Neurobiologie du développement comportemental
La génétique permet-elle d'expliquer les différences inter-individuelles observées dans la
marge de variation normale des comportements ? La causalité lointaine du comportement sera
le point central du cours, et notamment sa modalité environnementale.
Introduction : historique et évolution des idées
1. Le préformationnisme
Il remonte à l'antiquité, à Hippocrate et Anaxagore.
L'embryon ne serait qu'un modèle réduit de ce que sera l'adulte.
Cette théorie a perduré jusqu'au XVIIIe siècle : Van Leeuwenhoeke (1632, 1723),
constructeur de microscopes, observait des spermatozoïdes et des ovules, et y retrouva bien
les chiens et chats miniatures qu'il s'attendait à y voir, comme tous les savants de son époque.
Wolff, un embryologiste français, fut le premier à montrer très clairement l'existence d'une
épigenèse dans le développement du système circulatoire. Il considère alors le changement
comme qualitatif, et non plus uniquement quantitatif. L'épigenèse est "un mécanisme qui ne
fait pas intervenir de modification du matériel génétique et ne s'exerce plus au niveau de la
cellule mais à celui, plus élevé, des ensembles de cellules nerveuses."
Rousseau et Pestalozzi ont permis la transition au niveau de la psychologie et des sciences de
l'éducation. Rousseau a accepté l'idée d'épigenèse du développement cognitif. Va s'engendre
un mouvement d'éducation précoce anti-préformationniste.
2. Le prédéterminisme
Francis GALTON, cousin de Darwin, a entièrement accepté la notion de prédéterminisme. Il
supposait que l'éducation serait un moyen inutile pour changer la personnalité d'un homme. Il
est le créateur de l'eugénisme.
BINET, HENRY, SIMON, ont élaboré les premiers tests de QI. On considérait que quelqu'un
qui avait un faible QI à l'âge scolaire, aurait toute sa vie un QI bas. Cette conception fictive a
marqué la psychométrie de l'époque.
FREUD : transition. Il a grandement contribué à la prise en compte de l'importance de
l'expérience précoce.
3. L'environnementalisme
Pour LOCKE, il n'existait pas d'idée innée. Au début du XXe siècle, les théories de
l'intelligence animale considéraient que tout apprentissage se réalisait sur un mode d'essais et
erreurs (THORNDIKE). Cette vision permit au moins de mettre en place un continuum entre
espèces.
Le behaviorisme américain, avec WATSON en tête, va formaliser les idées et travaux de T.
???? Ils vont condamner l'introspection en psychologie, ainsi que tout ce qui se rapprocherait
du mentalisme. Watson prétendait pouvoir apprendre à n'importe quel enfant à devenir
n'importe quel spécialiste (médecin, avocat, voleur) quels que soient ses penchants, tendances
ou racines.
Les année 40, 50 ont marqué un retour au prédéterminisme. GESELL, biologiste nobelisé, et
l'école développementale, ont soutenu qu'une structure était déterminée génétiquement...
4. L'interactionnisme
Le SNC peut être modifié par des traumatismes, des lésions, des expériences. Le SNC est
plastique.
Alors que pour le préformationnisme, le prédéterminisme et l'environnementalisme, seul un
facteur est considéré à chaque fois, l'interactionnisme prend en compte les deux facteurs,
environnement et constitution dans l'explication du développement.
SCHEMA...........
1. L'expérience auditive et gustative prénatale
1. 1 ) Chez l'homme
Le bébé nouveau-né montre une préférence pour la voix de sa mère (ainsi que pour son
battement de cœur, etc.).
a ) importance de l'expérience prénatale
Prématurés :
Jusque récemment, les prématurés étaient simplement placés en couveuse le temps de
"terminer" leur développement. On suppléait les conditions physiques nécessaires
(température, nourriture, etc.), mais on empêchait tout contact mère-enfant ; la dimension
relationnelle était ignorée. Il semble qu'ils présentaient des séquelles.
L'enfant prématuré (et le fœtus en général) a des besoins spécifiques en termes de stimulations
(sensorielles...).
Tératologie comportementale :
tératogène se dit d'un facteur, qui, par son action sur l'environnement (de l'embryon) produit
un développement anormal (monstruosité).
Les drogues peuvent être tératogènes (p.ex. les médicaments anti-épileptiques, l'alcool à haute
dose...)
b ) Expériences auditives post-natales
L'enfant accomplit déjà des apprentissages in utero.
Expérience de DE CASPER (in Science, 1984, 225).
De Casper a testé la préférence d'un bébé pour la voix de sa mère contre celle similaire d'une
autre femme. Par le type de succion qu'il effectuait, le bébé pouvait contrôler (choisir) la voix
qu'on lui présentait. Il est apparu, premièrement, que le bébé était capable de discriminer les
voix, et qu'il montrait une préférence pour la voix de sa mère. Il préférait aussi la voix de sa
mère avec son intonation habituelle, plutôt qu'avec une intonation différente.
