La forme trapézoïdale de la trochlée du talus

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La forme trapézoïdale de la trochlée du talus
E. BRENNER, J. PIEGGER ET W. PLATZER
Introduction
L’importance du talus et plus particulièrement de sa trochlée dans la
biomécanique de l’articulation talo-crurale est connue. De nombreuses
publications rapportent les rayons de courbure, l’étude des surfaces et d’autres
paramètres de la trochlée. Les paramètres morphométriques sont de grande
importance dans l’objectif de remplacer un talus détruit par un composant
artificiel. L’arthroplastie du talus peut être réalisée dans le traitement des
différentes lésions comme l’ostéonécrose avasculaire, les fractures graves, les
tumeurs du corps du talus, les déformations du pied en équin et en varus d’origine
paralytique ou après lésion médullaire, la polyarthrite rhumatoïde, l’arthrose posttraumatique ou les ankyloses douloureuses [4, 5, 10,13]. L’option thérapeutique
d’une arthrodèse « est (…) une technique non naturelle, indiquée en cas d’échec
chirurgical, particulièrement dans le cas de l’articulation talo-crurale (…) » [7].
Dans leurs études, ces auteurs avaient mesuré trois groupes de paramètres
morphométriques de la cheville au moyen de radiographies standards de face et de
profil. Le premier groupe comprenait des mesures sur le tibia, le second sur une
malléole et le troisième sur le talus. Il n’est pas réellement surprenant que la
largeur de la mortaise tibio-fibulaire soit corrélée avec la largeur de la trochlée du
talus (r = 0,94), mais de plus, elle était corrélée avec la longueur de la trochlée (r =
0,65). La longueur de la trochlée du talus était aussi corrélée avec la profondeur
de la surface articulaire distale du tibia (r = 0,75), Fessy et al. ont conclu que la
plupart des paramètres morphométriques de l’articulation talo-crurale pouvaient
être déduits de la longueur trochléaire [7]. Ils ne purent pas mettre en évidence de
différence selon le sexe dans leurs spécimens (32 hommes, 18 femmes).
Malheureusement, ils ne précisaient pas le côté examiné. Par ailleurs, ils
affirmaient que « la surface articulaire du talus, en particulier, ne pouvait pas être
comparée à un segment de cylindre ; il s’agit d’une structure tridimensionnelle,
plus large en avant qu’en arrière, creusée par une dépression longitudinale » [7].
Ce segment de cylindre montrait un diamètre moyen de 2 cm et un arc de
longueur d’environ 120° [22].
1
Les données de la littérature sont peu nombreuses en ce qui concerne les
paramètres morphométriques de l’articulation talo-crurale et plus particulièrement
l’étude des contours de la surface supérieure. Dans son travail, Sarrafian décrivait
la surface supérieure de la trochlée comme une poulie, dont la gorge se situe
proche du bord médial [28]. Le bord médial de la surface supérieure est rectiligne,
alors que le bord latéral est oblique, orienté en arrière et en dedans, ce qui
constitue une forme plus petite en arrière. De nombreux auteurs ont déjà étudié les
différences entre les diamètres transverses antérieurs et postérieurs de la trochlée
(tableau 1). Martin citait un article de Poniatowski qui étudiait le talus dans
différentes races humaines [16, 21]. Il trouvait que l’index longueur-largeur de la
trochlée du talus variait de 77,8 chez les Birmans à 82,7 chez les Maoris. Dans les
races blanches (Australiens, Tyroliens, Allemands), cet index variait de 79,2 à
81,0. Selon Strauss Jr., cet index ne varierait que très peu au cours de l’ontogenèse
humaine [34]. Barnett et Napier ont étudié le talus de 152 spécimens [1]. Le degré
d’inclinaison, défini par le rapport entre la différence entre la largeur antérieure et
la largeur postérieure (δx) divisé par la longueur de la trochlée du talus (y) [100
δx /y], montrait de grandes variations, de 0 à 14. Ils trouvaient que ce degré
d’inclinaison n’était pas corrélé avec la mobilité de la fibula, ce qui était attribué à
la structure de l’articulation tibio-fibulaire proximale, mais avec le degré
d’inclinaison de l’axe de flexion plantaire de l’articulation talo-crurale. Une
classification était établie selon l’aire de la surface articulaire du tibia (type I>20
mm2, inclinaison<30° ; type II : 15 à 20 mm2 ; type III<15 mm2, inclinaison>30°).
Eichenblat et Nathan avaient établi 7 types [6]. Brenner et Krimbacher ont calculé
la taille de la surface articulaire de la tête de la fibula d’après sa hauteur et sa
largeur [3b]. La surface moyenne était de 164,44 mm2, variant de 33,66 mm2
jusqu’à 293,25 mm2. Ces auteurs pouvaient aussi montrer que l’inclinaison n’était
pas corrélée avec la forme et la taille de l’articulation.
