Étude isocinétique des muscles de l`épaule de sportifs paraplégiques

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MÉMOIRE
Ann. Kin ésithér. , 1994, t. 21, n° 5, pp. 227-234
© Masson, Paris, 1994
Étude isocinétique des muscles de l'épaule de sportifs
paraplégiques
P. L. BERNARD (1, 4), M. POCHOLLE (2), P. CODINE (3)
(1) Enseignant d'E.P.S., docteur en Sciences et Techniques des activités physiques et sportives, (2) M G.MK., kinésithérapeute chef,
(3) Médecin rééducateur, centre de Rééducationfonctionnelle
de Fontfroide, rue de Saint-Priest, F 34100 Montpellier. (4) Laboratoire
« Sport Santé et Développement », UFR STAPS, 700, avenue du Pic-Saint-Loup, F 34090 Montpellier.
De plus en plus de recherches s'intéressent
au devenir fonctionnel des personnes traumatisées médullaires. En complément des études
de l'influence du handicap et des effets de
réglages du fauteuil roulant sur les réponses
à l'exercice musculaire, cette étude cherche à
déterminer l'influence du niveau neurologique
sur les couples et les puissances musculaires
de sportifs paraplégiques.
Deux groupes de six sportifs paraplégiques
de niveau neurologique différent (SPH et SPB)
et un groupe de 6 sportifs valides (SV) ont
participé à un test d'évaluation isocinétique des
couples et des puissances développées par
l'articulation de l'épaule. Le test de flexionabduction/extension-adduction
de type
concentrique-concentrique était effectué aux
trois vitesses de 60o/sec, 120o/sec et 2IOo/sec
sur le côté droit puis sur le côté gauche. Nous
avons retenu les variables de travail et de
puissance et complété cette analyse par l'étude
par la détermination du ratio agoniste/antagoniste des muscles de l'épaule. Les résultats des
tests isocinétiques montrent que :
- les sportifs paraplégiques avec un niveau
neurologique inférieur à DIO (SPB), c'est-àdire avec une absence de muscles abdominaux
et de capacités de stabilisation en position
assise, montrent des valeurs de couples et de
puissances statistiquement supérieures et significatives (p < 0,001) que les sportifs paraplégiques de niveau dorsal haut (SPH) et que
les valides,.
- le niveau neurologique et la propulsion
en fauteuil roulant ont une influence sur
les puissances musculaires isocinétiques développées par la ceinture scapulaire. La comparaison entre SPH et SPB durant les mouvements d'extension montrent en effet des
différences significatives de travail maximal
par répétition (p < 0,001), de travail total
(p < 0,001) et de puissance (p < 0,01),.
- la propulsion en fauteuil roulant entraîne
un développement musculaire spécifique pour
les paraplégiques en fauteuil roulant qui
disposent de leurs capacités d'équilibration et
de stabilisation en position assise,.
- pour le ratio agoniste/ antagoniste, les
trois paramètres de travail maximal par
répétition, de travail total et de puissance,
montrent le plus souvent des valeurs comprises
entre 30 % et 40 %, voire même inférieure à
30 % dans certaines conditions de test. Ces
rapports sont observés chez les trois groupes
de sujets et correspondent à un déséquilibre
des muscles de l'articulation de l'épaule et à
un facteur favorable au développement de
douleurs et de traumatismes. Nous pensons
que de futures recherches devront nécessairement approfondir les connaissances des capacités fonctionnelles des personnes traumatisées
médullaires et les facteurs favorables à la
prévention des risques liés aux pratiques
intensives en fauteuil roulant.
Cet article a fait l'objet d'une communication orale au colloque
organisé par l'UEREPS de Lille
et la fédération française Handisport, les 27 et 28 mai 1993, à Lille.
« Sport et Handicap physique»,
Tirés à part:
M. POCHOLLE, à l'adresse
ci-dessus.
228 Ann. Kinésithér., 1994, t.
Introduction
21, nO 5
groupe de 94 personnes ay2.il: lliJe paraplégie
complète. 31 personnes présèmG.Ïem des douleurs lors des transferts et 23 d'entre elles
souffraient d'un conflit acromio-huméral et
d'une atteinte de la coiffe des rotateurs. Enfin,
Nadeau et al. (1986) ont réalisé une enquête
auprès de 65 sportifs de haut niveau en fauteuil
roulant et déterminé que 49 d'entre eux présentaient des douleurs sus-lésionnelles contre seulement 25 % chez les non-sportifs.