Il a ensuite effectué avec SPENCE une expérience d'exposition prénatale sélective.
Il a demandé à des mères de lire une histoire à leur enfant, quand elles le sentaient éveillé, 2
fois par jour pendant les 6 dernières semaines (soit 67 fois en moyenne). Différents groupes
avaient différents types d'histoire ("the hat and the cat", "the dog and the frog" qui ne
différaient que par les mots des "héros", et "king, mice and cheese"...).
Par la mesure du réflexe de succion, il s'est avéré que les bébés montraient une préférence
d'une part pour l'histoire que leur avait lue leur mère (entre 2 personnes) et d'autre part pour
celle qu'ils avaient déjà entendue in utero (entre 2 histoire lues par la même personne).
1. 2 ) Chez l'oiseau
GOTLIEB a montré que des canards élevés en couveuse et privés de toute relation avec leur
mère étaient tout de même capables de reconnaître le cri maternel spécifique de leur espèce.
Il a postulé que cela résultait en fait d'un apprentissage, grâce aux petits bruits qu'ils
émettaient eux-mêmes, dans l'œuf. Il les a donc privés de l'usage de leur syrinx (organe du
chant chez les oiseaux). Il a observé qu'ils étaient muets à la naissance, qu'ils ne
reconnaissaient plus tous le cri maternel au même moment, et qu'ils le reconnaissaient plus
tard que les canards normaux.
VINCE a lui soumis des cailles à une exposition sensorielle sélective.
Les cailles "contrôlent" la synchronisation de leur éclosion par le même type de cliquetis que
les canards utilisent. Ceci s'explique ('cause ultime') par le fait que leur mère les déplace dès
leur éclosion pour les protéger, et qu'il semble préférable d'éviter de les quitter trop souvent.
Il a séparés les œufs en 2 couveuses, l'une où ils se touchaient, et l'autre où il étaient dispersés.
L'éclosion était synchrone pour 9/10e des œufs regroupés, contre seulement 1/10e pour les
œufs dispersés. Il a aussi trouvé qu'il était possible d'avancer l'éclosion par ce principe (la
retarder est plus difficile).
GUYOMARC'H a étudié l'effet du chant de la mère poule sur sa descendance in ovo. Il a
constitué 3 groupes d'œufs isolés :
soumis au chant d'une poule A
soumis au chant d'une poule B
privés de stimulation
Il a ensuite laissé les poussins choisir (par poursuite, cf. empreinte) entre 2 hauts parleurs, l'un
avec le chant de la poule A, l'autre celui de la poule B.
Chacun présentait une préférence pour le chant qu'il avait entendu in ovo, et ceux qui n'avait
rien entendu se dirigeaient au hasard vers l'un ou l'autre.
1. 3 ) Chez le rat
SOTHERMAN a utilisé le paradigme de conditionnement classique (opérant) pour étudier
l'apprentissage. Il a provoqué chez des embryons de rats une aversion gustative
conditionnée en injectant dans le liquide amniotique d'une rate un mélange de chlorure de
lithium et de jus de pomme, deux jours avant la mise bas.
Quand il avaient 16 jours, il a badigeonné le téton préféré de certains rats (chaque rat a un
téton préféré vers lequel il va généralement) avec du jus de pomme. Les rats changeaient
immédiatement de téton.
Le rat in utero est donc aussi capable d'opérer un apprentissage classique aversif.
BLASS & PETERSON ont étudié la mise place de préférence chez le rat.
Le raton est encore aveugle à la naissance, mais est tout de même capable de reconnaître sa
mère, grâce aux odeurs. S'il est incapable de sentir l'odeur de sa mère, le raton meurt
rapidement.
Si les mamelles de la mère sont lavées au détergent, il n'est plus capable de les reconnaître. Si
on les badigeonne ensuite de liquide amniotique, il les reconnaît à nouveau ; cela est dû au fait
que la mère se lèche généralement les mamelles après avoir léché son raton. Il semble que ce
soit une phéromone (le bisulfite de méthyle) qui soit impliquée ici.
Les fœtus de mammifères, y-compris humains, avalent du liquide amniotique.
Blass & Peterson ont aussi masqué l'odeur naturelle du liquide amniotique par injection de
citrol dans le sac amniotique avant la naissance.
A la naissance, les ratons se dirigeaient vers les mamelons citronnés, et préféraient une autre
mère si celle-ci était citronnée.
Il a aussi été montré que les rats vont nouer des affinités électives avec les rates au vagin
citronné.
2. L'expérience immédiatement post-natale
2. 1 ) Développement du chant chez l'oiseau
Peter MARLER, un éthologue, a travaillé sur les bruant à gorge blanche, qui est un oiseau
chantant présentant des dialectes en fonction des régions (de Berkeley à San Fransisco).
L'étude du chant des oiseaux est facilitée par le sonogramme, qui permet de représenter les
concentrations d'énergie émises en fonction des différentes fréquences.
