On ne peut pas parler de Napoléon III sans évoquer rapidement ses origines qui conditionnent en partie sa ligne de vie. Peu de temps après son mariage avec Napoléon I°, Joséphine de Beauharnais n’a pas de bons rapports avec la famille Bonaparte. Pourtant, elle souhaite avoir des relations harmonieuses avec cette famille qui la jalouse, voire la hait. Aussi, elle organise une nouvelle alliance entre les familles Bonaparte et Beauharnais en mariant sa fille Hortense le 4 janvier 1802 à Louis Bonaparte, l’un des frères cadets du Premier Consul, né le 2 septembre 1778, de 5 ans son aîné (arbre généalogique). Ainsi, avec ce mariage, Hortense devient la belle-sœur de sa mère et de son beaupère, lequel est aussi son père adoptif. Naissance de Louis-Napoléon. Le couple Louis et Hortense a trois fils : Napoléon-Louis-Charles Bonaparte qui ne vécut que 4 ans1/2, Napoléon-Louis qui vécut de 1804 à 1831 (et dont je vous parlerai dans quelques instants) et Charles-Louis-Napoléon futur Napoléon III qui vécut du 20 avril 1808 jusqu’au 9 janvier 1873. Concernant ce dernier enfant, doutant de sa paternité, Louis Bonaparte ne reconnut Charles-Louis-Napoléon que sous la pression de son frère Napoléon I°. Le mariage s’avère vite désastreux, Hortense déjà très volage est follement éprise du Général Duroc, aide de camp de l’Empereur, tandis que Louis souffre d’une obsession de la persécution et d’une maladie vénérienne jamais soignée. Il tourmente sa femme. Ils se séparent, Hortense tombe amoureuse de Charles de Flahaut, aide de camp de Murat, fils naturel de Talleyrand, dont elle a un fils naturel également prénommé Charles (1811-1865), futur duc de Morny qui devient ainsi le demi-frère du futur Empereur. Incidemment, il faut vous préciser que Talleyrand eut plusieurs enfants naturels, parmi ceux-ci il y eut aussi le peintre Eugène Delacroix. Au début de sa vie, Charles-Louis-Napoléon part en Hollande où son père devient Roi de Hollande. Mais comme Hortense a eu un enfant naturel, le mariage se disloque. Son père après la chute de l’Empire part en Italie. La reine Hortense se retire à Arenenberg en Suisse au bord du lac de Constance, c’est là qu’elle éduque ses enfants. Elle a pu trouver ce lieu de villégiature grâce à l’Empereur Alexandre I° de Russie, qui est proche de sa mère l’Impératrice Joséphine. Elle est connue, là-bas, sous le nom de la Duchesse de Saint Leu, titre que lui a conféré le roi Louis XVIII, toujours sous la demande expresse de l’empereur Alexandre I°. Les années s’écoulent mais Charles-Louis-Napoléon veut incarner le bonapartisme. Il ne peut malheureusement pas rentrer en France où les lois d’exil de 1815 suite au traité de Vienne n’ont pas été abrogées par la révolution de juillet 1830, la chute des Bourbons et l’avènement de Louis-Philippe. Au cours de l’année 1830, les habitants de la Romagne, province appartenant à l’église, se sont révoltés. Les deux fils légitimes de la reine Hortense prennent les armes pour la cause de la liberté. Le fils aîné (Napoléon Louis) meurt de maladie en Italie pendant l’insurrection de 1831, ainsi du rang de cadet, Charles-Louis-Napoléon passe à celui d’aîné et de chef de famille. Presque en même temps, arrive de Rome, la nouvelle de la mort de l’Aiglon (1832) (fils de Napoléon I°), qui, sous le nom dérisoire de duc de Reichstadt, finit une destinée mélancolique en décédant de la tuberculose. De ce fait, c’est à Charles-Louis-Napoléon qui alors se fait appeler ensuite du décès de son frère Louis-Napoléon qu’échoit le glorieux et périlleux héritage de l’idée impériale. Durant sa période italienne, Louis-Napoléon rencontre en Italie, Madame Gordon, déjà veuve, actrice d’un certain mérite et qui ne manque pas de beauté. Louis-Napoléon lui fait miroiter amour, gloire et renommée, au