Les rôle des anticorps monoclonaux dans la transplantation d

curriculum Forum Med Suisse 2008;8(11):204–209 204
Situation actuelle: dans quel but les
anticorps monoclonaux sont-ils utilisés
lors de transplantations d’organes?
Depuis la première greffe de rein réussie chez
l’homme en 1954, la transplantation d’organes
solides est devenue le mode de traitement privi-
légié chez les patients atteints d’une insuffisance
rénale, cardiaque, pulmonaire ou hépatique termi-
nale. La transplantation du pancréas ou des cellu-
les d’îlots du pancréas ouvre en outre la porte à
une véritable guérison de la maladie de base chez
les patients souffrant d’un diabète de type 1. Il n’en
reste pas moins que la transplantation d’organes
ne peut pas vraiment être considérée à l’heure ac-
tuelle comme une intervention curative, dans la
mesure où elle implique obligatoirement un trai-
tement immunosuppresseur à vie. Or, ce traite-
ment suppressif est associé à des effets indésira-
bles importants qui influencent directement la
morbidité et la mortalité des patients greffés ainsi
que la survie du greffon [1]:
complications directes de l’immunosuppres-
sion: augmentation de la fréquence des infec-
tionsetdestumeursmalignes (surtout cutanées
et tumeurs lympho-hématopoïétiques)
effets indésirables des médicaments: augmen-
tation du risque cardiovasculaire (hypertension
artérielle, diabète, hyperlipidémie), ostéopo-
rose et néphrotoxicité.
La médecine des transplantations tente de ré-
soudre ce problème de trois façons. Par ordre de
complexité:
–une minimisation et une personnalisation du
traitement d’entretien [2]: l’immunosuppres-
sion de base englobe, dans la majorité des pro-
tocoles standards de greffes d’organes, une
trithérapie combinant un inhibiteur de la cal-
cineurine (CNI; cyclosporine ou tacrolimus),
un anti-métabolite (mycophénolate ou azathio-
prine) et un corticostéroïde. Un inhibiteur du
mTOR (sirolimus ou éverolimus) peut être uti-
lisé en lieu et place de la CNI ou de l’anti-méta-
bolite. De nombreuses études sur la réduction
ou même l’arrêt complet de ces différentes
classes de médicaments (surtout des corticosté-
roïdes ou de la CNI) ont montré qu’une réduc-
tion par étapes de l’immunosuppression au
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 201 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
Quintessence
(En raison de l’amélioration constante de la survie à un an dans tous les types
de greffes, les spécialistes de la transplantation d’organes sont de plus en plus
souvent confrontés à la morbidité et à la mortalité associées à l’immunosup-
pression de longue durée.
(Grâce à leur grande spécificité, les anticorps monoclonaux ont un fort poten-
tiel de réduction de la toxicité non spécifique de l’immunosuppression tout en
préservantl’effet primaire de celle-ci. Ils prennent ainsi une importance crois-
sante dans différentes indications lors de la greffe d’organes.
(En Suisse, nous disposons actuellement,au niveau clinique, de deux anticorps
du récepteur de l’interleukine-2, le daclizumab et le basiliximab pour le traite-
ment d’induction, de l’anticorps OKT3 déplétant les cellules T pour le traitement
du rejet aigu résistant aux corticostéroïdes, ainsi que du rituximab, un anticorps
déplétant les cellules B et ayant des indications variées (induction dans la trans-
plantation rénale ABO-incompatible, traitement du lymphome post-transplanta-
tion et du rejet humoral, prévention/thérapie de la glomérulonéphrite récurrente).
(L’établissement d’une tolérance spécifique au donneur reste l’objectif ultime
de la médecine de transplantation, car elle seule permettrait de renoncer com-
plètement à l’immunosuppression non spécifique. C’est dans cette démarche que
s’inscrit le développement de nouveaux anticorps monoclonaux hautement spé-
cifiques – en particulier des anticorps pour le blocage de la costimulation des
cellules T.
