Les échanges transfrontières : l`influence asymétrique du

Les échanges transfrontières : l’influence
asymétrique du Nigeria sur le Niger dans le
commerce des produits céréaliers
Hassan Maman ABDO
Université Abdou Moumouni, Niamey
Communication au Colloque :
« Intégration des marchés et sécurité alimentaire dans les pays en développement »,
3 – 4 novembre 2008, CERDI – Université d’Auvergne, Clermont-Fd, France
C N R S
U N I V E R S I T E D A U V E R G N E F A C U L T E D E S S C I E N C E S E C O N O M I Q U E S E T D E G E S T I O N
CENTRE DETUDES
ET DE RECHERCHES
SUR LE DEVELOPPEMENT
INTERNATIONAL
CERDI
65, boulevard François Mitterrand
63000 Clermont-Ferrand – France
http://cerdi.org/Colloque/IMSA2008
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Les échanges transfrontières : l’influence asymétrique du Nigeria
sur le Niger dans le commerce des produits céréaliers.
Résumé
Cet article analyse de façon approfondie le phénomène de domination asymétrique qui caractérise les relations
commerciales séculaires entre le Niger et le Nigeria particulièrement dans le domaine des échanges transfrontières
des produits céréaliers. Cette étude s’est penchée sur un examen minutieux des fondements à la fois historiques et
théoriques de l’influence unilatérale de l’économie nigériane sur celle du Niger à partir du mode de fonctionnement
du commerce transfrontière ainsi que des stratégies et des comportements des commerçants animateurs des réseaux
de commerce transétatique. Les effets de cette dominance ont été analysés au travers de la structure économique et
de l’intégration des marchés des produits céréaliers. Le test économétrique effectué à cet effet a permis de déterminer
empiriquement les différentiels spatiaux de prix des produits céréaliers qui indiquent l’orientation du commerce
transfrontière. L’influence asymétrique des prix des produits céréaliers du marché de Kano sur les marchés locaux
nigériens notamment Zinder, Maradi et Niamey confirme bien la position de dominance de l’économie nigériane sur
celle du Niger. En définitive, l’intérêt de cette étude est d’éclairer les opérateurs économiques et les décideurs
nigériens sur certains aspects fondamentaux de l’influence asymétrique du Nigeria sur le Niger. Ainsi, les pouvoirs
politiques peuvent-ils élargir leurs marges de manœuvres en se forgeant autant d’instruments de politique
économique que d’objectifs retenus permettant d’infléchir en leur faveur cette dominance.
Mots clés : Niger, Nigeria, échanges transfrontières, commerce parallèle, réseaux de commerçants, influence
asymétrique, domination, prix, structure du marché, commerce des produits céréaliers.
Monsieur ABDO Hassan Maman
Maître-assistant
Ancien Doyen de la Faculté des Sciences Economiques et Juridiques
Secrétaire Général de l’Université Abdou Moumouni de Niamey
B.P 10.896/12 442
Tél. (00227) 20 31 57 15
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Introduction
Dans tous les plans et programmes de développement initiés et exécutés par les responsables de
politique économique du Niger depuis les années 1960, un accent particulier est toujours mis sur
la modernisation, l'assainissement et la dynamisation des échanges avec le Nigeria en vue de
tirer meilleure partie de ce vaste marché. Les échanges commerciaux portant sur une gamme
étendue et diversifiée de produits constituent en fait l’élément central des liens économiques entre
ces deux Etats voisins de la proximié. L’importance relative des flux et leur grande diversité font
du Nigeria le premier partenaire commercial du Niger en Afrique.
Comme l’économie nigérienne est price taker, la stratégie adoptée par les pouvoirs publics a
consisté bien souvent à chercher à maintenir les flux commerciaux traditionnels, à diversifier
l’offre d’exportation et à moderniser le commerce transfrontière afin d’assurer un
approvisionnement régulier du pays en biens incompressibles d’équipement et de première
nécessité dans des conditions satisfaisantes de coûts.