Il nous a donc semblé intéressant d'évaluer
l'adaptation à long terme des capacités physiques des paraplégiques à travers l'étude des
puissances musculaires isocinétiques développées par les membres supérieurs et la ceinture
scapulaire. Ce travail doit permettre de déterminer d'une part si les paraplégiques de niveau
dorsal haut développent des puissances musculaires significativement supérieures aux autres
groupes afin de compenser la réduction des
masses musculaires du territoire sous-lésionnel.
D'autre part, elle doit déterminer si la propulsion quotidienne en fauteuil roulant entraîne un
développement musculaire spécifique des sportifs en fauteuil roulant.
L'orientation des paraplégiques vers des activités physiques et sportives adaptées à leurs
potentialités physiologiques, nécessite la connaissance approfondie de leur comportement
lors de situations dynamiques. Cette recherche
des conditions optimales de pratiques et de
prévention des risques traumatiques, passe nécessairement par l'évaluation d'un ensemble de
facteurs fonctionnels caractérisant chaque
individu.
En effet, si les activités physiques et sportives
poursuivent en principe des objectifs de santé
et de bien-être, elles peuvent involontairement
déboucher sur l'apparition de traumatismes.
Parallèlement aux études menées sur les techniques de propulsion et l'influence des réglages (2,
4, 5, 15, 16, 18) et sur les réponses métaboliques
lors du déplacement en fauteuil roulant (6, 8,
13, 19), des études sont réalisées sur le devenir
fonctionnel des traumatisés médullaires. Une
partie de ces recherches s'intéresse aux risques
que représentent les déplacements quotidiens en
fauteuil roulant et les transferts, indissociables
des activités quotidiennes. Des travaux ont fait
part des douleurs et des signes cliniques de
Matériel et méthode
traumatismes qui affectent ces populations (3,
17, 21). De par leurs anatomies et les sollicitations intenses auxquelles ils sont soumis, le POPULA nON
rachis cervical et la ceinture scapulaire sont des
régions particulièrement exposées aux complicaNotre population d'étude est composée de trois groupes
tions (9, 14, 20).
(tableau 1) :
lrvine et al. (1965) mettent en évidence une
- Un premier groupe de six paraplégiques de niveau
fréquence plus élevée des douleurs cervicales et lésionnel situé entre la quatrième et la huitième vertèbre
scapulaires chez des personnes blessées médul- dorsale. Ces personnes sont licenciées au Montpellier Club
(M.C.H.) et composaient le groupe des
laires que chez un groupe de sujets témoins Handisport
« Sportifs Paraplégiques Haut », nommé SPH.
valides et ce pour chaque tranche d'âge.
- Un second groupe de six paraplégiques de niveau
Hauptmann et Littmann (1987) présentent neurologique situé entre la onzième vertèbre dorsale et
l'épaule comme le complexe articulaire le plus la cinquième vertèbre lombaire. Ces six « Sportifs
exposé lors de la propulsion en fauteuil roulant Paraplégiques Bas », pratiquant en fauteuil roulant au
et observent des lésions tendineuses et des sein du M.C.H., seront appelés SPB.
- Un troisième groupe « témoin », composé de six
ruptures de la coiffe des rotateurs. Gellman et « Sportifs Valides », sera nommé SV.
al. (1987) ont effectué une enquête auprès de 84
paraplégiques et dénombrent 67,8 % douleurs
des membres supérieurs et 30 % douleurs lors MATÉRIEL ET PROTOCOLE
des transferts. Ils notaient par ailleurs que ces
L'isocinétisme est une méthode de travail et d'évaluadouleurs augmentaient avec l'ancienneté de la
paraplégie. Bayley et al. (1987) ont étudié un tion dynamique de la force musculaire permettant
Ann. Kinésithér.,
TABLEAU
SPH
1. - Caractéristiques
anthropométriques
et neurologiques
1994, t. 21, nO 5
229
des trois groupes de populations.