point de lui faire abandonner une carrière lui ayant permis de gagner une belle petite fortune. Elle sera malheureusement dilapidée dans l’affaire de Strasbourg que je vais maintenant vous conter. Louis-Napoléon l’abandonnera par la suite, la laissera mourir seule à l’hôpital Beaujon à Paris dans un dénuement total selon les historiens du second Empire. Après quoi, il retourne à Arenenberg, il interroge, il écoute, il réunit ses renseignements. Sans qu’il n’en laisse rien paraître ; des projets se forment dans son esprit. En attendant que ceux-ci prennent corps, Louis-Napoléon se fiance avec sa cousine Mathilde, fille du roi Jérôme de Westphalie, dernier frère de Napoléon I°. Il faut dire qu’il ne craignait pas la consanguinité ! 1° échec : Strasbourg Mathilde part pour Florence pour préparer son mariage. Pendant ce temps, Louis-Napoléon se rend secrètement à Strasbourg, où il se fait prendre en flagrant délit de coup d’Etat et de provocation à la sédition militaire ; montrant ainsi que le parti bonapartiste a désormais un chef. La tentative de Louis-Napoléon, le 30 octobre 1836, n’aboutit pas mais il n’a que 28 ans ! Il a essayé de soulever les corps de troupe où il s’est ménagé des intelligences. Le régiment d’infanterie reste muet aux exhortations du prince et la journée se termine lorsque Louis-Napoléon reprend le chemin de Paris, non pas en qualité de triomphateur, mais simplement entre deux gendarmes. Louis-Philippe, fort embarrassé de ce prisonnier, qu’un procès peut rendre populaire, juge préférable de l’éloigner. Pour ce faire, quelques jours après, une frégate embarque Louis-Napoléon pour l’Amérique avec prière de ne pas revenir en France et de se tenir tranquille. Les quasi-fiançailles du prince avec sa cousine Mathilde se trouvent de facto rompues et le silence se fait sur l’imprudent. La mort de sa mère, la reine Hortense (le 5 octobre 1837), à laquelle il est tendrement attaché, ramène Louis-Napoléon en Suisse, puis en Angleterre. C’est là que Louis-Napoléon rencontre Miss Hariett Howard , femme belle et fortunée qui lui fournit une bonne partie de l’argent nécessaire à la tentative échouée de Boulogne que je vais maintenant vous narrer. 2°échec : Boulogne (6 août 1840) Louis-Napoléon a loué un bateau à Londres, y a embarqué un certain nombre de désœuvrés, recrutés vaille que vaille et déguisés en soldats, des vivres, des proclamations, de l’argent, un état-major empanaché, tout normalement ce qu’il faut pour réussir. Mais, l’échec est immédiat, absolu, définitif. Dès les premières minutes, tout espoir est perdu et il a même de surcroît perdu la face. Il est ramené à Paris, enfermé à la Conciergerie où il commence l’apprentissage de la captivité et prend contact avec la Justice de son pays. Cette fois, le roi Louis-Philippe ne craint pas pour son trône, le fait juger par la Chambre des pairs, réunie en cour souveraine qui le condamne à la détention perpétuelle dans une enceinte fortifiée : la forteresse de Ham en Picardie. Il reste prisonnier 6 ans où il aura des relations avec sa blanchisseuse. Cette prison est humide ; sa santé se détériore et il se plaindra par la suite de nombreux rhumatismes. Au printemps 1846, il a l’opportunité de s’évader en plein jour en s’habillant en maçon. Le soir même, il franchit la frontière belge, et quelques jours plus tard, il est de nouveau à Londres. Il y rencontre l’accueil le plus flatteur auprès de l’aristocratie britannique. L’annonce de la révolution de février 1848 ouvre pour lui des espérances immenses. Deux jours après la proclamation de la République, il prend le paquebot pour la France. Le grand tournant Comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, une loi votée en 1815 interdisait aux Bonaparte l’accès du territoire français, mais aux