of more than 55,000 m3/s).
© Ph. Négrel.
Photo 2 : Aquifère karstique,
Bayahibe, République
Dominicaine.
Photo 2: Karst aquifer
at Bayahibe, Dominican
Republic.
© C. Rigollet.
65
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
La surface de la Terre peut être considérée comme une
interface physique entre la lithosphère, l’hydrosphère
et l’atmosphère. La connaissance des interactions entre
fluides (au sens large) et roches est importante pour
comprendre les phénomènes actuels et déchiffrer les
phénomènes passés. En effet, les fluides jouent un rôle
fondamental dans la plupart des processus physicochimiques qui affectent la croûte terrestre. Le cycle
de l’eau, ou cycle hydrologique, comprend tous les
phénomènes intervenant dans la circulation de l’eau.
Les précipitations se transforment en eau de ruissellement, en humidité du sol et en eau souterraine. L’eau
souterraine remonte pro-parte vers la surface ; à la
surface, l’eau des rivières, des nappes, du sol et de la
végétation retourne à l’atmosphère par évaporation et
transpiration. Le réseau hydrographique et les aquifères
dynamique de l’eau, de l’érosion à la sédimentation
66
d’érosion, qu’ils soient chimiques ou mécaniques,
prédominent. La charge naturelle d’une rivière apparaît
donc comme le produit de l’interaction, soit chimique
soit mécanique, entre l’eau de ruissellement et les
roches. Dans le premier cas, ce produit est sous forme
dissoute [Drever (1988)]. Dans le second, il est sous
forme particulaire [Berner et Berner (1987)]. Dans un
système fluviatile et son bassin versant, le cheminement de l’eau est un continuum depuis les précipitations
atmosphériques jusqu’à l’océan, à travers le ruissellement,
l’évapotranspiration, l’infiltration, l’écoulement dans
les rivières, la zone non saturée (ZNS) et les systèmes
aquifères.
À la surface de la Terre, on ne compte plus les torrents,
ruisseaux et rivières qui dévalent des montagnes ou les
grands cours d’eau qui serpentent en plaine [Gordon et
al. (1992)] (photos 1a et 1b). Toute rivière est un ensemble
fonctionnel dont les caractéristiques géomorphologiques évoluent progressivement de la source à
l’embouchure. La partie la plus amont du système
hydrographique correspond au bassin versant. Les
processus d’érosion dominent, c’est de là que provient
l’essentiel de la charge sédimentaire du système hydrographique. Les torrents convergent vers l’exutoire,
transition entre le relief et la plaine d’inondation, où
l’écoulement diverge, la capacité de transport chute et
les sédiments les plus grossiers s’accumulent, édifiant
un cône alluvial (photo 3).
Au-delà du cône alluvial, à mesure que la pente s’amenuise, les courants, qui ont déposé leur charge la plus
grossière, perdent leur énergie. Ils déposent des particules
de plus en plus fines et la base des chenaux est de moins
L’étude des interactions entre les fluides et les roches
est nécessaire pour comprendre les phénomènes
actuels et déchiffrer les phénomènes passés.
Photo 3 : Érosion
torrentielle et dépôt
d’un cône alluvial,
Vallée de la Mort,
États-Unis.
Photo 3: Torrential
erosion and deposition
of an alluvial cone
in Death Valley, USA.
© C. Rigollet.
water dynamics, from erosion to sedimentation processes
En période de crue,
les courants sortent des chenaux
et déposent leur charge
dans la plaine d’inondation.
en moins érosive. En période de crue, les courants
sortent des chenaux et déposent leur charge dans la
plaine d’inondation (photo 4).
Altération et érosion continentale
La destruction mécanique et chimique des roches
constitue la source principale des matériaux des sols et
par là même des solides transportés par les rivières. Ce
phénomène affecte tous les types de roches, qu’elles
soient magmatiques, métamorphiques ou sédimentaires.
L’érosion mécanique produit des fragments de roche.
Les variations de température entraînent la dilatation
ou la contraction des roches. Soumises à des variations
de volume, les roches se fissurent, puis éclatent. Dans
les roches composées de minéraux n’ayant pas le
même coefficient de dilatation, des microfissures
peuvent apparaître à la limite entre les minéraux. Si de
l’eau pénètre dans les fissures et gèle, la roche peut
éclater par cryofracturation.
Photo 4 : Alternance de grès chenalisés lenticulaires, de grès de débordement
tabulaires et d’argiles rouges de plaine d’inondation, Olson, Espagne.
Photo 4: Alternating layers of lenticular channel sandstone, tabular overflow
sandstone and red clay from the floodplain (Olson, Spain).
© C. Rigollet.
L’eau joue également un grand rôle dans l’altération
chimique des roches. En raison de la liaison covalente
asymétrique qui unit les atomes d’hydrogène à l’oxygène,
la molécule d’eau est un dipôle. Cette nature bipolaire
permet l’établissement de liaisons hydrogène entre les
molécules d’eau qui s’organisent en groupes tétraédriques, une structure lui conférant des propriétés de
solvant [Drever (1988)]. L’hydratation consiste en l’incorporation de molécules d’eau à certains minéraux peu
hydratés, ce qui produit un gonflement du minéral et
favorise la destruction de la roche. L’hydrolyse consiste
en la destruction, par l’eau, d’un édifice moléculaire et
sa transformation en d’autres édifices moléculaires
(photo 5). Enfin, la dissolution produit la solubilisation
des calcaires, des dolomies et des roches évaporitiques,
grâce à l’action du CO2 dissous dans l’eau (photo 6).
L’altération des roches produit des particules qui sont
transportées par les processus physiques (cours d’eau,
vent ou glace) vers le milieu de dépôt pour former un
sédiment (photo 5). Finalement, les processus de diagenèse transforment le sédiment en roche [Campy et
Photo 5 : Argiles d’altération (altérites de micaschistes précambriens),
forêt de Leppo, France.
Photo 5: Clay deposit produced by weathering (Precambrian micaschist
alterites), (Leppo Forest, France).
© C. Rigollet.
dynamique de l’eau, de l’érosion à la sédimentation
Photo 6 : Altération
actuelle, par dissolution,
d’une formation
évaporitique éocène,
Cardona, Espagne.
Photo 6: Present-day
weathering, by dissolution,
of an Eocene evaporite
(Cardona, Spain).
© C. Rigollet.
68
Macaire (1989)]. Envisagé d’un point de vue dynamique,
le couple érosion-sédimentation dépend fondamentalement des conditions tectoniques et bioclimatiques.
Le point d’entrée vers le milieu
océanique
Les produits de l’altération chimique et de l’érosion
mécanique, transportés par les rivières, rejoignent le
milieu océanique au niveau des estuaires ou des deltas,
zones de transition entre milieu continental et marin
[Meybeck et Ragu (1996)]. En règle générale, lorsque le
fleuve a une influence dominante, un delta se forme ;
si l’influence marine est dominante, l’embouchure du
fleuve a la morphologie d’un estuaire.
Les estuaires sont caractérisés par un fort contraste
hydrodynamique entre des marnages importants et des
courants de haute énergie (crues, marées). Le marnage
a lieu sur toute la surface de l’estuaire à marée étale
et/ou dans les zones calmes et protégées, lorsque les
conditions hydrodynamiques sont favorables à la
décantation des particules en suspension. Lorsqu’elles
sont encore en suspension dans l’eau, ces particules
constituent un « bouchon vaseux » situé à la transition
entre les eaux marines salées et les eaux douces
chargées de matière en suspension et de nutriments
en solution. Zone de turbidité maximale, le bouchon
vaseux se déplace au rythme des marées. La sédimentation des estuaires est également caractérisée par
d’importantes accumulations de sables transportés par
les courants de marée.
Dans le cas des deltas, la partie visible (la plaine deltaïque
et la côte) présente une morphologie caractéristique en
éventail. La plaine deltaïque est composée de chenaux
sableux et d’une plaine d’inondation argileuse. Les
courants fluviatiles, lorsqu’ils arrivent au niveau du
delta, sont freinés par une eau de mer « immobile » et
perdent leur charge sédimentaire. La fraction granulométrique la plus grossière se dépose et constitue le
front de delta (accumulations sableuses). Au-delà,
Lorsque le fleuve a une influence
dominante, un delta se forme ; si
l’influence marine est dominante,
l’embouchure est un estuaire.
water dynamics, from erosion to sedimentation processes
plateau continental. En revanche, les particules les plus
fines et les éléments dissous migrent bien au-delà du
plateau continental.
Au niveau du front de delta, la morphologie du trait de
côte dépend du volume des apports de matière solide
par les rivières, de l’énergie relative des rivières, de la
houle, des courants littoraux et de la marée. Le volume
de sédiments préservés au niveau d’un delta dépend de
trois paramètres physiques : le taux de sédimentation,
le niveau marin relatif et le taux de subsidence. La
progradation du delta est la plus forte en période de
stabilité ou de descente du niveau marin, avec un
apport détritique suffisant à partir du continent par les
processus d’érosion. Lorsque le niveau marin est stable,
les chenaux se multiplient et migrent latéralement, la
surface du delta augmente et son taux de croissance
ralentit.
Dans le milieu marin profond
Les particules les plus grossières (sables) arrachées au
continent se déposent au niveau des estuaires ou des
deltas, ou sont déplacées le long de la côte et sur le
Bien au-delà des côtes agitées, la sédimentation est
dominée par la décantation des particules en suspension
dans l’eau de mer. Une partie de ces particules, dites
terrigènes, vient du continent (origine fluviatile ou
éolienne), avec une dilution croissante vers le centre du
bassin. Une autre partie, qui vient de la sédimentation
dite pélagique, se répartit uniformément à l’échelle de
tout l’océan. Elle provient de la décantation des particules
d’origine biologique qui nagent et flottent dans la
tranche d’eau (necton et plancton). Lorsque les dépôts
sont composés à la fois par la décantation de particules
fines d’origine terrigène et de particules pélagiques,
on parle d’hémipélagites (photo 7). Parfois la tranquillité du milieu est perturbée par l’arrivée d’un courant
turbide qui apporte des sédiments plus grossiers
(les turbidites).
69
Photo 7 : Hémipélagites
dans le bassin vocontien,
avec intercalation
de grès turbiditiques,
Rosans, France.
Photo 7: Hemipelagites
in the Vocontian Basin,
interbedded with
turbiditic sandstones
(Rosans, France).
© C. Rigollet.
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
l’énergie s’affaiblit considérablement et la partie
profonde du delta n’est plus qu’une accumulation de
particules fines (silts et argiles).
dynamique de l’eau, de l’érosion à la sédimentation
70
Altération des matériaux
et érosion
Fraction terrigène
Transport
Sédimentation
Précipitation
chimique
Fraction
allochimique
Fraction
orthochimique
Dépôt
Diagenèse
Autant les sédiments terrigènes peuvent être classés
par leur granulométrie (galets, sables, silts, argiles…),
autant les sédiments hémipélagiques sont classés
selon leur nature : lithogènes (dérivés de l’érosion des
roches) ; biogènes (dérivés d’organismes vivants, fraction
allochimique) ; bio-chimiques (précipités dans l’eau de
mer, fraction orthochimique) (figure 1).
Le rôle de l’eau est multiple : agent de transport, de
précipitation, d’altération… Le matériel transporté finit
par s’accumuler dans un bassin de sédimentation
pour former des dépôts stratifiés sur des épaisseurs
qui peuvent atteindre plusieurs milliers de mètres
[Chamley (1990)]. Les sédiments gorgés d’eau se
déposent en couches successives dont la composition,
la taille des particules, la couleur, etc., varient selon la
nature des sédiments apportés. Il est essentiel de considérer un dépôt comme un ensemble composé, à
l’origine, de particules et d’eau. Dans certains sédiments,
comme les boues argileuses, l’eau peut représenter plus
de 90 % du volume total du sédiment.
L’eau et la diagenèse
La diagénèse regroupe l’ensemble des processus qui
contribuent à l’évolution des sédiments après leur
dépôt : compaction, déshydratation, dissolution, cimentation, épigénisation et métasomatose. L’eau est
impliquée dans la plupart des phénomènes diagénétiques. On distingue la diagenèse précoce, qui a lieu
immédiatement après le dépôt des sédiments, et la
diagenèse tardive qui a lieu plus en profondeur, au
cours de l’enfouissement.
Au cours de la diagenèse précoce, l’évolution du sédiment
est principalement contrôlée par des phénomènes
biologiques et la circulation des fluides. La saturation
et l’origine de l’eau permettent de distinguer quatre
environnements : phréatique marin, vadose marin,
phréatique météoritique et vadose météorique. Les
ciments précoces présentent des spécificités minéralogiques, cristallographiques et géométriques
parfaitement identifiables en lames minces.
Fig. 1 : Cycle
continent-océan
des sédiments.
Fig. 1: Sediment
cycling in
the continent-ocean
continuum.
Les effets de la diagenèse tardive se superposent à ceux
de la diagenèse précoce. La compaction par exemple
correspond au tassement d’une couche sous l’action
des sédiments qui lui sont superposés. Par la pression
exercée, l’eau interstitielle du sédiment est expulsée.
La compaction peut provoquer des phénomènes de
dissolution des grains et ciments précoces et des
phénomènes de dissolution au contact entre les grains.
Ces processus de dissolution enrichissent les eaux
interstitielles en éléments dissous.
Associée à la compaction, la précipitation des substances
dissoutes dans les eaux interstitielles contribue à la
Dans certains sédiments, comme
les boues argileuses, l’eau peut représenter
plus de 90 % du volume total du sédiment.
water dynamics, from erosion to sedimentation processes
lithification des sédiments. Dans les milieux poreux,
la cimentation réduit la porosité par précipitation
minérale sous forme cristalline (cimentation de calcite
ou de silice par exemple). De même, le phénomène
inverse à la précipitation, la dissolution des ciments
et/ou des grains, permet de créer une porosité secondaire dans la roche.
Au cours de la diagenèse, on assiste également à des
processus d’épigénisation correspondant à la transformation d’un minéral en un autre de même composition,
mais avec un changement de structure cristalline
(par exemple, l’aragonite se transforme en calcite).
Le phénomène se produit soit par une dissolution
préalable du minéral préexistant, soit par un simple
échange (diffusion). Enfin, la métasomatose a lieu à
plus grande échelle. Elle correspond à la substitution
d’un minéral par un autre, sans changement de
volume… Dans ces deux derniers cas, l’eau joue un rôle
prépondérant.
Le devenir des sédiments
dans le cycle géodynamique
Zones de subduction et rides médio-océaniques sont des
mécanismes structurants de la dynamique terrestre.
Les zones de subduction permettent le retour de la
lithosphère océanique vers le manteau, compensant
ainsi l’accrétion au niveau des rides océaniques. Ce
cycle des matériaux qui constituent la lithosphère
subdivisée en plaques tectoniques mobiles est appelé
cycle de Wilson.
La subduction et la fusion de la lithosphère océanique
sont associées à une activité magmatique forte donnant
naissance aux arcs volcaniques édifiés sur la plaque
chevauchante. Deux chemins s’offrent aux sédiments
marins dans les fosses océaniques : former des prismes
d’accrétion (structures tectoniques compressives qui
comblent la fosse de subduction) ou s’enfoncer dans
la zone de subduction en accompagnant la plaque
plongeante.
Le rôle des sédiments marins dans la genèse des laves
d’arc volcanique le long des zones de subduction est
important. En accompagnant la plaque plongeante, les
sédiments terrigènes et pélagiques gorgés d’eau, dont
l’épaisseur peut dépasser les 1 000 mètres, favorisent
la fusion des roches grâce à l’eau qu’ils apportent et
participent aux matériaux qui constitueront des magmas.
Ces sédiments étant plus riches que le manteau en éléments traces, leur participation à la genèse des laves
d’arc peut avoir d’importantes conséquences sur la
signature chimique de ces laves. Comme les sédiments
associés aux zones de subduction ont des compositions
chimiques variables d’une zone à l’autre, cette variabilité se retrouve dans les laves des différents arcs
volcaniques. Pour en savoir plus sur ce sujet, voir l’article
de L. Jolivet « L’eau et la dynamique lithosphérique » dans
ce numéro.
Dans le cycle de Wilson, les séries sédimentaires
peuvent également être remaniées lors des phénomènes
de surrection, comme par exemple les orogènes ou les
déformations intraplaques de grande longueur d’onde
(flambage lithosphérique, ≥ 500 km). Ces exhaussements des terrains, soumis à l’érosion, ont eu pour
conséquence de modifier les sens d’écoulement et les
caractéristiques chimiques des aquifères, conditionnant l’évolution diagénétique des sédiments et des
profils d’altération. L’érosion des sédiments anciens
alimente alors de nouveaux systèmes sédimentaires,
dont les directions de transport d’écoulement et les
aires de dépôts seront contrôlées par la topographie
résultant des mêmes contraintes tectoniques.
Le devenir d’une partie des sédiments dans la dynamique lithosphérique et le dépôt des sédiments
terrigènes sont donc intimement liés aux grandes
périodes érosives des temps géologiques. Ainsi, au
Crétacé inférieur, en liaison avec l’ouverture du golfe de
Gascogne, la marge nord du rift formait un épaulement
axé sur la Bretagne méridionale et l’ouest du Massif
central. Cette zone élevée, dont l’altitude pouvait
atteindre 1 500 à 3 000 mètres (par analogie avec les
rifts actuels), était soumise à l’érosion et à l’altération.
Au nord-est de cet épaulement s’individualisa une
gouttière orientée vers les bassins de Londres et de
Paris, recueillant les produits d’érosion de ces zones plus
élevées et s’ouvrant vers le sud-est en direction de
l’océan téthysien, à travers l’actuel seuil de Bourgogne.
Au Tertiaire, les contraintes tectoniques compressives
à l’origine de la formation des Alpes et des Pyrénées
provoquèrent une importante déformation intraplaque
à grande longueur d’onde qui flexura le bassin de
Paris et supprima progressivement sa subsidence. Les
séries sédimentaires mésozoïques, comme par exemple
celles du seuil de Bourgogne, furent alors altérées
et remaniées pour alimenter de nouveaux systèmes
sédimentaires qui comblèrent les bassins voisins. n
Water dynamics,
from erosion
to sedimentation
processes
The water cycle plays a central
role in the Earth system.
Weathering and erosion of all
rock types are the main source
of soils and solid matter
transported by rivers, and
the role of water is
predominant in these
processes. Erosion, transit and
sediment deposition punctuate
the land-ocean continuum.
Once they have moved beyond
the barrier between continent
and ocean (estuaries or deltas),
suspended solids transported
by rivers combine with
particles that are solely marine
in origin and, through
sedimentary and diagenetic
processes, form sediment.
The sediment cycle continues
with the passage of materials
into oceanic trenches and
subduction zones. Another
aspect of sediment behavior
in lithospheric dynamics
concerns extended erosive
periods that occurred in
the course of geologic time.
Isostatical variations in
seawater levels and large
lithospheric strains (≥ 500 km)
induced changes in the aquifer
chemistry, diagenetic impact,
weathering profiles and
creation of erosional surfaces.
Bibliographie : Berner, E.-K., Berner, R.-A. (1987) – The Global Water Cycle: Geochemistry and Environment. Prentice-Hall Inc., Englewood Cliffs, New Jersey, 396 p. Campy, M., Macaire, J.-J. (1989) – Géologie des
formations superficielles ; géodynamique, faciès, utilisation. Masson, Paris, 448 p. Chamley, H. (1990) – Sédimentologie. Bordas Collection : Géosciences, 175 p. Drever, J.-I. (1988) – Geochemistry of Natural Waters.
Prentice-Hall, Inc., Englewood Cliffs, New Jersey, 437 p. Gordon N., McMahon T.-A., Finlayson B.-L. (1992) – Stream Hydrology. An introduction for ecologists. John Wiley & Sons, 526 p. Meybeck, M., Ragu, A. (1996)
– River discharges to the oceans: an assement of suspended solids, major ions and nutrients. United Nations environment program. 245 p.
les grands systèmes fluviaux de l’holocène à l’anthropocène, indicateurs des changements globaux
Les grands systèmes fluviaux
reflètent les changements naturels
et anthropiques du système Terre.
Leur dynamique naturelle
sur les derniers 20 000 ans montre
des bouleversements sur plus
de la moitié des continents.