Il semble que ce chant résulte d'un apprentissage puisqu'il diffère d'une région à l'autre. Des
études ont donc été faites, plaçant des oiseaux dans des boîtes d'isolation acoustique. Le chant
des sujets qui en sortaient était très pauvre et mal reconnaissable. De plus, il y a une période
critique précoce, aux alentours de 4 ou 5 mois. Si la privation a lieu après cette période, les
animaux ont déjà eu la possibilité d'apprendre le dialecte du père.
On a ensuite enregistré des chants de différentes régions, et placé les oiseaux en condition
d'exposition sensorielle sélective à un autre dialecte.
Après la période critique, l'oiseau reproduit le chant du dialecte entendu.
Il existe beaucoup d'oiseaux qui apprennent également les chants de leurs pairs. Ils ne copient
cependant pas les modèles sonores d'autres espèces, même s'ils ont le matériel nécessaire.
Etudes de Fernando NOTTEBOHM sur le canari.
Il a révolutionné la façon de voir la neurogenèse.
Le canari chante avec une moitié du syrinx. La connexion au cerveau est ipsilatérale, via
l'hypoglosse. (cf. Cerveau... p. 348)
1) Hyperstriatum ventro-caudal (HVC)
2) Robustus archistrialis (RA)
3) Noyau de la 12e paire de nerfs crâniens
4) syrinx.
Le canari mâle a une dominance hémisphérique gauche pour le chant.
Les canaris subissant une lésion de l'hémisphère gauche (HVC ou RA) présentent une
déstructuration totale du chant. Alors qu'un lésion à droite ne provoque presque pas de
changement du chant.
Rapport entre la dominance hémisphérique et la plasticité :
Un canari avec une lésion à G récupère 7 à 8 mois plus tard. C'est une récupération qui se fait
par réorganisation fonctionnelle de l'HC droit.
Cela pose la question de la raison pour laquelle l'HCd peut faire office de roue de secours.
Aussi, pourquoi y a-t-il récupération fonctionnelle chez le canari mâle adulte, alors qu'un
homme adulte aphasique aura un pronostic plutôt négatif (à partir de 7 ans).
Différents facteurs entrent en jeu :
a) L'âge du canari :
a. L'évolution de l'expression comportementale, au cours du développement. 1
mois après l'éclosion, le chant est fruste ; 2 à 3 semaines plus tard, son chant
ressemble à celui d'un adulte ; à 8 ou 9 mois, son chant est stabilisé.
b. L'évolution du cerveau. A 1 mois, le HVC a une taille correspondant à 1/8 de
sa taille à l'âge adulte.
b) le sexe :
Les femmes ne chantent pas : leurs noyaux HVC et RA sont plusieurs fois plus petits
que ceux des mâles.
On a donc administré de la testostérone à des femelles canari : elles se mettent à
chanter, mais leur chant reste plus pauvre que celui des mâles. Leur HVC et RA ont
augmenté de taille.
c) le talent :
Certains canaris chantent plus tôt et mieux. Analogie de la bibliothèque, où les rayons
sont les noyaux HVC et RA, et où les ouvrages constituent le répertoire. Nottebohm
considère que l'on peut avoir un rayonnage important sans ouvrage, mais que l'inverse
n'est pas possible.
d) la saison :
Il y a une relation claire entre la taille de HVC et RA et la saison. Leur taille est
importante au printemps, et 2 à 3 fois plus petits à l'automne. Les canaris développent
à chaque printemps un nouveau répertoire.
Ces fluctuations structurales (âge, taille, sexe...) sont liées à la mise en place de nouveaux
neurones avec de nouvelles connexions synaptiques entre automne et printemps.
Dans l'HVC des mâles, on compte 41 000 neurones au printemps, et 25 000 en automne.
Chez les femelles, il y en a 15 000 au printemps comme à l'automne.
Il est possible qu'il y ait une relation entre hormones et plasticité neuronale. Ainsi, on a vu que
l'injection de testostérone induisait l'apprentissage du chant chez les femelles...
Ce cycle de disparition peut apparaître comme un "rajeunissement" neuronal. Une hypothèse
forte, et osée, serait celle de voir une relation de causalité entre ce "rajeunissement" et
l'apprentissage du chant.
Quoiqu'il en soit, ces recherches sont intéressantes dans le cadre de l'étude des fondements
biologiques de la mémoire. En effet, on peut par ex. s'intéresser à la capacité de l'oiseau
aphasique de récupérer, contrairement à l'homme. Il n'est p-ê pas utopique de tenter de mimer
le traitement hormonal pour un rajeunissement similaire chez l'homme. (hypothèse sauvage...)
2. 2 ) La perception catégorielle chez l'homme
La perception catégorielle est le phénomène de perception qui consiste à percevoir des
discontinuités abruptes dans une série physique variant de manière continue.
La perception catégorielle des stimuli acoustiques est fortement influencée par l'expérience
linguistique. On peut penser aux nombreux vocables des esquimaux pour évoquer la neige, ou
au nombre de couleurs perçues dans l'arc-en-ciel (7 dans la culture occidentale, ??? en
Amérique du Sud).
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