31.6
28.3
23
180
182
28
184
Tl1
77
78
29
32
1988
170
177
168
178
Tl2
6.50
71
8.06
70
55
53
80191
T5
T4
T8
24
30
31
21
37
30
29
lésion
70179
27
4.14
28
176.5
L3
1980
Tl2-Ll
1988
T4-T6
2.73
2.94
176.1
174.6
185
163
66
60
60175
63
62.8
9.35
68.5
68176
7.19
17
33
basket
tennis
1984
1983
1978
1986
60165
67.1
65173
7.49
niveau
8.52
accident
trouble
taille
taille
(cm)
(cm)
racmg
flasque
flasque
sport
incomplète
complète
spastique
sport
âge
(an)
incomplète
âge
âge
poids
complète
complète
(an)
(an)
(kg)
complète
spastique
poids
(kg)
SV
d'obtenir,
grâce à une résistance auto-adaptée,
une
contraction musculaire maximale à vitesse constante, sur
une amplitude
choisie (partielle
ou totale) d'une
articulation.
Pour la détermination du couple de force développé
par les membres supérieurs à partir du dynamomètre
« Biodex », chaque sujet était installé sur le siège mobile
d'évaluation isocinétique. Les paraplégiques effectuaient
un « transfert » de leur fauteuil roulant vers celui-ci.
Une fois sanglé, chaque sujet était placé parallèlement au
dynamomètre, selon un angle de 15° tandis que 10 cm
séparait l'acromion de l'axe de rotation du levier. L'axe
de l'articulation du sujet était aligné avec l'axe de rotation
de la machine. L'enregistrement
du débattement articulaire de l'articulation de l'épaule ainsi que la détermination de poids du membre supérieur concluaient
la
préparation au test. Une période d'une minute à l200/sec
permettait à chaque participant de s'échauffer et de se
familiariser avec le matériel (fig. 1).
Le test de flexion-abduction (F-ABD)/extension-adduction (E-ADD) de cette articulation débutait par l'évalua-
tion du côté droit (D) aux trois vitesses de 600/sec,
l200/sec et 2100/sec à laquelle succédait le travail du
côté gauche (G) après une nouvelle installation du sujet.
Les acquisitions à vitesse lente (600/sec) et à vitesse
moyenne (1200/sec) étaient réalisées sur la base de
5 répétitions tandis que l'acquisition à vitesse rapide
(2100/sec) comprenait
10 répétitions.
Une répétition
correspond aux deux mouvements inverses de flexionabduction/extension-adduction.
Après une série de répétitions à une vitesse donnée, chaque personne bénéficiait
d'un temps de repos toujours compris entre l minute et
1,30 minute puis de deux répétitions de familiarisation
et d'ajustement à la vitesse suivante.
Nous avons retenu les quatre paramètres du pic de
couple (PC), de travail maximal par répétition (TMR),
de travail total (TT) et de puissance (P) et complété cette
analyse isocinétique par le calcul du rapport des puissances développées par les muscles agonistes et antagonistes de l'articulation de l'épaule. Les muscles agonistes
et antagonistes correspondent respectivement aux muscles
fléchisseurs-abducteurs-rotateurs
externes et extenseurs-
230 Ann. Kinésithér., 1994, t.
21, n° 5
adducteurs-rotateurs
internes. Ce rapport reflète l'équilibre dynamique entre des groupes musculaires antagonistes
et représente l'un des rapports essentiels de l'isocinétisme.
ANALYSE STATISTIQUE
Les valeurs des différents paramètres mesurés ont été
exprimées par leur moyenne + leur écart type. Une
analyse de variance à deux facteurs a été retenue pour
la comparaison des trois groupes de sujets lors des douze
conditions de tests. Les différences étaient considérées
significatives lorsque p < 0,05.
160
E 1000
0
:z:
=0 400 (p ~ testCDd'abduction600
20
0
40
60
0,001).
5 200
Résultats
1. - Lors
0,001)
Installation
de<depic
de
du
couple
sujet lors
entre
du les des
différences
80
~catives
SV
SPH
et SPB ainsi qu'entre les SPH et les SV
100
SERIES
120
<60
SERIES
SERIES
800
pIC
couple
grandes
SERIES
de
l'analyse
détaillée
0
140
C
:
valeurs
de
Travail
Total.
D
:
valeurs
de
Puissance).
rotation interne de l'articulation de l'épaule (A : valeurs de Pic de Couple. B : valeurs de Travail Maximal par Répétition.
s de nous
populations
(p
ltats,
observons des différences significo
L
W
w..:
W
LW
w..:
w..:
LW
0
0
cD
'"
C
=
c'-0
cD
CD
cD
cco
D
''-"
(C)
-"
-"
5
~
W
w
w..:
80
..:
, de=
w..:
w..:
0w
L
LW
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L
LW
W
W
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w..:
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w..:
,,;
••
~'.