Mais au cours du dernier siècle,
l’Homme est devenu un agent
géologique majeur : il est à l’origine
de changements encore plus
marqués et bien plus rapides.
Les grands systèmes
fluviaux de
l’Holocène à l’Anthropocène,
indicateurs des
changements globaux
Le système du fleuve Jaune (Huang He) en Chine est
très sensible aux variations climatiques et aux impacts
anthropiques. Le delta se construit par l’apport d’un milliard
de tonnes par an de sédiments arrachés au plateau de loess.
Cet apport a considérablement augmenté depuis 1 000 ans
en raison de la déforestation. Toutefois, ce vaste transfert
de sédiments diminue depuis vingt ans grâce aux mesures
de protection des sols et à la rétention par les barrages.
The Yellow River (Huang He) system in China is very reactive
to climate variability and human impacts. The river delta
forms by the contribution of one billion metric tons
of sediment per year, torn away from the loess plateau.
This phenomenon has increased substantially over the past
1000 years, due to deforestation. Twenty years of soil
conservation measures and reservoir retention, however, are
now cutting back on this enormous sediment transfer.
© NASA.
endoréisme
72
Michel Meybeck
Directeur de recherche CNRS
Université Pierre et Marie Curie, Paris 6
UMR 7619 Sisyphe
[email protected]
Hans Dürr
Department of Earth Sciences
Utrecht University (ND)
[email protected]
O
n distingue schématiquement plusieurs parties dans un système fluvial naturel
(figure 1). Dans la partie amont, de plus fort relief, les flux d’eau et de matières
sont importants ; l’érosion mécanique domine. La partie médiane est caractérisée par les apports des tributaires principaux ; les sédiments transportés deviennent
plus fins. Dans la partie aval, la plaine d’inondation s’élargit et s’accompagne souvent
de zones humides étendues ; les vitesses du courant ne permettant plus que le transport
des argiles et des limons, sauf lors des crues. Enfin, les estuaires, interfaces entre les eaux
marines et les eaux douces, filtrent les flux de matière reçus par les fleuves.
Le système fluvial est donc un ensemble hydrologique qui relie une multitude de têtes de bassin
à un point de rencontre unique : la zone côtière,
parfois une mer intérieure ou un aquifère. Dans un
tel système, les eaux courantes, les lacs, les zones
humides et les eaux souterraines superficielles
(encadré, page 80) sont en connexion et dépendent
du cycle hydrologique dont le fonctionnement est
étroitement lié aux conditions climatiques.
Le fonctionnement
d’un système
fluvio-lacustre est
étroitement lié aux
conditions climatiques.
great fluvial systems fom the holocene to the anthropocene as indicators of global changes
Les ruptures de lacs glaciaires
correspondent à la dynamique
la plus rapide des systèmes
fluvio-lacustres.
La nature et la position des lacs dans les systèmes
fluviaux sont déterminantes. Les lacs sont en effet des
trappes à sédiment très efficaces, des réacteurs biogéochimiques, des régulateurs de débit et de température.
On en distingue plusieurs types. Les lacs d’origine
glaciaire, qui ont moins de 10 000 ans, sont situés sur
les boucliers continentaux anciennement englacés de
Scandinavie, du Canada ou de Sibérie (photo 1). Ils ont
parfois donné naissance à de grands lacs, comme les
Grands Lacs nord-américains, source du Saint-Laurent,
qui « interceptent » un bassin de près de 500 000 km2
pour une superficie lacustre totale de 246 000 km2.
Les lacs de rift et la plupart des lacs d’origine tectonique ont en commun leur très grande profondeur.
Ce sont tous des lacs anciens, âgés de 1 à 25 millions
d’années. Parmi les principaux, citons les lacs Baïkal,
Tanganyika, Titicaca, mais aussi la mer Caspienne, la
mer Morte… Les lacs d’origine fluviale, souvent très
récents, ne sont parfois âgés que de quelques siècles.
Ils sont peu profonds et leur taille varie considérablement avec le niveau de crue du fleuve. À notre
échelle humaine, ces systèmes fluvio-lacustres nous
paraissent immuables, même s’ils font l’objet de
grandes crues. Mais à d’autres échelles de temps, ce
n’est pas du tout le cas.
Les ruptures glaciaires :
des événements cataclysmiques
Lors des derniers 20 000 ans, les systèmes fluviaux
exoréiques, c’est-à-dire tournés vers l’océan mondial,
ont connu de grands bouleversements en raison de la
déglaciation et des fluctuations concomitantes du
niveau marin. Pendant les périodes glaciaires, les
systèmes fluvio-lacustres tels que nous les connaissons
aujourd’hui étaient profondément différents à cause
du recouvrement par les glaces des inlandsis sur l’Amérique du Nord, l’Europe du Nord et une partie de la
Sibérie (figure 2).
Photo 1 : Paysage fluvial en Alaska.
De tels systèmes fluviaux ne sont
pas encore anthropisés et fonctionnent
comme à l’Holocène.
Ils sont menacés par la construction
de barrages ou par les activités minières.
Photo 1: A natural river landscape
in Alaska. Such river systems are still
in pristine condition and function
as they did during the Holocene.
However, they are at threat from
hydropower dams and mining operations.
© Fotolia.
73
Fig. 1 : Systèmes fluviaux à l’Holocène et
à l’Anthropocène. À l’Holocène, les différents
éléments des systèmes fluviaux sont connectés
entre eux, assurant une régulation hydrologique,
biogéochimique, morphologique et écologique
depuis les têtes de bassin jusqu’à la côte.
Les systèmes répondent graduellement aux
variations séculaires ou millénaires du climat.
À l’Anthropocène, l’action de l’Homme modifie
les systèmes fluviaux par la déforestation A ,
la mise en culture B , la disparition des zones
humides C , l’artificialisation du cours fluvial D ,
les rejets miniers E , industriels F et urbains G .
La connectivité est contrariée par des barrages H ,
les diversions d’eau pour l’irrigation I ,
les prélèvements excessifs dans les nappes
aquifères J . À ces effets directs s’ajoutent au
XXIe siècle ceux du changement climatique mondial
dont le réchauffement K , le changement des
précipitations L et l’élévation du niveau marin M .
Sur la côte, la rétention des sédiments dans les
réservoirs H conduit à une reprise de l’érosion N et
les apports de nutriments et de polluants ( B , E , F ,
G …) à l’altération des écosystèmes côtiers O .
Les eaux souterraines sont soumises à des
contaminations multiples provenant des mines P ,
des industries Q , de l’agriculture R et
de l’urbanisation S .
© BRGM - Kalanka
74
– – –
: Limites du bassin versant.
Fig.1: Fluvial systems, during the Holocene and
the Anthropocene. In the Holocene, the various
components of fluvial systems are fully
interconnected, ensuring hydrological,
biogeochemical, morphological and ecological
regulations from the headwaters to coast. Systems
slowly respond to secular or millennial climate
variations. In the Anthropocene, human activities
impact fluvial systems through deforestation A ,
agriculture B , wetland reduction C , river course
artificialization D , and mining E , industrial F ,
and urban wastes G . The connectivity is altered
by dams H , water diversion for irrigation I
and excessive groundwater withdrawal J .
With the advent of the 21st century, these direct
impacts due to global climate change include
warming K , modification of precipitations L
and a rise in sea level M .
Distal impacts on the coastal zone include enhanced
erosion N due to sediment retention in reservoirs H
and alteration of coastal ecosystems O due
to nutrients and pollutants inputs from multiple
sources ( B , E , F , G …). Aquifer contaminations
originate from multiple sources: mining P ,
industries Q , agriculture R and urbanization S .
– – – : Limits of the watershed.
© BRGM - Kalanka
HoLoCène
AnTHRoPoCène
great fluvial systems fom the holocene to the anthropocene as indicators of global changes
Les ruptures glaciaires – ou glacial burst – ont longtemps paru improbables aux yeux des scientifiques.
La crue de Missoula, dans la partie supérieure du
fleuve Columbia, fut décrite pour la première fois par le
géologue J.-H. Bretz dans les années 1920. À la fin de
la déglaciation des Rocheuses canadiennes (15 000 à
13 000 BP), le barrage par les glaciers d’un grand lac de
retenue (7 770 km2, volume estimé à 2 184 km3, soit
25 fois celui du lac Léman) situé dans la gorge de Kalama
(État de Washington) a cédé à plusieurs reprises. L’onde
de crue a atteint une cote de 280 à 300 mètres au-dessus
du lit actuel du fleuve Columbia. Les estimations du
débit maximum s’expriment en millions de m3/s.
En raison du réchauffement climatique, de telles ruptures catastrophiques pourraient se multiplier dans le
siècle à venir. Au Népal, le lac de Tsho Rolpa, situé à
4 580 mètres d’altitude, formé par un barrage morainique et profond de 150 mètres, s’étend chaque année
un peu plus du fait de la fonte glaciaire. Son volume
d’une centaine de millions de mètres cubes représente
une menace croissante pour la vallée de Rolwaling.
Endoréisme et lacs salés :
une dynamique typique de l’Holocène
L’écoulement des fleuves vers les dépressions internes
des continents – lacs salés, déserts ou « mers » intérieures (mer Caspienne, mer d’Aral, mer Morte) – est
appelé endoréisme (figure 3). Il ne peut exister que si
le bilan hydrologique du bassin de réception final le
permet, c’est-à-dire que l’évaporation et/ou l’infiltration
excèdent la somme des apports fluviaux des bassins
amont.
Les lacs salés, dont la salinité est supérieure à 3 g/L, sont
situés en position terminale des systèmes fluviaux
endoréiques. Leur salinité est régulée par leur bilan
hydrique. Pour le lac Tchad, dont les eaux s’infiltrent
sous les cordons inter-dunaires, la salinité est à peine
plus élevée que celle de ses affluents. Celle de la mer
Caspienne ne dépasse pas 12 g/l, car la précipitation
finale des sels s’effectue dans le Kara Bogaz, un grand
lac salé situé quelques mètres sous le niveau de la mer
Caspienne et qui atteint une salinité extrême (300 g/l),
du même ordre de grandeur que celle de la mer Morte
(400 g/l).
Enfin, l’aréisme a été défini par les géographes tel De
Martonne (1873-1955), comme une absence totale
d’écoulement. Les modèles d’écoulement globaux
[Vörösmarty et Meybeck (2004)] permettent de carter
les régions endoréiques, exoréiques et aréiques (écoulement inférieur à 3 mm par an) sur les 133 millions km2
de surfaces continentales non glacées (figure 3). Sur une
grande partie du Sahara, de l’Arabie, du Rajasthan, du
bassin du Tarim et, en général, de l’Asie centrale, on
trouve ainsi d’anciens réseaux qui se sont progressivement asséchés. Les observations satellites permettent
de reconstituer ces réseaux fluviaux fossiles sur tous
les continents (figure 2).
Les modèles d’écoulement globaux permettent de
carter les régions endoréiques, exoréiques et aréiques.
Le niveau des océans influe aussi sur l’extension des
bassins fluviaux. À la dernière période glaciaire, il était
de 120 mètres plus bas qu’aujourd’hui, dégageant d’immenses plate-formes continentales (figure 2) souvent
entaillées par des vallées fluviales. Certains réseaux
fluviaux, aujourd’hui séparés, pouvaient être réunis.
La tectonique quaternaire, les rebonds isostatiques et
le volcanisme sont d’autres facteurs de contrôle des
systèmes fluvio-lacustres. C’est particulièrement le
cas pour les grands lacs du Rift est-africain ou pour les
Jökulhaupts islandais provoqués par des éruptions
volcaniques sous-glaciaires. En novembre 1996, la
rivière Skeidara, qui draine le grand glacier Vatnajökul,
a vu son débit multiplié par plus de cent en quelques
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2 0 1 1
La paléogéographie de ces systèmes est complexe à
retracer, car pendant la déglaciation, qui s’acheva il y a
6 000 ans, des lacs immenses se formaient puis disparaissaient. En Amérique du Nord, le lac Agassiz, qui couvrait
440 000 km2, s’est vidé de façon catastrophique et à
plusieurs reprises entre 13 000 et 8 400 BP. Sa vidange
ultime se serait déroulée en un temps très court, de
l’ordre de l’année, avec un débit dépassant largement
le pic de crue actuel de l’Amazone (180 000 m3/s).
Ces cataclysmes auraient élevé le niveau des océans
de 1 à 3 mètres et brusquement modifié la circulation
thermohaline de l’Atlantique Nord, concourant au refroidissement général du Younger Dryas.
75
Fig. 2 : Aspect des continents au dernier maximum glaciaire : couverture par les glaces
et régions exposées par l’abaissement du niveau marin (en vert). L’ensemble du
réseau fluvial est représenté, y compris dans les régions actuellement désertiques.
Dürr et Meybeck, en préparation.
Fig. 2: Continental features at the Last Glacial Maximum: ice cover and
continental platforms (in green) resulting from a drop in sea level.
The river network is represented, including in present-day arid regions.
Dürr and Meybeck, in prep.
Total area 133 M km2
Arheic
Rheic
S
Exo (%)
25,7
Endo (%) S
9,0 34,8
60,1
5,2
65,2
85,8
14,2
100 %
River network
Fig. 3 : Réseau actuel des principaux fleuves. Limites des régions exo-endoréiques
et réiques-aréiques (seuil d’écoulement occasionnel fixé à 3 mm par an) et leurs
proportions relatives à la surface du globe, inlandsis exclus.
Dürr et Meybeck, en préparation.
76
heures, atteignant un pic de 45 000 m3/s, transportant
en moins de trois jours environ cent millions de tonnes
de matériaux volcaniques à l’océan.
Le forçage tectonique des systèmes fluviaux doit surtout être pris en considération sur le long terme
géologique, exprimé en millions d’années. À des
échelles plus courtes, ce sont les forçages climatiques,
le niveau des océans, la déglaciation et les changements de bilan hydrologique, qui dominent largement
la dynamique des systèmes fluviaux à l’échelle globale.
Fig. 3: Present-day fluvial networks. Limits of exorheic-endorheic and arheic-rheic
regions (threshold for occasional runoff: 3 mm/year) and their proportions
relative to that of the earth’s surface exclusive of areas covered by ice sheets.
Dürr and Meybeck, in prep.
Les systèmes fluviaux
sous la pression des hommes
Avec le développement des sociétés humaines, les
fleuves ont progressivement été aménagés, régulés
et souvent contaminés (figure 1). Pour répondre à la
demande croissante d’eau, de nourriture, de sécurité,
d’énergie ou de transport, l’ingénieur utilise les eaux
fluviales comme une ressource à exploiter. Il considère
les crues et les étiages comme un risque à minimiser,
le fleuve comme une voie de navigation à aménager et
la plaine alluviale comme un gisement de granulats.
L’aménageur du territoire a longtemps considéré les
rivières et les fleuves comme un moyen privilégié pour
évacuer les déchets de la société (figure 1, E , F , G ).
Les fleuves entravés
Les grands barrages constituent le plus grand bouleversement des systèmes fluviaux à l’échelle globale. Le
premier d’entre eux fut construit en 1935 sur le fleuve
Colorado (photo 2). Après 1950, les plus grands fleuves
de la planète ont vu leur cours principal barré et occupé
par des réservoirs d’un volume dépassant parfois
10 km3 (tableau 1). Aujourd’hui, les petits cours d’eau
sont équipés de dizaines de milliers de petites retenues. Rien qu’aux États-Unis, on en recense 85 000.
Désormais, l’homme contrôle, via les multiples
barrages, plus de la moitié des réseaux hydrographiques des continents.
La durée de vie des réservoirs est de quelques dizaines
d’années à plusieurs siècles. À l’échelle des sociétés
humaines, les impacts des barrages sur les systèmes
fluviaux seront effectifs à très long terme. Les régimes
hydrologiques sont décalés de plusieurs mois, les
régimes thermiques modifiés, le transit sédimentaire
des fleuves, à l’aval des réservoirs, est diminué d’un facteur dix, voire cent, souvent jusqu’à la zone côtière,
entraînant une reprise de l’érosion (figure 1, N ). Les
réservoirs stockent les nutriments provenant de
l’amont (azote, phosphore…) et émettent des gaz à
effet de serre (méthane). Ils constituent des obstacles
à la circulation des poissons, en particulier aux migrateurs, et altèrent la biodiversité. La création de nouvelles
zones humides en région tropicale peut s’accompagner
de maladies spécifiques de ces milieux. La prise en
compte de ces impacts à très long terme est rarement
réalisée.
Photo 2 : Le barrage
du Hoover Dam (en 2008),
qui a créé le lac Mead
sur le Colorado en 1935,
est le premier d’une série
de barrages géants ayant
considérablement altéré les
fonctions naturelles des plus
grands systèmes fluviaux.
Photo 2: Hoover Dam (in 2008),
which created Lake Mead
on the Colorado River in 1935,
is the first of a long series
of giant dams. Such reservoirs
have much altered the natural
functions of the biggest river
systems.
© Fotolia.
Les impacts à long terme des barrages sur
les systèmes fluviaux sont rarement pris en compte.
les grands systèmes fluviaux de l’holocène à l’anthropocène, indicateurs des changements globaux
78
Tableau 1 : Principaux systèmes fluviaux exoréiques
du monde, par ordre décroissant de superficie,
avec leurs lacs, zones humides et réservoirs
(Meybeck, in Likens, 2009).
Table 1: Main exorheic fluvial systems in the world by
decreasing order of surface area, including their lakes,
wetlands and reservoirs (Meybeck, in Likens, 2009).
Flux sédimentaire
Superficie du Débit actuel à
avant construction
bassin
l’embouchure
des barrages
Mkm2
km3/an
106t/an
Lacs naturels
Marais
Réservoirs/
Barrages
sur Tapajpos
1
Amazone
6,1
6 600
1 200
Nombreux dans
la plaine inondable
Varzea
2
Congo
3,7
1 200
23
Kivu, Tanganyika
Cuvette centrale
3
Ob
3,0
404
16,5
4
Mississipi
3,0
529
500
5
Nil
2,87
0,3*
120
6
Parana
2,78
568
79
7
Iénisséi
2,59
620
5,9
8
Léna
2,49
525
17,6
9
Amour
1,85
344
25
10 Yang-Tsé-Kiang
1,81
928
480
Dong Ting,
Poyang, Tai
Mackenzie
1,71
308
42
Great Bear, Great
Slave, Atabaska
12 Zambèze
1,33
106
20
Malawi
Niger
1,2
154
40
11
13
14 Nelson
15 Orénoque
1,13
89
Pur-Mensi
Novosibirsk R.
sur Missouri
et Arkansas
Victoria, Tana,
Albert, Edouard
Sudd
Nasser R.
+ nombreux autres
Pantanal
Krasnoyarsk R,
Bratsk R
Baïkal
Kariba R.
Delta Central
Winnipeg,
Winnipegosis,
Manitoba
1,1
1 135
150
sur Caroni
16 Murray
1,06
7,9*
30
nombreux
Gange
1,05
493
520
1,02
337
17
18 Saint-Laurent
Supérieur, Huron,
Michigan,
Ontario, Erié
19 Orange
1,0
11,4*
89
nombreux
20 Indus
0,91
(57)*
250
nombreux
nombreux
21 Rio Grande
0,87
0,72*
20
23 Danube
0,82
207
68
24 Mekong
0,79
467
150
Tonle Sap
sur haut bassin
26 Fleuve Jaune
0,75
41*
1 100
nombreux
28 Columbia
0,67
236
15
nombreux
30 Colorado
0,64
0,10*
120
Mead R, Powell R.
nombreux
31
São Francisco
0,63
90*
6,0
32 Brahmapoutre
0,58
510
540
33 Tigre/Euphrate
0,54
46*
105
* Très forte réduction des débits naturels.
(delta)
sur haut bassin
great fluvial systems fom the holocene to the anthropocene as indicators of global changes
a
Mise en opération du barrage Hoover
200
100
0
Fig. 4 : Évolution du fleuve Colorado au XXe siècle,
à la frontière États-Unis/Mexique.
1910
1920
1930
1940
1950
Mt/an
300
b : Flux de sédiments (millions t/an).
Mise en opération du barrage Hoover, 1935.
D’après Meade et Parker, in Vörösmarty et Meybeck, 2004.
b
200
Fig. 4: Evolution of the Colorado River at
the U.S./Mexican border in the 20th century.
a: Annual discharge at the river mouth (km3/year).
