le groupe de brauer-grothendieck en géométrie diophantienne

Actes, Congrès
intern,
math., 1970. Tome 1, p. 401 à 411.
LE GROUPE DE BRAUER-GROTHENDIECK
EN GÉOMÉTRIE DIOPHANTIENNE
par Y. I. MANIN
Introduction.
Soit k un corps,
[k:
Q] < cq,
"T
une classe de variétés algébriques sur k. Soit
VE
"V
et soit
kv
un complété de k.
La première condition nécessaire pour l'existence d'un
/c-point
sur V est que, pour
tout v,
V(kv)
ne soit pas vide. Si pour tout
VE"T
cette condition est suffisante, on dit
que le principe de
Hasse
est vérifié par
"T.
Si
"T
est la classe des espaces homogènes principaux sur une variété abélienne
V0,
Cassels [1] et Tate ont donné une obstruction au principe de Hasse et cette obstruction
est effectivement calculable. Plus précisément, soit
VE'V
et soit
bEH1(G,
V0(k))
la
classe de cohomologie correspondante, où G =
Gai
(k/k).
Si tous les
V(kv)
sont non
vides,
b appartient au groupe de Chafarevitch-Tate
LU(l/o)-
Soit
V0
la variété abélienne
duale de
V0
et soit
LU(Fo) x LLl(^o) ~*
Q/Z
l'accouplement
canonique de
Cassels-Tate.
Pour que V(k) soit non vide, il faut que la classe b de V appartienne au noyau (à gauche)
de cet accouplement.
Le premier but de cet exposé est de démontrer que l'utilisation du groupe de Brauer-
Grothendieck
Br(F)
de la variété V permet de construire une obstruction parfaitement
générale au principe de Hasse. En calculant cette obstruction pour différentes classes
'f9
nous obtenons tout d'abord une démonstration simple et unifiée d'une série de résultats
déjà connus. On obtient ainsi :
a) La forme de Cassels-Tate et la « suite duale » de Cassels [1, 2].
b) Le théorème de Voskresensky sur le groupe
m
pour les tores [14].
c) Les contre-exemples de Swinnerton-Dyer [12], de Mordell [9] et de Cassels et
de Guy [3] au principe de Hasse pour certaines surfaces cubiques.
La construction de l'obstruction est liée à l'existence d'un accouplement général
Br(F)
x Z(V)
-
Br(fe),
où Z(V) est le groupe des cycles de dimension zéro sur V.
En appliquant cet accouplement lorsque V(k) est non vide, on peut obtenir des résultats
qui vont plus loin :
d) Des minorations pour le « rang » de la surface cubique V (nombre de points
de V(k) à partir desquels on peut construire tous les autres par la méthode « des sécantes
et des tangentes »
;
voir [7]).
e) Un certain accouplement de
Br(F)
et du noyau d'Albanese dans le groupe de
Chow de dimension zéro, cet accouplement étant à valeurs dans Br(/c). Comme l'a
démontré récemment Mumford [10], le deuxième groupe est de dimension infinie si
402 Y. I. MANIN
B4
k =
C9
dim V= 2 et
pg(V)
> 0. L'étude de ce groupe par voie arithmétique peut
présenter un intérêt.
Construction de l'obstruction.
Soit V une variété sur k et soit
Br(K)
son groupe de Brauer-Grothendieck (voir
Grothendieck [5]). A tout élément
aeBr(7)
et à tout point géométrique
XEV(K\
K
=>
k9
est attachée une spécialisation a(x)
G
Br(X).
(Si a est la classe d'une algèbre
d'Azumaya A sur
V9
a(x) est la classe de la fibre géométrique A(x)).
Supposons que k soit un corps de nombres et que
V(kv)
soit non vide pour tout v.
Soit V(A) l'espace des
k-adèles
de V.
Fixons un sous-groupe B de
Br(7).
DéFINITION.
a)
Les adèles
(xv)9
(yv)
e V(A) sont
B-équivalents
si
VaEB,
Vu,
a(xv) = a(yv)
E
Br(k0).
b) On désignera par E
Vespace
quotient de V(A) par la relation de
B-équivalence.
c) Soit X
e
E
;
on définit un caractère
ix
:
B
-
Q/Z
par la formule
ix(à)
=
Z inv«(û(x J)>
V
où
(xv) adèle
quelconque de la classe X et où
inv
:
Br(fey) <+
Q/Z
est le plongement
classique (c'est un isomorphisme si v n'est pas archimédienne).
1. THéORèME DE L'OBSTRUCTION: V(k)
c
\J
X
c
V(A).
ix=0
La démonstration est triviale
:
si l'adèle
(xv)
e X est un adèle principal et correspond
au point x
G
V(k), alors a(x) appartient à
Br(fc)
pour tout a
E
B et, par conséquent,
Z inv„a(x)
= 0.
V
Si l'on choisit convenablement V et B, il se peut que
ix
#
0 pour tout X
:
alors V(k)
est vide, bien que V(A) soit non vide.
Avant de passer aux exemples, donnons quelques propriétés du groupe de Brauer-
Grothendieck
Br(F).