Un autre travail important sur la morphométrie du talus a été fait par Lippert [15].
Il a déterminé les modifications liées à la croissance du talus, parmi les autres os
du tarse, en utilisant des index obtenus par les mesures fondées sur la méthode de
Bräuer [2]. Lippert avait utilisé la troisième édition de l’ouvrage de Martin, mais
il n’y a pas de différence dans la méthodologie par rapport à l’édition utilisée [15,
2
16]. Les index présentés par Lippert décrivaient le développement du talus et de
sa trochlée en quatre étapes : les quatrième, sixième et dixième mois de la vie
fœtale, et l’état adulte [15]. Il trouvait que les index de largeur augmentaient de
manière significative de 74,7 au cours du quatrième mois fœtal jusqu’à 85,3 à la
taille adulte. De même, avec les index largeur-longueur, il calculait une
augmentation significative avec l’âge, et concluait que la trochlée du talus
approchait d’une forme quadratique avec l’augmentation de l’âge [15].
Une étude majeure sur la morphométrie du talus était publiée par Schmidt [29, 30,
31]. Toutes les mesures avaient été faites selon la méthode de Bräuer [2]. Dans le
premier article, Schmidt rapportait une longueur totale de la trochlée du talus de
34,8 mm, une largeur antérieure de 28,9 mm et une largeur postérieure de 21,4
mm [29]. Dans sa thèse et plus tard dans son ouvrage, Schmidt distinguait ces
résultats [30, 31]. Il comparait l’os frais et l’os sec, et différenciait les côtés. Il
trouvait une longueur totale de la trochlée de 35,61 mm (± 2,88) sur 36 os frais, et
33,82 mm (± 3,27) sur 72 os secs. Dans les spécimens frais, la largeur antérieure
était de 29,93 mm (± 1,85) et la largeur postérieure de 21,03 mm (± 3,33) en
moyenne. Dans les os secs, la largeur antérieure était de 27,80 mm (± 2,89) et la
largeur postérieure de 20,67 mm (± 3,25). Par ailleurs, Schmidt rapportait une
différence de la longueur trochléaire selon le côté dans les spécimens frais, où le
côté droit était significativement plus grand que le côté gauche. De plus, la largeur
postérieure était significativement plus petite dans le côté gauche des spécimens
frais que dans le côté droit.
Platzer avait établi que les formes rectangulaire et trapézoïdale étaient présentes
chez l’adulte humain [17]. Platzer fut aussi le premier à déterminer une différence
selon le côté dans l’index de largeur de la trochlée du talus [18]. Il trouvait que la
différence entre la largeur antérieure et la largeur postérieure de la trochlée était
de manière significative augmentée du côté gauche.
Reimann et al. ont étudié la forme et la position de la trochlée du talus dans
plusieurs travaux [23, 24, 25, 26]. Selon ces travaux, la forme de la trochlée du
talus conduisait à des mouvements d’adaptation et de stabilisation de la fibula
dans les directions transversale, sagittale et longitudinale, et autour de son axe
3
propre. Cette rotation était précisément déterminée avec un maximum
d’incertitude de ± 3° [23]. Dans ce travail, il démontrait que la facette articulaire
malléolaire latérale représentait une surface hélicoïdale, dont le déplacement en
hauteur était variable. Kapandji avait déterminé la rotation de la fibula avec une
modification au cours du passage de la flexion plantaire à la flexion dorsale de
l’ordre de 30° [14]. En 1986, Reimann et al. avaient étudié la géométrie de la
trochlée du talus de manière plus détaillée [25]. Ils trouvaient que le bord latéral,
bien qu’hélicoïdal, était arrondi concentriquement autour d’un axe fixe. Cet axe
passait par un point proche de la pointe de la facette malléolaire latérale.
Malheureusement, aucune détermination plus précise de la position de cet axe
n’avait été faite. Dans ce travail, comme dans l’article de 1988, les auteurs
développaient un modèle géométrique de la trochlée du talus [25, 26]. Ils
caractérisaient la trochlée du talus comme un segment de torsion avec un bord
médial elliptique et un bord latéral circulaire. Un segment de cône aplati lui était
associé médialement. A la face latérale, un segment hélicoïdal est associé. L’axe
de ce segment hélicoïdal, selon les considérations des auteurs, est identique à celui
du segment de torsion. Malheureusement, le gradient de déformation et
l’inclinaison de ce segment hélicoïdal n’étaient pas déterminés.
Tous les auteurs cités précédemment ont également étudié les différences entre les
largeurs antérieure et postérieure de la trochlée, ou les index de longueur-largeur.