100
0
a : Débits annuels à l’embouchure (km3/an).
1960
b: Annual sediment discharge (million tons/year).
Hoover Dam began operation in 1935.
From Meade and Parker, in Vörösmarty et Meybeck, 2004.
1910
1920
1930
Des fleuves asséchés
Les dérivations pour l’irrigation, qui vont souvent de
pair avec les barrages, sont à l’origine d’une diminution
des débits fluviaux sur des territoires de plusieurs
dizaines de millions de km2 partout dans le monde. La
diminution des débits naturels du Colorado (figure 4),
du Nil et de l’Amou-Daria, dépasse 90 %. Elle est du
même ordre de grandeur pour les flux sédimentaires.
Dans les dernières décennies, le fleuve Jaune a été à sec
pendant plusieurs mois chaque année ; la permanence
de ses débits vient juste d’être rétablie.
1940
1950
1960
Sur les fleuves équipés de réservoirs pour l’irrigation,
les apports d’eau, de carbone, de sédiments et de nutriments sont considérablement réduits. L’exemple le
plus souvent cité des effets de l’irrigation non maîtrisée est la disparition de la mer d’Aral. Mais la disparition
du Colorado est tout aussi spectaculaire. Les impacts
de ces assèchements et des modifications des apports
de nutriments se font souvent sentir très à l’aval :
reprise de l’érosion littorale (Nil, photo 4), disfonctionnements affectant les zones côtières deltaïques
(Danube, Mississipi).
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
km3/an
300
79
Photo 4 : Vue satellite
du delta du nil et
du Caire. Les cultures
irriguées consomment
plus de 90 % de l’eau
du nil sortant
du lac nasser :
les apports fluviaux
à la Méditerranée
sont aujourd’hui
presque nuls.
Photo 4: Satellite image
of the Nile delta and
Cairo. Irrigated crops
use up over 90 % of
the river’s waters
leaving Lake Nasser:
fluvial transfers to the
Mediterranean today
are all but nonexistent.
© J. Descloitres – MODIS Rapid
Response Team, NASA/GSFC.
les grands systèmes fluviaux de l’holocène à l’anthropocène, indicateurs des changements globaux
> Les eaux souterraines
Jean Margat – Hydrogéologue – BRGM –
[email protected]
Au cours de l’Holocène, seules les eaux souterraines liées aux systèmes fluviaux ont subi des
changements de régime hydrographique. Les
grands systèmes aquifères des bassins sédimentaires ont été soumis à des variations d’apport en
raison des changements climatiques, mais leur
dynamique profonde, ne dépendant que de leur
structure, est restée stable. L’âge (supérieur à
40 000 ans) de l’eau profonde actuelle ne
témoigne pas des changements de climat au
cours de l’Holocène, mais plutôt de conditions
structurales stables. Les durées de déplacement
des eaux souterraines profondes ne dépendent
que des transmissivités et des longueurs de
trajet, et non des variations d’apport aux aires
de recharge.
En revanche, les conditions hydrogéologiques des
zones littorales, notamment des massifs calcaires
côtiers, ont été très sensibles aux variations du
niveau de la mer, comme cela avait déjà été le
cas en Méditerranée lors de l’épisode messinien :
karstification approfondie et avancée des émergences en période de régression marine, puis
invasion d’eau marine et remise en émergence
d’anciennes pertes en période de remontée du
niveau des mers, avec conservation de quelques
sources sous-marines…
Quant aux influences anthropiques sur les
eaux souterraines, elles ne commencent à être
visibles qu’au cours du XXe siècle :
80
« Source vauclusienne » ou « exsurgence », la Fontaine de Vaucluse émerge au pied d’une falaise
de 230 m de haut. Unique point de sortie d’un massif karstique de 1 100 km2 récupérant les eaux
du Mont Ventoux, des monts du Vaucluse, du plateau d’Albion et de la montagne de la Lure,
son débit annuel est de 630 millions de m3. Cette source est la plus importante de France.
Typical «vauclusian spring» or «exsurgence», the fountain of Vaucluse, situated at the feet of a steep cliff
230 metres high, is the biggest spring in France, with an annual flow of 630 million cubic metres. Its karstic
basin, 1 100 km2 wide, is fed by surrounding mountains of Ventoux, Vaucluse, Lure and Albion plateau.
© Fotolia.
– incidence de l’exhaure minière, parfois intensive,
mais assez localisée et suivie, lors de « l’aprèsmine », d’inondation locale du sol affaissé ;
– découverte, exploitation, puis épuisement assez
rapide des grands bassins artésiens où les pompages ont relayé les jaillissements (Australie,
Sahara…) ;
– exploitation intensive de nombreux aquifères,
à ressources renouvelables ou non, qui a entraîné
des chutes de niveau de l’ordre de 100 mètres
Une qualité des eaux durablement compromise
Au cours des cent dernières années, et particulièrement
depuis 1950, la qualité générale des fleuves s’est
profondément modifiée. Le premier inventaire global
de la qualité des eaux est très récent [Meybeck et al.,
(1989)]. Sur certains fleuves, on a pu reconstituer et
analyser l’évolution de la qualité sur un siècle : c’est le
cas pour la Seine grâce au programme PIREN–Seine 1
qui se poursuit depuis 1989 [Billen (2007)].
En prenant la Seine comme exemple type de l’évolution
des fleuves des pays industrialisés, on observe un
impact maximum des activités humaines dès 1870.
Le taux d’oxygène dissous, indispensable aux poissons,
était déjà très faible en été à l’aval de Paris.
1 – PireN-Seine (2009-2011) - http://www.sisyphe.upmc.fr/piren/;
http://www.piren-seine.fr/fascicules
en un siècle en plusieurs régions du monde,
provoquant des tarissements de sources, des
appauvrissements de débit de cours d’eau et
parfois des affaissements du sol (Mexico,
Venise…). En un siècle, plus de 1 000 km3 d’eau
souterraine ont été soustraits aux réserves de
différents aquifères, principalement aux
États-Unis, en Chine, en Inde, en Arabie… n
Cette pollution organique était accompagnée d’une
augmentation d’un facteur mille et parfois plus, de la
contamination bactérienne. Cette hypoxie chronique,
qui a duré près d’un siècle, ne s’est réduite que dans les
années 1980 grâce au développement sans précédent
du traitement des eaux usées.
Les concentrations en nutriments ont également
beaucoup augmenté dans tous les fleuves français : à
partir de 1950 pour l’azote et un peu plus tard pour
le phosphore. Elles sont à l’origine de l’eutrophisation
fluviale, puis côtière à l’origine des marées vertes en
Bretagne. La contamination nitrique des fleuves a
pendant longtemps été gérée sur la base du seul critère
de santé publique, en ignorant les effets sur l’eutrophisation. Pourtant, depuis 1970, les limnologues ont établi
des critères de gestion vingt fois plus sévères pour
great fluvial systems fom the holocene to the anthropocene as indicators of global changes
Les changements anthropiques observés depuis
moins d’un siècle sont dix à cent fois plus rapides
que les grands changements des derniers 20 000 ans.
l’azote et recommandé l’interdiction des détergents
phosphatés. Aujourd’hui, les flux de nutriments
commencent à décroître dans nos fleuves mais les
quantités d’azote et de phosphore accumulées dans les
abers bretons, les estuaires et les aquifères limitent les
espoirs d’une restauration de ces milieux avant des
décennies.
L’évolution de la contamination métallique des fleuves
est plus encourageante. Dans les fleuves de l’Europe de
l’Ouest, les carottes de sédiments fluviaux montrent
une très forte augmentation, en général entre 1900 et
1950, des teneurs de certains métaux (Ag, Cd, Hg, Pb,
Zn) par rapport au bruit de fond naturel. Les flux de ces
métaux du continent vers l’océan ont alors été multipliés par dix. À partir de 1960-1980, cette tendance
s’inverse en raison de l’arrêt des extractions minières,
de la réduction des fonderies, des changements de procédés industriels et du recyclage des métaux dans les
industries et dans l’usage public (batteries, piles). Enfin,
à partir des années 1980, de nombreuses directives
européennes ont imposé des mesures de contrôle.
Les eaux des fleuves reçoivent aussi toutes les substances synthétiques utilisées par l’agriculture
(pesticides), l’industrie (solvants, plastifiants, isolants
électriques ou thermiques) ou destinées à la santé
humaine et vétérinaire (médicaments, hormones)
(figure 1, B , F , G ). La directive-cadre sur l’eau de l’Union
européenne fait obligation de surveiller et de quantifier
des dizaines de ces molécules. Pour les micropolluants
persistants comme les PCB et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), on note, comme pour les
métaux, des maxima de contamination entre 1950 et
1970. Mais de nouveaux problèmes, peut-être aussi
graves que les précédents, sont aujourd’hui mis en
avant par les scientifiques, telle que la pollution par les
phtalates, signalée depuis quarante ans déjà, et par certains résidus médicamenteux.
La prise de conscience des sociétés a permis, du moins
dans nos pays anciennement industrialisés, de dégager
à partir des années 1970 des moyens financiers et
administratifs pour lutter contre la dégradation de la
qualité des eaux. Toutefois, l’ampleur du problème de
la qualité des fleuves n’est connue qu’à partir des
années 1990. Les métaux, PCB, pesticides, HAP, n’étaient
pas analysés et/ou analysables avant cette période.
L’Homme apparaît désormais comme un agent géologique majeur, voire dominant, sur bien des aspects. Si
son impact sur le climat global est connu et largement
pris en compte, son impact sur les fleuves reste difficile
à apprécier. Une première étude en ce sens vient de
paraître [Vörösmarty et al., (2010)] ; elle ouvre des
perspectives encourageantes.
Les changements anthropiques observés depuis moins
d’un siècle sont dix à cent fois plus rapides que les
grands changements des derniers 20 000 ans liés aux
variations climatiques, à la tectonique ou au volcanisme. Ils se produisent à une échelle globale et sur
tous les continents. On observe une accélération des
cycles de matière, avec une augmentation générale des
concentrations (sels dissous, nutriments, métaux,
micropolluants organiques) dans les fleuves. L’évolution
des flux de matières est plus complexe, car elle dépend
de la présence des réservoirs et de l’irrigation, qui
limitent les flux nets vers les océans. À l’échelle globale,
on estime que les flux de nutriments aux océans ont
été multipliés par deux ou trois et que les teneurs
moyennes des sédiments en métaux comme le mercure, le cadmium ou le plomb, ont sans doute
augmenté dans les mêmes proportions.
L’inclusion de cette nouvelle période de l’histoire de la
Terre, nommée Anthropocène dans l’échelle des temps
géologiques, fait aujourd’hui l’objet d’une discussion
parmi les géologues [Zalasiewicz et al., (2010)]. n
Great fluvial systems
fom the Holocene
to the Anthropocene
as indicators of global
changes
Fluvial systems link rivers, lakes,
wetlands and groundwater
together and convey water
and products of erosion to
coastal and endorheic regions,
i.e. those unconnected to
oceans. These systems provide
unique insight into the
evolution of the earth System,
integrated over their drainage
basin. Between the Last Glacial
Maximum and 6000 years BP,
some 20 million km2 of new
fluvial systems have been
generated and about as much
have been lost due to Sea Level
rise. Sudden glacial outbursts
lead to cataclysmic floods
affecting millions of km2.
During the Holocene, slower
dynamics, due to changes
of the water balance, lead to
the gradual disconnection and
drying up of fluvial networks
in regions that are currently
arheic or endorheic, affecting
20 à 30 millions of km2.
These natural changes, mostly
climate-driven, have been
greatly accelerated in the last
100 years by a new global
change affecting fluvial
systems that results from such
human activities as damming,
pollution and runoff reduction
due to irrigation. in some
regions, concentrations of salts,
nutrients, metals, have been
increased by an order of
magnitude. in others, the net
fluxes to coastal zone have
decreased in similar
proportions. Many of these
changes, affecting more than
half the world’s river basins,
will be permanent, such as
damming, determining a new
state of fluvial systems for
the Anthropocene era.
Bibliographie : Billen G. (Ed.) 2007 – The Seine River. Sciences of the Total Environment, 375, p1-300. Meybeck M., Chapman D., Helmer R. (1989) (Eds) – Global Assessment of Fresh Waters Quality – A first
Assessment. Basil Blackwell, Oxford, 307 p. Meybeck M. (2003) – Global analysis of river systems: from Earth system controls to Anthropocene controls. Phil. Trans. Royal Acad. London B, 358, 1440, 1935-1955.
Vörösmarty C.-J., Meybeck M. (2004) – Responses of continental aquatic systems at the global scale: new paradigms, new methods. Chapter D4 in: Kabat P. et al. (eds), Vegetation, Water, Humans and the
Climate: a New Perspective on an Interactive System Springer, Verlag IGBP Synthesis Series, 375-413. Likens G. E. (2009) – Encyclopedia of Inland Waters, Rivers and Streams chapters, Elsevier, Oxford, p318-437.
Vörösmarty C.-J. et al. (2010) – Global threats to human water security and river biodiversity, Nature, 467, 555-561 Zalasiewicz et al. (2008) – Are we now living in the Anthropocene? GSA Today, 18, 2, 4-8.
quality of our groundwater resources: arsenic and fluoride
Quality of
our Groundwater
Resources: Arsenic
and Fluoride
Groundwater often contains arsenic or fluoride
concentrations too high for drinking or cooking.
These constituents, often naturally occurring, are not easy
to remove. The right combination of natural or manmade
conditions can lead to elevated arsenic or fluoride which
includes continental source rocks, high alkalinity and pH,
reducing conditions for arsenic, high phosphate,
high temperature and high silica. Agencies responsible for
safe drinking water should be aware of these conditions,
be prepared to monitor, and treat if necessary.
water quality
82
Our Groundwater Resources
Dr. D. Kirk Nordstrom
Hydrogeochemist
US Geological Survey, Boulder,
Colorado, USA
[email protected]
Tubewell in Bangladesh.
Puits d’alimentation au Bangladesh.
© D. Kirk Nordstrom.
T
he future outlook for the quantity and quality of our global water resources to meet
human demand is grim. The former head of the UNEP (United Nations Environment
Programme), Mostafa Tolba, stated in 1998 “We used to think that energy and water
would be the critical issues for the next century. Now we think water will be the critical issue.”
Currently the United Nations estimates that between 1.5 and 2 billion people, some
25% of the world population, have no access to safe water, and by 2025 about the same
number of people are estimated to be living under conditions of absolute water scarcity
[Gleick (2009]. Also, approximately 2.6 billion people
lack safe water sanitation facilities (Ban Ki-moon,
UN headquarters speech, September 22, 2010).
The United Nations
Many surface-water supplies have dried up, been
polluted, or diverted. Hence, there has been an
unprecedented increase in the exploitation of
groundwater resources, often without proper
management, necessary controls, or characterization. An estimated 2 billion people worldwide
estimates that some
25% of the world
population have no
access to safe water.
la qualité de nos ressources en eaux souterraines : arsenic et fluor
Anthropogenic degradation of groundwater quality
happens for many reasons: excessive exploitation, agricultural activities, mining activities, major changes in
land use, landfill leachates, and chemical spills and discharges. Less well-known are natural sources of aquifer
contamination which are more widespread than
previously recognized, especially for arsenic and fluoride (see boxed text p. 86). Many tens to hundreds of
millions of people worldwide suffer from excessive
exposure to arsenic and fluoride found in groundwater
Many tens to hundreds of millions of people
worldwide suffer from excessive exposure to arsenic
and fluoride found in groundwater drinking supplies.
83
Gé o sci ences • n u méro 13 • ju i l l et 2011
depend on groundwater for drinking water. Water
tables have dropped dramatically causing subsidence
and salinization. Disposal of contaminants into the
subsurface continually interferes with groundwater
that is needed for drinking and agricultural usage.
Water quality is not determined adequately or routinely in many regions. Even when a groundwater
contains water-quality contaminants and facilities
for treating groundwater do not exist, the water is
withdrawn for drinking purposes anyway because
there are no feasible alternatives.
drinking supplies. The most well-known example is the
Bengal Delta where tens of millions of people use
shallow groundwater for their drinking and cooking
water, and most wells contain arsenic concentrations
higher than the drinking water standard (10 µg/L). Also
many parts of northern China also rely on groundwater
for drinking water, and arsenic frequently contaminates
these wells (photo 1): at least a million people in China
are exposed to excess arsenic. Symptoms of arsenic poisoning include skin disorders (melanosis or
hyperpigmentation followed by keratosis or skin lesions
and open sores, skin cancer, and gangrene requiring
amputation (photo 2). Late-stage symptoms include
cancer of lungs, bladder, kidneys, and liver.
World Map showing
high arsenic and
fluoride concentrations.
Carte du monde
indiquant les fortes
concentrations en
arsenic et fluor.
source: Smedley and Kinniburgh,
British Geological Survey.
Fairbanks,
Alaska
Aleutian Islands
Western
USA
Gaspé Peninsula,
Quebec, Canada
British Columbia
Western
USA
Coeur d'Alene
Clark Fork River
Nova Scotia
Yellowstone
Ohio
Northern
Mexico
Coastal
and confined
aquifers
England
England
Romania,
Hungary
Massif Central,
France Massif Central
France
Greece
Mexico
Xinjiang,China
Northern
China
Dominica
Salvador
Ecuador
Kamchatka
Shanxi, China
Geothermal Kyushu,
Japan
sources
Taiwan
Bengal
Vietnam
Delta,
Philippines
Bangladesh
Tibet
North Africa
Zimapan
Mongolia
Andhra
Pradesh
Eastern
Karnataka
and Tamil
Nadu, India
Senegal
Northern
Ghana
Ivory Coast
Ghana
Sri Lanka
Thailand
East African
Rift Valley
Java
Peru
Chile
Zimbabwe
Bolivia
South Africa
Argentina
Bushveld, South Africa
Chaco-Pampean Plain,
Argentina
Arsenic affected aquifers
Aquifères contaminés en arsenic
Arsenic related to mining and mineralization
Pollution en arsenic liée aux minéralisations
et à leur exploitation
As-rich geothermal waters
Eaux géothermales riches en arsenic
Wairakei,
New Zealand
Geothermal
sources,
New Zealand
Groundwater with fluoride
concentrations > 1.5 mgl-1
Concentrations en fluor > 1,5 mgl-1
dans les eaux souterraines
Arsenic in Groundwater
84
The average concentration of arsenic in the Earth is
only about 1.8 ppm (parts per million) or 37th in
abundance, yet [Ravenscroft et al., (2009)] make an
alarming statement that “Naturally occurring arsenic
in groundwater used for drinking and cooking is a
catastrophe of global proportions.” They support their
statement with a table of 222 locations in about
70 countries that have documented examples of higharsenic groundwaters. Although toxicologists and
epidemiologists have recommended drinking water
standards or guidelines as low as 3 and 5 µg/L, most
regulatory agencies have adopted 10 µg/L. As more
groundwater analyses become available, more of these
waters are found to contain arsenic concentrations
higher than 10 µg/L. Why is an element that is present
in only trace quantities in the Earth’s crust so prevalent
in groundwaters?
If we consider the average arsenic concentration in
just the upper part of the Earth’s crust, the most recent
estimate is 4.8 ppm, substantially enriched relative to
the mantle’s estimated concentration of 0.066 ppm.
Basalts and ultramafic rocks typically have the lowest
arsenic concentrations of any rock. Hence, arsenic
favored the lighter outer skin of the Earth during its
early formation, and about 4.5 billion years of the
geological cycle of rock weathering, deposition, metamorphism, and magmatism contributed to this
enrichment. Fluid-rock processes operating within the
Earth’s crust over long periods of time can substantially
increase the arsenic concentrations in both rocks and
natural waters.
