A RTE MAGAZINE n° 28 - 5 juillet > 11 juillet 2003 -5
la visite du Musée juif n’est pas une aimable
p romenade muséale mais un trajet aux
a l l u res d’épreuve, dont les jalons s’appellent
la tour de l’Holocauste, les jardins de l’Exil,
les Vides. Ces Vides sont des tours de béton,
totalement invisibles de l’extérieur, qui traver-
sent le bâtiment sur toute sa hauteur. Il en y
en a six, elles ne contiennent rien, on n’y
e n t re pas. Au cœur du musée, envahi par
une collection pléthorique qui évoque la
longue histoire de la présence juive en
Allemagne, elles incarnent la dern i è re figure
du judaïsme allemand, c’est-à-dire l’absen-
ce. Et le refus de toute nostalgie, de tout
c o m m e n t a i re. Jamais aucun bâtiment n’a
réussi à incarner à ce point la contradiction
e n t re ce qui doit absolument être dit et ce qui
ne peut jamais l’être .
Lire page suivante.
20.15 Architectures (1)
Le Musée juif de Berlin
Entre les lignes
Le bâtiment
c o n s t ruit à Berlin
de 1993 à 1998
par Daniel Libeskind
pose d’emblée une
question que
l ’ a rc h i t e c t u re n’a
pas l’habitude
d ’ a b o rd e r, celle de
ses pro p res limites.
C o m m e n t
l ’ a rc h i t e c t u re peut-
elle constru i re là où
tout a été détru i t ,
comment peut-elle
se confronter à
l ’ h i s t o i re, et surt o u t
à cette histoire-là ?
Architecte : Daniel Libeskind
Réalisation : Richard Copans et Stan Neumann
(France, 2003-27mn)
Image : Richard Copans
Montage : Stan Neumann, Juliette Garcias
Coproduction : ARTE France, Les Films d’Ici,
Direction de l’architecture et du patrimoine,
Le Centre Pompidou
ARTE FRANCE
Inédit
En partenariat avec
Comment l’arc h i t e c t u re peut-elle constru i re
là où tout a été détruit ? La réponse de Daniel
Libeskind avec le Musée juif, le premier bâti-
ment qu’il ait construit, est à la fois littérale et
secrète. Elle est littérale dans la forme exté-
r i e u r e du bâtiment, un “geste” expre s s i o n n i s-
te, un zigzag, une extraord i n a i re ligne brisée,
qui plie tout son volume d’un bout à l’autre
de la parcelle et qui incarne, pour l’arc h i t e c-
te, toute la violence, toutes les cassures de
l ’ h i s t o i re des juifs en Allemagne. Elle est
secrète car, derr i è re ce morceau de bravou-
re plastique, se cache un autre bâtiment, un
bâtiment fantôme sur lequel le visiteur ne
cesse de buter sans jamais pouvoir le com-
p re n d r e tout à fait, au long d’un parcours qui
joue sur le déséquilibre et une perte des
re p è res déstabilisante jusqu’au malaise. Car
C’est le projet
de Daniel Libeskind
qui a été choisi
pour remplacer
les tours disparues
du World Trade Center.
Il prévoit un ensemble
de bâtiments
à la géométrie austère
accompagné d’une
flèche de 541 m de haut.
Ce sera l’édifice le plus
élevé au monde.
Surnommé le Blitz (“l’éclair”)
par les Berlinois, le Musée juif
est aujourd’hui le bâtiment
le plus visité de la ville.
➤www.arte-tv.com