L’enjeu du commerce avec le Nigeria est grand. Car, ce type de relations à effet de dominance
asymétrique est en mesure de favoriser ou contrarier la réalisation des objectifs de développement
de l’économie nigérienne. La spécificité du Nigeria constituée par sa proximité, l’intensité des
échanges commerciaux et l’ambivalence de leurs effets dans les deux pays suscite beaucoup
d’interrogations. Ces préoccupations majeures des responsables de politiques économiques
trouvent leurs expressions achevées dans la volonté toujours renouvelée de parvenir à mettre en
place des mécanismes fiables, flexibles et adaptés en vue de créer les conditions idoines de nature
à conquérir durablement le marché nigérian, de profiter au maximum des opportunités offertes
par le Nigeria et partant d’élargir les marges de manoeuvres des autorités nigériennes en matière
de politique commerciale notamment des produits céréaliers dans un contexte d’informalisation
des pans entiers des secteurs économiques fortement dépendants de la dynamique de l’économie
nigériane.
Ces préoccupations auxquelles cette flexion tente d’apporter des éléments de réponses sous-
tendent en réalitoute la problématique de domination unilatérale qui caractérise les échanges
économiques entre les deux pays. Cette étude vise à approfondir la nature et le niveau des
relations économiques entre les deux pays en termes d’influence asymétrique de l’économie
nigériane sur celle du Niger spécifiquement dans le domaine du commerce transfrontière des
produits céréaliers.
En plus de l’introduction et de la conclusion générale, cette réflexion s’articule autour des axes
suivants. La première partie est consacrée à l’analyse des soubassements à la fois historiques et
théoriques des effets de dominance (I). La seconde partie s’efforce d’appréhender l’influence
unilatérale de l’économie nigériane sur celle du Niger au travers d’une analyse économétrique de
l’intégration des marchés des produits céréaliers (II).
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I- Les soubassements historiques et théoriques de la dominance
1.1 Les fondements historiques
A- Le mode de fonctionnement de commerce transfrontalier
Les nombreux travaux des socio-économistes et des anthropologues portant, depuis les années
1970, sur les liens économiques entre le Niger et le Nigeria ont tenté de faire une typologie des
acteurs et une littérature pluridisciplinaire s'est efforcée de montrer que le commerce entre ces
deux pays est un négoce au long cours organisé de longue date en réseau (Leveroy ,1980). En
effet, dans la conduite de leurs affaires, les commerçants du Niger et leurs homologues du
Nigeria ont, depuis l'époque précoloniale, fait recours à ce type de structure fortement
hiérarchisée, même si par ailleurs, il pouvait exister autant de réseaux que d'opportunités du
commerce. Le réseau peut être défini comme une série de connexions d'acteurs en termes de liens
territoriaux, familiaux, historiques, culturels et encadrés dans un système de hiérarchie, de
dépendance et d'obligations. L'organisation en réseaux repose principalement sur des rapports
sociaux et culturels structurés et très étroits. L'efficacité des réseaux en termes de circulation
d'information, d'anticipation des prix, de coalition et contournement des contraintes imposées par
les Etats est fonction de leur degré de structuration, d'organisation et de gestion des échanges
transétatiques comme facteur de progrès économique et d'intégration des marchés des deux pays.
Les réseaux des commerçants haoussa qui se déploient dans les espaces frontaliers s'appuient sur
ces traditions anciennes pour mener leurs transactions commerciales. En effet, les rapports
harmonieux entre les acteurs nigériens et nigérians sont fondés sur leur appartenance aux
groupes ethniques identiques et solidaires partageant un sentiment de communauté de destin, une
religion commune, une identité culturelle et une confiance mutuelle. Le déclin du commerce
transsaharien et surtout la définition des frontières ont été des facteurs permissifs d'intensification
et d'essor des échanges transfrontaliers. L'essentiel de ce commerce avec le Nigeria se fait hors de
toute réglementation sur les marchés parallèles par le biais de la fraude et de la contre bande,
d’organisation de marchés structurés comme ces fameux marchés de nuit qui s’égrènent le long
de la frontière. Ces échanges transfrontières de nature illicite permettent au Niger de suppléer les
insuffisances de la plupart des produits, notamment du déficit réalier. Ils ont, au fil du temps,
pris une certaine ampleur. Pendant la période coloniale, des flux d'arachides traversent la
frontière tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre selon le niveau des cours et le taux de change
entre le franc et la livre. De nos jours, il s’agit essentiellement de produits comme le haricot ou le
souchet.