Source rocks that contain the highest arsenic concentrations are gold mineral deposits. Arsenic accompanies
gold mineralization in minerals such as arsenopyrite,
FeAsS, and arsenian pyrite, Fe(As, S)2. There are some
gold deposits in which the ore-bearing mineralization
consists of only arsenopyrite, gold, and quartz. The close
association of arsenic with hydrothermal gold deposits
occurs because both gold and arsenic strongly complex
with dissolved sulfide at elevated temperatures, keeping them both soluble until temperature and pressure
conditions are low enough and oxidizing conditions
strong enough that they can precipitate in a mineral
deposit. Weathering and oxidation of these sulfide
minerals cause mobilization of arsenic although much
of it tends to be strongly sorbed onto insoluble hydrous
ferric oxides (HFOs) as arsenate (AsV). Fine-grained
clays, enriched in HFOs, are likely to contain high
concentrations of several trace elements through
sorption. As these clays are transported to large lakes,
seas, and coastal marine areas they will deposit and
form siltstones and mudstones which will eventually
become shales when consolidated. During diagenesis,
sulfate reduction will reduce the iron and arsenic to
form arsenian pyrite. Arsenian pyrite, whether from a
hydrothermal or diagenetic origin can contain up to
10-15% arsenic. Carbonaceous shales are known to
have the second highest arsenic concentrations after
gold mineral deposits.
A thick shale unit can contain a very large mass of
arsenic and other trace metals. If this shale is heated
from metamorphism or intrusion from a magmatic
body, the hydrothermal fluids circulating through it will
extract arsenic from the rock because arsenic prefers
the fluid phase at elevated temperatures. The leaching
of most rocks at high temperatures (>200ºC) will
extract the more volatile and water-soluble constituents. The leaching of a large mass of rock into
a smaller fracture porosity is another enrichment
process. Finally, when an arsenic-rich hydrothermal
fluid rises to the surface, it cools down and mixes
with shallow and cold groundwaters causing sulfide
mineral precipitation or discharge as a thermal fluid.
Photo 1: Researchers
from China University
of Geosciences Wuhan
sampling a high-arsenic
well in the Hetao Plain,
Inner Mongolia,
northern China.
Photo 1 : Chercheurs
de l’université des
géosciences de Wuhan,
Chine, en train de prélever
des échantillons dans
un puits à fort taux
d’arsenic dans la plaine
d’Hétao, en MongolieIntérieure,
Chine du Nord.
© D. Kirk Nordstrom.
Photo 2: Cracked
and calloused hands
(keratosis) and amputated
finger of resident
in the countryside of
the Hetao Plain, Inner
Mongolia, northern China.
Symptoms developed
from drinking
high-arsenic groundwater
for more than 20 years.
Photo 2 : Mains fissurées
et calleuses (kératose)
avec un doigt amputé
d’un résident de
la campagne de la plaine
d’Hétao en MongolieIntérieure, Chine du Nord.
Symptômes dus à plus de
20 ans de consommation
d’eau fortement
contaminée en arsenic.
© D. Kirk Nordstrom.
Arsenic in the Bengal Delta
How does this explanation of the rock cycle and hydrothermal processes account for the high-arsenic
concentrations in groundwaters such as the Bengal
Delta? High-arsenic groundwaters in Bangladesh and
West Bengal are mostly in shallow aquifers, less than
150 m depth, of Holocene age. High-arsenic concentrations are also found in alluvial aquifers in localized
pockets upstream in the Ganges, Brahmaputra, and
Megna drainage basins. It is also found in the Red
River delta around Hanoi, the Mekong River delta in
Cambodia and Vietnam, in the Indus River basin in
Pakistan, and in Nepal. Arsenic is found as arsenate
adsorbed onto HFOs and, less commonly, as arsenian
pyrite. Mobilization in these aquifers is often associated with high organic concentrations that promote
reductive iron dissolution. The reduced form of arsenic,
AsIII, or arsenite, adsorbs weakly compared to arsenate,
making it more soluble and the HFOs dissolve during
reduction. The presence of high concentrations of
negatively charged ions such as carbonate and
phosphate, also common in the Bengal Delta, compete with arsenic for mineral surfaces so that sorption
is less effective in removing arsenic from the water
column. How did the arsenic end up in these alluvial
aquifers? The common source of these rivers is the
Himalayan Mountains and plateau. Tibet and Nepal are
part of the juncture of the Indian continent that has
been colliding with the Euro-Asian continent for the
last 50 million years. Very large amounts of continental
rock have built up from the Main Frontal Thrust
through the suture zone and into the Himalayan
plateau. Beneath this thick crust is a high heat flux
which has produced hydrothermal mineralization and
current hot springs and geysers that are being tapped
for geothermal energy. These thermal features have
high arsenic concentrations and surface transport
would carry them to the headwaters of the Ganges,
Indus, Brahmaputra, Megna, Red, and Mekong Rivers.
Arsenic mineralization in the Himalayas is not well
documented but more than 150 years ago the Indian
Geological Survey reported occurrences of realgar,
orpiment, and arsenopyrite. There is a known belt of
gold-antimony mineral deposits that extends over
much of the same area as this continental juncture.
Arsenic is associated with these deposits. Both
water transport and solid-phase erosional transport
would move arsenic to downstream deltas over many
thousands of years. The rest of the arsenic mobilization
in aquifers is revealed through the redox cycles that
many researchers have already described [Smedley and
Kinniburgh (2002); Ravenscroft et al. (2009)]. Most
researchers agree that the primary mechanism for
arsenic mobilization is reductive iron dissolution driven
either by natural organics or by manmade organics
from the green revolution, landfills and other trash
disposals, and human and animal wastes, likely all of
these to varying degrees depending on location. An
additional factor that complicates interpretations is
seawater transgression which would have reduced
arsenic in the delta sediments to arsenian pyrite.
Framboidal authigenic arsenic-bearing pyrite and
85
Photo 3:
The Ganges Delta, very
fertile and inhabited,
concentrates several
geological problems,
including arsenic
pollution of the aquifers
and risks of marine
transgression due
to climate change.
Photo 3 :
Le delta du Gange,
très fertile et habité,
concentre néanmoins
plusieurs problèmes
géologiques : pollutions
à l’arsenic de l’eau
souterraine et risques
de remontées marines
dues au changement
climatique.
© earthobservatory.nasa.gov.
The highest naturally occurring arsenic concentration in
a groundwater is 20-50 mg/L in the hot springs of El Tatio.
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
Thermal fluids from worldwide occurrences typically
contain the highest arsenic concentrations of any natural water and the more continental crustal material
that the fluid reacts with, the higher the arsenic
concentration tends to be [Webster and Nordstrom
(2003)]. Hot springs and geysers in Yellowstone, New
Zealand, Chile, and Kamchatka have mg/L concentrations of arsenic whereas thermal waters in Hawaii,
associated with mantle-derived basalts have a few tens
of µg/L or less. Thermal features in Iceland have, on average, slightly more arsenic but still in the tens of µg/L.
Although Iceland’s volcanoes are dominated by basalts,
there is a small amount rhyolite suggesting residual
continental material that might explain this slight difference. The highest naturally occurring arsenic
concentration in a groundwater is 20-50 mg/L in the
hot springs of El Tatio, northern Chile above a thick
sequence of continental crust. The highest known arsenic concentration in groundwater from anthropogenic
sources is about 4,000 mg/L in the underground mine
workings of the Giant Mine near Yellowknife,
Northwest Territories, Canada. Arsenic trioxide wastes
were stored underground for many years without barriers from groundwater seepage. There is no current
human or environmental threat and it is undergoing
remediation.
quality of our groundwater resources: arsenic and fluoride
> Les polluants géogéniques
86
Dr Romain Millot – BRGM – Service Métrologie, Monitoring, Analyse, Orléans – [email protected]
Pr. Laurent Charlet – Université Joseph-Fourier, Grenoble – [email protected]
Pr. David Polya – Université de Manchester – [email protected]
Une pollution « naturelle » des sols et de l’eau
Les polluants géogéniques sont des éléments chimiques (arsenic, sélénium,
fluor, manganèse) que l’on trouve naturellement dans les eaux souterraines
ou dans les sols, et qui peuvent engendrer de graves problèmes environnementaux et sanitaires. Les expositions aux éléments géogéniques
provoquent des milliers de morts chaque année. On estime qu’environ
100 millions de personnes sont exposées au risque à l’arsenic à travers le
monde, en consommant une eau ayant des teneurs en arsenic supérieures
à 10 µg/L (norme de potabilité fixée par l’Organisation mondiale de
la santé). Au Bangladesh, par exemple, les eaux souterraines ont même
le plus souvent des teneurs très supérieures à 50 µg/L ! Facteur aggravant,
la croissance démographique et l’augmentation de la demande en eau
ont conduit au forage de centaines de milliers de puits, ce qui a entraîné
une libération massive de l’arsenic présent dans les sédiments.
par micro ou nanoparticules de fer en présence de bactéries (bioremédiation), décontamination par filtration après pompage. La modification des
pratiques agricoles (choix de parcelles et de variétés de riz plus adaptées,
diminution de l’irrigation…) permettrait aussi de réduire l’exposition des
populations à une eau souterraine polluée. n
Toxicité et mobilité des polluants
La toxicité aiguë et chronique d’un élément dépend fortement de la forme
chimique sous laquelle il est présent dans l’environnement (la spéciation).
Dans un aquifère, la mobilité et par conséquent la biodisponibilité d’un
polluant dépend des paramètres physico-chimiques de l’eau (température,
pH, état rédox…) et des propriétés d’adsorption des phases solides
présentes dans le milieu (oxy-hydroxydes métalliques, argiles, matière
organique).
Dépollution et limitation de l’exposition
Différentes techniques de dépollution (remédiation) existent pour réduire
les teneurs en polluants de l’eau ou pour limiter le risque d’exposition à
ces polluants. Les méthodes de traitement des eaux souterraines consistent
en général à modifier les conditions d’oxydo-réduction de l’aquifère,
afin de piéger les polluants par adsorption, précipitation ou floculation :
injection directe d’oxygène, très efficace mais très coûteuse, traitement
detrital pyrite have been found in the Bengal sediments
and during marine regression this pyrite would have
oxidized again by inflowing oxygenated freshwaters
reverting the arsenic to arsenate sorbed on HFOs.
Fluvial excursions cutting deeply through the sediments during major flood events would further oxidize
any buried pyrite. All of these processes along with
the intense pumping, water-table drawdown, and
heavy irrigation in many areas would produce a heterogeneous distribution of arsenic.
Fluoride in Groundwater
Fluorine is much more abundant, 14th, in the Earth’s
crust than arsenic at about 557 ppm and fairly uniform
throughout the crust. It is, like arsenic, a lithophile
element with mantle fluoride concentration more than
an order of magnitude less than that in the crust.
Unlike arsenic, fluoride has been considered an essen-
Expériences de bioremédiation sur des colonnes de sols dans lesquelles
circule une eau polluée en présence de particules de fer et de bactéries
qui vont accélérer le processus de dépollution.
Bioremediation experiments conducted on soil columns in which polluted
water is circulating in the presence of iron particles and of bacteria that
will accelerate the remediation process.
© BRGM.
tial element in the human diet and many water
supplies have been fluoridated. Concentrations of
1-1.5 mg/L are usually considered optimal for drinking
water purposes. However, it is highly contentious as to
whether some small amount of fluoride in drinking
water is necessary or not. Detrimental effects of dental
and skeletal fluorosis begin at concentrations of around
1.5 mg/L and higher, but there is a growing amount of
evidence that lower concentrations in drinking water
supplies may not be beneficial. It has been shown to
reduce the incidence of dental caries in children [Freeze
and Lehr (2009)] but in many countries today there is
often plenty of fluoride in food, tea, and drinking water.
The question of fluoride essentiality is still in need of
further studies, especially in groundwaters.
Fluoride has some similarities to arsenic in its geochemical pathways, which would be expected based on the
The most
common
control
on fluoride
concentrations
is the solubility
of fluorite, CaF2.
la qualité de nos ressources en eaux souterraines : arsenic et fluor
fact that they are both negatively charged ions when
dissolved in water. Fluoride also sorbs strongly onto
fine-grained clays and is released from rocks during
hydrothermal alteration. Where arsenic is present at
high concentrations in thermal waters, so is fluoride.
In Yellowstone National Park, thermal features contain
up to 48 mg/L fluoride and up to 15 mg/L arsenic.
Many springs contain 20-30 mg/L fluoride. The most
common control on fluoride concentrations is the
solubility of fluorite, CaF2. If mineral-water equilibrium
is maintained then fluoride concentrations would
increase if another mineral such as calcite or gypsum/
anhydrite decreases calcium concentrations. Both of
these minerals exhibit retrograde solubility, i.e.
decreased solubility with increased temperature. Quite
commonly calcium concentrations are low in many
thermal waters. At Yellowstone, for example, calcium
concentrations are usually around 1 mg/L or less for
neutral to basic waters. Even acid hot springs have only
slightly higher calcium concentrations. The highest
concentration of naturally occurring fluoride is over
2,000 mg/L in the alkaline saline lakes and groundwaters in the East African Rift Valley of Kenya which are
influenced by high-pH, high-fluoride, and high-bicarbonate thermal waters and undergo strong evaporation.
Fluoride in non-thermal groundwaters can have a large
range of concentration from considerably less than a
mg/L to several mg/L and less commonly 10-20 mg/L.
For several groundwaters, it has been shown that an
inverse relation exists between calcium and fluoride
concentrations, which would be expected if equilibrium
solubility with fluorite was maintained. Other important factors that lead to high fluoride concentrations
are high pH and high alkalinity. Many groundwaters
are of a Ca-HCO3 type near their areas of recharge and
evolve with time to a Na-HCO3 type from reactions
involving ion exchange, organic matter decomposition,
and calcite precipitation. Waters of a Na-HCO3 type
also have higher pH values and higher fluoride concentrations.
Many groundwaters throughout the world have higher
fluoride concentrations than the recommended drinking water limit, especially India where an estimated
65 million people are exposed to excessive fluoride in
their groundwater drinking supply. Several million
people in China and Africa (northern Africa and
countries lying on the East African Rift, Senegal, Ghana,
Ivory Coast, and South Africa) are also exposed to excessive fluoride. High-fluoride concentrations have also
been reported in groundwaters or springs in the USA,
La qualité de nos ressources en eaux souterraines :
arsenic et fluor
L’augmentation drastique
de l’exploitation des eaux
souterraines comme source
d’eau potable n’a pas
été accompagnée de
l’augmentation des procédés
de traitement et de contrôle
de sa qualité chimique.
Ainsi, des millions de personnes
à travers le monde se trouvent
être exposées à des taux élevés
et dangereux de substances
polluantes tant d’origine
Canada, UK, Norway, France, Germany, Finland, Estonia,
Russia, Portugal, Taiwan, Japan, South Korea, Thailand,
Australia, New Zealand, the Middle East (from Turkey
through Afghanistan), Mexico, and Argentina
[Edmunds and Smedley (2005); Fawell et al. (2006);
Igrac (2009)]. Other countries in Central and South
America are undoubtedly affected. Although fluorite is
a common mineral source of fluoride, other important
sources include fluorapatite, fluorine-rich micas, and
fluorine-rich amphiboles, especially hornblende.
Future Prospects
Groundwater is an important source of water supply
and, in many parts of the world, the only source.
However, we must recognize that it can be unfit for
drinking, cooking, and sometimes even unusable for
agricultural purposes unless properly treated for naturally occurring contaminants, especially arsenic and
fluoride. To guard against afflicting large populations
with unfit water, there must be a vigilant water-quality
monitoring program in every country where public
groundwater supplies are a major source and water
treatments systems where needed. With the exponential increase in groundwater resources and limited
water-quality facilities in many countries, such programs will be extremely difficult to deploy and
maintain. Ultimately, the population growth may
overwhelm the finite supply of water as seems the
situation in many arid parts of the world today. A
recent Google search for water wars led to 31 million
results. The water wars appear to have begun as
predicted and some of that water doesn’t even have
the quality worth fighting for. n
naturelle (géogénique)
qu’anthropique.
Les deux éléments que l’on
retrouve le plus souvent dans
les eaux souterraines à des
taux dépassant les normes
de potabilité sont l’arsenic
et le fluor. Ces éléments
lithophiles s’adsorbent sur les
sédiments à grain fin comme
les argiles, les limons, les siltites,
les argilites et les grauwackes.
Mais, au cours de l’activité
tectonique ou magmatique,
ils sont libérés dans les fluides
hydrothermaux et on les
retrouve dans de nombreuses
sources thermales et geysers,
et concentrés dans certains
gisements (or, cuivre, argent,
mercure, antimoine) après
la précipitation des minéraux
de l’arsenic (arsénopyrite,
orpiment, réalgar) et fluorés
(fluorite, fluorapatite, biotite,
etc.). L’arsenic et le fluor
se retrouvent ainsi dans les
eaux souterraines et de surface
par mélange avec des sources
thermales ou à la suite
de l’altération chimique
des phases minérales.
La mobilisation de ces
éléments dans le milieu
aquatique dépend
principalement de la chimie
de l’eau : le pH, le redox,
les concentrations en
bicarbonates, phosphates ou
silice. L’arsenic et le fluor étant
des anions ils sont d’autant
plus solubles que le pH est
élevé. Les eaux souterraines
constituent une ressource
nécessaire, mais il faut
reconnaître que la qualité
peut-être insuffisante pour
une consommation sans
traitement préalable.
Afin d’assurer la protection
sanitaire du public, la qualité
de l’eau devrait être en
permanence surveillée
et contrôlée.
Bibliographie : Edmunds, M., Smedley, P.-L. (2005) – Fluoride in natural waters, In Essentials of Medical Geology: Impacts of the Natural Environment on Public Health, O. Selinus (ed.-in-chief), B.-J. Alloway,
J.-A. Centano, R.-B. Finkelman, R. Fuge, U. Lindh, and P. Smedley (eds.), Elsevier Academic Press, Amsterdam, p. 301-330. Fawell, J., Bailey, K., Chilton, J., Dahi, E., Fewtrell, L., Magara, Y. (2006) – Fluoride in
Drinking-water, World Health Organization, IWA Publishing, London, 134 p. Freeze, R.-A., Lehr, J.-H. (2009) – The Fluoride Wars: How a Modest Public Health Measure Became America’s Longest Running
Political Melodrama, Wiley & Sons, New York, 383 p. Gleick, P.-H. (ed.) (2009) – The World’s Water 2008-2009: The Biennial Report on Freshwater Resources, Island Press, Washington, D.C., 402 p. Igrac (2009) –
fluoride map <http://www.igrac.net/publications/411>. Ravenscroft, P., Brammer, H., Richards, K. (2009) – Arsenic Pollution: A Global Synthesis, Chichester, UK, Wiley-Blackwell, 588 p. Smedley, P.-L.
and Kinniburgh, D.-G. (2002) – A review of the source, behaviour and distribution of arsenic in natural waters, Applied Geochemistry 17, 517-568. Webster-Brown, J., Nordstrom, D.-K. (2003) – Geothermal arsenic,
In Arsenic in Ground Water, A.H. Welch, K.G. Stollenwerk, (eds.), Kluwer Academic Press, Amsterdam, p. 101-125.
les travaux souterrains : perturbations hydrodynamiques et risques de pollution
Les travaux souterrains (tunnels,
mines, stockages souterrains,
exploitations de gisements
géothermiques ou d’hydrocarbures)
provoquent des discontinuités dans
le sous-sol qui jouent le rôle
de drain pour l’eau. Ces drains
modifient les écoulements
et entraînent un rabattement
du niveau piézométrique
des aquifères environnants.
Ils modifient également
les cours d’eau en surface en créant
des pertes ou des résurgences.
Enfin, les travaux souterrains
introduisent généralement de l’air
dans le sous-sol, ce qui provoque
des réactions d’oxydation
de la roche et modifie en
conséquence la qualité de l’eau.
Les travaux souterrains :
perturbations
hydrodynamiques et
risques de pollution
travaux souterrains
88
L’eau dans les roches
D’
Robert Fabriol
Ingénieur géochimiste
[email protected]
Emmanuel Ledoux
Directeur de recherche
École des Mines de Paris
[email protected]
Effluent coulant à la base du terril du site
des Farges (Limousin). La couleur rouge
est due au fer en solution.
Discharge flowing at the foot of the tailings
heap on the Les Farges mine site (Limousin region).
The red colouring is due to iron in solution.
© R. Fabriol.
une manière générale, l’eau est toujours présente au sein des massifs rocheux
en profondeur. Elle sature les interstices de la roche (pores, fissures) et occupe
ainsi un volume pouvant représenter entre quelques pourcents et quelques
dizaines de pourcents du volume total de la roche selon sa nature pétrophysique. La
fraction volumique occupée par l’eau est appelée « porosité ». Lorsque l’eau peut circuler
facilement au sein du massif rocheux, celui-ci est
qualifié de perméable et constitue un aquifère.