élections de 1848, 5 départements : la Seine, la Corse, la Charente-Inférieure, la Sarthe et la Moselle le choisissent comme leur représentant à l’Assemblée. De ce fait, celle-ci ne peut plus traiter l’élu en quantité négligeable. Il vient donc à l’Assemblée mais ne se fait pas véritablement remarquer par ses interventions. Se pose rapidement l’élection au suffrage universel du Président de la République. Deux candidats se trouvent en présence : Louis-Napoléon Bonaparte et Cavaignac, Général d’Afrique, homme honnête, mais dont l’aspect rugueux refroidit vite l’enthousiasme des électeurs. Le 10 décembre 1848, l’homme qui, deux ans auparavant, s’évadait comme un malfaiteur de prison est élu Président de la République avec plus de cinq millions et demi de suffrages sur sept millions et demi de votants. Bien vite le Prince-Président, comme il est alors appelé, comprend qu’il n’est pas aisé de gouverner à côté d’une assemblée ombrageuse, et encore moins contre elle. L’Assemblée finit même par adopter à son égard une attitude d’opposition systématique. Louis-Napoléon Bonaparte, Président de la République française depuis trois ans, tient à conserver le pouvoir à quelques mois de la fin de son mandat, sachant que la Constitution de la Deuxième République lui interdit de se représenter. Il faut dire qu’il a tenté de faire modifier la constitution mais malheureusement sans résultat. Pour arriver à ses fins, il doit s’en donner les moyens par la force, d’où le fameux coup d’Etat du 2 décembre 1851. Le coup d’Etat : le 2 décembre 1851 Quand Paris s’éveille à l’aube du 2 décembre 1851, des affiches couvrent les murs, annonçant la dissolution de l’Assemblée Nationale et convoquant le peuple à se prononcer par un plébiscite sur une nouvelle constitution inspirée de celle du Consulat. Elle appelle à la tête de l’Etat un président, aux pouvoirs illimités, nommé pour 10 ans. La masse de la population ne proteste ni même ne s’indigne compte tenu que l’Assemblée est tombée dans un discrédit absolu. Le coup d’Etat est fomenté et organisé par son demi-frère le duc de Morny. Les deux journées suivantes, les choses tournent plus mal pour Louis-Napoléon, la résistance s’organise. Les républicains le mettent hors la loi, des barricades s’élèvent mais les insurgés sont vite anéantis et de nombreux morts sont à déplorer. De ce terrible baptême, un régime nouveau va naître, un régime de tranquillité et de paix sociale. Mais la liberté, celle de la presse, de la parole, de la pensée ne sont plus que des souvenirs. Le corps législatif impuissant est réduit au silence. Le Sénat est composé de personnalités choisies parmi les plus illustres lesquelles sont nommées par le Prince-Président. Un an plus tard, le 2 décembre 1852, jour anniversaire du sacre de Napoléon I et de la bataille d’Austerlitz, la République devient un Empire et son chef est Napoléon III. Un plébiscite ratifie le sénatus-consulte par 7 825 000 approbations contre un peu plus de 253 000 non. Pour la préparation de ce coup d’Etat, Miss Howard avancera de nouveau au futur Empereur une très grosse somme d’argent. Pour la remercier de ses services, celle-ci recevra de Napoléon III, une fois Empereur, un titre de comtesse et la propriété du Château de Beauregard que Mme de Montespan, l’une des favorites de Louis XIV avait fait bâtir, et une somme d’argent conséquente. Il faut dire que cette femme a aussi contribué à élever les enfants que le futur empereur avait eus de sa blanchisseuse lorsqu’il était enfermé au fort de Ham. Toutefois, cette Miss Howard ne remplit pas selon lui les conditions pour devenir impératrice, aussi va-t-il se mettre en quête de trouver une épouse digne de son rang. Un mariage d’amour Pour ce faire, il doit se marier avec une femme issue de la haute noblesse. Il