distincts et bien dénis, furent décou-
verts. Maintenant que les couleurs de plu-
sieurs dizaines de milliers d'astéroïdes
sont disponibles, nous pouvons voir que
ces intrus sont en réalité la règle au sein
de la ceinture.
Aujourd'hui, les nouvelles connais-
sances accumulées sur la ceinture princi-
pale d'astéroïdes, comprenant sa structure
orbitale et compositionnelle ainsi que les
processus dynamiques qui la sculptent,
contribuent à une histoire plus cohérente.
Les modèles actuels prédisent que les pla-
nètes géantes ont migré sur des distances
substantielles, secouant les astéroïdes (qui
s'étaient formés partout dans le disque
protoplanétaire) comme des ocons dans
une boule de neige et les transportant
jusqu'à leur position actuelle dans la cein-
ture. La ceinture principale est donc un
pot-pourri de l'ensemble des conditions
qui régnèrent dans tout le jeune Système
solaire.
Néanmoins, les astéroïdes dits Hildas
ainsi que les Troyens présentent tous la
même composition, contrastant forte-
ment avec le mélange présent dans la
ceinture principale. Toutes ces observa-
tions sont autant de clefs pour découvrir
les différentes étapes de l'évolution du
Système solaire. Comprendre comment
s'est produit l'agencement des planètes et
les conditions qui ont permis la vie sur
Terre dénira le contexte pour compren-
dre la myriade de systèmes d'exoplanètes.
déCouverte
des premiers intrus
La répartition de la composition des as-
téroïdes, indiquée par la succession de di-
vers groupes aux couleurs allant du rouge
au bleu, impliquait qu'ils tendaient à
conserver leur environnement de forma-
tion initial, à savoir le gradient de tempé-
rature et de composition présent dans le
disque au moment de la formation des
planètes. Dans les années 1980, se basant
sur la comparaison avec les météorites, les
astronomes pensaient que les astéroïdes
rouges qui peuplent la partie interne de la
ceinture étaient formés de roches magma-
tiques, et que les bleus de la partie externe
n’avaient subi que peu d'altération ther-
mique. Le dé pour la décennie suivante
semblait être d’expliquer comment le gra-
dient thermique avait pu être si fort, créant
des corps si différents, de fondus à primi-
tifs, sur une distance d'une seule unité as-
tronomique (l’UA est très proche de la
distance Terre-Soleil, soit environ 150 mil-
lions de km).
Mais l’interprétation originelle de la
composition des astéroïdes rouges et bleus
était en réalité erronée. Le retour d'échan-
tillons en 2010 de l'astéroïde rouge
(25143) Itokawa par la sonde japonaise
Hayabusa montra que si l'astéroïde avait
expérimenté une phase de haute tempé-
rature, il restait tout de même primitif, en
opposition avec l’interprétation antérieure
d'un corps supposé fondu (car rouge).
Bien que les tendances observées sur la
composition et la température des asté-
roïdes, de chauds à froids, restassent une
énigme, le gradient de température n’était
donc pas aussi drastique que ce que l’on
imaginait.
Cette idée d’une variation de tempéra-
ture avait été suggérée par la composition
des plus gros astéroïdes. Une fois la com-
position d'astéroïdes plus petits détermi-
née, les premiers intrus apparurent. Le
premier fut (1459) Magnya, un fragment
basaltique – donc fondu à très haute tem-
pérature – identié en 2000 au milieu des
corps froids de la ceinture externe. Puis,
une poignée d'autres astéroïdes basal-
tiques furent trouvés dispersés dans toute
la ceinture principale. Des astéroïdes pri-
mitifs furent aussi découverts dans la
ceinture interne, et des astéroïdes rouges
jusque dans la ceinture externe. Même les
astéroïdes ferreux, pourtant vestiges des
noyaux de protoplanètes différenciées qui
se sont formées dans le voisinage de la
Terre, se trouvent répartis sur toute la lar-
geur de la zone couverte par la ceinture
principale. Finalement, la découverte de
glace à la surface, ou sous forme de
plumes de vapeur, sur plusieurs astéroïdes
dont le plus gros, (1) Cérès, suggéra que
ces corps s'étaient formés bien plus loin
que leurs positions actuelles, derrière la
limite des glaces (distance au Soleil à par-
tir de laquelle la vapeur d'eau peut se
condenser sur les surfaces, à environ
5 UA). Au début, ces intrus semblaient
être le résultat d'une contamination par
quelques astéroïdes exotiques, mais il de-
venait bientôt clair que les groupes d'as-
téroïdes rouges et bleus identiés dans les
années 1980 étaient en réalité bien plus
étendus, se chevauchant, mettant à mal
l'idée classique, et un peu étriquée, d'un
Système solaire statique, gé depuis les
temps anciens de sa formation il y a
quelque 4,5 milliards d'années.
les astéroïdes:
pot-pourri du système solaire
Trois études récentes ont permis de
dresser une nouvelle carte, radicalement
différente de la vue classique, de la distri-
bution minéralogique des astéroïdes plus
grands que 5 km : la détermination de l’al-
bédo (pouvoir rééchissant) de 150 000
2. Wise
Le télescope spatial Wise de la Nasa a été
lancé en décembre 2009 et a observé le
ciel entier dans quatre longueurs d'onde
dans l'infrarouge jusqu'en septembre 2010,
quand sa réserve d'hydrogène liquide
nécessaire à son refroidissement s'est
épuisée. Durant cette mission, 158 000
astéroïdes, dont 34 000 découvertes, ont
été observés. Cette mission a fourni le plus
grand catalogue de diamètres et d’albédos
(capacité de la surface à réfléchir la
lumière) d’astéroïdes à ce jour.
vol.129 | 83 | 37 Mai 2015 – L’ASTRONOMIE 37
Vue d’artiste de WISE.