Personne, à notre connaissance, n’a associé ces deux types de paramètres pour
déterminer un élément morphologique important, l’angle formé par les bords
médial et latéral de la surface supérieure de la trochlée.
L’objectif de cette étude était de préciser la morphologie de la trochlée. Nous
avons apporté un intérêt spécifique à l’étude de ces contours. Puisque la
détermination isolée de la différence de largeur ou de l’index longueur-largeur ne
permet pas réellement le dessin du talus ou d’une prothèse de la trochlée du talus,
nous proposons désormais d’utiliser l’angle entre le bord médial et le bord latéral
comme un paramètre absolu et fiable. Les résultas seront discutés selon un point
de vue biomécanique. La mise en évidence de différences selon le côté sera aussi
discutée du point de vue de la mise en charge en appui sur le pied. Dans la
majorité des cas (74%), le pied droit est utilisé préférentiellement pour les
4
activités de mobilisation, alors que le pied gauche non dominant constitue le
support de stabilisation [9, 11, 27]. Il existe aussi une différence selon le sexe, car
les femmes sont plus latéralisées au niveau du pied droit que les hommes [27]. Il a
également été déterminé qu’il existe une nette différence dans la mise en charge
sur le pied au cours de l’enfance et de l’adolescence [8]. Selon cette étude, la
dominance du côté droit chez l’enfant n’était pas aussi prononcée que la
préférence droitière au niveau de la main, et que de nombreux enfants ou
adolescents ne présentent pas de membre dominant.
Matériel et méthodes
Pour cette étude, deux groupes de spécimens ont été utilisés. Le premier groupe
concernait des talus secs, comme l’avait fait Platzer [18]. Parmi ces 228
spécimens, l’un a été exclu car tous les paramètres nécessaires pour calculer
l’angle n’étaient pas disponibles. Parmi les 227 os talus restants, 99 paires
(gauches et droites) ont été identifiées, les 29 spécimens restants étaient des os
gauches. Pour les calculs suivants, seules les 99 paires ont été utilisées. Dans ces
os, la longueur totale de la trochlée du talus, Ta4, la largeur postérieure de la
trochlée du talus Ta5(1), la largeur antérieure de la de la trochlée du talus Ta5(2),
ont été mesurées. De plus, la largeur totale du talus Ta2 était mesurée comme un
paramètre des dimensions globales de l’os. Les paramètres principaux pour le
calcul de l’angle sont présentés à la fig. 1.
Comme il était déjà connu que la différence entre les largeurs antérieure et
postérieure de la trochlée montre deux pics de distribution dans les spécimens
gauches, nous avons spécialement recherché à confirmer ce point avec d’autres
paramètres [18]. Les résultats ont montré que la largeur totale du talus Ta2
présentaient également deux pics de distribution pour les deux côtés. Pour
éclaircir l’origine de ces deux pics, nous avons constitué un autre groupe de talus.
Ce second groupe de 67 talus a été mesuré deux fois, une fois sur l’os frais avec le
cartilage en place, et une fois sur l’os sec après ablation du cartilage par
macération prolongée. Les spécimens frais étaient obtenus à partir de membres
inférieurs isolés, qui étaient conservés selon la méthode de Platzer et al. [19]. La
macération était obtenue par chauffage avec un détergent léger (Arypon®, Hollu,
J. Holluschek, Zirl/Innsbruck) à 75° pendant 10 jours. Des paramètres
5
complémentaires étaient mesurés pour comparer les résultats aux formules de
différenciation selon le sexe déjà connues [33]. Trois différentes formules, sexe
(1), sexe (2) et sexe (3), étaient utilisées pour chaque spécimen, où chaque
formule permettait d’obtenir un score quel que soit le sexe. Ces scores étaient
regroupés et le sexe était précisé.
