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La forme trapézoïdale de la trochlée du talus
E. BRENNER, J. PIEGGER ET W. PLATZER
Introduction
L’importance du talus et plus particulièrement de sa trochlée dans la
biomécanique de l’articulation talo-crurale est connue. De nombreuses
publications rapportent les rayons de courbure, l’étude des surfaces et d’autres
paramètres de la trochlée. Les paramètres morphométriques sont de grande
importance dans l’objectif de remplacer un talus détruit par un composant
artificiel. L’arthroplastie du talus peut être réalisée dans le traitement des
différentes lésions comme l’ostéonécrose avasculaire, les fractures graves, les
tumeurs du corps du talus, les déformations du pied en équin et en varus d’origine
paralytique ou après lésion médullaire, la polyarthrite rhumatoïde, l’arthrose post-
traumatique ou les ankyloses douloureuses [4, 5, 10,13]. L’option thérapeutique
d’une arthrodèse « est (…) une technique non naturelle, indiquée en cas d’échec
chirurgical, particulièrement dans le cas de l’articulation talo-crurale (…) » [7].
Dans leurs études, ces auteurs avaient mesuré trois groupes de paramètres
morphométriques de la cheville au moyen de radiographies standards de face et de
profil. Le premier groupe comprenait des mesures sur le tibia, le second sur une
malléole et le troisième sur le talus. Il n’est pas réellement surprenant que la
largeur de la mortaise tibio-fibulaire soit corrélée avec la largeur de la trochlée du
talus (r = 0,94), mais de plus, elle était corrélée avec la longueur de la trochlée (r =
0,65). La longueur de la trochlée du talus était aussi corrélée avec la profondeur
de la surface articulaire distale du tibia (r = 0,75), Fessy et al. ont conclu que la
plupart des paramètres morphométriques de l’articulation talo-crurale pouvaient
être déduits de la longueur trochléaire [7]. Ils ne purent pas mettre en évidence de
différence selon le sexe dans leurs spécimens (32 hommes, 18 femmes).
Malheureusement, ils ne précisaient pas le côté examiné. Par ailleurs, ils
affirmaient que « la surface articulaire du talus, en particulier, ne pouvait pas être
comparée à un segment de cylindre ; il s’agit d’une structure tridimensionnelle,
plus large en avant qu’en arrière, creusée par une dépression longitudinale » [7].
Ce segment de cylindre montrait un diamètre moyen de 2 cm et un arc de
longueur d’environ 120° [22].
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Les données de la littérature sont peu nombreuses en ce qui concerne les
paramètres morphométriques de l’articulation talo-crurale et plus particulièrement
l’étude des contours de la surface supérieure. Dans son travail, Sarrafian décrivait
la surface supérieure de la trochlée comme une poulie, dont la gorge se situe
proche du bord médial [28]. Le bord médial de la surface supérieure est rectiligne,
alors que le bord latéral est oblique, orienté en arrière et en dedans, ce qui
constitue une forme plus petite en arrière. De nombreux auteurs ont déjà étudié les
différences entre les diamètres transverses antérieurs et postérieurs de la trochlée
(tableau 1). Martin citait un article de Poniatowski qui étudiait le talus dans
différentes races humaines [16, 21]. Il trouvait que l’index longueur-largeur de la
trochlée du talus variait de 77,8 chez les Birmans à 82,7 chez les Maoris. Dans les
races blanches (Australiens, Tyroliens, Allemands), cet index variait de 79,2 à
81,0. Selon Strauss Jr., cet index ne varierait que très peu au cours de l’ontogenèse
humaine [34]. Barnett et Napier ont étudié le talus de 152 spécimens [1]. Le degré
d’inclinaison, défini par le rapport entre la différence entre la largeur antérieure et
la largeur postérieure (δx) divisé par la longueur de la trochlée du talus (y) [100
δx /y], montrait de grandes variations, de 0 à 14. Ils trouvaient que ce degré
d’inclinaison n’était pas corrélé avec la mobilité de la fibula, ce qui était attribué à
la structure de l’articulation tibio-fibulaire proximale, mais avec le degré
d’inclinaison de l’axe de flexion plantaire de l’articulation talo-crurale. Une
classification était établie selon l’aire de la surface articulaire du tibia (type I>20
mm2, inclinaison<30° ; type II : 15 à 20 mm2 ; type III<15 mm2, inclinaison>30°).