Summary
Monoclonal antibody therapy in organ transplantation
(With the continual improvement in 1-year survival in all organs, transplanta-
tion teams are increasingly confronted with morbidity and mortality induced by
long-term immunosuppression.
(Due to their high degree of specificity, monoclonal antibodies have major
potential for reducing the toxicity of unspecific immunosuppression while
simultaneously retaining their primary effect, and are thus assuming ever-
growing importance for organ transplantation in various spheres of application.
(In clinical use in Switzerland are the two interleukin-2-receptor antibodies
daclizumab and basiliximab for induction therapy, the T-cell-depleting antibody
OKT3 for the treatment of steroid-resistant rejection episodes, and the B-cell-
depleting antibody rituximab for various indications (induction in AB0-incom-
patible renal transplantation, therapy of post-transplantation lymphoma and
humoral rejection, and prevention/therapy of recurrent glomerulonephritis).
(Establishment of donor-specific tolerance remains the ultimate goal of trans-
plantation medicine, since only in this way would it be possible to dispense en-
tirely with antigen-unspecific immunosuppression. In the work to this end the
development of new, highly specific monoclonal antibodies – in particular anti-
bodies for blockade of T-cell costimulation – also plays a central role.
Le le des anticorps monoclonaux
dans la transplantation d’organes
Thomas Fehr, Rudolf P. thrich
Klinik für Nephrologie, Universitätsspital Zürich
204-209 Fehr 352_f.qxp 29.2.2008 13:29 Uhr Seite 204
curriculum Forum Med Suisse 2008;8(11):204–209 205
durant la phase péri-transplantation, ensuite
dans le traitement d’entretien au cours de l’im-
munosuppression à long terme et enfin dans le
traitement des crises de rejet résistant à la cor-
ticothérapie. Les traitements d’induction et les
traitements des rejets sont limités dans le temps
et constituent donc un terrain privilégié pour les
anticorps monoclonaux. Leur utilisation dans le
traitement au long cours paraît en revanche
moins évidente, puisque les anticorps monoclo-
naux ne peuvent être administrés que par voie in-
traveineuse, ce qui nécessiterait l’administration
répétée de perfusions durant des mois, voire des
années.
La plupart des anticorps monoclonaux utilisés en
médecine des transplantations sont dirigés contre
les cellules T. Les cellules T ont besoin de trois si-
gnaux pour être entièrement activées (fig. 1 x[4]):
–le signal 1 passe par le récepteur des cellules T,
capable de reconnaître certaines molécules
MHC et par conséquent de transmettre la spé-
cificité antigénique.
–le signal 2 est le signal dit de costimulation. Une
cellule T qui capte le signal 1 sans le signal 2 est
mise au repos (anergie), alors que la réception
combinée des signaux 1 et 2 active la cellule. Le
CD28 et le CD154 sont les molécules costimu-
latrices classiques des cellules T, mais des mo-
léculesd’adhésion, par ex. le LFA-1,peuventéga-
lement remplir une telle fonction.
–le signal 3 est transmis par des facteurs solu-
bles (cytokines) permettant l’activation com-
plète et la prolifération d’un clone spécifique
de cellules T. Le principal facteur soluble est
l’interleukine-2.
cours des années est possible de manière per-
sonnalisée, avec une amélioration correspon-
dante du profil de risque chez nombre de pa-
tients.
–le développement de nouveaux immunosup-
presseurs hautement spécifiques de certaines
lignéescellulaires[3]: si l’azathioprine et les cor-
ticostéroïdes agissent pratiquement sur toutes
les cellules du système immunitaire, le myco-
phénolate développe une activité spécifique
sur les lymphocytes, et la CNI sur les cellules
T. Cette spécificité ne doit cependant pas être
confondue avec une spécificité antigénique!