Toutes les mesures ont utilisé la méthode établie par Bräuer pour obtenir des
résultats comparables [2]. Les mesures étaient réalisées à l’aide d’un pied à
coulisse électronique (Hélios®), qui permettait une précision de 0,01 mm :
Ta1, longueur totale du talus : projection de la distance du sillon du muscle
long fléchisseur de l’hallux jusqu’au point le plus distant de la facette articulaire
naviculaire (mesure au pied à coulisse) ;
Ta2, largeur totale du talus : projection de la distance entre le sommet du
processus latéral à la face médiale du talus, mesurée parallèlement à l’axe
transversal de la trochlée (mesure au pied à coulisse) ;
Ta3a, projection de la hauteur du talus : projection de la distance du point
le plus haut du bord médial de la facette articulaire supérieure sur la tangente à la
surface inférieure de l’os au niveau du point proéminent de la tête (mesure au pied
à coulisse) ;
Ta4, longueur de la trochlée du talus : distance entre les deux points
d’intersection du rayon sagittal médian de la trochée avec les bords antérieur et
postérieur de la surface articulaire supérieure (mesure au pied à coulisse) ;
Ta5, largeur de la trochlée du talus : distance entre les bords latéral et
médial de la trochlée du talus, mesurée au même niveau que la largeur totale
(Ta2 : mesure au pied à coulisse) ;
Ta5(1), largeur postérieure de la trochlée du talus : distance entre le bord
latéral et le bord médial à l’extrémité postérieure de la trochlée du talus, mesurée
verticalement par rapport au rayon de courbure sagittale de la trochlée (et ainsi par
rapport à la longueur de la trochlée du talus Ta4, mesurée au pied à coulisse) ;
Ta5(2), largeur antérieure de la trochlée du talus : distance entre le bord
latéral et le bord médial à l’extrémité antérieure de la trochlée du talus, mesurée
verticalement par rapport au rayon de courbure sagittale de la trochlée (et ainsi par
rapport à la longueur de la trochlée du talus Ta4 et parallèlement au bord
postérieur Ta5(1) (mesure au pied à coulisse).
6
A partir de ces valeurs, plusieurs paramètres ont été calculés:
/7DGLIIérence entre les largeurs antérieure et postérieure/7D
Ta5(2) - Ta5(1);
Ti(1), index de largeur de la trochlée (pour comparaison avec les données
de la littérature) : Ti(1) = [Ta5(1) /Ta5(2)] x 100
Ti(2), index longueur – largeur de la trochlée: Ti(2) = [Ta5 / Ta4] x 100
Ti(3), degré d’inclinaison du trapèze (cet index est calculé pour
comparaison avec les résultats de Barnett et Napier [1]): Ti(3) = [ (Ta5(2) –
7D7D@[ >/7D7D@[
.DQJOHHQWUHOHERUGPédial et le bord latéral de la surface supérieure
de la trochlée; il est admis que le bord médial est parallèle à la courbure sagittale
de la trochlée et ainsi à la longueur de la trochlée (Ta4), ce qui représente un
trapèze asymétrique, qui correspond à la conformation anatomique [28]:
 Ta5(2 ) − Ta5(1)   360 
 δTa5   360 
α (1) = arctan
×
 = arctan
×
;
Ta 4

  2π 
 Ta 4   2π 
 360 
l’expression  Œ  représente la constante de la transformation en degrés; elle


peut être négligée lors de l’utilisation des programmes qui fournissent d’emblée
les résultats en degrés.
.(2), angle entre le bord médial et le bord latéral de la surface supérieure
de la trochlée; il est admis que le bord médial n’est pas parallèle à la courbure
sagittale de la trochlée, et que les deux bords forment un trapèze isocèle (ceci
correspondrait mathématiquement à l’angle maximal qui pourrait être calculé à
partir des valeurs mesurées ; cette assimilation permet aussi de déterminer
l’importance de la variation de .(1) par rapport à l’angle maximal théorique):
 Ta5(2 ) − Ta5(1)   360 
 δTa5   360 
α (2) = 2 × arctan
×
 = 2 × arctan
×
;
2 × Ta 4

  2π 
 2 × Ta 4   2π 
sexe(1), première fonction à déterminant pour la répartition selon le sexe :
sexe(1) = 0.42002 x Ta1 + 0.41096 x Ta2; valeur du déterminant= 38.75;
sexe(2), seconde fonction à déterminant pour la répartition selon le sexe :
sexe(2) = 0.8493 x Ta1 + 27.92377 x [Ta2 / Ta1] x 100 + 10.35583 x [Ta5 / Ta 4]
x 100; valeur du déterminant = 75.44;
sexe(3), troisième fonction à déterminant pour la répartition selon le sexe :
7
sexe(3) = 0.38368 x Ta1 + 0.42741 x Ta2 + 0.13722 x Ta3a + 9.29162 x [Ta5 / Ta
4] x 100; valeur du déterminant = 50.05.
Tous les résultats ont été vérifiés statistiquement (t-tests, corrélations) à l’aide du
logiciel SPSS® pour Windows.
Résultats
Groupe 1
Ce groupe était constitué de 99 paires d’os secs. Pour l’analyse statistique, les
résultats entre les os gauches et droits ont été testés de manière indépendante.
Ainsi, nous avions des valeurs moyennes pour chaque côté et les deux côtés
pouvaient être comparés. Les résultats détaillés sont présentés dans le tableau 2.