fait plusieurs tentatives avec des jeunes filles de la maison Holstein puis du Prince de Hohenzollern, mais sans résultat. Il décide de faire un mariage d’amour avec Mademoiselle Eugénie de Montijo de Palafox de Guzman (née le 5 mai 1826, de 18 ans sa cadette), comtesse de Téba , jeune andalouse dont la mère est écossaise et qui est, en outre, dotée d’une magnifique chevelure blonde. Elle tient une place brillante dans la société parisienne. Leur mariage est célébré à Notre Dame, le 29 janvier 1853, Napoléon III a alors 45 ans. Le 16 mars 1856, l’Impératrice met au monde un fils, qui est salué du beau titre de Prince impérial. Eugénie va ressusciter les fastes de la Cour. Elle se comportera avec dignité dans son rôle d’Impératrice. Avec le temps, elle instrumentalisera son mari, qui d’ailleurs, en prenant de l’âge, lui cédera de plus en plus souvent pour avoir la paix. Cherchant à faire reconnaître la France parmi les grandes nations et surtout supprimer dans la mémoire de ses contemporains le triste traité de Vienne de 1815, Napoléon III, après son mariage, cherche une respectabilité. L’occasion lui en est donnée lors de disputes entre chrétiens occidentaux et orientaux pour le contrôle des lieux saints : point de départ de la guerre de Crimée. La guerre de Crimée Cette guerre de Crimée va opposer, du 4 octobre 1853 au 30 mars 1856, la Russie à une coalition formée de l’Empire Ottoman, de la France, du Royaume-Uni et du Royaume de Sardaigne. Le conflit se déroule essentiellement en Crimée autour de la base navale de Sébastopol. Il s’achève par la défaite de la Russie formalisée par le traite de Paris. Celui-ci entraîne peu de changements territoriaux, il marque toutefois la fin du concert européen contre la France créé par le Congrès de Vienne de 1815. Cette guerre terminée, la France se compte de nouveau parmi les grandes nations. Cela n’échappe pas à Cavour, Président du Conseil du Royaume de PiémontSardaigne, homme habile s’il en est. Connaissant le penchant de l’Empereur pour les belles femmes il envoie la jeune comtesse Virginia de Castiglione avec son mari à Paris. Elle n’a alors que 19 ans. Sa mission est de séduire l’Empereur afin que ce dernier soutienne VictorEmmanuel II, roi de Piémont-Sardaigne, dans sa volonté d’unifier l’Italie, composée alors de nombreuses provinces. L’ayant remarquée à l’occasion de festivités, Napoléon la fait inviter à une soirée mémorable prévue le 27 juin 1856 (soit à peine 3 mois après le fin de la guerre de Crimée) au château de Saint-Cloud. Sur le carton il est précisé aux invitées de venir vêtues « en robe montante et en chapeau, parce qu’on s’y promènera sur le lac et dans un parc ». Virginia tient parole ! Elle débarque vêtue d’une ébouriffante robe transparente de mousseline. L’Empereur, bien entendu, est impressionné. La soirée commence par de la musique, se poursuit par un feu d’artifice, puis vient le souper. Comme le temps est agréable, les invités se dispersent pour effectuer des promenades sur le lac. Napoléon III l’invite sur sa barque, sous l’œil étonné des autres invités. Le couple s’éloigne de la rive et n’est de retour qu’à 3 heures du matin. Quand ils réapparaîssent, on remarque la mise de la jeune femme « un peu chiffonnée ». A leur vue, l’Impératrice pâlit de rage, alors que, sans aucune gêne, Virginia arbore un sourire béat. Elle demeurera la maîtresse de l’Empereur (qui n’a seulement que 30 ans de plus qu’elle) pendant plusieurs mois avant qu’elle ne soit remplacée par la Comtesse Walewska. Elle sera par la suite expulsée de France, Napoléon III n’interviendra pas pour la sauver. Comme prévu, durant cette période, la Comtesse de Castiglione incite Napoléon III à rencontrer Cavour lequel réussit à arracher l’engagement de la France aux côtés du Royaume