Lorsque le milieu est peu perméable, il constitue un
Les tunnels de plusieurs
aquitard capable d’isoler hydrauliquement, à des
degrés divers, les formations aquifères les unes des
dizaines de kilomètres
autres. En règle générale, plus les roches comde long recoupent
portent des interstices grossiers, plus elles sont
inévitablement
perméables. C’est le cas des sables, des grès ou des
roches compactes fortement fissurées. Plus les
des roches aquifères
interstices sont fins, moins la roche est perméable.
et des zones faillées.
C’est le cas des argiles. L’hétérogénéité lithologique
des formations géologiques organise ainsi le milieu
underground works: hydrodynamic disturbances and pollution risks
Aiguille
du Midi
Italie
France
Vallée
Blanche
Glacier
du Géant
Aiguille
de Toule
Zone
tectonisée
3 000
2 000
1 000
S.-E.
˙
Glacier de Toule
Entrée
française
Entrée
italienne
24 L/s
34 L/s
Schistes cristallins
souterrain en aquifères et aquitards. La qualité de l’eau
contenue dans la porosité dépend aussi de la lithologie ;
elle résulte de réactions chimiques entre l’eau et les
minéraux constituant la roche.
La loi de Darcy décrit les écoulements au sein d’un
massif rocheux. Elle constitue une relation reliant le
débit au gradient de charge hydraulique dans le milieu
par l’intermédiaire d’un coefficient appelé perméabilité. La mesure de la charge hydraulique en différents
points d’un aquifère au moyen de forages équipés de
piézomètres associée à la connaissance de la porosité
et de la perméabilité permet de quantifier l’écoulement
par application de la loi de Darcy.
Impacts hydrodynamiques
sur les écoulements souterrains
Rabattement de nappe lié aux tunnels (routiers,
ferroviaires, hydrauliques)
La réalisation de tunnels pour le transport routier ou
ferroviaire, ou pour le transfert de l’eau entre vallées,
crée des drains dans les massifs rocheux traversés.
Bien que les tracés soient optimisés pour minimiser
les risques d’impact, les tunnels de plusieurs dizaines
de kilomètres de long (Saint-Gothard 57 km, Lyon-Turin
53 km, sous la Manche 50 km, Seikan 54 km) recoupent
inévitablement, suivant le contexte géologique, des
roches aquifères et des zones faillées. Le creusement
a pour effet de mettre l’eau contenue sous pression
dans les pores ou les fractures de la roche, à la pression
atmosphérique de la galerie. La conséquence est de
voir apparaître, parfois brutalement, un écoulement
d’eau qui peut gêner la progression des travaux voire
l’arrêter. Pendant le creusement du tunnel du MontBlanc côté italien, de très fortes arrivées d’eau (1 m3/s)
14 L/s 81 L/s
Granite
18 L/s
10 L/s
1 084 L/s
10 L/s
100 L/s 80 L/s
Calcaire
ont surpris : elles étaient liées à un grand accident
tectonique subvertical inconnu à l’époque. Le débit
s’est par la suite stabilisé à 0,2 m3/s ; son alimentation
provient du bassin du glacier de Toule situé 2 000 mètres
au-dessus (figure 1).
Les arrivées d’eau très abondantes nécessitent de
prendre des précautions particulières pendant le creusement. C’est le cas de la galerie hydraulique de
Salazie-Amont (île de la Réunion) qui fait partie du
dispositif de transfert de l’eau des cirques de Mafate et
Salazie vers le littoral ouest de l’île. Au cours du creusement, sous 1 000 mètres de basaltes, l’avancement des
travaux a été rendu très difficile par de nombreuses
arrivées d’eau (photo 1) alimentées par des aquifères à
forte pression hydrostatique (jusqu’à 3 MPa, équivalent
d’une colonne d’eau de 300 mètres).
Pour minimiser les risques liés à de telles
arrivées d’eau, une reconnaissance par
forages longs est réalisée à l’avancement
pour caractériser les aquifères au front
des travaux [Giafferi et al., (2008)]. Pour
diminuer le drainage dans les tunnels en
réduisant la perméabilité du massif, des
traitements spécifiques sont réalisés (par
injection des terrains, par revêtements
étanches des parois, etc.).
Photo 1 : Venues d’eau sous pression
au cours du creusement de la galerie
hydraulique de Salazie-Amont.
Photo 1: Gush of pressurized water
while the Salazie-Amont hydraulic
gallery was being excavated.
© J.-L. Giafferi.
89
Fig. 1 : Principales
arrivées d’eau
rencontrées au cours
du creusement du
tunnel du Mont-Blanc
(Maréchal, 2000).
Fig. 1: Main water inflows
encountered while
the Mont-Blanc tunnel
was being excavated
(Maréchal, 2000).
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
Altitude (m)
4 000
N.-O.
˙
les travaux souterrains : perturbations hydrodynamiques et risques de pollution
Les galeries de mines ont le même
effet drainant que les tunnels,
avec cependant un résultat amplifié
suivant le type d’exploitation.
90
Rabattement de nappe lié aux mines
Les galeries de mines ont le même effet drainant que
les tunnels, avec cependant un résultat amplifié suivant
le type d’exploitation. La technique en « chambres et
piliers », qui n’affaisse normalement pas les terrains,
draine efficacement la couche aquifère dans laquelle la
mine est creusée, mais n’influence généralement pas,
ou faiblement, les aquifères alentour. Par contre, les
méthodes avec foudroyage à l’avancement ou dépilage
et foudroyage, telles que celles pratiquées dans les
mines de charbon et de fer en Lorraine, déstructurent
les terrains sus-jacents et créent une liaison hydraulique entre les aquifères de la couverture et les vides
miniers. Il en résulte un rabattement des nappes par
écoulement gravitaire de l’eau vers le point bas de
la mine. Pour maintenir les chantiers à sec pendant
l’exploitation, l’eau des mines doit être pompée et
rejetée en surface (l’exhaure). La quantité d’eau extraite
d’une mine peut être considérable ; ainsi les mines de fer
en Lorraine ont produit en moyenne 100 millions de m3
d’eau par an, soit autant de tonnes d’eau que de minerai
de fer au maximum de l’extraction. Le cône de rabattement créé par l’exhaure du bassin houiller lorrain dans
la nappe des grès du Trias inférieur est de l’ordre de
100 mètres (figure 2), faisant quasiment disparaître la
nappe au droit de Forbach et Merlebach [Vaute (2003)].
Fig. 2 : Cône de rabattement dans l’aquifère des grès du Trias inférieur dû à l’exhaure
pour l’exploitation du charbon dans le bassin houiller lorrain (Vaute, 2003).
Fig. 2: The drawdown cone in the Lower Triassic sandstone aquifer due to dewatering
when coal was being mined in the Lorraine basin (Vaute, 2003).
L’arrêt de l’exploitation des mines conduit généralement à l’arrêt de l’exhaure et à un ennoyage des vides
miniers sous l’effet de la remontée des eaux. Il se
constitue alors un réservoir d’eau qui se déverse le plus
souvent en surface par une galerie de débordement
(photo 2). La remontée du niveau d’eau dans la mine
abandonnée va permettre une reconstitution partielle
des nappes sus-jacentes et la réactivation de sources
asséchées par l’exhaure. Elle peut aussi conduire à
l’inondation de zones basses ou de zones affaissées à
la suite des travaux miniers.
Photo 2 : Débordement
du bassin nord à
la galerie de la Paix
(bassin ferrifère lorrain) ;
le débit annuel moyen
est de l’ordre de 1 m3/s.
Photo 2: Overflow from
the northern basin at
the Gallery de la Paix
(Lorraine iron-bearing
basin); the annual flow rate
is approximately 1 m3/s.
© R. Fabriol.
underground works: hydrodynamic disturbances and pollution risks
Quotidiennement, des forages profonds sont réalisés
pour l’exploitation du pétrole, du gaz et de la géothermie, pour stocker du méthane ou, dans le futur, pour
séquestrer du CO2. Pour atteindre leurs cibles, qui
peuvent se localiser à plusieurs kilomètres de profondeur, les forages traversent différents horizons
géologiques dont certains sont aquifères. Les fluides
remontés par le forage peuvent être agressifs et corroder le tubage ou le ciment jusqu’à leur percement.
Ainsi, les fluides géothermaux profonds, chauds et
salés, sont très corrosifs vis-à-vis des tubages classiques
en acier (photo 3).
Une fois percé, le forage joue le rôle de drain et, en
fonction des charges hydrauliques des aquifères mis
en communication, ceux-ci peuvent être drainés ou
envahis par le fluide circulant. Même en l’absence de
percement du tubage, une perte d’étanchéité de la
cimentation à l’extrados peut mettre en relation deux
aquifères superposés. Ce mécanisme conduit immanquablement à des situations critiques associant des
instabilités mécaniques et des pollutions si l’eau d’un
aquifère est mise en contact avec une roche soluble
Photo 3 : Tubage en acier
(type K55) du forage
géothermique de production
de Villeneuve-la-Garenne,
percé par corrosion.
Ce tubage n’assure plus
l’étanchéité vis-à-vis
des aquifères traversés
et peut conduire à
une pollution de ceux-ci
par le fluide géothermal.
comme le sel ou le gypse. Les techniques modernes
de forages permettent d’assurer la protection des
aquifères par une cimentation soigneuse contrôlée
par des méthodes géophysiques (diagraphies) et par
l’utilisation de tubages insensibles à la corrosion.
Impact sur la qualité de l’eau
Le drainage minier acide (DMA)
La mise en contact de la roche initialement saturée
en eau souterraine dans des conditions réductrices,
avec l’oxygène de l’air qui circulent dans les galeries
provoque des réactions d’oxydation. Le phénomène
> L’Allier, rivière mémoire du minier
Sétareh Rad – Service Géologie, Unité Régolithe et Réservoirs – [email protected]
L’eau des précipitations peut soit s’infiltrer et circuler sous la forme d’eau
souterraine, soit ruisseler en surface sous la forme de rivière. Au sein des
massifs rocheux, ces cours d’eau s’imprègnent de la composition chimique
de leur encaissant. Ainsi, au travers des analyses chimiques des phases
dissoutes et des sédiments des rivières, on est à même de comprendre,
quantifier et identifier l’origine des éléments chimiques présents dans
l’environnement, à l’instar des compositions chimiques des métaux issus
d’anciens sites d’exploitation minière.
L’Allier, principal affluent de la Loire, parcourt une grande partie du Massif
central, qui fut la plus importante région minière de France pour
les métaux de base. Le cours de l’Allier traverse ainsi d’anciens sites
d’exploitation remontant parfois de l’époque romaine. Les analyses en
éléments majeurs, traces ou isotopiques effectuées dans la rivière, nous
révèlent l’histoire géologique des surfaces interagissant avec l’eau. Il a
ainsi été démontré que le transfert des polluants métalliques issus de
ces anciens sites d’exploitation demeure ponctuel au regard de la taille
du bassin et du cours de la rivière qui s’étend sur plus de 400 km.
Les analyses isotopiques du lithium montrent qu’une partie de
ces métaux provient de l’activité hydrothermale du Massif central.
Les compositions géochimiques permettent ainsi d’avoir une approche
intégrée qui s’appuie sur des points d’analyses dans le cours principal
de l’Allier. Elle permet une compréhension du système, non seulement
actuel, mais également sur des temps historiques (plusieurs siècles) ou
géologiques (plusieurs millions d’années). n
Localisation d’anciennes
provinces minières
dans le bassin de l’Allier.
L’antimoine représente
le minerai le plus exploité.
Locations of historical
mining zones in the Allier
basin. Antimony was
the most intensively
extracted ore.
Source : S. Rad,
Projet TRANSPOSA.
Provinces minières
Antimoine
Arsenic
Barytine, fluorine
Charbon
Plomb, zinc
Uranium
Tungstène
Lithologie
Basaltes
Granites
Complexe leptyno-amphibolique
Mugéarites et trachytes
Roches basiques
Rhyolites et dacites
Photo 3: Steel piping
(K55 type) in the geothermal
production borehole
at Villeneuve-la-Garenne,
breached due to corrosion.
These pipes no longer ensure
leak-tightness with respect
to the aquifers through
which they pass and
are liable to cause these
to be polluted by
the geothermal fluid.
© BRGM / CFG.
91
Géosci ences • n u méro 13 • ju i l l et 2011
Connexion hydraulique entre aquifères
Photo 4 : Écoulement d’eau en paroi d’une galerie de la mine
de fluorine du Burg (Tarn) ; la couleur verte est due à l’altération
d’une veine de chalcopyrite voisine (sulfure de fer et de cuivre).
Photo 4: Water seeping through the wall of a gallery in the Burg
fluorite mine (Tarn Department); the green colour is due to the
weathering of an adjacent vein of chalcopyrite (iron and copper
sulphide).
© J.-M. Schmitt.
le plus répandu est l’oxydation des sulfures contenus
dans la roche et dont l’un des produits est l’acide sulfurique. L’acidité ainsi engendrée favorise la dissolution
des autres minéraux constitutifs de la roche et libère
les constituants chimiques dont certains, comme les
métaux lourds (plomb, zinc, arsenic, chrome, etc.), sont
toxiques. Cette chaîne de réactions est souvent catalysée
par des bactéries. Le sulfure concerné est généralement
la pyrite (sulfure de fer), présente en abondance dans
les roches. Dans le domaine minier, ce mécanisme
chimique est appelé drainage minier acide (DMA)
[Schmitt et al., (2004)]. C’est lui qui est à l’origine des
effluents miniers acides aux couleurs souvent spectaculaires liées aux métaux en solution (photo 4). L’impact
des effluents issus du DMA est dévastateur pour la
faune et la flore ; seules des bactéries et certaines
algues se développent dans un tel milieu.
Les pollutions salines
En contexte salifère, le risque de pollution de l’eau
souterraine par des travaux miniers est particulièrement
accentué sous l’effet de la saumure qui peut atteindre
la saturation (320 g/L) au sein de cavités ennoyées. Si
les cavités sont stables mécaniquement, la circulation
de la saumure est ralentie, voire inhibée, par l’effet
gravitaire qui a tendance à maintenir l’eau salée dense
en profondeur. L’émission de saumure est lente et
essentiellement due à la diminution de volume des
cavités provoquée par le fluage du sel. Si les cavités sont
instables et évoluent jusqu’à l’effondrement, l’expulsion
de saumure dans le système aquifère environnant
est inévitable. Cette situation est observée dans le
gisement de sel lorrain exploité dans la région de
Dombasle-sur-Meurthe (figure 3).
R (ruissellement)
D (drainage du lac)
E (exutoire
Rhétien)
A (apport eau salée)
F1 (fuite lac)
F2 (fuite Rhétien)
92
Dans certains contextes géologiques où les roches
carbonatées (calcaires et dolomies) sont abondantes,
l’acidité peut être neutralisée naturellement par attaque
des carbonates. Il en résulte une eau à pH neutre, riche
en sulfates et dans certains cas en éléments métalliques. Ce mécanisme est appelé drainage minier
neutre (DMN) ; il est présent dans le bassin ferrifère
lorrain où l’eau des réservoirs des mines ennoyées est
à pH 7 avec une concentration élevée en sulfate de
calcium pouvant dépasser 1 g/L [Collon et al., (2004)].
Nappe salée
Terrains
perméabilisés
I (infiltration)
Fig. 3 : Schéma conceptuel
des processus de salinisation
d’un aquifère au sein de
la couverture d’un gisement
salifère exploité par cavité
lixiviée effondrée – exemple
de la Lorraine dans la région
de Dombasle-sur-Meurthe.
L’exploitation du sel par
injection d’eau douce conduit
à terme, selon la méthode
employée, à la formation
d’une cavité qui s’effondre
lorsqu’elle atteint la taille
critique. L’effondrement
affecte la surface du sol
et produit un cratère qui
est généralement occupé
par un lac dont l’eau est salée
en profondeur sous l’effet de
l’expulsion de la saumure au
moment de l’effondrement.
Le lac salé peut alors
contaminer les formations
aquifères avec lesquelles
il est en contact hydraulique,
tel que l’aquifère des grès
rhétiens dans le cas
de la Lorraine.
Fig. 3: A diagram depicting
salinisation processes in
an aquifer in the cover of
a salt-bearing deposit worked
by cavity leached until collapse
– example from the
Dombasle-sur-Meurthe area in
the Lorraine region. Extracting
salt by injecting fresh water
eventually results in forming
a cavity which, according to
the method used, collapses
once it reaches a critical size;
the collapse affects the ground
surface, producing a crater
generally occupied by a lake
containing saline water at
depth due to the expulsion of
brine when the collapse occurs.
The salt lake may subsequently
contaminate the aquifer
formations with which it is
in hydraulic contact, like the
Rhaetian sandstone aquifer in
the case of the Lorraine region.
underground works: hydrodynamic disturbances and pollution risks
Nappe alluviale
2
1
Pliocène intermédiaire (20-40 m)
3
Crépine
Pliocène profond (70-90 m)
Miocène
Pollution des aquifères par les forages
Chaque forage est une intrusion dans les aquifères
traversés, et il peut devenir un vecteur de pollution si
l’étanchéité du tubage et de la cimentation n’est pas
assurée. Le cas de pollution de forages AEP (alimentation en eau potable) par une contamination provenant
de la surface, et dont la cause est un mauvais état du
forage, n’est pas rare. Les dénombrer n’est pas aisé car,
dès qu’ils sont considérés comme trop pollués pour une
utilisation pour l’AEP, ils ne sont plus suivis ni comptabilisés. Les grands aquifères comme celui du Roussillon
peuvent compter plusieurs centaines de forages
d’exploitation dont les plus anciens, souvent dégradés,
permettent le transfert de nitrates d’origine agricole
vers les niveaux les plus profonds (figure 4).
Les travaux souterrains au cours de leur période d’exploitation comme après leur abandon sont la cause
d’impacts qui peuvent être importants sur le régime
des eaux souterraines et superficielles aussi bien sur le
plan de la quantité que de la qualité. Ces phénomènes
sont inéluctables et l’on doit chercher à les minimiser
par des études hydrogéologiques, géomécaniques et
géochimiques approfondies dès la phase de conception
des ouvrages. Dans certains cas, des impacts préjudiciables ne pourront pas être complètement évités et des
mesures compensatoires, appuyées par des dispositifs
de surveillance, devront être mises en œuvre. n
Fig. 4 : Schéma des transferts
de pollutions entre aquifères
du Roussillon à cause de forages
défectueux anciens ou mal isolés
(Ladouche et al., 2003).
Fig. 4: A diagram of pollution
transfers between aquifers
in the Roussillon Department
caused by old defective boreholes
or by ones that are improperly sealed
(Ladouche et al., 2003).
Chaque forage
est une intrusion
et peut devenir
un vecteur de pollution
si l’étanchéité du tubage
et de la cimentation
n’est pas assurée.
Underground works:
hydrodynamic disturbances
and pollution risks
Underground works (tunnels, mines,
underground storage facilities,
and the tapping of geothermal
or hydrocarbon reservoirs) create
discontinuities in the subsurface
which act as drains for water. Their
impacts are both hydrodynamic
and chemical. Amongst the
hydrodynamic impacts, lowered
levels of aquifers are the most visible.
They are observed when the galleries
of large tunnels or underground
mines are excavated. Although less
obvious, the hydraulic connection
that may form via defective
boreholes has considerable effect
on groundwater use. Moreover,
underground works promote
chemical reactions between water,
rock and the oxygen in the air. This
leads to deteriorated water quality,
in some cases involving the solution
of toxic elements like heavy metals.
Acid mine drainage (AMD) is a classic
example of this type of reaction,
which may at times have a dramatic
impact on flora and fauna.
Boreholes, much more numerous
than large-scale underground works,
can cause chemical or bacteriological
pollutions passing from one aquifer
to another when they are
interconnected where piping or
cementation is not leak-tight.
When the rocks penetrated
are soluble, like salt or gypsum,
improperly sealed boreholes
are liable to give rise to strong
interactions with groundwater.
Underground works, once
abandoned, can significantly impact
the regime of both groundwater and
surface waters, both quantitatively
and qualitatively. While such
phenomena are unavoidable, every
effort must be made to hold these
to a minimum by undertaking
detailed hydrogeological and
geochemical studies when the
structures are still in the design
phase.
