LE TRAITE DE VERSAILLES Le traité de Versailles est un traité de paix signé le 28 juin 1919 entre l'Allemagne et les Alliés à l'issue de la Première Guerre mondiale. Élaboré au cours de la conférence de Paris, signé le 28 juin 1919 (galerie des Glaces du château de Versailles) promulgué le 10 janvier 1920. Il annonça la création d'une Société des Nations et détermina les sanctions prises à l'encontre de l'Allemagne et de ses alliés. L’Allemagne, qui n'était pas représentée au cours de la conférence, se vit privée de ses colonies et d'une partie de ses droits militaires, amputée de certains territoires et astreinte à de lourdes réparations économiques. CHOIX DU LIEU Le lieu de la signature du traité permet à la France d'effacer symboliquement l'humiliation de la défaite lors de la guerre franco-allemande de 1870. C'est en effet dans la même galerie des Glaces, au château de Versailles, qu'avait eu lieu la proclamation de l'Empire allemand, le 18 janvier 1871. CHOIX DE LA DATE La signature du traité de Versailles le 28 juin 1919 commémore le 28 juin 1914, date de l'attentat de Sarajevo, cause de l'ultimatum austro-hongrois adressé à la Serbie, dont le refus a déclenché la Première Guerre mondiale. CONDITIONS DE LA REDACTION ET DE LA SIGNATURE DU TRAITE On invita des représentants de territoires du monde entier à la conférence de paix, mais aucun responsable des États vaincus et de la Russie, qui avait quitté la guerre en 1917. Certaines personnalités eurent une influence déterminante. On en retient habituellement les dirigeants de cinq des principales puissances victorieuses: Lloyd George, Premier ministre britannique Vittorio Orlando, président du Conseil italien Milenko Vesnić ministre de Serbie Georges Clemenceau, son homologue français Woodrow Wilson, le président des États-Unis. Chaque représentant est libre de travailler à la rédaction du traité, mais les positions de ces hommes divergent. Le président américain veut mettre en place la nouvelle politique internationale dont il a exposé les principes directeurs dans ses Quatorze points. Pour lui, la nouvelle diplomatie doit être fondée sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et sur la collaboration entre États. Il dispose d'un grand prestige et surtout d'une puissance économique sans égale, face aux Européens ruinés et saignés. Il cherche à ménager l'Allemagne, à la fois pour éviter que l'esprit revanchard ne s'y développe et pour y retrouver un partenaire économique. Les responsables anglais tiennent aussi à laisser à l'Allemagne une certaine puissance. Fidèles à leur théorie d'équilibre entre les puissances, et peu conscient que la France sort très affaiblie du conflit, ils tiennent à empêcher la France d'acquérir une hégémonie en Europe continentale. Clemenceau, au contraire, cherche à imposer de lourdes indemnités pour limiter la puissance économique et politique de l'Allemagne, et pour financer la reconstruction de la France. L'AFFAIRE DE FIUME La signature du traité fut retardée de plusieurs mois par le coup de force de Gabriele D'Annunzio qui s'empara de la ville de Fiume. Il fallut attendre l'intervention de la marine italienne en décembre 1920 pour que le traité de Rapallo, instaurant l'État libre de Fiume, puisse s'appliquer et permettre la proclamation officielle du traité de Versailles. Lloyd George et Georges Clemenceau s'inquiètent de ce comportement agressif qui prolonge les tensions de la fin de guerre, tandis que Woodrow Wilson voit par ces revendications une menace au « droit des Serbes et des Slaves à disposer d'eux-mêmes ». La prise de Fiume laisse entrevoir le militarisme et le nationalisme de l'Italie six ans avant Mussolini CONTENU La première partie établit une charte pour une Société des Nations. Elle reprend l'idéal wilsonien d'une diplomatie ouverte, organisée par un droit international. Le reste du traité est essentiellement consacré aux conditions de la paix en Europe. Un principe, énoncé à l'article 231, structure l'ensemble : l'Allemagne et ses alliés sont déclarés seuls responsables des dommages de la guerre (que l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie avaient effectivement déclarée en 1914). Ce principe justifie les exigences très lourdes des vainqueurs à l'égard de l'Allemagne. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DU TRAITÉ Remaniements territoriaux 1. La seconde partie du traité définit les frontières de l'Allemagne. 2. L'indépendance des nouveaux États : de Pologne et de Tchécoslovaquie est également affirmée. 3. L'indépendance de l'Autriche, dans son nouveau périmètre, est également protégée : il est interdit à l'Allemagne de l'annexer (art. 80). L'Allemagne se voit amputée de 15 % de son territoire et de 10 % de sa population au profit de la France, de la Belgique du Danemark, et surtout de la Pologne, nouvellement recréée. Il s'agit essentiellement de régions qu'elle avait naguère conquises par la force. LES PRINCIPALES TRANSFORMATIONS TERRITORIALES la restitution à la France de l'Alsace et de deux départements lorrains (La M oselle et La Meurthe) (art. 27); l'intégration à la Belgique des cantons d'Eupen et de Malmedy, dont la Vennbahn (art. 27) ; la possibilité pour le Danemark de récupérer certains territoires du nord de l'Allemagne où se trouvent des populations danoises. (Décision qui doit être soumise à un vote de la population locale ; referendum mené en 1920) Les villes d'Aabenraa, Sønderborg et Tønder, et leurs environs passent alors au Danemark Dantzig devient une ville libre, ce qui garantit l'accès de la Pologne à la mer, mais a aussi pour effet de séparer la Prusse orientale, restée allemande, du reste de l'Allemagne. DISPOSITIONS MILITAIRES De nombreuses mesures sont prises pour limiter