de Sardaigne en échange de la Savoie et du Comté de Nice. Il s’agit des entretiens secrets de Plombières. Toutefois, l’entrée de la France dans les hostilités tarde, mécontentant les Italiens. Aussi, le 14 janvier 1858, Napoléon III et l’Impératrice, se rendant à l’Opéra, vont être l’objet d’un attentat. Ils n’échappent que par miracle aux bombes jetées sous leur voiture qui font de nombreuses victimes. L’enquête de police permet de découvrir l’auteur : un dénommé Orsini, agitateur politique italien. Par la suite, Napoléon III voulait que soit appliquée à l’Italie dont le nom n’existait même plus que dans le langage des poètes et des conjurés politiques, sa théorie des nationalités., c’est-à-dire qu’il n’y ait qu’un seul royaume pour administrer la mosaïque péninsulaire, conséquence du traité de Vienne de 1815. Aussi, il se décide à intervenir par les armes en faveur de cette nation, en laquelle il voit sa seconde patrie et pour laquelle il a déjà combattu en 1830 alors qu’il n’avait que 19 ans. Au printemps 1859, Napoléon III déclare la guerre à l’Autriche, qui opprime l’Italie. Ce sera la guerre d’Italie. La guerre d’Italie En fait, c’est une guerre de prestige pour l’Empereur. Il commande en personne l’armée qu’il a envoyée audelà des Alpes. S’il ne se révèle pas un grand chef de guerre comme son oncle, il fait du moins reconnaître à tous ses qualités de sang-froid, d’impassibilité, de maîtrise absolue de soi. Il y a d’abord la bataille de Magenta (4 juin 1859), puis celle de Solferino (24 juin 1859), cette dernière est une grande victoire, mais le nombre de tués est impressionnant. Aussi en est-il marqué, il prend alors l’initiative d’un armistice. C’est la première fois dans l’histoire que le vainqueur offre au vaincu une suspension d’armes, mettant un terme aux hostilités entre la France et l’Autriche. Lors de la bataille de Solferino, assiste un correspondant de guerre, un jeune Suisse Henry Dunant, qui créera par la suite La Croix Rouge. De la guerre de 1859, la France gagne deux provinces, toutes deux d’ailleurs depuis longtemps orientées vers elle, puisque les Français les ont occupées au 16°siècle sous Henri II, sous Henri IV au 17° siècle, puis sous Louis XIV de 1703 à 1713 sans oublier sous la Révolution et le premier Empire de 1792 à 1814. Napoléon III ne tient pas la totalité de ses engagements avec son armistice puisqu’il ne libère pas Venise occupée par l’Empereur d’Autriche. Cavour en est très contrit. Toutefois, après des pourparlers intervenus lorsqu’il est revenu au pouvoir (il avait été exclus du Gouvernement pendant quelques mois), un plébiscite triomphal consacre ce double rattachement en 1860, bien connu des Savoyards. Au-delà des Alpes nait le royaume d’Italie, qui fixe sa capitale à Florence, en attendant de pouvoir s’installer à Rome. Toujours, sans désemparer et pour mettre en avant sa grandeur et surtout pour ne pas souffrir la comparaison avec son oncle ; il se lance dans l’aventure mexicaine l’année suivante en 1861. L’aventure mexicaine (8 décembre 1861 – 21 juin 1867) Avec le Mexique commence le déclin, comme cela l’a été pour Napoléon I° lorsqu’il s’était lancé dans le guêpier espagnol. A l’origine de l’intervention, il s’agit de remplacer le régime instable établi au Mexique par une monarchie solide, placée sinon sous la suzeraineté, du moins à l’ombre de l’Empire français. Napoléon III est poussé par son demi-frère, le duc de Morny qui a des intérêts financiers dans cette opération. L’Empereur pense créer une nation forte et catholique au Mexique, où de nombreux migrants pourront venir s’installer, créant ainsi une nation qui viendra contrebalancer les Etats-Unis dont le développement faisait de l’ombre à beaucoup de pays. A Paris, on pense qu’un faible corps expéditionnaire