Bibliographie : Collon P., Fabriol R., Buès M. (2004) – Ennoyage des mines de fer lorraines : impact sur la qualité de l’eau. C.R. Geoscience 336 (2004) p 889-899. Giafferi J.-L., Defargues D., Piedevache M.,
Cachau P., Lettry Y., (2008) – Reconnaissances à l’avancement dans la la galerie hydraulique Salazie-Amont (île de la Réunion). AFTES, Tunnels et ouvrages souterrains. N° 209. Ladouche B., Duvail C., Marchal J.-P.,
Le Strat P. (2003) – Détermination de l’origine des nitrates dans l’aquifère du Roussillon par traçage isotopique des sources d’azote (commune de Pia, Pyrénées-Orientales). Rapport BRGM/RP-52745-FR
54 p. Maréchal J.-C. (2000) – Massif du Mont-Blanc : identification d’une structure hydrogéologique majeure. La Houille Blanche 6 (2000) p 78-86. Schmitt J.-M., Ledoux E., Combes P., (2004) – Qualité des eaux
après fermeture des mines : remplissage initial, évolution transitoire, stabilisation à long terme et gestion environnementale, Revue Française de Géotechnique, N° 106-107, 1er et 2e trimestres 2004, p.95-101.
Vaute L. (2003) – Révision du modèle hydrogéologique de gestion de la nappe des grès du Trias inférieur en Lorraine. Rapport final. BRGM/RP-51355-FR, 59 p.
ressources en eau : une gestion nécessairement locale dans une approche globale
Ressources en eau :
une gestion
nécessairement locale
dans une
approche globale
L’eau sur la Terre est une matière première exceptionnelle.
Mobile, indestructible et renouvelable, elle se prête à
de multiples utilisations, parfois antagonistes. Les ressources
en eau douce sont réparties de manière très contrastée
autour du globe. L’eau est un milieu de vie, mais peut aussi
constituer une menace : inondations, contaminations.
Comment concilier les différents usages et services de cette
matière première unique dans un contexte de changement
global ? Qu’est-ce qu’une bonne gestion, à quelle échelle
spatiale et par le biais de quelles institutions ?
eau souterraine
94
L’
eau recouvre près des trois quarts de la surface du globe (voir article Duprat J., ce volume)
dont seulement 2,8 % d’eau douce, répartis en eau de surface et eau souterraine. L’eau
voyage entre ciel et terre par divers processus physiques : évaporation, condensation,
précipitations, ruissellement, infiltration… L’eau de surface est issue du ruissellement des
eaux pluviales, mais aussi d’une alimentation par les eaux souterraines, notamment en
période d’étiage, qui joue un rôle déterminant dans les flux d’eau de surface et la préservation des zones humides. Ainsi, 90 % des écoulements souterrains du monde aboutissent
aux cours d’eau de surface : seuls 10 % s’écouleraient directement dans les mers ou seraient
soustraites par évaporation au niveau de bassins fermés [Margat (2008)].
Nathalie Dörfliger
Hydrogéologue
BRGM, Chef service EAU
[email protected]
Jérôme Perrin
Hydrogéologue
BRGM, Service EAU
[email protected]
Les utilisations de l’eau divergent mais
ne sont pas nécessairement conflictuelles…
un puits d’irrigation récréatif dans le sud de l’Inde.
The uses of water are varied but not necessary
mutually exclusive… a dug well used for irrigation
and for recreational purposes in southern India.
© J. Perrin.
L’eau a permis le développement de la vie sur Terre. Elle joue un rôle dans la préservation
de la biodiversité, ainsi que dans le développement économique des sociétés humaines
(De Marsily G., ce volume). Si les ressources en eau sur la planète sont importantes, leur
répartition est très contrastée, car fortement conditionnée par la diversité climatique et
la nature géologique des aquifères et des sols. Cette disparité peut s’exprimer en termes
de disponibilité en eau douce per capita (figure 1). Elle montre que plusieurs régions du
monde sont actuellement en stress hydrique (inférieur à 1 700 m3 par an par personne)
voire en pénurie (inférieur à 1 000 m3), ce qui correspond à environ 40 % de la population
1 000
mondiale. Les projections montrent qu’à l’horizon 2025
cette proportion passera à 63 % à cause de l’accroissement de la population et de la croissance concomitante
des besoins en eau. Parmi tous les secteurs économiques,
l’agriculture est de loin le plus consommateur (70 % des
ressources mondiales) ; il faut 1 000 fois plus d’eau pour
nourrir l’humanité que pour la désaltérer…
Contrairement à certaines idées reçues, la « rareté »
de l’eau n’entrave pas directement le développement
économique d’une région [Margat & Andréassian
(2008)]. Les sociétés ont toujours su s’adapter à cette
Il faut 1 000 fois plus d’eau
pour nourrir l’humanité
que pour la désaltérer.
Vulnérabilité
1 700
2 500
6 000
15 000
70 000
684 000
contrainte, et les premières grandes civilisations se sont
développées dans des régions pauvres en eau
(Euphrate, Nil, fleuve Jaune) !
La gestion de l’eau :
historique et réglementations
L’aménagement des eaux par des équipements hydrauliques (barrages, digues, aqueducs, drainage, etc.) est
pratiqué depuis des millénaires à des fins d’alimentation en eau potable, d’irrigation et de maîtrise des
risques dus à l’eau. Les aqueducs romains, les réservoirs
villageois dans les campagnes indiennes ou les qanâts
dans les régions semi-arides du Moyen-Orient en
sont autant d’exemples (photo 1). Ces aménagements
n’entrent pas dans le cadre de la gestion de l’eau,
qui est un concept relativement récent né au cours du
XXe siècle de l’expérience et de la perception des sociétés de situations de déficit, d’excès ou de détérioration
dans certaines régions et à certaines périodes.
Données non disponibles
ou non significatives
Fig. 1 : Disponibilité
en eau douce par pays
(en m3 par personne
sur un an) :
les populations
des régions en jaune
sont en stress hydrique
et celles des régions
en orange en situation
de pénurie.
Fig. 1: Availability
of fresh water per
country (m3 per person
over one year):
in yellow, countries
in hydric stress and
in orange, those
in shortage.
Source : World Resources
Institute, FAO, 2007.
G é o s c ie nce s • n um é ro 1 3 • j u ill e t 2 0 1 1
0
Stress
hydrique
Pénurie
water resource: a need for local management within a global approach
95
96
Gérer l’eau signifie d’accorder les diverses actions sur
l’eau à des objectifs spécifiques et s’inscrit dans quatre
dimensions : territoriale (unité de gestion), stratégique
(objectif), institutionnelle (autorité) et opérationnelle
(instruments réglementaires, financiers, culturels, etc.).
La nécessité d’une gestion de l’eau peut avoir des raisons
diverses : déficit ou excès d’eau, détérioration de la
qualité, conflits entre différentes utilisations parfois
rivales. Les problématiques de gestion de l’eau ont
une forte connotation régionale, voire locale, en fonction
des zones climatiques, de la variabilité spatiale des
contaminations (figure 2), des risques (sécheresse, inondations, pollutions), des pressions dues aux activités
humaines, etc.
Les outils de gestion de l’eau vont ainsi diverger selon
les objectifs à atteindre : par exemple, optimisation de
la demande et de l’approvisionnement dans le cas de
stress hydrique, établissement de cartes de vulnérabilité et mise en place de zones de protection des
captages pour ce qui concerne les problèmes de qualité,
arbitrages politiques par des instances nationales ou
internationales dans le cas de conflits… Une gestion
intégrée de la ressource en eau (GIRE) est de plus en
plus privilégiée, tenant compte à la fois des eaux de
surface et souterraines, des objectifs d’approvision-
nement et de qualité. Pour gagner en efficacité, les
coûts d’approvisionnement, de gestion, de préservation
ou d’amélioration de la qualité sont pris en compte et
pondérés.
Au cours des deux dernières décennies, des instruments législatifs ont été mis en place pour soutenir les
efforts de gestion de la ressource en eau. Sur le plan
national, la loi sur l’eau de 1992 consacre l’eau en tant
que « patrimoine commun de la Nation », et la loi de
1964 a posé les bases d’une gestion de l’eau décentralisée. Les agences de l’eau ont pour mission d’initier,
à l’échelle de leur bassin versant, une utilisation rationnelle des ressources en eau, la lutte contre leur pollution
et la protection des milieux aquatiques. Elles sont
chargées notamment de la coordination de schémas
directeurs d’aménagement et de gestion des eaux
(SDAGE). Depuis 2008, l’Onema (Office national de
l’eau et des milieux aquatiques) s’appuie sur l’analyse
Photo 1 : Exemples
d’aménagement des eaux
a) Bassin d’irrigation en Inde.
© J. Perrin
b) Aqueduc Pont du Gard.
© PicasaWeb, Marie-T. Favre.
c) Peignes de répartition –
Sebkha de Timimoun,
Sahara, Algérie.
© PicasaWeb.
Photo 1: Examples of water
management structures
a) Irrigation pond in India.
b) Pont du Gard aqueduc.
c) Water repartition comb,
Timimoun Sebkha, Sahara,
Algeria.
Quatre dimensions de gestion : territoriale,
stratégique, institutionnelle, opérationnelle.
water resource: a need for local management within a global approach
Fig. 2 : Qualité des cours d’eau au regard
de la menace pour l’approvisionnement en eau potable
(HWS, Human Water Security) et pour la biodiversité (BD).
Fig. 2: Water quality in rivers as regards threats to water supply
(HWS, Human Water Security) and biodiversity (BD).
source : www.riverthreat.net
prospective des défis scientifiques et techniques,
et produit de nouveaux savoirs pour atteindre ces
objectifs de préservation des milieux.
Au niveau européen, la directive-cadre sur l’eau (DCE)
du 22 décembre 2000 vise à prévenir et réduire la pollution des eaux, promouvoir son utilisation durable,
protéger l’environnement, améliorer l’état des écosystèmes aquatiques et atténuer les effets des inondations
et des sécheresses. Un objectif est d’atteindre le bon
état chimique et écologique des milieux aquatiques et
des bassins versants à l’horizon 2015. Malgré les efforts
consentis, il semble d’ores et déjà que tous les objectifs
ne seront pas atteints…
Le conseil mondial de l’eau (www.worldwatercouncil.
org), établi en 1996, a pour mission de sensibiliser aux
problématiques de l’eau. Il encourage en particulier la
gestion et l’usage efficaces de l’eau sur une base
durable et organise un forum tous les trois ans.
Adjusted
HWS Threat
BD Threat
Quelle échelle optimale
pour la gestion de l’eau ?
Quelles sont les unités de gestion appropriées ? Quelles
sont les conditions nécessaires pour une gestion
adéquate de la ressource sur le long terme ? Dans un
contexte de changement climatique, les pressions sur
la ressource en eau actuelle et à venir impliquent-elles
une gestion plus globale, régionale, transfrontalière ?
Qui sont les acteurs les plus à même de prendre
en charge la gestion de l’eau et dans quel cadre
légal/administratif ? Nous allons tenter d’apporter des
éléments de réponse à ces questions à l’aide de cas
emblématiques.
En zone aride et semi-aride, où la rareté des ressources
face à des besoins croissants, crée des situations de
pénurie qui s’aggravent, l’objectif principal est de
garantir la durabilité de l’approvisionnement par une
gestion autant des demandes que des ressources. Des
outils d’aide à la décision peuvent s’avérer utiles en
associant la connaissance du fonctionnement du
système et les décisions de politiques de gestion. Par
exemple, le CEFIRES a développé un tel outil pour la
gestion des aquifères de socle du sud de l’Inde surexploités par la pression croissante de l’agriculture
irriguée (figure 3).
2002
Fig. 3 : Multiplication du nombre
de forages fermiers sur le bassin
versant expérimental de Maheshwaram,
sud de l’Inde, CEFIRES(1).
Fig. 3: Increase in the number of dug wells
over the experimental Maheshwaram
watershed in southern India, CEFIRES(1).
(1) – Centre Franco-Indien de recherche
sur les eaux souterraines, collaboration
entre le NGRI, partenaire indien, et le BRGM
basé à Hyderabad depuis 1999.
0
1
2
3 km
800
700
600
500
400
300
200
100
0
1975 1980 1985 1990 1995 2000
ressources en eau : une gestion nécessairement locale dans une approche globale
En Méditerranée, certains aquifères karstiques disposent
de réserves de quelques dizaines de millions de mètres
cubes offrant des possibilités de gestion active encore
peu pratiquée [Bakalowicz et Dörfliger, (2005)]. Une
gestion active permettrait de s’affranchir de variations
saisonnières du débit à l’exutoire par des prélèvements
saisonniers au sein du réseau karstique, compensés par
une recharge lors des hautes eaux et de veiller ainsi à
respecter les conditions de reconstitution des réserves
en s’opposant à toute surexploitation. La source du Lez
à Montpellier, avec un prélèvement de 1 300 l/s à la
source, est un exemple de ce type de gestion.
Des recherches sur la gestion intégrée de la ressource
en eau sont menées à l’échelle de bassins versants
en Afrique ou dans les Andes. Le projet Aguandes en
Équateur (région de Quito), par exemple, piloté par l’IRD,
vise à encourager la mise en place d’outils de gestion
tels que des modèles d’aide à la décision dans des
bassins hydrographiques.
En régions tempérées, aux ressources plus abondantes
et plus régulières, la conservation de la qualité de l’eau
et la protection des écosystèmes sont des objectifs
prioritaires. Les actions menées par les agences de l’eau
à l’échelle du bassin ont permis d’améliorer la qualité
des eaux de surface, grâce à la mise en place de stations
d’épuration adaptées. Concernant la protection des
aquifères, un aspect de la gestion consiste à caractériser le temps de transfert des contaminants dans les
aquifères, à établir des cartes de vulnérabilité des aires
d’alimentation des captages afin de définir les actions
prioritaires à mener sur des zones critiques.
640 –
–0
–
–
–
– 500
–
–
–
Altitude moyenne ––– 1 000
–
–
Base de l'horizon de saprolite ––– 1 500
–
–
–
–
–
–
–
Scénario 2
–
–
–
–
–
–
–
–
Scénario 1
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
Base de l'horizon fissuré
–
–
–
–
–
Ces exemples montrent que la bonne gestion de la
ressource en eau s’effectue à l’échelle locale/régionale
du bassin hydrographique ou de l’aquifère.
L’option qui consiste à acheminer de l’eau sur de
grandes distances n’est pas une solution satisfaisante,
et les quelques projets dans ce sens n’ont rencontré que
des succès limités et fait émerger des situations potentiellement conflictuelles.
Vers une « bonne » gestion de l’eau :
une affaire locale aux conséquences
potentiellement globales
Les processus physico-chimiques contrôlant les différents compartiments du cycle de l’eau sont globaux ;
cependant, la diversité des contextes climatique,
géologique, économique, institutionnel et humain fait
qu’une gestion adéquate de la ressource en eau douce
doit se faire à l’échelle géographique correspondante.
Pour garantir cette bonne gestion, les organismes
doivent pouvoir implémenter leur action à cette
échelle, comme les agences de bassin en France, par le
biais de structures de gestion ad hoc ou les ONG à
l’échelle de la communauté dans le sud de l’Inde.
Au vu de la disparité des contextes et des problématiques de gestion, une étape primordiale préalable à
toute gestion est d’avoir une connaissance précise de
la ressource grâce à des études de caractérisation des
milieux, au suivi de l’état des ressources sur le long
terme et à la mise en place d’outils de modélisation
(encadré M. Lambert, page 101). Sur cette base, des outils
robustes d’aide à la décision, éléments essentiels à
2019 –
2020 –
2017 –
2018 –
2015 –
2012 –
2013 –
2011 –
2010 –
2009 –
2007 –
2008 –
2005 –
2006 –
2003 –
2004 –
2001 –
Piézométrie simulée Maheshwaram
2016 _
Scénario de référence
2014 –
Niveaux
piézométriques observés
2002 –
2000 –
–
–
–
630 ––
–
–
–
620 ––
–
–
–
610 ––
–
–
–
600 ––
–
–
–
590 ––
–
–
–
580 ––
–
–
–
570 ––
–
–
–
560 ––
mm
Cet outil permet de visualiser, à l’échelle du bassin
versant (10-100 km2), l’évolution de la nappe en fonction
de différents scénarios de prélèvements, de gestion
active (recharge artificielle), de variabilité climatique,
etc. (figure 4) tout en intégrant les concepts récents
d’hydrogéologie de socle [Lachassagne & Wyns (2005)].
Même si des institutions gouvernementales sont en
charge du développement et du suivi de la ressource
en eaux souterraines, elles n’ont pas su jouer un rôle
significatif pour sa gestion. Les ONG se sont montrées
plus efficaces en réalisant des expériences pilotes
d’éducation des communautés rurales autour d’une
gestion communautaire de la ressource. En Tunisie,
autre région confrontée à un déficit d’eau, une
approche participative entre agriculteurs et autorités
a récemment été testée avec succès en utilisant un
outil de simulation permettant d’évaluer différents
scénarios de gestion. Cette étude offre des perspectives
intéressantes de gestion concertée de la ressource en
eau [Le Bars et al., (2011)].
Niveau piézométrique (masl)
98
Fig. 4 : Scénarios
d’utilisation de l’eau
souterraine pour
le bassin expérimental
de Maheshwaram.
D’après Dewandel et al., 2010.
Fig. 4: Scenarios
of groundwater use
for the experimental
Maheshwaram
watershed.
After Dewandel et al., 2010.
water resource: a need for local management within a global approach
la bonne gestion de la ressource dans un cadre socioéconomique durable, peuvent être mis au point et
simuler différents scénarios de demande et d’approvisionnement. Ils peuvent ainsi encourager le dialogue
entre les acteurs concernés, caractériser la vulnérabilité
économique des usagers ou encore évaluer les coûts et
bénéfices des mesures à mettre en place pour assurer
ou restaurer le bon état chimique d’une masse d’eau.
Cette gestion locale de la ressource n’exclut pas l’existence d’institutions de gouvernance supranationale ou
mondiale ; de telles institutions peuvent faire office de
plateforme d’échanges d’informations et d’expériences.
Des réflexions sont menées dans un cadre international pour la bonne gestion des aquifères transfrontaliers
ou la gestion amont-aval des bassins de grands fleuves
traversant plusieurs pays. L’objectif du FFEM (Fonds
> Recharge artificielle et gestion active des nappes en zone littorale
Joël Casanova – Géochimiste – Chef de projet – BRGM Service Eau – [email protected]
La préservation des ressources en eau souterraine
constitue un enjeu environnemental et économique dans les zones littorales. La demande
croissante en eau en raison d’un afflux saisonnier
de population peut en effet conduire à une
salinisation des ressources lorsqu’elles sont
surexploitées de manière chronique. Limiter la
salinisation des nappes côtières est ainsi cohérent
avec l’objectif de la directive-cadre européenne
qui est d’atteindre, pour les eaux souterraines,
un bon état écologique en 2015. L’intérêt économique de préserver ces ressources en eau est de
pérenniser une ressource en eau locale et d’éviter
le recours à des transferts d’eau. Ces derniers
peuvent en effet représenter des investissements
de deux à dix fois supérieurs à la maîtrise du
Pilote REUSE : colonne de sol reconstitué
avec infiltration d’eau usée traitée et monitoring
par bougies poreuses (R&D Veolia-BRGM).
REUSE pilot plant: reconstituted soil column with
infiltration by treated waste water and monitoring
via porous plugs (Veolia-BRGM R&D).
biseau salé. Dans ce contexte, le recyclage des
eaux usées (REUSE) constitue un moyen prometteur pour créer de nouvelles ressources
permettant de juguler le stress hydrique et de
sortir de la spirale « traiter de plus en plus une
eau de plus en plus polluée ». L’avantage décisif
du recyclage des eaux usées est qu’il crée un
« gisement » d’eau précisément là où les besoins
s’expriment, et de taille proportionnelle à ces
derniers. Le plus souvent développés à petite
échelle les projets de REUSE sont destinés à
des usages non potables (irrigation, arrosage de
terrains de golf…).