Le commerce parallèle est souvent présenté comme une forme de résistance populaire contre les
frontières artificielles et la réglementation douanière imposées par les autorités des
administrations coloniales aux africains. Relativement aux liens économiques entre le Niger et le
Nigéria, J. Igué (1977) écrit : "la nature de ces frontières, dont la plupart traversent les mêmes
groupes socioculturels, était à elle seule un facteur de stimulation des échanges illicites. Les
populations vivant à cheval sur les lignes de partage entre les Etats avaient une très forte
conscience de leur unité, ce qui les a poussées à s'organiser pour essayer d'échapper aux
contraintes de la partition de leur territoire". De même, dans des documents produits par la
Banque Mondiale (1989), certains auteurs ont reconsidéré la position exprimée au début des
années 1980 à l'égard du commerce parallèle. Ce dernier apparaissant désormais comme
susceptible d'être une activité économique efficace et favorable au bien-être des populations à
4
cause notamment de son enracinement dans l'histoire et l'organisation traditionnelle des sociétés
africaines. Les échanges non officiels sont donc perçus en réalité comme une bonne chose parce
qu'ils constituent un facteur de contournement des obstacles tarifaires et une source d'orientation
des relations économiques bilatérales vers des systèmes de concurrence. Mais force est de
constater que cette concurrence est imparfaite. Le degré de distorsion introduite par les
comportements des acteurs et les conflits d'intérêts sont variables suivant les courants d'échange.
Cette approche mérite cependant d'être nuancée pour mieux saisir la réalité fort complexe des
sociétés africaines dans leur évolution historique. Certains auteurs estiment que la solidarité
africaine est un mythe voire un leurre. L'importance accordée à la société économique
précoloniale a tendance à ignorer les fortes divisions politiques et socio-économiques qui ont
structuré le commerce de longue distance. Les frontières séparant les royaumes précoloniaux, les
systèmes de péage et de taxes, et l'insécurité générale qui obligeait les caravanes marchandes à
s'armer en régiment, sont le plus souvent oubliés dans les généalogies du commerce parallèle (S.
Baier 1980, T. Falola 1989, D. J. Thom 1975). L'image qu'on se fait des profonds changements
qui se sont produits dans l'organisation du commerce interafricain traditionnel avec la monté du
colonialisme est non moins étriquée (K. Meagher, 1996). Ces modifications sont couramment
interprétées comme des moyens d'échapper aux tentatives coloniales de restrictions commerciales
par l'intermédiaire de la réglementation. On oublie généralement que ces ajustements coloniaux
avaient pu modifier fondamentalement l'essence et l'orientation du commerce interafricain
précolonial.
L'idée du commerce parallèle, en réaction aux divisions artificielles, imposées par les
frontières coloniales sur des groupes ethniques solidaires, ne reflète pas forcément la réalité des
faits. Mefeje (1991) rappelle avec raison que les frontières ethniques ne coïncident pas
nécessairement avec les frontières politiques, même à l'époque précoloniale. Ainsi, la séparation
des groupes ethniques n'était pas étrangère aux sociétés africaines et le découpage colonial ne
violait pas nécessairement les formes antérieures d'organisation socio-politique. Par exemple, la
population haussa qui habite de part et d'autre de la frontière Nigéria-Niger, zone du commerce
parallèle par excellence en Afrique de l'Ouest, n'était pas une entité unifiée avant l'imposition des
frontières en 1906. Par contre la population Kanouri de l’extrême Est pouvait du Kanem Bornou,
entité unifiée, distinguer la situation de la frontière extrême orientale de celle de la frontière
occidentale (Haoussa et Fulfulde). La frontière coloniale a été fixée conformément au tracé
politique préexistant entre le Califat de Sokoto au Sud et l’aristocratie haoussa pré-djihadiste au
Nord (D.J.Thom, 1975).
