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Blog Le Soir
Le carnet de
Colette BRAECKMAN Mis en ligne le 2/10/2014
De mémoire de papillon, ou la tragédie de Lumumba questionnée par
les jeunes générations
Quand Lumumba quitte les livres d’histoire pour s’inviter chez Claude Volter
Patrice Lumumba est enfin sorti des livres d’histoire, des pamphlets politiques, de la
chronique judiciaire. Après une « relégation mémorielle » de plus d’un semi siècle, ce
personnage de tragédie occupe enfin la place qui lui revient : celle d’un héros…
Trahi, méconnu, sali, récupéré par les faussaires et les Judas, le voilà qui revient,
dans les bagages d’une nouvelle génération, qui pose, encore et toujours les mêmes
questions aux aînés : où étiez vous, que saviez vous, qu’avez-vous fait ?
De manière très littéraire, l’écrivain Laurent Demoulin transforme Lumumba en
nouvel Ulysse et mêle la légende grecque aux réminiscences de l’histoire (1).
Mais surtout, sur la scène de la Comédie Claude Volter, Michel de Warzée (2) a
entrepris un étrange périple, en compagnie de deux auteurs plus jeunes, Philippe
Beheydt et Stephanie Mangez. A quatre mains, ces derniers ont mis en scène le choc
des générations, apprivoisé les souvenirs très personnels du directeur du théâtre
Claude Volter dont le père, le juge Lemaire de Warzée d’Hermalle, est celui là même
qui, à Stanley ville, condamna Patrice Lumumba à six mois de prison. Une sentence
que le futur Premier Ministre n’accomplit jamais car, les mains encore marquées par
les fers, il fut libéré avant le terme prévu pour pouvoir assister à la Table ronde de
1960.
Durant des décennies, le souvenir de ce procès a pesé sur la famille et souvent est
revenue la question lancinante : mais qui était donc Lumumba, quelle fut l’exacte
responsabilité des Belges ? Cette masse pesante du passé non dit et non résolu, il
fallait que deux jeunes auteurs y portent le scalpel, pour la délivrer du fantôme qui,
comme le disait naguère le cinéaste Raoul Peck, hante toujours les rues de Bruxelles
(où aucune place ne porte encore le nom du proscrit…)
Délivrés des non dits et des complexes du passé, les deux auteurs tissent une double
trame, aussi vraie à l’avers qu’au revers.
La première, à la fois familière et bouleversante, est celle de Raymond, un ancien
militaire qui, sans doute, participa à la mise à mort de Lumumba, un soir de janvier
au Katanga. Que s’est il donc passé, cette nuit où le Congo bascula ? On ne le saura
pas plus aujourd’hui qu’hier, car la mémoire de Raymond, fort opportunément, est
défaillante (autant que celle des derniers protagonistes qui comparaîtront bientôt
devant un tribunal bruxellois et s’abriteront, eux aussi, derrière les brouillards
d’Alzheimer…)
Mais l’essentiel est ailleurs : ce qu’il faut retenir c’est que Raymond, comme tant
d’autres, a laissé au Congo une partie de son âme, qu’il n’a rien compris à la lutte,
aux aspirations du peuple congolais, qu’il assure avoir obéi aux ordres (de qui ? dans