Les fc-morphismes canoniques V
->
k et k
->
V induisent des homomorphis-
mes Br(fe) -> Bv(V)
et
Bv(V) -> Br(F(g)
fe).
Désignons par
Br0(7)
l'image du premier
homomorphisme et par
Br^K)
le noyau du deuxième.
La filtration
Br0(7) a Bv^V)
œ
Br2(V)
=
Br(F)
joue un rôle essentiel dans l'étude du groupe de Brauer. Il est évident que, quels que
soient B et
X,
on a B
n Br0(F) c
Ker
ix.
Ici,
seuls les sous-groupes B contenus dans
BT^V)
nous intéressent. C'est pourquoi il faut savoir calculer
Br1(K)/Br0(F).
Ce groupe
est décrit, dans une large mesure, par le résultat suivant, dans lequel on suppose que
V est une varité projective lisse :
LE GROUPE DE BRAUER-GROTHENDIECK EN GÉOMÉTRIE DIOPHANTIENNE 403
Soit
VQ
la variété d'Albanese de
V, V0
la variété duale et NS le groupe de
Nêron-
Severi.
2.
THéORèME. Si
H3(G,
k*)
= 0, on a une suite exacte
Pic
(V®
k)G
-+ NS(V®kf -+
H\G,
V0(k))
A Br^VyB^V)
*>
H\G,
NS(V®
k)) -+
H2(G,
V0(k)).
Cas
particuliers
a)
Si
H1
(G,
NS(V®
k))
=
0
(par exemple, si V est une courbe, ou, plus généralement,
si NS(V® k) est libre et
G
opère dessus de façon
triviaje),
il existe un épimorphisme à
noyau fini
Hl(G,
V0(k))
A Br1(F)/Br0(F) -
0.
b) Si
K0
= {
0},
alors
Br^/B^V) s
H\G,
1S[S(V®
k)).
Pour la démonstration, nous aurons besoin de deux lemmes.
3.
LEMME.
Br1(F)/Br0(F) s
H\G,
Pic(V®k).
Démonstration.
Soit
k(Ç)
le corps des fonctions rationnelles sur k. De la lissité
de V, on déduit facilement, par passage à la
fibre
générique, la suite exacte (cf. Grothen-
dieck [5], II) 0
-> Br,(V) -+
H2(G,k(Ç)*)
-
H2(G,
Div(V®k)).
On peut l'inclure dans le diagramme commutatif:
Br(/c) ^
Br(k)
1 i_
0
-» BTiiV) ->
H2(G,
fc(ö*)
->
H2(G,
Div (K® fc))
i
i1
0
-
iî^G,
Pic (F® k)) -+
H2(G,
k(Ç)*/k*) -+
H2(G,
Div
(f
® A:))
i
H3(G,
/c*) = 0
La ligne du bas de ce diagramme provient de la suite exacte de
G-modules
0
-
k(Ç)*/k*
-+ F)iv(V®k) -+ Pic(V®k) -+
0,
tandis que la colonne provient de la suite 0
-
k*
->
k(â)*
->
k(Ç)*fk*
-*•
0.
En utilisant la partie gauche de ce diagramme, on obtient facilement le résultat
cherché. (Ce raisonnement a été utilisé par Lichtenbaum [6] dans le cas où V est une
courbe et, par conséquent,
BT^V)
=
Bv(V)).
Remarque.
La condition
H3(G,
k*) = 0 peut être remplacée par la suivante
:
V(k)
est dense pour la topologie de Zariski.
4.
LEMME.
Pic°(V®k)
=
V0(k)
en tant que
G-modules.
Démonstration.
Pic0 est le groupe des classes des diviseurs qui sont algébriquement
équivalents à zéro. L'application canonique a
:
V x V
->
V0
induit un plongement
a*:
Pic°(F0) -> Pic°(Fx
V)\
404 Y. I. MANIN B4
en outre, l'application L
H> pfL
®
p%L~^
(où
pt'.
Vx
V
-> F
est la
ième
projection)
définit un plongement
ß*:
Pic°(F) -> Pic°(Fx
V).
On voit facilement que a* et
ß*
ont même image, formée des classes des faisceaux
inversibles sur V x V qui sont triviaux sur la diagonale. Ceci donne des isomorphismes
VQ(k)
-* Pic°(F0)
;
on a une construction analogue sur le corps
k.
DéMONSTRATION
DU
THéORèME
2. On l'obtient en considérant la suite exacte
de cohomologie associée à la suite de G-modules
0
-> Pic°(V®k) -+ Pic(V®k) ->
NS(V®k)
->
0
et en appliquant les lemmes 3 et 4.
Applications. Nous nous limiterons à deux exemples:
5. LA
SURFACE
DE
SWINNERTON-DYER
[12].
Cette surface
F
est donnée par l'équa-
tion homogène sur g :
T2(T0
+
T3)(TQ
+
2T3)
=
fi
(T0
+ fl»7i +
0(f)2T2)
(1)
i=l
où les
0(O
sont les trois racines du polynôme
O3
+ 7(0 +
l)2
= 0. On vérifie facilement
que
V(Qp)
et V(R) sont non vides. Soit K
=
Q(0).