La largeur totale du talus Ta2 est significativement (p = 0,000) plus élevée du côté
droit. Dans les deux groupes, les histogrammes ont révélé une distribution en deux
pics de fréquence, plus nette dans les spécimens droits. La longueur de la trochlée
du talus Ta4 est plus élevée dans les os gauches mais cette différence n’était pas
significative. La largeur postérieure de la trochlée du talus Ta5(1) était
significativement (p = 0,000) plus élevée dans les os droits, alors que la largeur
antérieure Ta5(2) était sensiblement identique. La différence entre ces valeurs
δTa5 était significativement (p = 0,000) plus élevée dans les spécimens gauches.
Les autres paramètres mesurés, l’index de largeur de la trochlée Ti(1), le degré
d’inclinaison Ti(3) et les angles α1 et α2 ne montraient pas de différence
significative entre les côtés. L’angle α2, calculé pour essai, était pratiquement
identique à l’angle α1, qui représentait l’anatomie normale. Toutes les valeurs
d’angle α2 sauf une étaient inférieures de 5% à la valeur de l’angle α1, et les deux
angles apparaissaient directement corrélés (r = 1,00). Ainsi l’angle α2 ne sera pas
pris en considération ultérieurement. La plupart des paramètres mesurés
montraient une distribution hétérogène avec au moins deux pics (Ta2, Ta4,
Ta5(1), Ta5(2) droit, α(1) droit).
En excluant les paramètres calculés, l’analyse des paramètres mesurés pouvait
révéler des corrélations avec r>0,5 entre la largeur antérieure et la longueur de la
8
trochlée du talus (r gauche = 0,566, r droit = 0,528) et entre les largeurs antérieure
et postérieure des trochlées du talus (r gauche = 0,522, r droit = 0,579). Les détails
sont présentés dans le tableau 3. Des corrélations entre les deux côtés ne
pouvaient pas être décelées avec les nombres disponibles. A partir des résultats
obtenus dans ce groupe, des trochlées standards, droites ou gauches, pouvaient
être construites (fig. 2).
Groupe 2
Ce groupe était constitué de 67 spécimens frais, 35 gauches et 32 droits. Les
détails figurent dans le tableau 4. Après macération et dessiccation, certains
paramètres n’étaient plus mesurables sur les spécimens et étaient donc écartés.
Les résultats détaillés des os secs sont listés dans le tableau 5. La fig. 3 montre
trois exemples différents de ce groupe. En comparant les os frais et les os secs,
tous les paramètres mesurés étaient significativement plus élevés dans les
spécimens frais (p<0,001), à l’exception de la longueur de la trochlée du talus,
Ta4, dont l’augmentation n’était pas significative. Ces changements ne
modifiaient pas les paramètres calculés de manière importante et significative.
Spécifiquement, l’angle entre le bord médial et le bord latéral de la surface
supérieure de la trochlée du talus n’était diminué que de 0,02° dans les spécimens
secs.
Il n’y avait pas de différence significative entre les côtés, ni entre les os frais, ni
entre les os secs. Néanmoins, il apparaissait que l’angle entre le bord médial et le
bord latéral de la surface supérieure de la trochlée α1 était plus important du côté
gauche que du côté droit. Les valeurs moyennes étaient plus élevées à gauche,
mais également les valeurs extrêmes.
Selon les paramètres liés au sexe, 33 os féminins et 44 os masculins pouvaient
être identifiés. Tous les paramètres mesurés étaient significativement (p<0,001)
plus petits dans les spécimens féminins, bien qu’aucun paramètre calculé n’ait
montré de différence significative. Ce caractère était trouvé aussi bien sur les os
secs que sur les os frais.
9
Discussion
La description anatomique considérée comme normale pour la surface supérieure
de la trochlée du talus associe un bord médial parallèle à la courbure sagittale de
la trochlée et donc à la longueur de la trochlée Ta4 alors que le bord latéral est
oblique [28]. De plus, le bord antérieur et le bord postérieur de la trochlée du talus
sont supposés être parallèles. Ainsi, il est autorisé de simplifier la projection de la
trochlée du talus sous la forme d’un trapèze avec des angles rectangles sur le bord
médial.
L’interprétation des différences de largeur et de leurs indices, telle que présentée
habituellement, demeure un problème du fait de l’absence de prise en
considération de la taille absolue de l’os. Nous pourrions imaginer un talus
présentant une faible différence absolue dans ses largeurs et une longueur
restreinte, ce qui correspondrait à une forme trapézoïdale de la trochlée du talus.
Au contraire, un talus avec une grande différence de largeur n’aurait qu’une faible
forme trapézoïdale, plus proche en réalité d’une forme rectangulaire, à condition
que la longueur soit très importante.