–le développement de protocoles thérapeuti-
ques visant à induire une tolérance immunolo-
gique [4]: l’établissement d’une tolérance spé-
cifique au donneur serait le but ultime visé, car
elle seule est spécifique de l’antigène et per-
mettraitde complètement abandonner l’immu-
nosuppression à vie. Dans le contexte clinique,
une seule étude est parvenue jusqu’ici à ce ré-
sultat avec l’induction simultanée d’un chimé-
risme mixte par une greffe de moelle osseuse
non myéloablative.
Le recours aux anticorps joue un rôle de plus en
plus important dans cette approche:
–le traitement d’induction par anticorps mono-
clonaux ou polyclonaux autorise une réduction
de l’immunosuppression à suivre et/ou rend
possible une transplantation d’organe chez des
patients à haut risque immunologique;
–les anticorps monoclonaux permettent un blo-
cage encore plus spécifique des cellules T (par
ex. belatacept pour le blocage de la costimu-
lation) ou encore la déplétion d’autres popu-
lations de cellules cibles (par ex. le rituximab
pour les cellules B);
–enfin les anticorps monoclonaux forment une
base solide dans pratiquement tous les proto-
coles de tolérance ayant fait leurs preuves dans
les modèles expérimentaux chez la souris et
jusque chez les primates.
Les domaines d’utilisation des anticorps
monoclonaux dans la greffe d’organe
Cet article se limite à traiter des anticorps mono-
clonaux testés chez des patients transplantés
dans le cadre d’études cliniques. En général, la
première utilisation d’un anticorps se fait dans le
cadre de protocoles pour la greffe de rein, dans
la mesure où il existe toujours la possibilité de
recourir à une méthode thérapeutique de rem-
placement efficace (dialyse), et que l’on peut par
conséquent accepter un risque légèrement plus
élevé, inhérent à l’introduction de nouvelles subs-
tances. Le tableau 1 pdonne un aperçu des an-
ticorps monoclonaux ayant passé cet obstacle. Ils
sont globalement utilisés dans trois types d’indi-
cations: d’abord dans le traitement d’induction
Figure 1
Schéma de l’activation des cellulesT.
L’activation des cellulesT nécessite 3 signaux, désignés
par des numéros: le signal 1 est spécifique de l’antigène et
est transmis par le récepteur spécifique des cellules T,
capable de reconnaître des molécules MHC chargées de
peptides; les signaux 2 et 3 n’ont pas de spécificité anti-
génique, le signal 2 étant déclenché par contacts cellulaires
directs et le signal 3 étant transmis par des facteurs solu-
bles.
APC =cellule présentatrice d’antigène,
MHC =major histocompatibility complex, pep =peptide,
NFAT =nuclear factor of activated T cells,
IL-2R =récepteur de l’interleukine-2,
TOR=target of rapamycin.
APC
T cell
NFAT Cell cycle
TOR
MHC/pep
1
2
3
TCR
CD3
CD28
CD80 CD40
CD154
IL-2
IL-2R
204-209 Fehr 352_f.qxp 29.2.2008 13:29 Uhr Seite 205
curriculum Forum Med Suisse 2008;8(11):204–209 206
tient au fait que la greffe de l’organe s’accom-
pagne forcément du transfert simultané d’un
certain nombre de leucocytes du donneur – les
passenger leukocytes –, qui peuvent parvenir
jusqu’aux organes lymphatiques secondaires et
activer directement les cellules T alloréactives du
receveur. Pour prévenir ce rejet, on recourt sou-
vent à une thérapie d’induction péri-transplan-
tation, dans certains centres dans le cadre de pro-
tocoles standards, dans d’autres uniquement dans
les cas de transplantations à haut risque immuno-
logique (par ex. greffes secondaires ou transplan-
tations chez un receveur sensibilisé). Aux Etats-
Unis, une induction a été mise en route en 2003
dans 70–80% des greffes de rein, de pancréas et
d’intestin grêle, dans 40–50% des greffes de cœur
et de poumon et dans 20% des greffes de foie [5].
En Europe, ces chiffres sont nettement plus bas.