Une des caractéristiques des flux transétatiques tient aux facteurs responsables de leur
dynamisme. Ces échanges transfrontaliers ne sont pas l'expression d'une ignorance des frontières
héritées de la colonisation mais plutôt d'une prise de conscience aiguë des possibilités engendrées
par ces frontières. D'après Bach (1996), les flux sont liés à des avantages comparatifs réels
(complémentarités écologiques ou bien entre systèmes de production) qu'aux disparités fiscalo-
douanières, monétaires ou politico-économiques engendrées par l'encadrement colonial puis
postcolonial des territoires.
B- Les stratégies et comportements des acteurs
Nonobstant ces observations pertinentes, les alhazai (Grégoire et Labazée, 1993) animateurs par
excellence des réseaux du commerce transfrontaliers ont des fournisseurs réguliers de produits
5
(les céréales) comme des acheteurs attitrés des biens (haricot-niébé). Ces réseaux de grands
commerçants haoussa guidés par la recherche exclusive de profits immédiats ne sont pas
immuables dans l'espace et le temps. Ils se font et se défont en fonction de l'évolution de la
conjoncture économique et des gislations adoptées par les pouvoirs publics. Ces derniers
peuvent, par des réglementations qu'ils mettent en place, donner naissance à de nouveaux
commerces illicites ou les faire cesser. Ce phénomène de création-destruction-création (J.
Schumpeter) incite les opérateurs économiques à développer davantage et en permanence l'esprit
d'initiative, de créativité, d'ingéniosité c'est-à-dire d'hommes d'entreprise capables de prendre des
risques"calculés". Grégoire et Labazée indiquent que dans les années 1990, le commerce du niébé
a pris le chemin de la fraude et de la contrebande à la suite de la décision du gouvernement
nigérian d'en interdire l'importation. Le Niger, quant à lui, a levé toutes les restrictions aux
importations sauf sur les allumettes, la lessive et l'essence, ce dernier produit faisant l'objet d'un
important trafic le long de la frontière qui porterait sur plus de 100000 tonnes en 1990.
Les grands commerçants du Niger évoluant dans l'informel ont réussi à bâtir d'importantes
fortunes par l'entremise du commerce transétatique. Les plus riches d'entre eux ont réparti leur
fortune de part et d'autre de la frontière pour limiter les risques associés aux aléas politiques ainsi
qu'aux incertitudes qui, depuis le début de la décennie 1980, caractérisent l'évolution et le
fonctionnement du système bancaire nigérien illustrés par les mauvaises expériences de la
Banque de Développement de la République du Niger (BDRN) et de la Massraf que certains
d'entre eux ont amèrement goûtées même s’ils sont aussi en partie responsables de ces deux
catastrophes. La relation de confiance qui les lie avec leurs pairs du Nigéria dotés d'une surface
financière assez confortable a permis à de nombreux commerçants du Niger de bénéficier des
largesses financières et des facilités commerciales. Ils se sont lancés dans certaines activités
lucratives grâce aux avances de fonds et de marchandises destinées au marché nigérien sans, le
plus souvent, aucune garantie préalable. Le remboursement n'intervient qu’après la vente. La
réciproque n'est vraie qu'avec la forte dépréciation du naira, mais à une échelle très réduite.
Ces réseaux transfrontaliers excellent aussi dans les activités de transit et de réexportation. C’est
le cas du cacao à un moment donné et de nos jours celui des véhicules d’occasion. De par sa
nature profondément opportuniste, ce commerce ne leur demande pour le besoin de
fonctionnement qu'une infrastructure matérielle relativement légère. Ils sont peu peuplés, très
hiérarchisés et structurés. Les stratégies des grands réseaux et la fraude organisée par les acteurs
du secteur formel sont à l'origine du sentiment d'ineffectivité des politiques économiques, et
notamment de la protection, et elles contribuent prioritairement à la "formation" duale et
ambivalente de la politique commerciale extérieure (B. Hibou,1996).