Plusieurs indices sont donc utiles pour comparer différents individus d’une même
espèce ou pour comparer différentes espèces lorsqu’elles diffèrent par les tailles
absolues. De bons exemples de l’utilisation des index sont présentés dans les
études qui comparent différentes espèces ou qui comparent différentes étapes du
développement d’une espèce [15, 21]. Notre étude permettra d’ajouter des
éléments de connaissance anthropologique. Mais l’anthropologie n’était pas le
principal objectif de cette étude, qui voudrait contribuer par des résultats exacts et
absolus des mesures de la trochlée du talus à améliorer le dessin des prothèses de
cheville. Dans le dessin d’une prothèse, les index sont seulement utiles si au
moins un des paramètres utilisé dans leurs calculs est connu pour être une valeur
fixe.
Dans cette étude, nous avons pris en compte ces considérations et nous avons
calculé l’angle entre le bord médial et le bord latéral de la trochlée du talus. La
différence des largeurs n’a pas une grande relativité et peut être considérée
comme un paramètre absolu. Cependant, l’angle peut être considéré comme une
10
forme d’index également. De plus, du fait de la méthode de mesure, l’angle est
indépendant de la forme du bord antérieur ou du bord postérieur de la trochlée du
talus. Ces bords peuvent apparaître concaves ou convexes.
Groupe 1
Schmidt est, à notre connaissance, le seul auteur dont les résultats correspondent
largement à nos valeurs [29, 30, 31]. La longueur moyenne de la trochlée du talus
Ta4 mesurée par cet auteur (moyenne 34,8 mm) se situe entre nos mesures
gauches et droites, et correspond presque exactement à la moyenne de nos
spécimens (34,87 mm). La largeur postérieure, qu’il mesurait en moyenne à 21,4
mm, se situe entre les moyennes de nos spécimens gauches et droits [29]. Cette
valeur est située juste sous la valeur moyenne de tous nos spécimens (21,47 mm).
Néanmoins, lorsque chaque côté est comparé individuellement à cette valeur, des
déviations significatives apparaissent. Schmidt avait aussi constaté la différence
significative entre les côtés dans la mesure de la largeur postérieure [30, 31]. De
manière assez surprenante, la largeur antérieure était significativement plus petite
dans les spécimens de Schmidt (28,9 mm vs 30,37 mm), pour toute la série ou
pour chaque côté séparément. Tous les autres auteurs qui apportaient des résultats
comparables, surtout dans les différences de largeur, présentaient de plus petits
résultats. La distribution en deux pics de la largeur totale du talus Ta2), de la
longueur Ta4, de la largeur postérieure de la trochlée Ta5 (1), des deux côtés, de
même que la largeur antérieure Ta5(2), et que l’angle α1, peut être due aux
différences existantes entre les sexes.
Groupe 2
Contrairement aux spécimens du groupe 1, ce groupe n’a pas révélé de différence
significative entre les côtés. Ceci pourrait être lié au plus petit nombre de
l’échantillon dans ce groupe. Néanmoins, il est évident que les spécimens
féminins sont plus petits et pourraient expliquer la distribution en double pic pour
les paramètres mentionnés précédemment. Les différences entre les os secs et les
os frais apparaissent plus petites que celles mentionnées par Schmidt [30, 31]. La
macération ne provoque pas seulement la résorption des cartilages, mais peut
aussi réduire les spécimens, une méthode différente pourrait être utilisée pour
confirmer les résultats.
11
Même en l’absence des différences significatives, l’observation d’un angle plus
large entre le bord médial et le bord latéral de la surface supérieure de la trochlée
du talus du côté gauche peut être notée. La comparaison des spécimens du groupe
1 et des spécimens secs du groupe 2 montre que la largeur totale du talus Ta2 des
deux côtés, et la largeur postérieure de la trochlée Ta5(1), également des deux
côtés, était significativement plus élevée dans le groupe 2. Les causes de ces
variations ne pouvaient être détectées du fait des nombres disponibles, mais
pouvaient être liées au nombre plus limité de spécimens dans le groupe 2.
Série générale
Il a été avancé que la trochlée du talus acquiert une forme quadratique avec
l’augmentation de l’âge [15]. Ceci ne peut pas être prouvé par nos résultats. Alors
que Lippert avait trouvé un index des largeurs Ti(1) de 74,7 au 4ème mois de la vie
fœtale, qui augmentait ensuite avec l’âge, nous avons trouvé cet index en
moyenne plus petit que l’index fœtal le plus précoce [15]. Bien entendu, nous
avions trouvé des spécimens où l’index atteignait 95 ou plus (maximum 98,5), ce
qui approchait d’une forme quadratique ou rectangulaire. Il n’y a pas d’autre
explication aux différences des index des largeurs que les différences des
méthodes de mesure. Lippert avançait que les méthodes de Martin, qu’il a
utilisées comme nous dans notre étude, étaient développées à partir des études
anthropologiques [15]. Il avait dû modifier certains paramètres de la situation
prénatale. Les variations des paramètres concernés par cet index ne sont pas
rapportées, mais ceci pourrait expliquer la différence. De plus, le nombre
relativement restreint de spécimens que Lippert avait utilisés pour chaque groupe
d’âge pouvait influencer l’index [15]. Les différences de méthodologie et ou de
nombres de spécimens pourraient également expliquer les dispersions des
résultats de la plupart des autres auteurs cités dans le tableau 1 [12, 20, 28, 32, 35,
36]. Ceci peut être confirmé par le fait que les résultats de Schmidt, obtenus avec
la même méthodologie, correspondaient de manière adéquate avec nos résultats
[29, 30, 31]. Par ailleurs, l’origine ethnique peut être considérée. Tous les auteurs
sauf deux ont examiné des adultes européens [12, 28]. Il est connu que, parmi les
Européens, des différences non négligeables peuvent être observées entre les
populations.