Un anticorps murin, puissant et très efficace,
l’OKT3 (anti-CD3), qutait utilisé initialement, a
été remplacé entre-temps par une préparation
polyclonale nettement mieux tolérée, la globuline
anti-thymocytes (ATG). Aujourd’hui, ce traitement
n’est plus seulement utilisé dans la prévention du
rejet aigu, mais aussi dans le cadre du dévelop-
pement de protocoles de base destinés à réduire
Seulement deux anticorps monoclonaux non spé-
cifiques des cellules T sont utilisés dans la greffe
d’organes: le rituximab, un anticorps spécifique
des cellules B dirigé contre le CD20, et l’inflixi-
mab, qui fixe le facteur soluble TNF-aet qui n’a
été utilisé jusqu’ici que contre le rejet aigu résis-
tant à la corticothérapie dans la greffe d’intestin
grêle.
Le tableau 2 pdonne un aperçu des anticorps
utilisés en clinique, classés en fonction de leur
spécificité. Le chapitre suivant va commenter un
peu plus en détail les anticorps figurant en carac-
tères gras dans le tableau 1. Pour les autres, le
lecteur voudra bien consulter les références aux-
quelles renvoie ce même tableau.
Utilisation en pratique clinique
de certains anticorps lors de greffes
d’organes
Les anticorps monoclonaux dans le traitement
d’induction
Lors de la transplantation d’organes allogènes,
le risque de rejet aigu grave est maximal dans
la phase immédiatement postopératoire. Cela
Ta bleau 1. Aperçu des anticorps monoclonaux utilisés en clinique dans la transplantation d’organes.
Principe Molécule Expression Anticorps Action Champ Réf.
d’utilisation cible cellulaired’applications
Nom Nom Isotype Provenance Déplétion
générique commercial
Traitement CD25 Cellules TDaclizumab Zenapax®IgG1Humanisé Non Rein, foie, cœur, pou- [11]
d’induction activées mon, cellules des îlots
Basiliximab Simulect®IgG1Chimérique Non Rein, foie, cœur,
poumon
CD52 CellulesT, Alemtuzumab MabCampath®IgG1Humanisé Oui Rein, foie, cœur,[8]
cellules B, poumon , pancréas
monocytes,
cellules NK,
granulocytes
CD4 Cellules T helper OKT4 Orthomune®IgG2b Souris Non Rein (stop phase I) [12]
ICAM-1 Endothéliums Enlimomab –IgG2a Souris Non Rein (stop phase I) [13]
LFA1aCellules TOdulimomab –IgG1Souris Non Rein (stop phase I/II) [14]
Efalizumab Raptiva®IgG2a Humanisé Non Rein (phase I/II) [15]
Traitement CD80/86 Cellules Belatacept –Proine de Chimérique Non Rein (phase III) [9]
d’entretien présentatrices (LEA29Y) fusion: CTLA4
mutéavec
huIgG1
CD154 Cellules THu5c8 –IgG2a Humanisé Non Rein (stop phase I) [16]
(CD40L) activées
Traitement CD3 CellulesTMuronomab Orthoclone IgG2a Souris Oui Rejet cellulaire [17–20]
du rejet (OKT3) OKT3®résistant aux
stéroïdes: rein, foie,
cœur, poumon
CD20 Cellules BRituximab MabThera®IgG1Chimérique Oui Rejet humoral: [21, 22]
cœur, rein
TCRab Cellules TT10B9.1A –IgM Souris Oui Rejet résistant au [23]
OKT3: rein (phase II)
TNFaFacteur Infliximab Remicade®IgG1Chimérique NA Rejet résistant au [24]
soluble OKT3: intestin
204-209 Fehr 352_f.qxp 29.2.2008 13:29 Uhr Seite 206
curriculum Forum Med Suisse 2008;8(11):204–209 207
plantation de poumon semble revêtir un certain
intérêt, mais ces substances paraissent moins ef-
ficaces que l’ATG. Aucun bénéfice évident n’a en
revanche pu être mis en évidence lors de trans-
plantations cardiaques,et l’expérience est encore
extrêmement mince dans la greffe de foie, car le
nombre de patients sous induction est très faible.