','ô
péeslors du test dejlexion-abduction-rotation externe/extension-adduction-
~lrrn
1De
!
(p < 0,008) (fig. 2 A). Lorsque nous comparons le pic de couple développé en flexionabduction-rotation
externe (agoniste) et en
extension-adduction-rotation
interne (antagoni ste) (fig. 3 A), nous observons que les SPH
atteignent en flexion, sur la moyenne des deux
côtés droit et gauche, aux trois conditions de
vitesse (60-120-21Oo/sec), 51 %, 72 % et 62 %
des pics de couple développés en extension. Les
SPB atteignent
respectivement
aux mêmes
conditions des valeurs de 65 %, 72 % et 65 %,
tandis que les SV obtiennent des valeurs de
72 %, 76 % et 75 %.
Nous observons des différences significatives
de travail maximal par répétition entre les trois
groupes de populations (p < 0,001). Lors de
l'analyse détaillée des résultats, nous observons
des différences significatives (p < 0,001) de
travail maximal par répétition entre les SPH et
SPB mais pas entre les SPH et les SV
bas
(p < 0,73). Les sportifs paraplégiques
(SPB) sont les plus performants aux trois vitesses
dans les quatre conditions de tests (fig. 2 B).
Lors de l'étude du ratio agonis te/antagoniste
nous observons chez les SPH des valeurs de
27 %, 29 % et 30 %. Dans les mêmes conditions, les SPB obtiennent des valeurs de 33 %,
40 % et 39 % tandis que les SV réalisent 33 %,
32 % et 43 % (fig. 3 B).
En ce qui concerne le travail total, nous
mesurons des différences significatives entre les
trois groupes de populations (p < 0,001). Lors
de l'analyse détaillée des résultats, nous observons des différences significatives (p < 0,001)
232 Ann. Kinésithér., 1994, t.
21, n° 5
de travail total entre les SPH et SPB mais pas
entre les SPH et les SV (p < 0,81). Les sportifs
paraplégiques bas (SPB) effectuent le travail
total le plus élevé dans les quatre conditions de
test à 60, 120 et 21Oo/sec (fig. 2 C). Lors de
l'étude du ratio agonis te/antagoniste du travail
total, nous observons chez les SPH des valeurs
de 26 %, 29 % et 30 %. Dans les mêmes
conditions, les SPB obtiennent des valeurs de
33 %, 37 % et 39 % et les SV des valeurs de
32 %, 31 % et 35 % (fig. 3 C).
Les valeurs de puissances des trois groupes
de sujets sont significativement
différentes
(p < 0,001). Lors de l'analyse détaillée des
résultats, nous observons des différences significatives (p < 0,001) de puissance entre les SPH
et SPB mais pas entre les SPH et les SV
bas
(p < 0,32). Les sportifs paraplégiques
(SPB) développent les plus hautes puissances
dans les trois vitesses aux quatre conditions de
tests (fig. 2 D). Lors de l'étude du ratio
agoniste/antagoniste
de la puissance, nous observons chez les SPH des valeurs de 28 %,28 %
et 29 %. Dans les mêmes conditions, les SPB
obtiennent des valeurs de 37 %, 39 % et 39 %
et les SV des valeurs de 34 %, 29 % et 32 %
(fig. 3 D).