Ces échanges s'organisent bien souvent en marge de la légalité, soit dans le cadre de ces grands
réseaux dont les principaux circuits d'acheminement et de distribution ainsi que les points de
passage stratégiques et les centres de décision sont relativement bien connus grâce aux travaux
des anthropologues, des géographes et des socio-économistes, soit dans le cadre de "commerce
ou de trafic de fourmis". Les stratégies de ces acteurs qui, se déterminent en fonction des critères
de coût, de concurrence, de minimisation des risques dans un environnement mouvant
d'information imparfaite et d'instabilité socio-politique, modèlent les structures de marché. De
nombreux acteurs nigériens y sont impliqués et profitent de la proximité du Nigeria.
Le mode de fonctionnement et d'agencement du petit commerce frontalier de fourmis animé par
des réseaux de la "fraude d'infiltration" semble suggérer que les espaces économiques nigéro-
6
nigérians soient parvenus à un certain degré difficilement contestable d'intégration économique
articulée autour de leurs échanges parallèles en dépit des disparités monétaires, des politiques
économiques et douanières des deux nations. Ce phénomène constitue une avancée certaine par
rapport au dispositif institutionnel théoriquement très complet de la Communauté Economique
des Etats de l'Afrique de l'Ouest mais pratiquement inefficace pour stimuler et encourager les
échanges commerciaux dans la perspective de création de trafic.
1.2-Les sources théoriques de la dominance
A- Le modèle de gravité et l’influence asymétrique des économies
Le modèle de gravité établit une relation empirique forte entre la taille économique d’un pays et
le volume de ses exportations et importations. Il montre clairement que la distance géographique
influe sur le commerce. Autrement dit, les échanges commerciaux sont relativement plus denses
entre pays proches. L’équation de modèle de gravité indique que la valeur du commerce entre
deux pays i et j est proportionnelle, toutes choses égales par ailleurs, au produit des PIB des deux
économies partenaires et diminue avec la distance entre les deux pays (P.Krugman et M.Obstfeld,
2006). Cette équation permet de prédire le volume des échanges de biens entre deux pays i et j,
donnés : T
ij
= AY
i
Y
j
/ D
ij
, où A est une constante, T
ij
, la valeur du commerce entre les deux pays,
Y
i
, Y
j
, le PIB respectif des pays i et j, D
ij
, la distance entre les deux économies.
Les approches adoptées dans les nombreuses études menées sur ce sujet s'inspirent
majoritairement de ce modèle de gravité (F.Fouroutan et L.Pritchett ,1993). Cet outil d’analyse,
en dépit de sa simplicité explique assez bien la structure réelle des flux d’échanges commerciaux
notamment transfrontières. Il stipule en effet que les liens économiques entre deux pays
dépendent à la fois des contacts fréquents de leurs populations, de la communauté de leur langue,
de la proximité culturelle rapprochant les deux modes de consommation et la similitude dans la
façon de traiter les affaires commerciales. En plus, le modèle de gravité lie la densité du
commerce bilatéral à la taille des économies mesurée par le PIB, à l’effet frontière et barrières
aux échanges ainsi qu’aux différents facteurs d'attraction tels que la proximité géographique, les
régimes monétaires, les politiques économiques, les coûts de transport, etc. Dans ce cas précis
des relations entre le Niger et le Nigeria, ces approches, qui comportent certes quelques
insuffisances relatives notamment à l'influence que peuvent exercer les acteurs sur certains
facteurs d'attraction, ont des fondements solides. L'exposé de ces fondements généraux permet de
souligner d’emblée l'étroitesse des marges de manœuvre du Niger et la nécessité de bien
connaître la nature et l'intensité des courants d'échange et leurs conséquences sur le
développement économique du pays.
Du point de vue de la taille des économies, les deux nations sont très inégales. La population du
Niger est estimée à 10.790.352 d'habitants en 2001, soit une densité de 8 habitants au kilomètre
carré alors que le Nigeria est peuplé de plus de 120 millions d'habitants et a une densité de
l'ordre de 130 habitants au kilomètre carré.