le pouvoir militaire de l'Allemagne et protéger ainsi les États voisins. Les clauses militaires forment la cinquième partie du traité. L'Allemagne doit livrer 5 000 canons, 25 000 avions, ses quelques blindés et toute sa flotte. Son réarmement est strictement limité. Elle n'a plus droit aux chars, à l'artillerie et à l'aviation militaire. Son armée sera limitée à un effectif de 100 000 hommes et le service militaire aboli. Article détaillé : Occupation de la Rhénanie après la Première Guerre mondiale. La rive gauche du Rhin, plus Coblence, Mayence et Cologne, sont démilitarisées. DISPOSITIONS ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES À la suite des dommages de guerre causés pendant toute la durée de la guerre dans le Nord de la France et en Belgique, l'Allemagne doit payer de fortes réparations à ces deux pays. Le montant à payer est fixé par une commission en mai 1921 et il s'élève à 132 milliards de marks-or, une somme très élevée. (Le montant total des dommages causés par la guerre aux alliés a toutefois été estimé à 150 milliards de marks-or). Plusieurs sanctions commerciales et des livraisons en nature complètent ce volet économique. RENONCEMENT DE L'ALLEMAGNE A SON EMPIRE COLONIAL Dans la quatrième partie du traité, l'Allemagne, toujours à titre de compensations, est sommée de renoncer à son empire colonial. ACCUEIL ET CONSÉQUENCES Le traité de Versailles a été l'objet de multiples critiques. Les frustrations qu'il a fait naître, ainsi peut-être que les déséquilibres qu'il a engendrés, ont joué un rôle non négligeable dans la politique européenne des décennies suivantes. Hitler s'oppose dès le début de son ascension politique au traité de Versailles qui fait reposer les conséquences de la Première Guerre mondiale sur les épaules de l'Allemagne. En effet, selon l'article 231, l'Allemagneest considérée comme responsable de la guerre. Le Sénat des États-Unis refuse de le ratifier et donc empêche les États-Unis d'entrer à laSociété des Nations, ce qui d'emblée réduit la portée de cette organisation. La France, qui est pourtant une des principales bénéficiaires des traités , n'est pas encore satisfaite : pour assurer sa sécurité, elle aurait voulu obtenir la création d'un état-tampon indépendant en Rhénanie, notamment sur la rive gauche du Rhin, mais elle n'obtient qu'une "garantie" verbale des Alliés anglo-américains de soutenir la France en cas de nouvelle agression allemande (promesse qui se révélera illusoire). Le ressentiment est particulièrement fort encore en Italie. On a parlé de « victoire mutilée », car les Alliés n'ont pas respecté les promesses faites durant le conflit concernant l'attribution des provinces de l'Istrie, de la Dalmatie et du Trentin. Les fascistes italiens exploitent cet état de fait et y trouvent un terreau propice à l'exaltation d'un nationalisme virulent. La Belgique, qui est le pays qui a connu le plus d'exactions et d'exécutions de civils de la part de l'occupant, relativement à sa population, est la première nation dédommagée financièrement par l'Allemagne et la seule à l'être totalement, ce qui contribue à sa rapide reconstruction. Autre source de ressentiments, la contradiction entre, d'une part, la proclamation solennelle du « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » et, d'autre part l'interdiction faite aux Autrichiens germanophones de se rattacher à l'Allemagne ; ce ressentiment favorisera le bon accueil fait en Autriche à l'Anschluss en 1938. LES RÉPARATIONS Le paiement de réparations représente une lourde charge pour la République de Weimar. En proie à de graves difficultés financières, elle s'affirme incapable d'y faire face. Les Alliés demandent alors des livraisons en nature. Face aux retards de livraison allemands, la France et la Belgique envahissent la Ruhr en 1923, ce qui aggrave encore la déstabilisation économique de l'Allemagne. Toutefois, les difficultés ne sont pas réglées. Sous la direction américaine, le plan Dawes est alors élaboré. Il facilite les conditions de remboursement pour l'Allemagne. Toutefois, la charge apparaît encore trop lourde. En Allemagne, les réparations font tout au long de la période l'objet de vives contestations politiques, et alimentent un vif ressentiment. Avec la Grande Dépression, les versements furent interrompus (moratoire Hoover en 1931, Conférence de Lausanne en 1932). En 1933, les nazis arrivent au pouvoir en Allemagne, ils rejettent toute idée de paiement des réparations. Les paiements sont définitivement arrêtés. L'ORIGINAL DU TRAITE L'original du traité a disparu en 1940 et on ignore s'il a été détruit. Face à l'avancée des troupes allemandes vers Paris, il devait être mis à l'abri à l'Ambassade de France aux États-Unis, mais ce n'est qu'une version préparatoire qui y est parvenue. On a longtemps cru qu'il se trouvait à Moscou, mais l'ouverture progressive des archives depuis 1990 n'a pas permis de le retrouver. La seule certitude est que les Allemands ont mis la main sur la ratification française du traité, cachée au Château de Rochecotte, le 11 ou le 12 août 1940, en même temps que sur le traité de Saint-Germain-en-Laye. Elle fut transportée par avion à Berlin pour être présentée à Adolf Hitler. UTILISATION DE L'ANGLAIS COMME SECONDE LANGUE OFFICIELLE DU TRAITE Georges Clemenceau, qui parlait couramment anglais, accéda à la demande de ses homologues britanniques et américains concernant la langue de rédaction du Traité. Alors que le français était la seule langue de la diplomatie occidentale depuis le XVIII siècle, l'anglais fut choisi comme langue de travail et seconde langue officielle du Traité de Versailles. Ce fut le premier symptôme tangible du déclin du français sur la scène internationale au profit de l'anglais.