12
En comparant les résultats de Barnett et Napier, Eichenblat et Nathan, Brenner et
Krimbacher, il semble que la classification de l’articulation tibio-fibulaire
proximale proposée par Barnett et Napier soit trop limitative [1,3b, 6]. Ces articles
n’apportent pas d’explication formelle sur l’influence de l’inclinaison, de la forme
et de la taille de cette articulation sur la mobilité de la fibula. Cependant, la
corrélation avec le degré d’inclinaison pourrait exister comme le concluaient
Reimann et al. [1, 23, 24, 25, 26]. En l’absence de mauvaise interprétation de la
formule proposée par Barnett et Napier, les résultats sont très surprenants [1].
Alors qu’ils avaient établi que le degré d’inclinaison Ti(3) variait de 0 à 14, nous
avons trouvé des valeurs beaucoup plus élevées, aussi bien à droite qu’à gauche.
En recalculant la différence de largeur1 pour un degré d’inclinaison de 14 d’après
nos résultats de mesure de la longueur trochléaire, le résultat était de 4,88 mm.
Ces valeurs correspondent aux résultats proposés par Poirier et Charpy et
également par Sarrafian, et restent plus élevées que les conclusions apportées par
Inman [12, 20, 28]. Mais ces valeurs restent inférieures à celles données par
Testut et aux résultats de notre étude [35]. Bien que le degré d’inclinaison soit
fondé sur les mêmes résultats que les angles calculés par rapport au bord médial
ou au bord latéral de la trochlée du talus, ces deux paramètres sont directement
corrélés, et le degré d’inclinaison apparaît comme un paramètre plus abstrait alors
que l’angle semble un paramètre réel et plus facilement concevable.
1
dTa5 =
99 × Ta 4left + 99 × Ta 4 right
Ti (3) × Ta 4
; où Ta 4 =
= 34.87 mm
100
99 × 2
Selon Reimann et al., nous pouvons considérer que l’angle entre les axes du bord
médial et du bord latéral de la trochlée du talus peut être interprété comme un
paramètre du déplacement en hauteur de la facette malléolaire latérale [25, 26].
On peut conclure ainsi que la position des bords de la trochlée correspond aussi à
la position des surfaces articulaires associées. La position des facettes trochléaires
doit inévitablement être en rapport avec la position des surfaces articulaires des
malléoles tibiale et fibulaire. Ainsi, l’angle de la trochlée du talus doit être
considéré comme une mesure de l’angle d’ouverture des surfaces articulaires
malléolaires tibiale et fibulaire dans le plan transversal. Alors que la position, la
13
forme et la torsion du tibia n’influencent pas cet angle, l’angle entre le bord
médial et le bord latéral de la trochlée du talus témoigne d’une torsion de la fibula.
On peut déduire des résultats de cette étude que la torsion fibulaire doit être plus
importante à gauche qu’à droite. Ce fait a déjà été prouvé [3a]. Au moment du
passage de la flexion dorsale à la flexion plantaire de la cheville, le contact entre
les surfaces articulaires est réduit, des mouvements oscillants de latéralité
deviennent possibles. En effet, le talus et, avec lui, le pied entier peuvent être
mobilisés en rotation interne ou externe autour d’un axe sagittal, c’est-à-dire
antéro-postérieur (nous souhaitons éviter les termes de supination et de pronation,
car ils concernent des mouvements plus complexes du pied dans sa totalité).
Lorsque la flexion plantaire est guidée initialement par la malléole latérale, les
rotations, et plus particulièrement la rotation interne, deviennent possibles [1]. De
tels mouvements s’accompagnent également d’une diminution de la congruence
articulaire de la cheville. Platzer avait classé ces mouvements selon le degré
croissant d’instabilité, et il avait établi que le degré d’instabilité peut aggraver le
risque d’une hyper-rotation médiale, au cours de laquelle la malléole latérale joue
le rôle d’un pivot [18]. Mais ceci ne peut pas expliquer pourquoi le côté gauche
montre une moins bonne stabilité articulaire que le côté droit. Au cours de la
flexion plantaire du pied gauche, une diminution importante de la surface de
contact articulaire apparaît, ce qui dévoile la possibilité de mouvements de
rotation interne et de mouvements d’oscillation.