Le Niger partage une frontière poreuse de plus de 1600 km avec le Nigeria dont la taille de
l'économie représente 12 fois celle du Niger par sa population et plus de 15 fois par son produit
national brut réel. Ainsi, la taille du marché nigérian, aussi bien en termes de nombre de
consommateurs que de pouvoir d'achat excède largement celle du marché domestique nigérien
très exigu. Ce géant marché nigérian constitue un facteur d'attraction pour les agents
7
économiques nigériens. A l'échelle sectorielle, les deux pays sont dépendants, depuis la première
moitié des années 1970, des exportations de minerais et des hydrocarbures (uranium au Niger,
pétrole au Nigeria). Les deux Etats n'ont pas su diversifier leurs exportations, le pétrole
représentant plus de 90% des exportations totales du Nigeria et l'uranium plus de 60% pour le
Niger. Le secteur industriel contribue à hauteur de 32,1% dans la formation du produit intérieur
brut réel nigérian alors qu'il ne représente qu’à peine 1% au Niger. La part du secteur agricole
dans le produit intérieur brut est asymptotiquement de même ordre de grandeur dans les deux
nations alors qu'elle est fortement divergente dans le secteur tertiaire.
La majorité de la population nigérienne est concentrée sur une bande étroite de terres arables
situées le long de la frontière du sud. Cette partie jouxtant le Nigeria possède un climat
appréciable. A l'instar des autres pays sahéliens, les efforts entrepris en vue de réaliser une
croissance économique soutenue et durable se heurtent à de gigantesques obstacles naturels. Le
coût de l'enclavement lié en grande partie à la faiblesse et à la mauvaise qualité des
infrastructures des transports grève les prix des marchandises à la hausse rendant ainsi l'économie
nigérienne peu compétitive vis-à-vis de celle du Nigeria. Et, la quasi-uniformité climatique du
Niger contraste avec les caractéristiques du climat nigérian qui associent à la grande étendue du
territoire une forte diversité climatique et de nombreuses nuances géologiques. Ces
caractéristiques naturelles offrent au Nigeria une gamme riche et diversifiée de productions
minières et agricoles. Ces immenses potentialités économiques résultant de la diversité du milieu
naturel confèrent à ce pays plusieurs atouts fondés sur des complémentarités zonales et
contrastent avec la situation actuelle du Niger dont les dotations factorielles et naturelles connues
sont insuffisamment valorisées. Cette diversité naturelle constitue un facteur important
d'attraction des agents économiques nigériens.
Le Nigeria enregistre un taux d'urbanisation deux fois plus élevé que celui du Niger. La
croissance rapide des centres urbains est le résultat, entre autres, d'un développement de
l'émigration rurale causée par un surpeuplement des zones rurales par rapport aux ressources
naturelles et à l'état du progrès en matière de route. Cette situation se traduit par un accroissement
de demandes de consommation de la plupart des biens qui sont des productions de rente au Niger
ou pour lesquels peuvent y exister des excès d'offre saisonniers. L'existence de nombreux centres
urbains et industriels disposant d'infrastructures (ports, routes, chemins de fer,
télécommunication, etc.) au Nigeria constituent des pôles d'attraction et d'accueil d'une bonne
proportion de la main-d'œuvre nigérienne à la recherche du travail.
B-Les effets de dominance : une étude économétrique de l’intégration des marchés
des produits céréaliers
La disparité dimensionnelle pousse habituellement à apprécier les relations économiques entre les
deux pays en termes d'influence unilatérale de l'économie nigériane sur celle du Niger. Cet effet
de dominance est, dans l'univers perrouxien, toute influence irréversible et dissymétrique qu'une
unité économique exerce sur une autre, sans que cela implique nécessairement de la part du pôle
dominant une intention quelconque ni une volonté organisée de conquête, d'impérialisme ou
d'exploitation. Mais les caractéristiques naturelles ne sont pas les seuls facteurs qui prédisposent
une nation à subir unilatéralement les conséquences des mouvements et des politiques émanant
d'une autre nation.