envoyé non en adversaire, mais en ami, aura facilement raison d’une opposition tenue par avance insignifiante. Le réveil est brusque et amer. Le terrible climat des tropiques et la résistance imprévue des Mexicains à cette intrusion dans leurs affaires brisent rapidement les espérances des Français. Pourtant ceux-ci représentés par la légion étrangère font preuve d’une bravoure exemplaire notamment à la bataille de Camerone le 30 avril 1853, où nos troupes se battent pratiquement jusqu’au dernier contre des Mexicains beaucoup plus nombreux. Mais devant l’abîme où plonge son armée, où s’engloutissent des millions de Francs, où s’effrite son prestige, Napoléon III n’a plus qu’une idée : renoncer à son projet, mettre fin à l’aventure désastreuse qui coûte à la France presque 12 000 morts dont 5 000 de maladie. Il est affecté par cette défaite. Il va donc se recentrer sur les grands travaux qu’il entreprend partout en France et surtout à Paris. Les grands travaux. L’urbanisme, les espaces libres Dès sa prise de pouvoir, l’Empereur a voulu réaliser à Paris le grand programme d’assainissement qu’il échafaudait dans sa tête et créer des espaces verts. Le bois de Boulogne qui n’était qu’une forêt boueuse, peuplée de rôdeurs, devient un parc de plaisance. Le bois de Vincennes forme le second poumon de Paris. Le parc Monceau est ouvert au public. Le parc Montsouris au sud, les buttes Chaumont au nord constituent des réserves d’oxygène. En outre, dans tous les quartiers, des squares, répartis à travers la ville entière, sont crées, des arbres sont plantés le long des nouvelles avenues afin de constituer un immense réseau de verdure. Napoléon III confie, en outre, au baron Haussmann son ministre le soin de transformer complètement Paris. On lui doit le dégagement du Carrousel, la réunion du Louvre et des Tuileries, de larges avenues, des boulevards rectilignes, des places rayonnantes, des quais monumentaux en un mot une transformation complète d’une ville dont l’aspect n’avait guère changé depuis Louis XIV. Les étrangers peuvent alors noter ce profond changement, notamment lors de l’exposition universelle de 1867 qui est une apothéose. Ce nouvel esthétisme de Paris sera d’ailleurs illustré par les peintres impressionnistes : Manet, Caillebotte, Vallotton. Napoléon voit sa santé compromise par « la maladie de la pierre ». Affaibli, il subit les pressions contradictoires de son entourage y compris de son épouse, qui va l’entraîner dans cette guerre désastreuse de 1870 qui donnera un coup d’arrêt à sa destinée glorieuse. La guerre de 1870 : Voici les faits : L’Espagne se cherche un souverain. Elle fixe son choix sur le prince Léopold de Hohenzollern, parent du roi de Prusse. A la perspective d’avoir à sa frontière méridionale un souverain allemand, de risquer le danger d’une menace simultanée sur les Pyrénées et sur le Rhin, la France s’inquiète, prend feu, parle de casus belli. Sagement, le roi Guillaume obtient de son neveu le retrait de sa candidature. Mais, Napoléon III veut des garanties, une lettre écrite d’excuse de la part de l’Empereur d’Autriche. Il devient trop insistant. Las, malade, à bout de résistance, il lâche la main et laisse faire le destin. Il souffre, en effet, depuis longtemps, de ses calculs urinaires qui le laissent prostré et sans force. Bismarck, le tout puissant ministre Allemand ne cherche qu’un prétexte pour attaquer la France. La guerre commence par un engagement de détail à Sarrebruck, annoncé à Paris comme une grande victoire. Mais, elle est suivie par un sérieux échec à Wissembourg qui marque le prélude de la funeste journée du 6 août : la double défaite, ce jour-là, de Forbach et de Froeschwiller, perçant les lignes de Lorraine et d’Alsace, ouvrant la route de Paris. Napoléon III céde le commandement