L’objectif est de passer d’une gestion passive
du biseau salé (réduire les pompages pour
l’alimentation en eau potable) à une gestion
dynamique : optimiser les pompages et les réalimentations en fonction des prévisions apportées
par la modélisation et le suivi en continu de
l’aquifère. L’approche opérationnelle consiste à :
(1) développer un système de gestion active des
aquifères côtiers permettant au gestionnaire
d’injecter de l’eau douce en fonction des prélèvements d’eau potable, de façon à maîtriser
(repousser, stabiliser ou ralentir) la progression
de l’intrusion saline ; (2) étudier la possibilité de
recourir à des eaux résiduaires urbaines prétraitées
pour la réalimentation des nappes côtières,
en intégrant les impacts sanitaires et environnementaux liés à une injection dans la zone non
saturée. n
99
En km3/an
■ -100 / -50
■ -50 / -25
■ -25 / -10
■ -10 / -5
■ -5 / 0
■ 0/5
■ 5 / 25
■ 25 / 50
■ 50 / 100
■ Données absentes
Français pour l’environnement mondial) est ainsi
de contribuer à une meilleure gestion des eaux
internationales en privilégiant les projets qui donnent
une place importante à la collaboration entre États,
renforcent les réseaux de mesure et les systèmes de
suivi, et contribuent à diminuer les sources de pollution.
échanges d’eau sous forme de produits consommateurs d’eau (essentiellement des denrées) entre les
différentes parties du monde, l’illustre bien (figure 5).
L’eau utilisée pour la production de viande, de fruits et
de légumes peut représenter la moitié de la consommation en eau des pays importateurs !
Même si des démarches améliorant la gestion de l’eau
se mettent en place, la question des stress hydriques
croissants dans certaines parties du monde reste
prépondérante et il faut explorer d’autres pistes pour
y répondre : maîtriser la demande (irrigation au goutte
à goutte, réduction des fuites), faire appel à des ressources non conventionnelles (recyclage des eaux
usées, dessalement…) (encadré J. Casanova, page 99).
L’amélioration de la qualité de l’eau peut également
accroître l’offre disponible. Cependant, l’assainissement
est une priorité négligée par les gouvernements, et les
investissements consentis à ce jour sont bien loin de
garantir l’atteinte des objectifs du millénaire pour le
développement fixés par les Nations unies.
L’utilisation des réserves d’eaux souterraines dans les
régions arides à semi-arides, en augmentation au cours
des dernières décennies, peut avoir des conséquences
globales. Les travaux de Wada et al., (2010) ont permis
d’estimer à 0,8 mm (±0,1) par an la contribution de
l’exploitation des eaux souterraines soit 25 % (±3) de
l’augmentation totale du niveau des océans (3,1 mm/an).
Une gestion adéquate passe aussi par une démarche
économique (investissements, partage équitable des
coûts, etc.). Une approche possible est de mettre en place
de mesures contraignantes accompagnées de contreparties financières. Ce modèle a été appliqué avec succès
à l’échelle de petits bassins versants pour limiter les
pollutions agricoles diffuses dans les captages et pourrait
être reproduit pour limiter les prélèvements agricoles
dans les nappes surexploitées [Montginoul (2011)].
La gestion locale ou régionale de la ressource en eau a
des conséquences à l’échelle planétaire. Le concept d’eau
virtuelle développé par J.-A. Allan (1993) pour décrire les
En ce début de XXIe siècle, les pressions sur les ressources minérales s’accentuent et l’eau douce n’y fait
pas exception : croissance économique, démographie,
changement climatique mettent les ressources en eau
douce à rude épreuve surtout dans les pays émergents.
L’eau douce, ressource minérale exceptionnelle, nécessite une gestion adéquate à une échelle locale ou
régionale, afin de garantir l’harmonie du « village
global » sur la durée. Les sociétés ont su s’adapter par le
passé, mais de nouveaux plans d’adaptation entraînant
des choix, des coûts et des compromis sont indispensables. La réduction des pertes dans les réseaux et dans
les systèmes d’irrigation est à rechercher, tout comme
l’utilisation d’eaux de différentes qualités pour différents
usages et le stockage saisonnier d’eau de surface ou d’eau
recyclée pour permettre la recharge des aquifères. n
Les auteurs remercient chaleureusement J. Margat pour
ses discussions et sa relecture.
Fig. 5 : Carte du monde
montrant les échanges
d’eau virtuelle.
Fig. 5: Word map
of virtual water trades.
Source www.waterfootprint.org
water resource: a need for local management within a global approach
> Les géosciences au service de la gestion des eaux
Marc Lambert – Ingénieur ENSG Nancy – Directeur du Syndicat des eaux du Vivier (SEV) – [email protected]
Le Syndicat des eaux du Vivier (SEV) est la plus grosse collectivité productrice et distributrice d’eau en
régie des Deux-Sèvres, incluant Niort et quelques communes du marais poitevin (environ 100 000 habitants
interconnectés concernés).
La compétition entre irrigation et eau potable, utilisant des ressources souterraines karstiques de faible
réserve, à faible protection et à remplissage annuel, a occasionné dans les dernières décennies des
situations critiques pour l’alimentation en eau potable de Niort (notamment en 2005) qui ont pu être
gérées grâce à une approche « géoscientifique » prévisionnelle. La définition de crise quantitative pour
un service d’eau peut se résumer par le franchissement d’un simple ratio :
Ressources instantanées disponibles / Besoins totaux en pointe < 1
Les géosciences ont ainsi été mises en œuvre sur ce volet pour :
– étudier le bassin versant, la cinétique de remplissage de la ressource karstique et la modéliser mathématiquement (figure) ;
– comprendre le comportement des consommateurs, modéliser et prévoir les jours de pointe et les
tendances à moyen et long terme ;
– élaborer des scénarios de franchissement du ratio précité en intégrant les stockages naturels (niveau
annuel des réserves en nappe) et humains (châteaux d’eau, barrages…), et dimensionner les secours ;
– aider à l’élaboration d’indicateurs de suivi, sur la consommation et les prélèvements agricoles (en été,
50 exploitations qui irriguent consomment autant d’eau que 100 000 habitants), pour anticiper et
gérer, via la fixation d’arrêtés préfectoraux de limitation des usages…
Ces approches scientifiques ont donné lieu à plusieurs publications et formations (ENGREF, ENSOSP…)
et ont reçu le prix de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne 2007 pour leur utilisation dans la gestion de la
crise de l’étiage centennal 2005. Elles sont actuellement étendues à la compréhension de l’évolution
des pollutions aux nitrates et pesticides dans le cadre du projet de recherche CAMERA, co-financé par
la région, le FEDER et le BRGM. n
Bibliographie : Lambert Marc – Géologues n° 167, décembre 2010 – www.revue.ufg-asso.com. Lambert Marc – Actes du colloque H2karst,
septembre 2011 à Besançon, à paraître fin 2011. http://sites.google.com/site/h2karst/
Rabattement piezométrique
de Niort souche (m/sol)
0
-5
-10
–– Modèle (outil Neuro one, Netral)
–– Mesures (moyenne hebdomadaire)
● Bonne reproduction des minimas
incluant l’effet de l’irrigation
-15
-20
-25
01/01
2004
01/07
2004
01/01
2005
01/07
2005
01/01
2006
01/07
2006
01/01
2007
01/07
2007
01/01
2008
Modélisation par réseau de neurones des effets de l’irrigation sur la nappe en amont de la source du Vivier.
Neural network modelling of irrigation effects on the groundwater level upstream from the Vivier spring.
© SEV.
Water resource: a need for local
management within a global
approach
Water is a unique mineral resource, mobile
and renewable and used for various
applications that may be conflicting.
The fresh water resource is essential to life;
however, its integrity is under increasing
pressure due to the development of modern
societies. In response to this situation,
the concept of sustainable water resource
management has gained momentum over
recent years. The question addressed here
is to try to define good practice in water
resource management, at an appropriate
scale and within a suitable regulatory
framework, as the fresh water resource
is unevenly distributed around the world.
Existing water resource management
approaches are diverse, as they have to
be tailored to the local/regional context:
a community-based approach in rural
southern India to deal with groundwater
overexploitation, aquifer vulnerability
mapping to protect groundwater from
agricultural or industrial contaminants,
active karstic aquifer management
throughout the Mediterranean region,
integrated water resource management
at an Andes’ river basin scale, water agency
actions at a river basin scale in France to
restore the good ecological status of water
bodies, etc. The regulatory framework
is adapted to this variability; it may be
situated at local or regional scale, but also
at an international one (large river basins
or transboundary aquifers). These examples
show that efficient water resource
management is achieved at the natural
scale of the system and should be aligned
with the quantitative or qualitative issues
at stake. Adequate monitoring and
modeling efforts to achieve an appropriate
understanding of the hydrological systems
is a prerequisite to the use of management
tools.Good practice in water resource
management is a local or regional affair
that becomes an essential part of
sustainable development in the 21st century.
Fresh water resource stress and scarcity
will remain high in different parts of
the world, and additional measures will
be required such as changes in behavior
to reduce water consumption or
the development of non-conventional
resources.
Bibliographie : M. Bakalowicz, N. Dörfliger (2005) – Ressources en eau du karst : un enjeu pour le bassin méditerranéen. Géosciences n° 2 : 26-31. B. Dewandel, J. Perrin, S. Ahmed, S. Aulong, Z. Hrkal, P. Lachassagne,
M. Samad, S. Massuel (2010) – Development of a Tool for managing groundwater resources in semi-arid hard rock regions. Application to a rural watershed in south India. Hydrological Processes 24: 2784–2797.
P. Lachassagne, R. Wyns (2005) – Aquifères de socle : nouveaux concepts – Application à la prospection et la gestion de la ressource en eau. Géosciences n° 2 : 32-37. M. Le Bars, P. Le Grusse, L. Albouchi,
J.-C. Poussin (2011) – Un jeu de simulation pour préparer une gouvernance de l’eau : une expérience en Tunisie centrale. Cahiers Agricultures 20 (1-2): 105-111. J. Margat (2008) – Les eaux souterraines dans le monde.
BRGM éditions, 187 p. J. Margat & V. Andréassian (2008) – L’eau. Coll. Idées reçues, Le cavalier bleu éditions, 125 p. M. Montginoul (2011) – Des accords entre parties prenantes pour gérer l’impact des prélèvements
agricoles individuels dans les nappes phréatiques ? Cahiers Agricultures 20 (1-2): 130-135. Y. Wada, L.-P.-H.van Beek, C.-M. van Kempen, J.-W.-T. Reckman, S. Vasak, M.-F.-P. Bierkens (2010) – Global depletion of
groundwater resources, Geophysical Research Letters, Vol. 37, 5p.
tribune
tribune
J ean Margat
Les terriens
et l’eau
Jean Margat
Hydrogéologue
[email protected]
tribune
C’
102
est parce que
la Terre est
la planète de l’eau
que la vie y est née,
en évoluant
sous des formes
multiples, d’abord
aquatiques puis sur
les terres émergées
où la vie végétale
et animale
s’est multipliée
et où finalement
l’espèce humaine
s’est répandue.
Les eaux douces continentales sont si nécessaires à l’humanité qu’elle les identifie
souvent à des ressources, en oubliant qu’elles
sont également vitales pour la biosphère
terrestre mais aussi dangereuses.
L’évaluation du flux moyen de toutes les
eaux continentales en circulation – les « eaux
bleues » – est une vue de l’esprit, car sa répartition est le contraire de l’uniformité dans
l’espace et de la constance dans le temps.
Selon les régions du monde, ces flux varient
de 1 à 100. Ainsi les zones arides et semi-arides
qui s’étendent sur près du tiers des continents,
ne recueillent que 2,5 % de ce flux.
Cette répartition très inégale et irrégulière
qui se manifeste par des sécheresses et des
inondations est bien antérieure à l’apparition
de l’homme qui s’est installé sans s’adapter
aux variétés d’occurrence terrestres de l’eau,
surtout dans les temps modernes. Ainsi,
20 % de la population mondiale vit dans les
zones arides et semi-arides où les ressources
en eau sont inférieures à 1 000 m3 annuels par
habitant.
Pour s’approvisionner, les terriens se branchent
depuis toujours sur toutes les étapes du cycle
de l’eau : de la récolte d’eau pluviale et des
essais de récupération de rosée, au captage
des sources et aux prises au fil des rivières,
à la maîtrise des eaux fluviales irrégulières
par des barrages-réservoirs, au puisage ou
pompage des eaux souterraines, voire à leur
exploitation par galerie, ou par forage artésien, jusqu’au dessalement d’eau de mer.
Sans relation avec les ressources locales ou
avec les niveaux de développement socioéconomique l’humanité prélève à peine 10 %
de l’écoulement mondial, mais près d’un tiers
des eaux formant des ressources mobilisables
(figure).
L’utilisation prédominante est l’irrigation
(66 % au plan mondial, 90 % en zone aride et
semi-aride), avant l’industrie (20 %) et l’eau
potable (10 %) : l’humanité utilise beaucoup
plus d’eau pour se nourrir que pour boire.
Les eaux continentales sont sujettes à des
degrés de pression quantitative variés, mais
croissants. Les ratios prélèvements/ressources
potentielles renouvelables s’échelonnent
selon les pays de 1 à 100 % et même au-delà
avec les déstockages d’eau souterraine.
L’humanité n’est donc plus seulement tributaire
des eaux continentales pour sa vie, ses activités
et son développement, elle est devenue un
facteur du cycle de l’eau dont elle influence le
fonctionnement.
Le cycle de l’eau dénaturé ?
Pendant des millénaires, les êtres humains
ont adapté leur mode de vie aux variétés de
répartition des eaux terrestres pour s’en
servir ou s’en défendre. Les utilisations
humaines de l’eau avaient des impacts
négligeables, compatibles avec les besoins des
autres convives de la biosphère. Ces temps
sont révolus.
À l’époque moderne, les hommes ont commencé à s’affranchir des conditions naturelles
pour s’approvisionner en eau, à « aménager et
maîtriser » les eaux de la nature. En moins
d’un siècle, l’humanité a davantage aménagé
et mobilisé les eaux terrestres que durant les
millénaires antérieurs.
Dans une large partie du monde, l’asservissement des eaux a commencé à transformer
significativement leur régime et à perturber
leurs fonctions naturelles. Les endiguements
de nombreux fleuves ont réduit leur « espace
de liberté », en déplaçant souvent les zones
inondables. Aujourd’hui, des barrages artificialisent le régime de milliers de cours d’eau
tandis que l’évapotranspiration naturelle
des terres émergées progresse tout comme
le drainage et l’assèche de terres et zones
humides. Dans le même temps, les voies
d’eau artificielles ont déstructuré les réseaux
hydrographiques avec des transferts d’eau
massifs entre bassins sur de grandes distances.
Les eaux souterraines n’ont pas été épargnées
avec une exploitation particulièrement
croissante au cours de la seconde moitié du
Jean Margat
Dans nombre de bassins, ces consommations
ont détourné de leur exutoire primitif une
partie appréciable des eaux continentales
qui ne participe plus au cycle de l’eau via les
océans. Avec l’hydroélectricité l’humanité
asservit aussi une part de l’énergie des flux
d’eau naturels : ce qui peut affaiblir les capacités
de transport de sédiments et favoriser le comblement des réservoirs.
Le cycle de l’eau
terrestre.
Flux moyens globaux
chiffrés en milliards
de m3 par an
(synthèse réalisée
d’après les chiffres de
l’IWMI et de la FAO).
Plus indirectement, les activités humaines
pèsent sur la qualité des eaux. Les pressions
humaines varient beaucoup et sont plus
élevées dans les régions à eaux peu abondantes
P r é ci p i t
n
atio
ens
at i o
Neige
Glace
ora
tion
Écoulement superficiel
et souterrain (« eaux bleues ») . . . . 43 659
–Prélèvements autres . . . . . . . . . 1 174
io n s
+ Apports artificiels par déstockage
et production d’eau douce
par dessalement . . . . . . . . . . . . . . . 188
Écoulement final réel à la mer . . . . 38 496
Évaporation . . . . . . . . . . . . . . .
ap
Év
or
ation
Lac
o
Éc
Précipitations . . . . . . . . . . . . . . 119 000
–Prélèvements agricoles . . . . . . . 2 844
Infiltrat
Év
ap
Éva
pora
tion
L’homme est devenu ainsi un agent non
négligeable du cycle de l’eau dont sa vie
dépend. L’avenir de cette dénaturation est un
objet majeur de prospective, indissociable
de l’avenir des approvisionnements en eau
de l’humanité.
dont :
en
ts
n
Évapotranspiratio
et à forte population. Dans ces régions,
plusieurs fleuves sont détournés et n’aboutissent presque plus à leur exutoire naturel
(Colorado, Nil, Euphrate, Amou-Daria et
Syr-Daria). Le cas des deux derniers est spectaculaire, parce qu’ils se déversaient dans une
mer fermée, la mer d’Aral en voie de disparition, comme c’est aussi le cas du Jourdain
pour la mer Morte et aussi en partie de celui
du lac Tchad.
Bilan d’eau des terres émergées
(moyennes annuelles en milliards de m3)
ns
ul
em
© M. Villey, BRGM.
d
Les quantités d’eau retournées après usages
sont une source majeure de pollutions, y compris sur le littoral. Dans les pays développés
(mais pas seulement), on pollue plus d’eau
qu’on en utilise : un m3 d’eau prélevé puis
rejeté après usage peut en polluer cinq à
six fois plus dans les cours d’eau récepteurs.
Rui
ssel
leme
nts
Earth's water cycle.
Mean flow worldwide
amounting to billions
of m3 per year
(a composite view
based on WMI
and FAO statistics).
n
Co
L’agriculture pluviale est aussi branchée sur le
cycle de l’eau, en participant à l’évapotranspiration des sols et des végétaux qu’on appelle
« l’eau verte » et qui consomme deux fois plus
que les prélèvements pour l’irrigation.
dont :
Océan
80 692
–Évaporation des forêts
et zones incultes . . . . . . . . . . 68 941
–Déperditions d’écoulement
notamment en bassins fermés . . 3 300
–Pâturages . . . . . . . . . . . . . . . . 840
–Agriculture pluviale . . . . . . . . . 5 560
–Agriculture irriguée . . . . . . . . . 1 700
–Consommations
par les autres utilisations . . . . . . . 143
Stockages
–Évaporation des réservoirs . . . . . . 208
[soit 8 451 induits par l’humanité]
Bibliographie : Anonyme/FAO (1974) – Influence de l’homme sur le cycle hydrologique (FAO, Bull. irrigation et drainage, n° 17 – Rome). Blanchon D. (2009) – Atlas mondial de l’eau (Éd. Autrement, Paris).
CIGB/ICOLD (2007) – Les barrages et l’eau dans le monde (Commission Internationale des Grands Barrages, Paris). FAO (2003) – Review of world water resources by country. (FAO, Water Reports 23, 110 p., Roma).
Margat J. (2005) – Le cycle de l’eau : un fragile équilibre (« Pour » ; n° 185, pp. 82-87 – Paris). Margat J., Andreassian V., (2008) – L’eau (le Cavalier Bleu, coll. « idées reçues », Paris). Margat J. (2008) – Les eaux
souterraines dans le monde (UNESCO/BRGM Ed., Paris, Orléans). Margat J. (2009) – Population et ressources en eau (Géopolitique, « Histoires d’eau », Oct., Paris). Renaud J.-L. (2000) – Planète eau : repères
pour demain (Ed. Johanet, Paris). Shiklomanov I.-A., Rodda J. (2003) – World Water Resources at the beginning of the 21e Century (Unesco/Cambridge Univ. Press). UN (2009) – Water in a changing world.
The United Nations World Water Development Report n° 3 (Unesco/Earth scan).
103
Géosci ences • n u méro 13 • ju i l l et 2011
XXe siècle. En un siècle, plus de 1 000 km3 d’eau
ont été soustraits aux réserves de différents
aquifères, ce qui a entraîné des baisses de
niveau et des ruptures locales du cycle de l’eau
avec des effets préjudiciables : tarissement de
sources, invasion d’eau de mer dans les aquifères littoraux, subsidences et affaissement
du sol, etc.
points de vue croisés
points de vue
points de vue croisés
104
Le rôle de l’eau sur la planète Terre
À
la lecture de ce numéro de Géosciences, nos lecteurs auront pris conscience de
l’extraordinaire équilibre sur lequel est bâtie notre planète, depuis ses profondeurs
les plus grandes jusqu’à ses enveloppes atmosphériques externes, et du rôle essentiel
joué par l’eau dans pratiquement tous les processus géologiques. Et ce, qu’ils soient
telluriques, climatiques ou anthropiques. Chacun a pu prendre connaissance des
ordres de grandeur des stocks et des flux, de la part jouée désormais par l’homme
dans un nombre croissant de processus, et mesurer la fragilité de l’ensemble, et sa
responsabilité. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé, avant de clôturer
cette revue, à trois personnalités issues de différents cercles concernés de donner
leur point de vue d’acteurs (entreprise industrielle, association environnementale,
organisation internationale) concernant l’eau dans le système Terre.