8
Les structures économiques, relativement fortes ou faibles dont les centres de décision ont réussi
à doter chaque nation jouent également un rôle important dans la configuration des relations
internationales. A cet égard, si la contribution des activités agro-pastorales est prédominante dans
la formation du produit intérieur brut marchand dans les deux économies, la forte diversification
du tissu industriel nigérian et le fait que l'ensemble de ses productions bénéficient d'économies
d'échelle considérables placent d’emblée le Niger dans une position de dépendance unilatérale
matérialisée par sa large ouverture sur le Nigeria et sa marginalité dans les échanges extérieurs de
ce pays. Les données issues du Federal Office of Statistics montre clairement que les
importations officielles du Nigeria en provenance du Niger représentent en moyenne 1% du total
des importations nigérianes au cours de la période 1991-2001.
Les échanges de produits agro-pastoraux entre le Niger et le Nigeria sont marqués par la forte
spécialisation de l'économie nigérienne dans l'élevage et l'agriculture. Les courants des produits
de l'élevage et du niébé, à l'exportation, et des céréales particulièrement, à l'importation, sont
dominants et faiblement réversibles.
Les importations tous flux de biens confondus en provenance du Nigeria sont, à l’image des
importations totales, assez diversifiées. La majorité des produits qui les composent sont soit des
biens de première cessité soit des facteurs de production nécessaires au fonctionnement de
l'économie et dont un grand nombre n'a pas de substituts locaux : hydrocarbures, matières
premières, biens d'équipement, engrais. Cet état de fait rend la demande de ces biens
difficilement compressibles. Il ressort du graphique1 que le Niger a réalisé en moyenne 14% de
ses importations avec le Nigeria au cours de la période1980-1999.
Graphique1 : Evolution des importations et des exportations enregistrées entre le Niger et le
Nigeria (millions de francs CFA)
Source : Direction de la Statistique et des Comptes Nationaux (DSCN), Ministère de l’Economie
et des Finances de la République du Niger pour les chiffres bruts.
0
10000
20000
30000
40000
50000
60000
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
Importations Exportations nationales Réexportations
9
Le rythme moyen de croissance de ce commerce s’est élevé à 4,6% l’an asymptotiquement
proche de celui des importations totales (4,1%). Toutefois, l’évolution des échanges
commerciaux sur l’ensemble de cette période est très irrégulière et trois sous-périodes se
dégagent nettement:
- entre 1980 et 1986, les amplitudes de la fluctuation sont fortes et le niveau moyen des
importations élevé se chiffre à 21,5 milliards de francs avec, en 1983, un pic de 39 milliards de
francs, impulsé par les importations de céréales ;
- entre 1988 et 1994, les flux se tassent nettement et fluctuent en dents de scie. Le flux moyen
annuel qui s’établit à 14,6 milliards de franc CFA, est assez voisin de la valeur minimale de 12,9
milliards atteinte en 1992 ;
- au cours des cinq dernières années, les importations en provenance du Nigeria ont augmenté à
un rythme nettement plus faible que celui des importations totales.
Le graphique 2 indique que les produits énergétiques (pétrole et électricité) ont officiellement
représenté en moyenne, au cours de la période 1980 à 2000, 42% des importations en provenance
du Nigeria reflétant ainsi la forte dépendance du Niger vis-à-vis de ce pays. La structure des
importations a évolué sensiblement dans le temps.
Graphique 2 : Structure des importations en provenance du Nigeria
Source : DSCN pour les chiffres bruts.
Tous flux confondus, le Niger a réalisé en moyenne 20% de ses exportations avec le Nigeria au
cours des vingt dernières années. Hors uranium, cette part a atteint en moyenne 57% au cours des
cinq dernières années, avec une pointe en 1999 cette proportion atteint 70%. L’évolution est
très irrégulière et il est pratiquement impossible de dégager un trend pour l’ensemble de la
période.
24%
18%
2%
5%2%
15%
3%
31%
Pétrole
Electrici
Ciment
Cola
Céréales
Sucre
Engrais
Autres
1 / 11 100%

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