L’alemtuzumab est un autre anticorps monoclo-
nal utilisé de préférence dans le cadre du traite-
ment d’induction. Il est dirigé contre la molécule
CD52 une glycoprotéine exprimée non seulement
sur les cellules T, mais aussi sur les cellules B, les
monocytes, les macrophages et les granulocytes,
et dont la fonction n’est pas clairement établie.
Contrairement aux anticorps anti-CD25, l’alem-
tuzumab entraîne une déplétion massive durant
plusieurs mois des cellules T du sang périphé-
rique [8]. R. Calne a été le premier à publier son
expérience dans la greffe rénale chez 31 patients
traités par alemtuzumab et cyclosporine faible-
ment dosée avec un excellent résultat sur le plan
de l’évolution (seulement six rejets, tous sensibles
aux corticostéroïdes; fonction rénale normale
chez 29/31 patients 21 mois après la greffe). Cet
état a été qualifié par Calne de «prope tolerance»,
car l’immunosuppression a pu être réduite à un
minimum, soit à une monothérapie de cyclos-
porine. Ces résultats qui laissaient espérer que
l’alemtuzumab allait pouvoir entraînerune tolé-
rance immunologique, seul ou en association avec
la désoxyspergualine, n’ont malheureusement pas
été confirmés. S. Knechtle a par la suite publié les
résultats d’une série rétrospective comportant
plus de 1200 transplantés rénaux traités selon
un schéma standard basé sur la cyclosporine. Le
traitement d’induction par alemtuzumab y était
comparé aux anticorps anti-récepteur de l’inter-
leukine-2, à l’ATG et à l’absence d’induction. Dans
cette étude, le taux des rejets a été le plus faible
sous alemtuzumab, et ce sont les patients dont la
fonction rénale a repris le plus tardivement qui
en ont le plus profité. Compte tenu de ces bons
la corticothérapie ou à épargner les inhibiteurs de
la calcineurine pour minimiser les effets indési-
rables de ces médicaments.
Deux anticorps monoclonaux dirigés contre la
chaîne adu CD25, un récepteur de l’interleu-
kine-2 à forte affinité, sont arrivés sur le marché
dans les années 90. L’expression de ce récepteur
est particulièrement élevée à la surface des cellu-
les T activées. Le daclizumab, un anticorps entière-
ment humanisé, et le basiliximab, un anticorps chi-
mérique, ont été les premiers anticorps monoclo-
naux humanisés utilisés dans la transplantation
d’organes. Si ces substances sont inefficaces dans
le traitement du rejet résistant à la corticothéra-
pie, ils se sont par contre solidement établis dans
le traitement d’induction. Deux grandes méta-
analyses de la greffe de rein, dont l’une a été pu-
bliée par le Cochrane Renal Group, ont mis en évi-
dence une réduction consistante et significative
des rejets aigus durant la première année, mais
aucune différence en ce qui concerne l’incidence
des pertes de greffons, des infections (en particu-
lier par le CMV) et des tumeurs malignes, par rap-
port au traitement standard sans induction [6].
De plus, leur efficacité était comparable à l’anti-
corps polyclonal ATG. Ce dernier, comme d’ail-
leurs l’OKT3, augmente cependant le risque de
lymphomes post-transplantation. Dans une étude
parue récemment, le basiliximab a été comparé
à l’ATG faiblement dosée (5 doses aux jours 0–4):
l’incidence de rejet aigu a été plus faible dans le
groupe ATG, mais cela au prix d’une augmen-
tation significative du taux d’infections [7]. La
question de savoir quel médicament entraîne une
induction optimale dans chaque cas pris indivi-
duellement lors d’une greffe de rein reste ainsi
ouverte. Toutefois, les anticorps du récepteur de
l’interleukine-2 ont ici clairement leur place, sur-
tout en raison de leur très bonne tolérance. Dans
la transplantation d’autres organes, la situation
est moins claire: l’induction avec les anticorps
du récepteur de l’interleukine-2 dans la trans-
Ta bleau 2. Spécificité des anticorps monoclonaux utilisés en clinique dans la transplantation d’organes.