Eichenblat et Nathan avaient établi 7 types [6]. Brenner et Krimbacher ont calculé
la taille de la surface articulaire de la tête de la fibula d’après sa hauteur et sa
largeur [3b]. La surface moyenne était de 164,44 mm2, variant de 33,66 mm2
jusqu’à 293,25 mm2. Ces auteurs pouvaient aussi montrer que l’inclinaison n’était
pas corrélée avec la forme et la taille de l’articulation.
Un autre travail important sur la morphométrie du talus a été fait par Lippert [15].
Il a déterminé les modifications liées à la croissance du talus, parmi les autres os
du tarse, en utilisant des index obtenus par les mesures fondées sur la méthode de
Bräuer [2]. Lippert avait utilisé la troisième édition de l’ouvrage de Martin, mais
il n’y a pas de différence dans la méthodologie par rapport à l’édition utilisée [15,
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16]. Les index présentés par Lippert décrivaient le développement du talus et de
sa trochlée en quatre étapes : les quatrième, sixième et dixième mois de la vie
fœtale, et l’état adulte [15]. Il trouvait que les index de largeur augmentaient de
manière significative de 74,7 au cours du quatrième mois fœtal jusqu’à 85,3 à la
taille adulte. De même, avec les index largeur-longueur, il calculait une
augmentation significative avec l’âge, et concluait que la trochlée du talus
approchait d’une forme quadratique avec l’augmentation de l’âge [15].
Une étude majeure sur la morphométrie du talus était publiée par Schmidt [29, 30,
31]. Toutes les mesures avaient été faites selon la méthode de Bräuer [2]. Dans le
premier article, Schmidt rapportait une longueur totale de la trochlée du talus de
34,8 mm, une largeur antérieure de 28,9 mm et une largeur postérieure de 21,4
mm [29]. Dans sa thèse et plus tard dans son ouvrage, Schmidt distinguait ces
résultats [30, 31]. Il comparait l’os frais et l’os sec, et différenciait les côtés. Il
trouvait une longueur totale de la trochlée de 35,61 mm (± 2,88) sur 36 os frais, et
33,82 mm (± 3,27) sur 72 os secs. Dans les spécimens frais, la largeur antérieure
était de 29,93 mm (± 1,85) et la largeur postérieure de 21,03 mm (± 3,33) en
moyenne. Dans les os secs, la largeur antérieure était de 27,80 mm (± 2,89) et la
largeur postérieure de 20,67 mm (± 3,25). Par ailleurs, Schmidt rapportait une
différence de la longueur trochléaire selon le côté dans les spécimens frais, où le
côté droit était significativement plus grand que le côté gauche. De plus, la largeur
postérieure était significativement plus petite dans le côté gauche des spécimens
frais que dans le côté droit.
Platzer avait établi que les formes rectangulaire et trapézoïdale étaient présentes
chez l’adulte humain [17]. Platzer fut aussi le premier à déterminer une différence
selon le côté dans l’index de largeur de la trochlée du talus [18]. Il trouvait que la
différence entre la largeur antérieure et la largeur postérieure de la trochlée était
de manière significative augmentée du côté gauche.
Reimann et al. ont étudié la forme et la position de la trochlée du talus dans
plusieurs travaux [23, 24, 25, 26]. Selon ces travaux, la forme de la trochlée du
talus conduisait à des mouvements d’adaptation et de stabilisation de la fibula
dans les directions transversale, sagittale et longitudinale, et autour de son axe
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propre. Cette rotation était précisément déterminée avec un maximum
d’incertitude de ± 3° [23]. Dans ce travail, il démontrait que la facette articulaire
malléolaire latérale représentait une surface hélicoïdale, dont le déplacement en
hauteur était variable. Kapandji avait déterminé la rotation de la fibula avec une
modification au cours du passage de la flexion plantaire à la flexion dorsale de
l’ordre de 30° [14]. En 1986, Reimann et al. avaient étudié la géométrie de la
trochlée du talus de manière plus détaillée [25]. Ils trouvaient que le bord latéral,
bien qu’hélicoïdal, était arrondi concentriquement autour d’un axe fixe. Cet axe
passait par un point proche de la pointe de la facette malléolaire latérale.
Malheureusement, aucune détermination plus précise de la position de cet axe
n’avait été faite. Dans ce travail, comme dans l’article de 1988, les auteurs
développaient un modèle géométrique de la trochlée du talus [25, 26]. Ils
caractérisaient la trochlée du talus comme un segment de torsion avec un bord
médial elliptique et un bord latéral circulaire. Un segment de cône aplati lui était
associé médialement. A la face latérale, un segment hélicoïdal est associé. L’axe
de ce segment hélicoïdal, selon les considérations des auteurs, est identique à celui
du segment de torsion. Malheureusement, le gradient de déformation et
l’inclinaison de ce segment hélicoïdal n’étaient pas déterminés.
Tous les auteurs cités précédemment ont également étudié les différences entre les
largeurs antérieure et postérieure de la trochlée, ou les index de longueur-largeur.
Personne, à notre connaissance, n’a associé ces deux types de paramètres pour
déterminer un élément morphologique important, l’angle formé par les bords
médial et latéral de la surface supérieure de la trochlée.
L’objectif de cette étude était de préciser la morphologie de la trochlée. Nous
avons apporté un intérêt spécifique à l’étude de ces contours. Puisque la
détermination isolée de la différence de largeur ou de l’index longueur-largeur ne
permet pas réellement le dessin du talus ou d’une prothèse de la trochlée du talus,
nous proposons désormais d’utiliser l’angle entre le bord médial et le bord latéral
comme un paramètre absolu et fiable. Les résultas seront discutés selon un point
de vue biomécanique. La mise en évidence de différences selon le côté sera aussi
discutée du point de vue de la mise en charge en appui sur le pied. Dans la
majorité des cas (74%), le pied droit est utilisé préférentiellement pour les
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activités de mobilisation, alors que le pied gauche non dominant constitue le
support de stabilisation [9, 11, 27]. Il existe aussi une différence selon le sexe, car
les femmes sont plus latéralisées au niveau du pied droit que les hommes [27]. Il a
également été déterminé qu’il existe une nette différence dans la mise en charge
sur le pied au cours de l’enfance et de l’adolescence [8]. Selon cette étude, la
dominance du côté droit chez l’enfant n’était pas aussi prononcée que la
préférence droitière au niveau de la main, et que de nombreux enfants ou
adolescents ne présentent pas de membre dominant.
Matériel et méthodes
Pour cette étude, deux groupes de spécimens ont été utilisés. Le premier groupe
concernait des talus secs, comme l’avait fait Platzer [18]. Parmi ces 228
spécimens, l’un a été exclu car tous les paramètres nécessaires pour calculer
l’angle n’étaient pas disponibles. Parmi les 227 os talus restants, 99 paires
(gauches et droites) ont été identifiées, les 29 spécimens restants étaient des os
gauches. Pour les calculs suivants, seules les 99 paires ont été utilisées. Dans ces
os, la longueur totale de la trochlée du talus, Ta4, la largeur postérieure de la
trochlée du talus Ta5(1), la largeur antérieure de la de la trochlée du talus Ta5(2),
ont été mesurées. De plus, la largeur totale du talus Ta2 était mesurée comme un
paramètre des dimensions globales de l’os. Les paramètres principaux pour le
calcul de l’angle sont présentés à la fig. 1.
Comme il était déjà connu que la différence entre les largeurs antérieure et
postérieure de la trochlée montre deux pics de distribution dans les spécimens
gauches, nous avons spécialement recherché à confirmer ce point avec d’autres
paramètres [18]. Les résultats ont montré que la largeur totale du talus Ta2
présentaient également deux pics de distribution pour les deux côtés. Pour
éclaircir l’origine de ces deux pics, nous avons constitué un autre groupe de talus.
Ce second groupe de 67 talus a été mesuré deux fois, une fois sur l’os frais avec le
cartilage en place, et une fois sur l’os sec après ablation du cartilage par
macération prolongée. Les spécimens frais étaient obtenus à partir de membres
inférieurs isolés, qui étaient conservés selon la méthode de Platzer et al. [19]. La
macération était obtenue par chauffage avec un détergent léger (Arypon®, Hollu,
J. Holluschek, Zirl/Innsbruck) à 75° pendant 10 jours. Des paramètres
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