C'est une extension cubique normale ;
K est birationnellement équivalente à P\. On a donc
Br(F)
=
Br^F)
et
VQ
= 0.
Il découle du théorème 2 que
Br1(F)/Br0(F) =
H1
(Gai
K/k9
Pic (F®
K))
^
Z3
x
Z3.
Étant donné que
G0
=
Gal(K/k)
est cyclique, il est commode d'identifier BT(V) au
sous-groupe de
Br(Q(Ç))
que voici :
Ker
[H2(G09
K«)*) -+
ff2(G0,
Div (F®
K))]
S Ker
[H°(G0f
X(0*) ->
H°(G0,
Div (7®
K))]
c:
/cfâVN^K^)*),
où
^
est un point générique de V.
Désignons par B le sous-groupe de
Bv^V)
engendré par les deux éléments de
k(Ç)*/NK/k(K(Ç)*)
représentés par les fonctions
,
T0
+
T3
,
_T0
+
2T3
Jl
~
rp
> J2
rp
J3 ^3
(Leurs diviseurs sont des normes, comme on le voit sur l'équation (1)
;
c'est pourquoi
les cocycles fonctionnels correspondants se décomposent dans la cohomologie à
coefficients dans Div
(V).
Un calcul facile montre que
Bv(V)
est engendré par
Br0(F)
et B).
Une étude locale élémentaire permet d'établir le fait suivant :
PROPOSITION.
a) Soit
XEV(R) OU
V(Qp)9
avec
p^l,
T3(T0
+
T3)(T0
+
2T3)(x)^0.
Alors
invv(fi(x))
=
invv(f2(x)) =
0.
b) Soit
XE
V(Q7).
Alors, ou bien
inv7(fl(x)) ^
0, ou bien
m\1(f2(x))
#
0.
LE
GROUPE
DE
BRAUER-GROTHENDIECK
EN
GéOMéTRIE
DIOPHANTIENNE 405
Le résultat relatif à
Q7
provient de ce que 7 est complètement ramifié dans K, et
fi(x) et /2W
doivent être des unités locales, tandis que
f2(x)
ft(x)
= 1. Mais les nor-
mes des unités locales sont congrues à ± 1 (mod. 7) et leur différence ne "peut donc
être égale à 1.
COROLLAIRE.
L'ensemble
V(Q) est vide.
En effet, il découle clairement de la proposition précédente que, pour tout adèle
(xv)
E
V(A), on a
£ invX/lM) ^ 0
ou
£ mvv(f2(x)) ï
0.
V V
On peut interpréter de la même façon les contre-exemples de Mordell [9] qui cons-
tituent plusieurs séries infinies.
L'exemple plus fin de Cassels et Guy [3] rentre aussi dans notre schéma général
mais non sans quelques difficultés. Pour les détails, voir [7].
VARIéTéS ABéLIENNES.
Soit V un espace homogène principal sur une variété abé-
lienne
V0
et soit
bEH1(G,
V0(k))
sa classe de cohomologie, où G =
Gai
(k/k).
Si tous
les
V(kv)
sont non vides, alors
bE
111(^0)-
Choisissons maintenant le sous-groupe B de
Br(7).
L'obstruction la plus écono-
mique est obtenue si l'ensemble E = V(A) mod B est composé d'une seule classe, autre-
ment dit si, pour tout a e B, la spécialisation
a(xv)
ne dépend pas du choix de
xv
dans
V(kv).
Pour cela, il suffit que a ®
k0
eBr0(F®
kv)
pour tout
v;
dans ce cas, l'obstruc-
tion est alors l'homomorphisme
i:
B
->
Q/Z défini par
i(a)
= £
inv„(fl(xy)).
V
En particulier, le théorème 2 montre qu'on peut prendre pour B le groupe suivant :
B^p-'ocpmVo)),
(2)
où p
;
Br(F) - Br(F)/Br0(F)
est
l'épimorphisme
canonique.
Dans ces conditions, on a
6.
THéORèME.
Soit
üEB,
p(a) =
cp(a'),
a'E
LU(K0),
et soit
bE [U(V0)
la classe de
l'espace V. On a alors i(a)
=
<:b,a'yEQ/Z,
< , > est la forme de Cassels-Tate
lil(F0)
x
LU(F0) ->
Q/Z.
La démonstration s'obtient par une simple comparaison de deux définitions (cf. la
proposition 8 c) ci-dessous, qui contient l'idée centrale des calculs).
Remarques.
a) Regardons ce que l'on obtient si on construit l'obstruction à l'aide d'un sous-
groupe plus grand que le groupe
(2).
Ceci a une raison d'être si l'obstruction précédente
est nulle, ou, autrement dit, si (classe
JOeL-K^t)),
avec
les
notations de Cassels [2].
Posons
alors
B'=
p-1
o
cp(H1(G,
V0(k)).
Il est évident que pour toute classe
X
E
V(A) mod B', nous avons B
E
Ker
ix,
où B est défini par (2). Chaque classe X
définit donc un caractère
i'x:
B'/B
=
H\G9
FoW)/UJ(?o) -
Q/Z
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