Discussion
Cette étude montre globalement que les
sportifs paraplégiques de niveau neurologique
inférieur à la dixième vertèbre dorsale (SPB),
et disposant donc des masses musculaires
abdominales, développent des couples de forces
et des puissances musculaires supérieures aux
sportifs paraplégiques de niveau neurologique
compris entre la quatrième et la huitième
vertèbre dorsale (SPH) et supérieures
aux
sportifs valides (SV). Pour les sportifs en fauteuil
roulant, nous pouvons penser que le potentiel
musculaire du tronc, en relation avec le niveau
neurologique, influence largement la puissance
musculaire développée par la ceinture scapulaire. En effet, nous observons des différences
très significatives de couples de forces et de
puissances développés (p < 0,001) entre les
SPH et les SPB sur les quatre paramètres
mesurés. Par contre, lorsque nous comparons
les SPH et les SV, nous n'observons
de
différences significatives que pour le pic de
couple développé
(p < 0,008). Ces deux
groupes de paraplégiques se déplacent quotidiennement en fauteuil roulant et il est possible que
chez les SPH, le manque de capacités de
stabilisation du tronc et d'équilibration lors de
la propulsion ne permettent pas la mise en jeu
de toute la force disponible. En effet, le
mouvement de propulsion se réalise en majeure
partie dans le plan antéro-postérieur et se traduit
globalement par une flexion du tronc sur les
cuisses lors du temps de poussée. Ces personnes
ayant plus ou moins perdu la motricité des
muscles abdominaux et des érecteurs du rachis,
une poussée trop puissante entraîne une hyperflexion, voire une chute antérieure du tronc. Ce
déséquilibre perturberait le caractère cyclique et
répétitif de la propulsion et ne pourrait être
retenu comme une technique de propulsion
efficace. Nous pouvons penser que les plus
faibles couples de forces et puissances développés par les paraplégiques de niveau neurologique dorsal sont en relation avec leurs difficultés
de stabilisation du tronc. Ces personnes éprouvent des difficultés à mobiliser les épaules
indépendamment
du reste du tronc de part
l'absence des muscles abdominaux. Aussi, les
impératifs d'équilibration nécessaires à la propulsion limitent-ils involontairement
la puissance utilisée lors de la poussée. Les conditions
journalières de propulsion ne favorisent pas chez
ces populations le développement de puissances
supérieures à la moyenne et la compensation,
au niveau du territoire sus-lésionnel, de l'atteinte
inférieure.
Si, comme nous venons de le voir, le niveau
neurologique a une incidence sur la puissance
musculaire isocinétique développée par la ceinture scapulaire, nous constatons aussi que le
déplacement en fauteuil roulant influence les
couples de force développés. Nous pouvons en
effet émettre l'hypothèse d'un effet bénéfique de
la phase active du temps de poussée de la
propulsion sur le développement des couples de
force.
La comparaison entre les SPB et les SV sur
les mouvements d'extension-adduction-rotation
Ann. Kinésithér., 1994, t.
interne permet de vérifier cette hypothèse et
présente des différences significatives de travail
maximal par répétition (0,001), de travail total
(p < 0,001) et de puissance (p < 0,016). Ces
valeurs démontrent l'influence favorable de la
propulsion sur le développement des puissances
des muscles extenseurs de l'épaule. Après avoir
observé qu'une atteinte dorso-lombaire n'avait
pas d'influence négative sur le développement
des puissances musculaires de la ceinture scapulaire, nous observons maintenant que la propulsion du fauteuil roulant constitue un facteur
d'optimisation des capacités musculaires de
cette région. Chez les SPH, pour les raisons
de manque d'équilibration évoquées précédemment, la propulsion en fauteuil roulant n'a
pas d'influence favorable sur le développement
de la puissance isocinétique des muscles extenseurs-adducteurs de l'articulation de l'épaule.
La propulsion en fauteuil est un mouvement
qui entraîne, chez des personnes ayant des
capacités de stabilisation du tronc, le développement de puissances musculaires supérieures à
la moyenne. Ces valeurs observées aux trois
vitesses de travail de 60, 120 et 21Oo/sec,
représentent néanmoins une source de pathologies potentielles. Tout comme les paraplégiques
de niveau dorsal peuvent être désavantagés par
des puissances inférieures, les paraplégiques de
niveau lombaire sont sujets aux conséquences
des hypertrophies musculaires.