Une explication possible peut être trouvée dans la mise en charge en appui
monopodal, par comparaison avec la préhension manuelle. En prenant en compte
certaines études sur la latéralité du pied, certaines conclusions intéressantes
peuvent être avancées [8, 9, 11, 27]. Lorsque le pied gauche est utilisé comme
support de stabilisation, on peut concevoir que la trochlée présente un angle plus
large. Un angle plus large permet une majoration des mouvements rotatoires. Il
faut alors considérer le pied comme point de fixation et le segment jambier
comme segment mobile. La plante du pied peut alors être en contact complet avec
le sol pour un plus grand nombre de positions de la jambe. A titre d’exemple, un
joueur de football droitier, lorsqu’il va vouloir frapper le ballon avec le pied droit,
va étendre sa jambe gauche relativement loin de la partie antérieure de la surface
d’appui du pied, et la cheville est alors contrainte en flexion plantaire. La plante
14
du pied repose entièrement sur le sol et ceci augmente la qualité et la sécurité de la
mise en charge. Ce n’est qu’à ce moment que la jambe gauche peut frapper le
ballon. Cependant, si la jambe gauche n’est pas suffisamment en recul par rapport
à la surface d’appui et si la cheville gauche n’est pas suffisamment placée en
flexion plantaire, un appui instable peut résulter de ces conditions et le joueur peut
alors trébucher. Par ailleurs, la cheville droite devra être plus stable pour assurer
que la balle soit frappée dans la direction que le joueur veut lui imprimer. Sur la
base de ces considérations, une relation très forte entre la mise en charge sur le
pied et la forme de la trochlée du talus peut être évoquée. Il ne peut pas être
déterminé dans cette étude à quel point l’appui monopodal détermine la forme et
réciproquement. En considérant l’insertion générale qui soutient que la fonction
détermine la forme, le premier cas de figure peut être retenu comme le plus
probable.
Plusieurs éléments doivent être pris en compte dans l’élaboration d’une prothèse.
La trochlée du talus ne peut pas être considérée de manière symétrique entre les
côtés droit et gauche. Aucun paramètre susceptible d’être corrélé des deux côtés
n’est mis en évidence, hormis la hauteur qui peut être utilisée comme un critère.
La longueur de la trochlée et sa largeur antérieure sont corrélées, de même que les
largeurs antérieure et postérieure sont corrélées entre elles, pour un même côté.
Cependant, lors de l’indication d’une arthroplastie, tous les paramètres ne peuvent
pas être mesurables au cours de la planification, et ces corrélations peuvent aider
les calculs, ainsi qu’ils ont déjà été élaborés [7]. Puisque l’angle entre le bord
latéral et le bord médial de la trochlée du talus est plus grand du côté gauche, ce
côté présente une plus grande variabilité. Ce côté présente la plus grande
dispersion des valeurs de surfaces mesurées entre une forme presque rectangulaire
et une forme trapézoïdale de la trochlée. De plus, le fait que l’appui monopodal
puisse être corrélé avec la largeur de l’angle entre le bord médial et le bord latéral
de la trochlée du talus peut être utile.
Légendes des figures et tableaux
Fig. 1. Représentation schématique des principaux paramètres du calcul de l’angle entre le bord
médial et le bord latéral de la surface supérieure de la trochlée du talus. Ta2, largeur totale du
talus; Ta4, longueur de la trochlée du talus; Ta5(1), largeur postérieure de la trochlée du talus;
Ta5(2), largeur antérieure de la trochlée du talus
15
Fig. 2. Configurations standardisées gauche et droite de la face supérieure de la trochlée du talus
(longueurs en millimètres)
Fig. 3A-C. Surface supérieure de la trochlée du talus de trois différents spécimens du groupe 2. A
Spécimen N° 13: .
B Spécimen N° 20: .
C Spécimen N° 57: .
Tableau 1. Différences des largeurs de la trochlée du talus présentées dans la littérature
Tableau 2. Résultats du groupe 1
Tableau 3. Corrélations du groupe 1. La matrice est divisée en une moitié supérieure et droite
(ombrée) pour le côté droit, et une moitié inférieure gauche représentant les valeurs mesurées du
côté gauche. Les corrélations avec p > 0.005 sont indiquées entre parenthèses
Tableau 4. Résultats du groupe 2, spécimens frais
Tableau 5. Résultats du groupe 2, spécimens secs
Traduction F. Duparc
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