Jacques Varet, rédacteur en chef
La noria du lavoir de Salinelles (Gard), permettait de relever l'eau pour l'irrigation des terres situées plus haut que le ruisseau.
The noria at the Salinelles washing place (Gard Department), which lifts water to irrigate land situated higher than the stream.
© D. Villafruela.
points de vue croisés
Jean-François Minster
Total
… – Direction scientifique
[email protected]
…
Les enjeux de l’eau et de l’énergie, toutes deux
composantes fondamentales de la vie et du
développement, sont étroitement liés de multiples façons, à l’échelle mondiale. La croissance
de la population, le développement économique
souhaité par tous, ou simplement la satisfaction
des besoins essentiels des plus démunis ne
peuvent en effet s’envisager sans un accès accru
à l’eau et à l’énergie. Cette perspective mondiale
doit s’accompagner de progrès majeurs, à
réaliser dans la durée, en matière d’efficacité
énergétique et de réduction des pertes d’eau,
avec récupération des énergies perdues et réutilisation bien plus systématique des eaux usées.
La production pétrolière extrait environ trois fois
plus d’eau que de pétrole. Cette eau inutilisable
est pour l’essentiel traitée et réinjectée dans le
sous-sol. Dans le même temps, la production et
le traitement des énergies nécessitent des
quantités d’eau importantes et en fait croissantes avec la nature toujours plus lourde des
ressources fossiles. La consommation d’eau va de
0,1 m3/MWh pour les sables bitumineux à 0,5
à 2 pour le charbon… et de 16 à 500 m3/MWh
pour les biocarburants. Cela reste heureusement très faible en comparaison à l’usage
agricole. Cependant, on ne peut oublier que
bien des activités du secteur énergétique se
développent dans des zones de stress hydrique.
L’eau elle-même est source d’énergie puisque
20 % de l’électricité est hydroélectrique, et
constitue 80 % de l’électricité d’origine renouvelable.
À l’inverse, on ne peut imaginer de gérer le
problème de l’eau sans lien avec l’énergie : le
pompage et l’irrigation, le traitement de l’eau
potable, et le dossier si essentiel du retraitement des eaux usées consomment de l’énergie.
Cette relation entre eau et énergie est même
plus profonde puisque l’effet le plus sensible du
changement climatique induit par les émissions des gaz à effet de serre est la modification
105
du cycle de l’eau – avec les effets de sécheresse
des zones subtropicales et de précipitations
accrues, voire d’inondations plus fréquentes
aux latitudes plus élevées. Faire face à ce changement global nécessitera de l’énergie.
Il est bien impossible de travailler sur le sujet
de l’eau sans prendre en compte les multiples
interactions du fonctionnement de nos sociétés
et de l’environnement. Les entreprises comme
Total ont la responsabilité d’appliquer partout
les bonnes pratiques – comme celles de la directive-cadre européenne sur l’eau. Dans le cadre
qui est le leur, elles se doivent de progresser
continuellement dans la réduction de leur utilisation de ressources nouvelles et de l’impact
environnemental de leur activité.
Consommation d'eau liée
à la production d'énergie
en gallon par million de British
Thermal Unit
(1 Gal/MMBTU ≈ 0,013 m3/MWh).
Gé o sci e n ce s • nu m é ro 13 • ju i l l et 2011
L’eau et l’énergie, point de vue
d’un industriel de l’énergie
Water footprint of energy
production in gallons
per million BTU.
Source : DOE (Department of Energy, USA)
2006.
Biodiesel Refining
Soya Irrigation
Ethanol Processing
Corn Irrigation
Hydrogen Electrolysis
Hydrogen Reforming
Uranium Processing
Uranium Mining
Oil Storage in Salt Cavern
Oil Sands
Oil Shale In-Situ
Oil Share Surface Retort
Refining
Enhanced Oil Recovery
Petroleum Extraction
Gas Storage in Salt Cavern
Natural Gas Pipeline Operations
Natural Gas Extraction & Processing
Coal Gasification
Coal Slurry
Coal Liquefaction
Coal Washing
Coal Mining
1
10
100
1 000
Gal/MMBTU
10 000
100 000
points de vue croisés
Bernard Rousseau
France Nature Environnement
[email protected]
points de vue croisés
106
Il sera très difficile d’atteindre
l’objectif de 66 % de masses
d’eau superficielles
« en Bon État » en 2015.
L’action de France Nature Environnement
prend appui sur la DCE (directrice-cadre européenne sur l’eau) et sur l’objectif d’atteinte du
bon état de la qualité des eaux en 2015. Nous
en sommes très loin, la qualité des eaux est
très dégradée. Ainsi, 54 % du bassin de la Loire
sont aujourd’hui classés en « zone vulnérable »
à la pollution par les nitrates d’origine agricole, avec des taux qui dépassent les 50 mg/l.
Les produits phyto-sanitaires sont présents
pratiquement partout, d’où le déclassement
des masses d’eau.
Nous nous appuyons sur une autre priorité de
la DCE : la reconquête de la morphologie des
cours d’eau dégradée par les barrages. On
recense 60 000 barrages en France dont seulement 10 % ont une utilité économique, mais
qui influent négativement sur la biodiversité et
la qualité chimique et physico-chimique des
eaux, autre cause de déclassement.
manque de financements de certains acteurs,
ce qui fera que toutes les actions identifiées
dans les Sdage ne seront pas conduites, et ceci
d’autant moins que la lutte contre les pollutions diffuses est quasiment insoluble dans le
contexte économique et idéologique actuel.
Pour la qualité des eaux, nous sommes toujours
en phase de dégradation, pas d’amélioration
biologique réelle. Certes, les pollutions visuelles,
urbaines ou industrielles ont régressé, mais les
pollutions diffuses se généralisent et atteignent
même les têtes de bassin des rivières : en
Margeride, en Aubrac, des tonnes d’engrais sont
répandues sur l’herbe des prés aujourd’hui
cultivés.
Pour les prélèvements, l’évolution est également inquiétante, c’est pourquoi nous sommes
mobilisés contre la multiplication des retenues
de substitution largement financées par des
fonds publics.
Dans ces conditions, il sera très difficile
d’atteindre l’objectif 2015 qui se heurte aux
résistances sociales et économiques, et aussi au
Face à cette situation dégradée, FNE agit sur
tous les fronts, notamment celui de l’opinion
publique avec des campagnes d’information,
de formation dans les écoles, de publications.
L’opinion a son mot à dire comme le rappelle la
DCE qui fait de la consultation du public une
obligation.
L'eutrophisation est due
à l'enrichissement d'un
écosystème en nutriments
chimiques, généralement des
composés contenant de l'azote
ou du phosphore.
Le phénomène se produit
en période très chaude
et dure peu – de quelques
jours à une semaine.
Ici, en sous-bois, dans une mare
riche en feuilles mortes.
Eutrophisation is caused by
the enrichment of an ecosystem
with chemical nutrients, typically
compounds containing nitrogen
or phosphorus. This phenomenon
occurs during periods of hot
weather and does not last long –
a few days to one week.
Here, in a woodland pond
with many fallen leaves.
© F. lamiot, Wikimedia Commons
points de vue croisés
Dr Alice Aureli
Chief, Groundwater Resources and Aquifer Systems Section
International Hydrological Programme (IHP)
Unesco – Division of Water Sciences – Paris
Les ressources en eau :
une responsabilité partagée.
L’eau est essentielle à la vie sur la planète Terre,
autant pour la survie de l’espèce humaine que
pour celle de notre écosystème. Le cycle de l’eau
joue un rôle majeur dans le maintien des écosystèmes naturels riches en biodiversité, qui
doivent être préservés. Dans plusieurs régions,
une mauvaise gestion de l’eau a accéléré la
détérioration des écosystèmes qui dépendent
de ressources en eau douce. L’eau est une source
de dignité, de sécurité et d’égalité des chances.
Il n’y a pas de développement possible sans les
ressources en eau que la mise en œuvre de nos
programmes économiques et sociaux nécessite.
Mais les ressources en eau de surface (fleuves,
lacs) et souterraines (aquifères) sont limitées.
Les eaux souterraines constituent la plus grande
réserve en eau douce liquide de la planète.
Comme les bassins hydrographiques, mais de
manière moins visible, des systèmes aquifères
de toutes étendues peuvent être partagés entre
plusieurs pays. Cela complique leur gestion, et
le partage de l’eau peut générer des conflits
qu’il est préférable d’identifier et de prévenir. La
gestion de ces systèmes est une responsabilité
partagée.
Cette situation risque même de s’empirer avec
le « changement climatique », voire avec le
« changement global ». En effet, c’est principalement par son impact sur la disponibilité des
ressources en eau que le changement climatique
affectera le développement économique, social
et l’environnement de la planète. Il doit donc y
avoir davantage de transferts d’informations
entre science du climat et gestion de l’eau.
Les problèmes auxquels nous sommes
aujourd’hui confrontés sont considérables.
Dans certains pays, le manque d’eau signifie
parcourir chaque jour de longues distances à
pied afin de collecter de l’eau parfois insalubre.
Pour d’autres, cela signifie souffrir de maladies
provoquées par des systèmes d’assainissement
inappropriés. Il existe donc un nombre important de questions essentielles auxquelles il faut
répondre. En d’autres termes, il faut considérer
la question de l’eau dans un contexte plus large.
Notre approche doit inclure la compréhension
des phénomènes d’interaction entre la disponibilité de la ressource, l’évolution de la demande,
de l’approvisionnement en eau et d’autres
dynamiques mondiales, comme la croissance
démographique progressive qui entraîne
l’augmentation de la consommation alimentaire et énergétique. Cette situation a des
Mali, between Gao and Menaka.
© Chattange, Fotolia.
implications potentielles accablantes pour le
développement humain. Les décisions importantes qui influent sur l’utilisation de l’eau sont
prises par des dirigeants du secteur public, privé
et de la société civile. L’eau est une composante
des différents secteurs de la société et de l’économie ; elle doit en conséquence être partie
intégrante de la planification et des investissements. Une crise majeure de l’eau nous attend
si nous ne changeons pas notre attitude à
l’égard de l’eau douce.
Or, le sous-investissement et la mauvaise gouvernance observés dans de nombreux endroits
du monde privent des centaines de millions de
personnes de leur droit à l’eau potable et à un
assainissement de base. Des populations sont
ainsi exposées à des risques de catastrophes
naturelles, de dégradation de l’environnement
et de conflits.
Le Programme Hydrologique International de
l’Unesco a formulé une série de messages à l’intention de différents acteurs, montrant
comment on peut intégrer la prise en compte
de l’eau dans l’élaboration des décisions. Le prix
de l’inaction pourrait être très lourd : en termes
de vies perdues, d’économies ruinées, et de
sociétés brisées par des conflits et des déplacements massifs.
Pour en savoir plus :
cartes des aquifères transfrontaliers sur :
http://www.whymap.org
et http://www.igrac.net
107
Gé o sci e n ce s • n u m é ro 13 • j u i l l e t 2 0 11
Mali, entre Gao et Ménaka.
Le lac Tchad, entouré de terrains marécageux,
a été lourdement sollicité comme source
pour de nombreux projets d’irrigation ;
il subit un climat aride qui a connu une
réduction pluviométrique dramatique durant
les quarante dernières années. La zone ridée
verte et brune au nord et au nord-ouest du lac
matérialise sa superficie d’autrefois.
Lake Chad, surrounded by wetlands, has been
taxed heavily as a source for numerous
irrigation projects; it is subject to an arid
climate that has endured a dramatic decrease
in rainfall over the past forty years.
The green and brown rippled area to the north
and northwest of the lake suggests the lake's
previous surface area.
© J. Descloitres, MODIS Land Rapid Response Team
at NASA/GSFC.
chiffres clés
chiffres clés
annuel de toutes les eaux continentales
superficielles et souterraines en circulation.
> 1 000 m3 à 10 millions de m3 : 2
variations d’apports annuels par km .
>
17 % : pourcentage d’exploitation
du potentiel hydraulique « sauvage » global
chiffres clés
> 45 000 milliards de m3 : flux moyen
109
par l’hydroélectricité.
> 2 500 km3 par an : eau consommée et
non retournée au milieu naturel dans le monde.
> 8 000 milliards de m3 : flux moyen annuel3 > 275 millions d’hectares :
de ressources au Brésil contre 20 millions de m
au Koweït.
> 50 à 1 000 000 m3 : ressource moyenne
surface des terres irriguées dans le monde.
> 50 000 grands barrages
annuelle par habitant selon les pays.
et 100 000 plus petits pour une superficie
totale des retenues de 500 000 km2.
> 10 % : prélèvement moyen de l’écoulement
> 7 000 milliards de m3 : volume total
mondial.
des réservoirs de barrage.
> 4 000 milliards de m3 par an :
quantité d’eau prélevée dans le monde.
230 grands cours d’eau fragmentés
par des réservoirs ou endigués.
> 75 milliards de m3 par an :
> 1 000 km3 par an : utilisation mondiale
quantité d’eau potentielle perdue par
la Méditerranée par réduction des apports fluviaux.
>
d’eaux souterraines.
Sources : FAO – statistiques actuelles
L´Ebre retenu
en Aragon (Espagne)
par le barrage
de Mequinenza.
193 barrages jalonnent
ce fleuve.
The Ebro River reservoir
lake in Aragon, Spain,
formed by the
Mequinenza dam.
A succession of
193 dams line this river.
© Ch. Coutinho.
Lac de Canelles en
Aragon (Espagne).
© Panoramio, navarito79
les brèves du brgm
brèves
capable d’observer et d’anticiper en continu
au niveau mondial, les tendances, les ruptures, l’employabilité, les compétences et les
métiers, au plus haut niveau, dans le domaine
des géosciences et de l’environnement.
Contacts :
Elisabeth Vergès, responsable LABEX Voltaire,
OSUC, [email protected]
Pol Guennoc, BRGM, Direction de la recherche,
[email protected]
Carnot 2
Conférence finale du projet AquaTRAIN, Orléans, juillet 2010.
Polluants géogéniques
AquaTRAIN (Geogenic chemicals
in groundwaters and soils: a research
training network)
Les polluants géogéniques sont des éléments
chimiques d’origine naturelle (arsenic,
sélénium, fluor, manganèse…) qui peuvent
engendrer de graves problèmes environnementaux et sanitaires lorsqu’ils sont présents
en excès dans les eaux souterraines ou les
sols (voir encadré p. 86). Les eaux souterraines
constituant le plus souvent la seule et unique
ressource en eau potable, les expositions aux
éléments géogéniques sont à l’origine de
milliers de morts chaque année dans le monde.
Le projet européen AquaTRAIN (www.aquatrain.eu), qui s’est achevé fin 2010, a permis
de faire le point sur les connaissances scientifiques concernant ces éléments polluants en
Europe. Comment les populations sont-elles
exposées ? Quels sont les risques sanitaires
encourus ? Peut-on définir des zones à risque ?
Quelles sont les techniques de dépollution ?
Contact : Romain Millot, BRGM, [email protected]
Géofluides
VOLTAIRE (Étude des géofluides
et des VOLatils – Terre, Atmosphère et
Interfaces – Ressources et Environnement)
Dans le cadre du Grand Emprunt « Investissement d’avenir » et de l’appel à projets
« Laboratoires d’excellence » (LABEX), le projet
VOLTAIRE, porté par l’université d’Orléans, le
CNRS, en partenariat avec le BRGM et l’Inra
a été retenu. Il bénéficie d’une enveloppe de
11 millions d’euros sur dix ans et a pour ambition d’étudier les fluides naturels complexes
et leurs applications diverses : ressources
minérales, stockage du CO2, géothermie,
qualité de l’eau et de l’air, préservation des
milieux, suivi de la couche d’ozone… VOLTAIRE
porte également un volet formation qui
intègre des filières supérieures et des formations métiers au sein de l’IUT du Loiret, de
l’OSUC et Polytech Orléans ainsi qu’à l’ENAG.
Le retour sur investissement du projet se fera
au travers du CIPEGE (Centre de prospectives
pour l’emploi en géosciences et en environnement). VOLTAIRE propose un outil original,
Le BRGM de nouveau labellisé « Institut
Carnot » pour 5 ans
Le BRGM figure parmi les 34 organismes de
recherche retenus à l’issue de l’appel à candidatures « Carnot 2 » lancé fin 2010. Ce
renouvellement de la labellisation « Institut
Carnot » par le ministère de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche est de cinq ans
(2011-2015). Une reconnaissance qui prend en
compte l’évaluation de ses bonnes performances dans le cadre du premier dispositif
Carnot (2006-2010) et vient récompenser sa
collaboration efficace avec les partenaires
socio-économiques, le développement de
l’innovation et le transfert de technologies.
Le BRGM a pour objectif dans cette deuxième
phase d’étendre et de dynamiser ses partenariats et ses projets collaboratifs (notamment
avec les TPE et PME) et d’assurer un ressourcement scientifique permanent. L’organisme
souhaite également accroître les activités de
recherche pour le compte des acteurs socioéconomiques et mettre en place des actions
de valorisation et de transfert de sa R&D.
Contact : Dominique Quiniou, BRGM,
[email protected]
les brèves du brgm
111
les brèves du brgm
brèves
Préparation d’un champ de riz dans le bassin versant de Kudaliar au sud de l’Inde. © Joana Guerrin, 2009.
les brèves du brgm
Les eaux en Inde
112
SHIVA – Évaluation de la vulnérabilité
des agriculteurs indiens aux changements
globaux.
Dans le cadre d’une coopération entre le
Centre franco-indien de recherche sur les eaux
souterraines (CEFIRES) et le BRGM, le projet de
recherche SHIVA, cofinancé par l’ANR, a pour
objectif d’évaluer la vulnérabilité des agriculteurs du sud de l’Inde aux changements
globaux sur une période de quatre ans (20092012). Le projet est labellisé par le pôle de
compétitivité « Gestion des risques, vulnérabilité des territoires » de Marseille. SHIVA est
un projet à dominante économique qui mobilise quatre centres de recherche français
(BRGM, IFP, CSH, CEFIRES), une entreprise privée (SIRS) et trois centres de recherche indiens
(NGRI, CESS et IISc). Le BRGM assure la coordination et apporte ses compétences en
hydrogéologie, interprétation des scénarios
de changement climatique, prospective
économique et analyse coûts-bénéfices.
Les résultats sont disponibles sur le site :
http://www.shiva-anr.org.
Contact : Stéphanie Aulong,
BRGM, [email protected]
Modélisation de la vulnérabilité
VULCAIN : une étude prospective
sur la ressource en eau dans
les Pyrénées-Orientales
Le projet VULCAIN, financé par l’ANR VMC
2006(1) et coordonné par le BRGM, étudie
la vulnérabilité de la ressource en eau des
Pyrénées-Orientales en combinant des scénarios climatiques et des scénarios d’évolution
socio-économiques. Des modèles hydrologiques, hydrogéologiques et de demande en
eau ont permis de décrire le fonctionnement
des hydrosystèmes et de caractériser l’évolution future de cette demande pour les usages
eau potable et agricole. Les cinq scénarios
climatiques considérés prédisent une poursuite du réchauffement et un déficit de
précipitations ne s’exprimant qu’à moyen
terme. L’impact de ces scénarios se traduit
par des réductions d’écoulement dans les
fleuves de l’ordre de 20 % à court terme et
de 40 % à moyen terme. Concernant les eaux
souterraines, l’influence du climat et celle des
prélèvements est similaire. La ressource en eau
de surface devrait diminuer à un niveau que
les stratégies d’économie d’eau actuellement
envisagées ne permettront probablement pas
de compenser et ce, dès le court terme.
Contact : Yvan Caballero, BRGM,
[email protected]
(1) – ANR VMC : Agence nationale de la recherche –
Programme vulnérabilité milieux climat
http://agire.brgm.fr/VULCAIN.htm
Gorges de Galamus sur l’Agly, Aude (11). © Alain Baschenis / Francedias.com
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