En plus de l'analyse des couples développés
par les trois groupes de populations aux différentes vitesses, il est intéressant d'intégrer le
rapport agoniste/antagoniste à l'interprétation
des résultats. Afin de déterminer les facteurs de
réduction des traumatismes liés à l'évolution en
fauteuil roulant, il paraît indispensable de
réaliser ce rapport. La prédominance de l'un des
deux groupes musculaires peut être considérée
comme un facteur de risques de développement
de pathologies et de dégénérescences qu'un
rééquilibrage musculaire harmonieux tentera de
réduire. Les rapports agonistes/antagonistes
chez nos trois groupes de sujets ne respectent
que partiellement les valeurs de référence qui
présente une supériorité des rotateurs internes
sur les rotateurs externes dans un rapport de
1 à 2/3. En effet, pour le pic de couple, les trois
21, n° 5
233
groupes sont le plus souvent situé au-delà de
60 %. A l'inverse, pour les trois autres paramètres étudiés (Travail Maximal par Répétition,
Travail Total et Puissance), les mesures se
situent le plus souvent entre 30 et 40 % voire
même inférieures à 30 %. Ces rapports préoccupant peuvent s'expliquer chez les paraplégiques qui se déplacent en fauteuil roulant par le
mouvement cyclique de propulsion, composé
d'un temps de poussée et d'un temps de
replacement. Le temps de poussée constitue le
temps actif de mise en jeu de la puissance
nécessaire à la propulsion et se rapproche du
mouvement d'extension de l'articulation de
l'épaule. A l'opposé, le temps de replacement
est un temps pseudo-passif résultant en partie
de la qualité de la poussée. Il n'est donc pas
surprenant que chez des paraplégiques sportifs
qui se déplacent en fauteuil roulant, nous
observions une supériorité des couples et des
puissances des muscles extenseurs-adducteursrotateurs internes de l'articulation de l'épaule
et de tels rapports agonistes/antagonistes. Nous
observons par ailleurs des rapports agonistes/antagonistes proches pour les trois groupes de
population hormis pour le pic de couple
développé. Dans celui-ci, les SPH présente à
60o/sec (condition la plus proche de l'isométrie)
un rapport nettement plus faible (50,8 %) que
les deux autres groupes de population (72,3 et
62 %). Ce résultat s'explique par une importante
faiblesse des fléchisseurs (99,3 Nm) et non des
extenseurs qui sont proches des valeurs des deux
autres groupes. Cette valeur laisse entrevoir des
faiblesses des fléchisseurs lorsque la résistance
est élevée, c'est-à-dire dans des conditions
proches de la mise en action du fauteuil roulant.
Les sportifs paraplégiques représentent une
population particulièrement touchée par les
pathologies du complexe de l'épaule. La pratique
d'un sport tel que le tennis ne fait que renforcer
la prédominance des muscles abaisseurs et
rotateurs internes et ainsi le déséquilibre des
muscles agonistes-antagonistes de l'épaule. La
détermination de ces rapports constitue sans
doute un facteur de prévention des risques de
dégénérescence et de pathologies. La recherche
d'un équilibre musculaire harmonieux entre les
différents groupes musculaires mis en jeu dans
234
Ann. Kinésithér.,
1994, t. 21, n° 5
la propulsion, est une des conditions indispensable à la pratique intensive d'activités physiques
adaptées et à l'atteinte des objectifs qui leur sont
fixés.
condition majeure pour que le sportif, l'enseignent d'APS spécialisé et l'équipe médicale,
poursuivent les objectifs assignés aux activités
physiques et sportives.
Conclusion
Références
La propulsion entraîne le développement spécifique de la puissance musculaire des muscles de
l'épaule. Au regard du niveau neurologique, nous
observons des différences significatives de travail
et de puissance développés lors du test isocinétique de flexion-abduction/extension-adduction
de
l'articulation de l'épaule. Les paraplégiques de
niveau neurologique dorsal haut ne développent
pas, afin de compenser la réduction des masses
musculaires situées sous la lésion, des puissances
significativement supérieures aux autres groupes
de sujets. L'absence de capacités de stabilisation
du tronc et les difficultés d'équilibration durant
la propulsion ne favorisent pas le développement
de puissances musculaires
supérieures
à la
moyenne. De plus, nous observons que la propulsion en fauteuil roulant entraîne le développement spécifique des capacités musculaires de
sportifs paraplégiques de niveau neurologique
dorsa-lombaire. Ces résultats suggèrent l'effet
bénéfique de la phase active de poussée du
fauteuil sur le développement des muscles extenseurs de l'épaule de personnes ayant des moyens
d'équilibration en position assise.
Dans l'optique d'étudier l'influence de la
propulsion sur les adaptations musculaires, nous
avons intégré l'analyse du ratio agonistes/antagoniste des muscles de l'épaule. Nous observons
des valeurs situées entre 30 et 40 % pour les
paramètres de travail maximal par répétition,
de travail total et de puissance pour les trois
groupes de sujets. Ces déséquilibres des masses
musculaires agonistes/antagonistes
sont des facteurs favorables au développement de traumatismes et nécessitent la mise en place de
programmes de rééquilibrage musculaire.
Cette évaluation représente un moyen d'optimisation des capacités musculaires des sportifs
paraplégiques en fauteuil roulant. Elle participe
par ailleurs à la prévention des risques de
dégénérescences articulaires et musculaires en
relation avec des pratiques physiques intenses.
Ce suivi physiologique représente enfin une
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