Cellules cibles Blocage Cible Exemples
CellulesTSignal 1 cepteur des cellules T Anti-CD3 (OKT3), anti-TCRab (T10B9.1A)
(toutes les cellules T)
CD4 (uniquement les cellules helper) Anti-CD4 (OKT4)
Signal 2 CD28-CD80/86 pathway CTLA4-Ig (belatacept)
(costimulation classique)
CD154-CD40 pathway Anti-CD154 (Hu5c8)
(costimulation classique)
ICAM1-LFA1 pathway (adhésion) Anti-ICAM1 (enlimomab)
Anti-LFA1 (odulimomab, efalizumab)
Signal 3 CD25 Anti-CD25 (basiliximab, daclizumab)
(chaîne adu récepteur de l’interleukine-2)
(Déplétion) CD52 (fonction inconnue) Anti-CD52 (alemtuzumab)
Cellules B CD20 Anti-CD20 (rituximab)
Facteurs solubles TNF-aAnti-TNF-a(infliximab)
204-209 Fehr 352_f.qxp 29.2.2008 13:29 Uhr Seite 207
curriculum Forum Med Suisse 2008;8(11):204–209 208
cliniques de phase III, qui examinent notamment
un avantage éventuel par rapport au régime thé-
rapeutique basé sur un inhibiteur de la calcineu-
rine dans la greffe de reins marginaux.
Les anticorps monoclonaux dans le traitement
des rejets
L’anticorps monoclonal murin OKT3 (muronomab)
a été le premier anticorps monoclonal à trouver
une application dans la médecine des transplan-
tations. Il est très efficace dans le traitement pri-
maire de la réaction cellulaire du rejet aigu après
greffe de rein et dans le traitement d’induction
lors de greffe rénale, de greffe du foie et de trans-
plantation cardiaque, mais il a aussi de nombreux
effets indésirables graves, tels que le «systemic
inflammatory response syndrome» (SIRS), les
infections par des germes opportunistes et le dé-
veloppement de tumeurs malignes (surtout des
lymphomes post-transplantation). C’est la raison
pour laquelle l’OKT3 n’est plus du tout utilisé
aujourd’hui dans le traitement d’induction. Les
anticorps anti-récepteur de l’interleukine-2 sont
en effet très efficaces et présentent des taux d’ef-
fets indésirables nettement plus faibles. L’OKT3
est actuellement encore utilisé principalement
dans le traitement des rejets sévères résistant
aux corticostéroïdes, lorsque l’ATG a également
échoué, ou en cas de contre-indication pour d’au-
tres raisons (par ex. allergie). Concernant l’effica-
cité du traitement en cas de rejet de la greffe rénale
résistant à la corticothérapie, l’OKT3 et l’ATG se
valent plus ou moins. L’OKT3 peut également être
utilisé dans la même indication, que ce soit après
transplantation cardiaque, pulmonaire ou hépa-
tique.