à Bazaine. A son départ en campagne, il a laissé le pouvoir à l’Impératrice proclamée régente, et abandonné explicitement ses droits de souverain. C’est ainsi qu’il part à la guerre, malade (il ne peut à peine se tenir à cheval). Il est désespéré, à la suite de l’échec de l’armée de Mac Mahon, formée à Chalons pour aller au secours de Bazaine qui est un véritable incapable. Le 31 août 1870, la dernière armée de la France arrive devant Sedan. Au matin du 1° septembre, le soleil levant fait voir à l’armée française le sort inéluctable qui l’attend. Comment peut-elle espérer gagner alors qu’elle est encerclée de toutes parts par des Prussiens beaucoup plus nombreux et mieux équipés ? Le Général Mac Mahon est battu devant Sedan. Présent dans la ville Napoléon III fait hisser le drapeau blanc. Il devient prisonnier de guerre. Il est envoyé en captivité à Wilhelmshöhe dans une ancienne résidence, sous le premier Empire, de Jérôme, alors roi de Westphalie. Paris apprend la capitulation le 3 septembre. Le 4, les députés républicains, avec Gambetta à leur tête, proclament la déchéance de l’Empereur et annoncent, avec la constitution d’un gouvernement de défense nationale, la 3° république. Mais la chute du régime impérial ne met pas pour autant fin à la guerre. A partir du 19 septembre, les armées prussiennes assiègent Paris. Les membres du gouvernement cherchent à fuir la ville, mais toutes les issues sont bloquées. Le seul moyen pour s’échapper est de partir en ballon. Napoléon apprend le départ de l’Impératrice pour l’Angleterre. Il la rejoindra quelques mois plus tard. C’est un homme diminué qui arrive en Grande Bretagne. Son médecin le docteur Conneau, à qui il a toujours refusé l’opération de ses calculs, lui conseille une dernière fois une intervention chirurgicale. Elle intervient le 2 janvier 1873, une seconde intervention est tentée le 6 janvier, puis une troisième le 7, mais très affaibli, Napoléon III meurt le 9 janvier 1873 . Il sera par la suite enterré à l’Abbaye Saint Michel (photo 7) qui est une abbaye bénédictine de style gothique flamboyant fondée en 1881 à Famborough au sud de l’Angleterre par l’Impératrice Eugénie pour abriter dans un mausolée les cercueils de son mari et de son fils le Prince impérial tué par les Zoulous en 1879, en qualité d’officier britannique. Leurs corps reposent dans la crypte, avec celui de l’ex-impératrice décédée pour sa part en 1920 à l’âge de 94 ans. L’ancien secrétaire d’état Christian Estrosi a milité pour le rapatriement de la dépouille de Napoléon III en France. L’un des descendants naturels et aussi ayant-droit maintenant selon la loi française, autant que les descendants légitimes, a remis en mains propres en 2010 au supérieur de l’Abbaye un document olographe pour s’opposer à ce transfert « afin que les restes de l’Empereur ne soient pas profanés à l’occasion d’une révolution, selon la coutume récurrente des Français en ce qui concerne les dépouilles de leurs souverains ». Bilan Quel bilan pouvons-nous tirer ? Si la fin de l’Empire se termine en tragédie, le bilan établi rétrospectivement n’est pas aussi négatif. Certes, Napoléon III a eu des adversaires illustres mais somme toute peu nombreux : Victor Hugo, en exil, qui s’exprima des îles anglo-normandes, Thiers, mais aussi Gambetta qui ressuscitera par la suite la République, sans oublier Rochefort journaliste à la Lanterne qui écrivit un jour cette phrase célèbre « la France compte 36 millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement ». Mais il a eu aussi des alliés, le plus sûr fut son demi-frère Morny, Ministre de l’Intérieur du coup d’Etat, puis président du Corps législatif, c’est-à-dire de la Chambre des députés. Il sut empêcher bien des erreurs, éviter bien des faux pas. Il tenait sans aucun doute son esprit de la diplomatie de son grand-père le prince Talleyrand Périgord, qui fut certainement l’un des plus brillants esprits de la fin du 18° et du début du 19° siècle. Le mécontentement n’était toutefois pas aussi important, car les Français reconnaissaient le développement de l’industrie, du commerce. Au-delà des mers, l’organisation administrative de l’Algérie, la création d’une colonie, tout de suite florissante en Cochinchine (1860), le percement du canal de Suez inauguré par l’Impératrice en 1869. Son concepteur Ferdinand de Lesseps était le cousin de l’Impératrice. Au plan social, il faut noter l’obtention du droit de grève, l’amorce du droit syndical, de la législation du travail, la lutte contre les taudis, l’organisation de l’enseignement secondaire de jeunes filles etc…Au plan artistique, intellectuel, c’est assurément l’une des époques les plus brillantes, les plus fécondes de l’histoire française. Les fêtes éblouissantes des Tuileries, les fameuses « séries » de Compiègne, où défilait tout ce qui, en France, marquait le luxe du régime faisait vivre une foule d’industries, de maisons de commerce, des milliers d’ouvriers. C’est de cette époque que la France devient véritablement le pays des produits de luxe. Que dire de Napoléon III ? Il est toujours plus facile de réécrire le passé à l’aune d’un avenir déjà vécu. En revanche, il est beaucoup plus difficile de se faire un jugement sans risquer de se tromper. J’ai trouvé pour ma part beaucoup de similitudes avec son soi-disant oncle : Napoléon I° : Au début, ils veulent prendre le pouvoir, ce n’est pas toujours très facile. Napoléon I° ne fit pas une campagne d’Egypte très glorieuse, en revanche sa campagne d’Italie fut un véritable succès. Les deux empereurs savaient manœuvrer, Napoléon I° arriva à prendre le pouvoir avec le coup d’Etat du 18 brumaire an VIII (18 janvier 1799) aidé en cela par un organisateur de génie Talleyrand ; Napoléon III fit, pour sa part, son coup d’Etat le 2 décembre 1851 mis en place par son demi-frère Morny, petit-fils du précédent. Pour tous les deux, les premières années, les victoires militaires sont nombreuses, en Crimée, en Italie. Mais ensuite, ils veulent trop asseoir leur pouvoir en ayant des vues expansionnistes. Cela les conduit à l’échec. Napoléon I° d’abord en Espagne puis en Russie, contre des Russes qui ont l’habitude de supporter des températures glaciales. Napoléon III, pour sa part, eut un revers cuisant au Mexique, contre des Mexicains, qui savaient supporter la chaleur et dans les deux cas, Russes et Mexicains se battaient pour leur pays. Les deux napoléons terminèrent leur vie en exil, le premier à Sainte Hélène, résidence choisie par les anglais ; le second en Angleterre, pays qui l’accueillit. En revanche, il faut reconnaître aux deux Napoléons, des avancées considérables au niveau de l’organisation de la France avec Napoléon I° et pour le développement du commerce et de l’industrie pour Napoléon III. Ils ont tous les deux voulu forcer le destin, et dans les deux cas, cela a été une erreur. Napoléon I° quand il a voulu revenir durant les 100 jours et Napoléon III avec la guerre de 1870. Toutefois, ces deux personnages sont de grands hommes français, mais dans l’esprit populaire, Napoléon I° est préféré certainement à cause de ses succès militaires, est-ce justifié, sachant qu’à la fin de son règne les territoires de la France étaient moins importants que lorsqu’il prit le pouvoir ? En revanche Napoléon III a fait démarrer la France économiquement. Je pense qu’il est bien de le réhabiliter dans la conscience des Français, mais je laisse le soin à chacun d’avoir son libre arbitre. Quelle soirée passionnante ! Merci Christian et bravo pour cette passion de l’histoire qui fait de toi un érudit !