Après sa première description par P. Halloran, le
rejet humoral associé à certains anticorps HLA,
en plus du rejet cellulaire, est devenu un sujet d’in-
térêt primordial en immunologie de la transplan-
tation durant ces quinze dernières années. De
nouvelles méthodes diagnostiques de cette entité
ont de plus été développées: mise en évidence des
dépôts de C4d dans le matériel de biopsie par im-
munofluorescence et immunohistochimie; nou-
velles techniques très sensibles pour la recherche
d’anticorps spécifiques du donneur (FACS cross-
match et technologie Luminex). La classification
de Banff du rejet aigu des greffons rénaux a été
adaptée en conséquence. Les anticorps sont pro-
duits par des plasmocytes qui constituent la der-
nière étape de la cascade du développement des
lymphocytes B. Avec l’anticorps monoclonal ritu-
ximab,qui reconnaît le CD20, on dispose actuelle-
ment d’une alternative pour la déplétion des cel-
lules B – analogue au OKT3 du côté des cellules
T. Le CD20 est exprimé à la surface des cellules B
dans la plupart de leurs stades de développement,
sauf à leurs stades tout àfait initiaux et à l’ex-
ception des plasmocytes. Le rituximab a d’abord
été admis en pratique clinique dans le traitement
des lymphomes à cellules B. Sa première utilisa-
résultats, l’alemtuzumab a été par la suite égale-
ment utilisé dans les greffes de poumon et du foie.
Dans la greffe de poumon, on a pu démontrer la
supériorité de l’alemtuzumab versus ATG en com-
binaison avec une immunosuppression standard
(taux de rejet inférieur et meilleure survie du gref-
fon). Dans deux grandes études sur la greffe du
foie, on a trouvé un taux de rejet plus bas lorsque
l’alemtuzumab, combiné à une immunosuppres-
sion réduite constituée de tacrolimus et d’une cor-
ticothérapie, était comparé à une immunosup-
pression standard, mais cela uniquement dans
les cas HCV négatifs. Malgré ces bons résultats,
de nombreux centres hésitent encore à appliquer
systématiquement l’alemtuzumab par crainte
d’infections graves suite à la déplétion de longue
durée des cellules T. Un travail paru récemment,
consacré à l’analyse systématique des infections
chez plus de 500 patients sous alemtuzumab, n’a
cependant pas confirmé le bien-fondé de ces
craintes. En Suisse, l’alemtuzumab est, pour l’ins-
tant, admis dans le traitement des lymphomes
mais pas dans le traitement d’induction lors de
transplantations.
Les anticorps monoclonaux dans le traitement
d’entretien
L’utilisation des anticorps monoclonaux dans le
traitement immunosuppresseur d’entretien est
difficile, car ils doivent être administrés par des
perfusions intraveineuses régulières. Une subs-
tance a cependant été testée dans cette indication
dans le cadre d’essais cliniques de phase III lors
de greffe rénale. Il s’agit du belatacept, qui n’est
pas un anticorps monoclonal dans le sens clas-
sique du terme, mais une protéine de fusion com-
prenant une variante mutante de la molécule de
costimulation CTLA4 et un fragment Fc d’IgG1
humaine, appelé CTLA4-Ig. Lié au CD80/CD86,
le belatacept est capable de bloquer le signal 2
d’activation des cellules T émis par les cellules pré-
sentatrices d’antigène (fig. 1). R. Schwartz a mon-
tré en 1990 que le blocage de la costimulation des
cellules T entraîne une inhibition antigénique spé-
cifique des cellules T, autrement dit une anergie.
Après plus de quinze ans de recherches chez les
rongeurs et les primates, le belatacept est le pre-
mier agent bloquant classique de costimulation
utilisé avec succès dans la pratique clinique de la
transplantation. Une étude de phase II portant
sur la greffe rénale a comparé le belatacept en
combinaison avec le mycophénolate et les corti-
costéroïdes au traitement standard cyclosporine,
mycophénolate plus corticostéroïdes. Il n’y avait
aucune différence entre les deux groupes en ter-
mes de survie des patients et/ou des greffons, ni
d’incidence des rejets aigus. En revanche, la fonc-
tion rénale était meilleure à un an, et l’importance
de la néphropathie chronique de l’allogreffe, prou-
vée par biopsie, était significativement moindre
dans le groupe belatacept [9]. Cette molécule pro-
metteuse est actuellement testée dans des essais
204-209 Fehr 352_f.qxp 29.2.2008 13:29 Uhr Seite 208
1 / 6 100%

Les rôle des anticorps monoclonaux dans la transplantation d

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !