Le référendum écossais et le coût de la liberté

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Apériodique – n°14/38 – 22 mai 2014
Le référendum écossais et le coût de la liberté
 La forte disparité dans les résultats des
sondages et la proportion toujours élevée
d’électeurs indécis laissent entendre que le
référendum sur l’indépendance de l’Écosse
du 18 septembre prochain pourrait réserver
des surprises.
 Dans le cas où l'indépendance sortirait des
urnes, c'est l’incertitude sur les accords
monétaires entre l’Écosse et le reste du
Royaume-Uni
qui
constituerait
la
préoccupation
majeure.
Une
union
monétaire entre le Royaume-Uni et l’Écosse
indépendante ayant été exclue par les
principaux partis politiques britanniques, la
création d’une monnaie écossaise semble
être une réelle possibilité.
 Sous réserve d’une issue favorable des
négociations
avec
les
institutions
européennes et d’un long processus
d’ajustement, une adhésion à l’Union
européenne suivie d'une adoption de l’euro
constituerait un scénario tout à fait
envisageable à moyen/long terme.
 Ce cas sans précédent serait susceptible de
générer, à court terme, une réaction
négative des marchés, entraînant une
hausse du coût de financement des banques
et une forte aversion au risque.
 En cas d'indépendance, l’Écosse, tout
comme le reste du Royaume-Uni, seraient
confrontés à des défis budgétaires
considérables. La dette publique du
Royaume-Uni augmenterait de 10 % du PIB
en 2016, tandis qu'une Écosse indépendante
s'engagerait très vraisemblablement, sur le
long terme et sans action politique, vers des
niveaux intenables de déficit public et
d'endettement.
La liberté vaut-elle la perte de la
stabilité ?
L’Écosse dispose de nombreux atouts –
d’importantes ressources naturelles (extraction de
pétrole et de gaz, électricité, énergies
renouvelables), des industries créatives en forte
croissance, une population au niveau de formation
élevé et une croissance économique par tête plutôt
soutenue – ce qui permet à son gouvernement
d’envisager l’indépendance. Le gouvernement
écossais estime que, malgré ces atouts,
l’économie écossaise n’est pas aussi dynamique
qu’elle devrait l’être par rapport à d’autres petites
nations. Il renvoie la faute au Royaume-Uni qui
leur inflige des politiques uniformisées et des
mesures d’austérité.
Les perspectives économiques d’un État écossais
indépendant sont incertaines et dépendent, dans
une large mesure, des accords futurs entre le
Royaume-Uni, l’Écosse et l’UE. Aujourd'hui,
l’Écosse bénéficie de la stabilité que lui procure
son appartenance au Royaume-Uni qui constitue
un ensemble économique et budgétaire intégré,
ainsi qu’une union bancaire. Cette stabilité a été
mise à rude épreuve au cours de la crise financière
avec le sauvetage de banques écossaises par le
gouvernement britannique en 2008. Jim Gallagher1
résume la situation très clairement : « la possibilité
que l’Écosse puisse mieux assurer sa réussite à
long terme en tant qu’État séparé du Royaume-Uni
ne peut bien sûr être totalement exclue : il y a trop
d’incertitudes pour en être sûr ». Toutefois, on
peut
raisonnablement
supposer
que
l’accession de l’Écosse à l’indépendance aurait
les trois implications suivantes.
1
Cf. J.D. Gallagher, “The Economic Case for Union” Fraser of
Allander Institute Economic Commentary, Vol.37 No.3 (2014).
Études Économiques Groupe
http://etudes-economiques.credit-agricole.com
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 Une capacité limitée à gérer les chocs
financiers et asymétriques
« Oui ». En outre, le pourcentage d’indécis reste
très élevé.
Le scénario économique mis en avant par le livre
blanc regroupant l'ensemble des propositions pour
l'indépendance du gouvernement écossais2
suppose un maintien de l’union bancaire et
monétaire et une indépendance budgétaire totale.
Cela implique la perte de la maîtrise de la politique
monétaire et des mécanismes de transfert
budgétaire pour gérer les chocs financiers
asymétriques.

Des défis budgétaires énormes
À terme, la situation budgétaire écossaise serait
intenable, avec un déficit et un endettement
publics sensiblement plus élevés qu’au RoyaumeUni (cf. page 7 ci-après).

Une période de transition douloureuse
Il y aurait inévitablement une période de transition
durant laquelle l’Écosse pourrait faire face à des
coûts importants (coûts administratifs et coûts pour
le secteur bancaire), en particulier en cas de
changement de devise. Ces coûts pourraient
largement annuler les bénéfices éventuels à long
terme de l’indépendance.
Compte tenu des incertitudes et des coûts
potentiels liés à l’indépendance, il n’est pas
surprenant que les sondages sur les intentions
de vote continuent de montrer qu’une majorité
d’Écossais souhaitent rester au sein du
Royaume-Uni. Le graphique ci-après montre
l’écart en pourcentage entre le « oui » et le « non »
dans les intentions de vote des différents
sondages d’opinion sur la question de
l’indépendance de l’Écosse.
Par conséquent, bien que peu probable, une
victoire du « Oui » à l’issue du référendum ne peut
pas être exclue (le référendum suisse en février
20143 en donne une bonne illustration). Les
conséquences financières et économiques en
découlant sont trop importantes pour ne pas
examiner ce scénario.
Le choix de la devise est capital
En cas d’indépendance de l’Ecosse, l’enjeu
principal portera sur les incertitudes quant aux
accords monétaires entre l’Écosse, le RoyaumeUni ou les États membres de l’UE4, si l’Écosse
demande l’adhésion à l’Union européenne.
La livre sterling –
officielle
une union monétaire
Le gouvernement écossais propose un
maintien de l’union bancaire et monétaire avec
le
Royaume-Uni,
mais
une
complète
indépendance budgétaire. Il souhaite que la livre
sterling soit partagée avec le reste du RoyaumeUni au sein d’une « zone sterling », la Banque
d’Angleterre continuant de jouer son rôle de
prêteur en dernier ressort et de gérer les
établissements
financiers
d’importance
systémique. Cette option présente l’avantage de
maintenir un degré élevé d’intégration financière et
commerciale ; elle limite de plus les risques de
fuite des capitaux et exclut la possibilité d’une
3
Les sondages sont marqués par une très forte
dispersion, mais certaines enquêtes semblent
tendre progressivement vers une victoire du
2
Scotland’s Future, Gouvernement écossais (2013).
N°14/38 – 22 mai 2014
À une faible majorité de moins de 20 000 voix (50,3 % contre
49,7 %) et une majorité importante dans les cantons, la Suisse
a dénoncé l’accord avec l’UE sur la libre circulation des
travailleurs et décidé d’établir des quotas à l’immigration, y
compris à l’égard des ressortissants de l’UE.
4
L’agence de notation Fitch a clairement indiqué que, quel que
soit le scénario, les risques en découlant seront globalement
plus élevés pour le Royaume-Uni (ainsi que pour l’Écosse) que
ceux liés à la situation actuelle, ce qui implique un impact
négatif en termes de notation (cf. rapport spécial, UK : rating
implications of Scottish independence,10 avril 2014).
2
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dévaluation compétitive. Toutefois,
également d’autres problèmes :

elle
pose
Asymétrie par rapport à l’union
Le gouvernement écossais propose de partager la
responsabilité de la stabilité du système financier
avec le gouvernement britannique. Or, l’Écosse
étant trop petite pour soutenir économiquement le
Royaume-Uni, la majeure partie des risques
financiers induits par un tel accord serait supportée
par le reste du Royaume-Uni. Les trois principaux
partis politiques britanniques s’accordent sur le fait
qu’un accord aussi asymétrique ne serait pas dans
l’intérêt du Royaume-Uni séparé de l’Écosse, et ils
ont tous exclu la possibilité de mettre en place
l’union monétaire proposée dans le Livre blanc.
Cette opposition politique rend la réalisation
d’une telle union monétaire très improbable.

Gestion du risque
À l’heure actuelle, le Royaume-Uni mutualise les
risques économiques (qu’ils soient liés à une crise
bancaire, aux recettes liées aux ressources
naturelles, ou aux tendances démographiques, par
exemple) qu’une Écosse indépendante devrait
gérer seule. La perte des mécanismes de change
et des transferts budgétaires depuis le RoyaumeUni vers l’Écosse rendrait l’économie écossaise
vulnérable aux chocs économiques.

Partage des risques budgétaires
Une union monétaire n’est pas viable sans union
budgétaire, comme l’a illustré la crise de la dette
souveraine en zone euro. Mark Carney,
gouverneur de la Banque d’Angleterre, a dit qu’une
union monétaire durable et réussie nécessitait
« l’abandon d’un certain degré de souveraineté
nationale » ce qui est incompatible avec la notion
d’indépendance5.

Incompatibilité avec une adhésion à l’UE
Le désir écossais d’une union monétaire avec
le Royaume-Uni dans son nouveau périmètre
n’est pas compatible avec une possible
adhésion à l’UE, dans la mesure où tout nouvel
État membre doit accepter d’adopter l’euro à
terme, à moins de négocier une dispense
spécifique, comme l’a fait le Royaume-Uni. Or, un
État écossais indépendant aurait peu de chance
d’obtenir une telle dispense, et il est également
improbable qu’il hérite automatiquement de la
dispense britannique6. Le projet d’union monétaire
avec le reste du Royaume-Uni proposé par le
5
Cf. « The economics of currency unions », discours prononcé
par Mark Carney le 29 janvier 2014 à Édimbourg.
6
La question de l’adhésion à l’UE implique également la
question complexe liée au rabais britannique. Un État écossais
indépendant ne bénéficierait pas forcément du même rabais
dans l’Union européenne.
N°14/38 – 22 mai 2014
gouvernement écossais impliquerait la coexistence
de deux unions monétaires au sein des frontières
de l’UE, ce qui serait sans précédent pour l’Union
européenne.
Quelles sont les autres possibilités ?
D’autres scénarios sont envisageables, mais il
nous semble que l’adoption de l’euro serait la
meilleure solution en termes d’arbitrage coûts /
avantages.
 La « sterlingisation »
monétaire « informelle »7
–
une
union
La livre sterling resterait en circulation en Écosse,
mais sans le consentement du reste du RoyaumeUni et donc sans bénéficier des services de la
Banque d’Angleterre. Telle est l’option privilégiée
par un ancien membre du comité de politique
monétaire de la banque centrale. Toutefois, cette
option est problématique pour l’Ecosse, dans la
mesure où aucune institution ne jouerait le rôle de
prêteur en dernier ressort en cas de crise bancaire.
On risquerait donc d’assister à une fuite massive
des capitaux d’Écosse vers le Royaume-Uni, où la
Banque d’Angleterre agit en tant que prêteur en
dernier ressort.

L’Écosse crée sa propre devise
Le scénario d’une devise purement écossaise,
qu’elle s’inscrive dans un régime de change fixe ou
de change flottant, n’est pas actuellement
envisagé par le gouvernement écossais. Toutefois,
compte tenu du rejet par le gouvernement
britannique d’une union monétaire avec l’Écosse,
la création d’une devise écossaise paraît assez
plausible en cas d’indépendance. Etant donné la
taille de l’économie écossaise, l’incertitude liée à la
solidité
du
cadre
institutionnel
écossais
déclencherait sans doute une fuite de capitaux,
entraînant une forte dépréciation de la nouvelle
devise
écossaise.
Ce
qui
aurait
des
conséquences économiques et financières très
négatives pour l’Ecosse. De plus, le changement
de devise aurait sans doute des conséquences
négatives en termes de notation et de crédit pour
l’ensemble des émetteurs (souverain et autres),
même si l’impact dépend en grande partie des
accords post-indépendance et du schéma du
8
processus de transition .
7
Le terme générique est « dollarisation » : par exemple,
Panama utilise le dollar américain. Le Monténégro utilise l’euro
et compte rejoindre l’UE. Le Kosovo a unilatéralement adopté
l’euro.
8
er
Le 1 mai 2014, Moody’s a déclaré qu’une Écosse
indépendante obtiendrait sans doute une note investment grade
(« A » avec perspective négative) mais avec un coût d’emprunt
plus élevé que pour le reste du Royaume-Uni.
3
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o
Ancrage da la nouvelle devise à
la livre sterling
Un currency board avec un ancrage de la devise
écossaise à la livre sterling semble aussi assez
probable9. La stabilité que procurerait un tel régime
en limitant la volatilité du taux de change aurait
des effets économiques positifs à terme. Toutefois,
l’importance du secteur bancaire écossais pourrait
compromettre la viabilité du currency board. De
fait, la politique monétaire serait subordonnée à
l’objectif de parité et une banque centrale
écossaise n’aurait pas les moyens de jouer le rôle
de prêteur en dernier ressort. D’après le triangle
des incompatibilités (ou triangle de Mundell), la
mise en place d’un taux de change fixe dans un
contexte de libre circulation des capitaux
nécessite
l’abandon
de
l’indépendance
monétaire (d’où l’impossibilité de fixer les taux
d’intérêt de manière indépendante). Le risque de
dévaluation et d’abandon de l’ancrage à la livre
sterling serait élevé en cas de choc asymétrique
(par exemple, chute significative des recettes
pétrolières ou crise bancaire).
o
Régime de change flottant
Un régime de taux de change flottant permettrait à
l’Écosse de définir sa politique monétaire et
budgétaire de manière indépendante. Toutefois,
le prix à payer est élevé à court terme. La
création d’une nouvelle devise comporte des coûts
de
transition
significatifs
associés
au
remplacement de la livre en circulation, à la
création d’une nouvelle banque centrale, à la mise
en place d’autorités de contrôle prudentiel, etc. Les
incertitudes associées aux taux de change
augmenteraient le coût des transactions pour les
investisseurs et les entreprises (coûts de
couverture aux variations de change et coûts liés
au changement de libellé de la devise). On
assisterait certainement à une hausse de la
volatilité des flux de capitaux transfrontaliers, ce
qui aurait des conséquences énormes pour le
secteur bancaire. En outre, un régime de change
flottant entraînerait une grande instabilité des prix
et pèserait sur les échanges commerciaux de
l’Écosse.

Rejoindre la zone euro
L’adoption de l’euro serait tout à fait
concevable à moyen ou long terme, notamment
si l’Écosse restait dans l’UE. L’euro présente
l’avantage d’être une monnaie de réserve
internationale, ce qui permet de minimiser le risque
d’une fuite des capitaux associée au changement
de devise. L’adhésion à l’euro offrirait également
une solution crédible en termes de cadre
9
Ce modèle a relativement bien fonctionné au Danemark, dont
la monnaie est arrimée à l’euro. Le currency board de Hong
Kong avec le dollar américain est une autre expérience réussie.
N°14/38 – 22 mai 2014
prudentiel, dans la mesure où l’Écosse rejoindrait
l’union bancaire européenne et où ses banques
seraient soumises à la supervision de la Banque
centrale européenne (BCE). Les banques
écossaises auraient également accès aux
financements de la BCE en tant que prêteur en
dernier ressort.
Avant de rejoindre l’euro, l’Écosse devra
négocier les conditions de son adhésion à l’UE.
10
Le gouvernement écossais est pro-européen :
l’UE est vue comme un allié potentiel dans la
reconnaissance de l’indépendance de l’Écosse et
de son émancipation à l’égard de la tutelle du
Royaume-Uni. En outre, le statut de membre de
l’UE offre un cadre rassurant qui permet de
s’affranchir des incertitudes liées à l’indépendance.
Compte tenu de l’absence d’un précédent
historique et du flou juridique qui en découle,
une adhésion à l’UE ferait l’objet de
négociations avec les institutions européennes et
les États membres, dont le calendrier et l’issue
sont difficiles à prédire11. Les institutions
européennes ont été extrêmement prudentes
jusqu’à présent, prenant soin d’éviter d’être
accusées d’ingérence dans les affaires internes de
ses États membres. L’indépendance de l’Écosse
pourrait se trouver en butte à l’hostilité de certains
États européens, tels que l’Espagne ou la Belgique
qui sont aussi confrontés aux velléités
sécessionnistes de certaines de leurs régions.
Néanmoins, en cas de victoire du « Oui » au
référendum, il est difficile d’imaginer que l’UE
rejetterait l’Écosse hors de ses frontières. Au
contraire, les intérêts économiques de l’Union
européenne seraient de faciliter la (ré)intégration
de l’Écosse au sein de l’Union pour éviter de
perturber le fonctionnement du marché unique.
Toutefois, même avec une volonté politique forte
d’accélérer le processus de négociation,
l’adhésion à l’UE a peu de chances de se faire
automatiquement.
L’Écosse
devrait
alors
satisfaire aux critères du traité de l’Union
européenne. Elle devrait également créer sa
propre banque centrale en vue de se conformer
aux critères qui s’imposent à l'ensemble des États
membres de l’UE pour pouvoir participer au
Système européen des banques centrales. À
l’heure actuelle, aucun État membre n’adhère à
l’UE sur la base d’une banque centrale partagée,
ni avec une devise « dollarisée ».
L’entrée dans l’UEM nécessiterait un long
processus d’ajustement, dans la mesure où
10
Le gouvernement écossais entend lancer les négociations
avec l’UE à l’issue d’un référendum favorable à l’indépendance,
l’Écosse se donnant pour objectif de déclarer l’indépendance
en mars 2016.
11
Cf. Yves Gounin, « Les dynamiques d’éclatements d’États
dans l’Union européenne : casse-tête juridique, défi politique »
Politique étrangère (T4 2013).
4
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l’Écosse devrait se conformer aux cinq critères de
convergence de la zone euro (les fameux
« critères de Maastricht »), ce qui prendrait sans
doute de nombreuses années, voire plusieurs
décennies. Avec un déficit public de 8,3 % du PIB
en 2012–13 (en tenant compte d’une répartition
géographique des recettes fiscales issues du
pétrole en mer du Nord), l’Écosse partirait
clairement du mauvais pied.
Les critères de Maastricht d’adhésion à la zone euro
Les États membres de l’Union européenne doivent se
conformer à cinq critères de convergence pour pouvoir
entrer dans l’UEM et adopter l’euro :
- Le taux d'inflation annuel moyen d’État membre donné
ne doit pas dépasser de plus de 1,5 point celui des trois
États membres présentant les meilleurs résultats en
matière de stabilité des prix.
récemment signalé l’agence de notation Fitch dans
13
un rapport .
Notre scénario central (une victoire du « Non » au
référendum) suppose que la dette publique du
Royaume-Uni passe de 90,6 % du PIB en 2013 à
93,5 % en 2015 avant de revenir à 87 % en 2020.
Toutefois, en cas d’indépendance de l’Écosse,
nous estimons que la dette publique
britannique (hors Ecosse) atteindrait plus de
100 % du PIB en 2016 (à 102,4 % du PIB). Par
conséquent, la baisse du ratio d’endettement s’en
trouverait encore retardée.
% GDP
105
100
- Les taux d'intérêt à long terme ne doivent pas excéder
de plus de 2 % ceux des trois États membres présentant
les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix
95
- L'État candidat doit avoir participé au système
monétaire européen (SME) pendant les deux années
consécutives précédant l'examen de sa situation, sans
avoir dépassé une marge de fluctuation de +/−15 % de
son taux de change par rapport à un cours pivot fixe.
85
90
80
2011
Conséquences budgétaires
Augmentation de la dette publique pour le
Royaume-Uni
Le gouvernement britannique a clairement indiqué
que si l'indépendance sortait des urnes, il
honorerait en toutes circonstances le stock existant
de dette12. Cet engagement est positif pour le
marché des Gilts, car il élimine tout risque de
défaut sur les bons du Trésor britannique.
Toutefois, cela impacte l’évolution du ratio de dette
publique du Royaume-Uni. D’après notre analyse,
si l’Écosse prenait son indépendance, le PIB du
Royaume-Uni chuterait d’un niveau au moins
équivalent à la contribution de l’Écosse (environ
10 %). Cela entraînerait une augmentation
ponctuelle de la dette publique du RoyaumeUni hors Écosse, que nous estimons à environ
10 % du PIB. En outre, l’Écosse devrait lever des
fonds pour rembourser sa part au Royaume-Uni
nouveau périmètre, de sorte que ce dernier serait
fortement exposé au risque de crédit écossais.
Cette situation aurait un impact négatif sur la
notation du nouveau Royaume-Uni, comme l’a
12
Cf. UK debt and the Scotland independence referendum,
Gouvernement britannique (13 janvier 2014).
N°14/38 – 22 mai 2014
2013
2015
UK GGGD central case
2017
2019
Scotland's independence
Source : ONS, OBR, Crédit Agricole S.A.
- Le déficit budgétaire ne doit pas dépasser 3 % du PIB.
- La dette publique brute ne doit pas dépasser 60 % du
PIB.
UK: public debt
L’équilibre budgétaire de l’Écosse est très
dépendante des recettes fiscales du pétrole en
mer du Nord
Une des principales différences entre l’Écosse
et le Royaume-Uni réside dans l’importance
des recettes pétrolières de mer du Nord. De fait,
les revenus pétroliers en mer du Nord représentent
une part importante des recettes fiscales
écossaises : 15 % en moyenne entre 2007-08 et
2012-13 sur une base géographique, contre 1,6 %
pour le Royaume-Uni. Elles sont également
marquées par une grande volatilité : elles
représentaient 21 % du PIB en 2008-09 mais cette
contribution avait chuté à environ 10 % en 201213. Les perspectives d’évolution de la situation
budgétaire écossaise sont donc très dépendantes
des différents paramètres qui affectent les revenus
pétroliers issus de la mer du Nord (production
pétrolière, cours du pétrole, investissements, taux
d’imposition, etc.) ainsi que de leur traitement.
13
Cf. Fitch, « UK: rating implications of Scottish independence »,
10 avril 2014.
5
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marchés de gros (93 % du PIB annuel
britannique). Toutefois, les coûts d’extraction sont
en forte augmentation. Contrairement à la situation
qui prévalait dans les années 70-80, la production
provient désormais d’un nombre beaucoup plus
important de gisements plus petits. À moins d’une
amélioration de la productivité, l’augmentation des
coûts d’exploitation pourrait entraîner une baisse
rapide des rendements, rendant moins attrayant le
développement des réserves existantes.
Si l’on exclut les recettes fiscales de mer du
Nord, le déficit budgétaire écossais est
sensiblement plus élevé que celui du
Royaume-Uni dans son ensemble : 14 % du PIB
contre 7,3 % du PIB pour le Royaume-Uni en
2012-13. La prise en compte des recettes
pétrolières par habitant met également en
évidence la précarité de l’équilibre budgétaire de
l’Écosse. Pour obtenir une situation similaire à
celle du Royaume-Uni, il est nécessaire de baser
les recettes fiscales de mer du Nord sur une
répartition géographique spécifique.
Les recettes pétrolières issues de la mer du
Nord devraient continuer de diminuer au cours
des prochaines années, compte tenu de la
chute de la production. C’est le point de vue de
l’OBR (Office for Budget Responsability) partagé
par nos experts du secteur pétrolier. De fait, le
déclin de la production a atteint 9 % par an en
moyenne au cours de la dernière décennie et cette
tendance s’est même accélérée récemment
(−15 % entre 2011-12 et 2012-13). Les réserves
du plateau continental du Royaume-Uni semblent
importantes : elles sont estimées entre 15 et
24 milliards de barils équivalent pétrole par Oil &
Gas UK, avec une valeur potentielle pouvant aller
jusqu’à 1 500 milliards de livres sterling sur les
N°14/38 – 22 mai 2014
Le défi à long terme pour l’Écosse, en cas
d’indépendance, consisterait à gérer la
volatilité des recettes pétrolières issues de la
mer du Nord. De plus, à mesure que les revenus
de mer du Nord vont diminuer, le nouvel État devra
trouver le moyen d’élargir l’assiette fiscale pour
financer les dépenses publiques à partir de
recettes fiscales non pétrolières.
Le Fiscal Commission Working Group
14
(FCWG) a proposé la mise en place d’un
« fonds de stabilisation » pour lisser l’impact des
variations des recettes pétrolières sur le budget et
l’économie, comme c’est le cas pour le Statens
pensjonsfond Norge, le fonds de pension
gouvernemental en Norvège. Toutefois, compte
tenu de l’importance du déficit budgétaire, il est
difficile d’imaginer comment le gouvernement
écossais pourrait s’affranchir des recettes
pétrolières ou éviter une nouvelle augmentation de
la fiscalité pour maintenir le niveau actuel des
dépenses. En outre, pour asseoir sa crédibilité et
rassurer les investisseurs potentiels sur la volonté
du gouvernement écossais de mener une gestion
prudente des finances publiques, l’Écosse devrait
mettre en place des règles budgétaires et un
conseil budgétaire indépendant.
14
Créé en mars 2012, le Fiscal Commission Working Group
(FCWG) a pour mission de superviser les travaux du
gouvernement écossais sur la conception d’un cadre macroéconomique pour une Écosse indépendante. Ses membres
sont les professeurs Andrew Hughes Hallett, Sir Jim Mirrlees,
Frances Ruane et Joseph Stiglitz.
6
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L’équilibre budgétaire à long terme de l’Écosse
n’est pas tenable
Une des analyses les plus complètes sur la
soutenabilité à long terme de l’équilibre budgétaire
écossais a été réalisée par The Institute for Fiscal
Studies, institut de recherche spécialisé dans
l'évaluation des politiques publiques et l'analyse de
la fiscalité15. Les résultats sont spectaculaires.
L’IFS démontre que, sans action politique, une
Écosse indépendante s'engagerait sur le long
terme vers des niveaux insoutenables de
déficit budgétaire et de dette publique. Les
prévisions tablent sur une diminution du déficit de
l’Écosse beaucoup moins rapide que pour le
Royaume-Uni au cours des cinq prochaines
années. L’IFS projette que le besoin de
financement net du secteur public écossais
atteindra 3,6 % du revenu national en 2021-22,
contre 0,9 % pour le Royaume-Uni dans son
ensemble. Au-delà, partant d’un niveau plus élevé,
on prévoit que la dette de l’Écosse augmentera
plus rapidement ainsi que son coût à moyen terme.
Projections du besoin de financement net du
secteur public
Source : Institute for Fiscal Studies
De fait, on estime que la dette publique de
l’Écosse rapportée au PIB, augmentera de façon
exponentielle au cours des 50 prochaines années
jusqu’à dépasser celle du Royaume-Uni d’ici 20622063. Par conséquent, l’Écosse devra alors
mettre en œuvre des mesures supplémentaires
d’austérité en plus de celles déjà annoncées par
le gouvernement britannique pour rejoindre à long
terme une trajectoire soutenable de ses finances
publiques.
Projections de dette publique
Source : Institute for Fiscal Studies
Les principales hypothèses sous-jacentes du
scénario central de l’IFS, qui expliquent l’écart
entre le Royaume-Uni et l’Écosse, sont liées
aux recettes pétrolières issues de la mer du
Nord et aux tendances démographiques. Ces
recettes devraient connaître un déclin continu,
d’après les prévisions de l’OBR. Ces prévisions
sont très sensibles aux hypothèses d’évolution de
la production pétrolière et du cours du pétrole. Les
autres scénarios avancés par le gouvernement
écossais sont plus optimistes16. Ils intègrent
notamment
la
forte
augmentation
des
investissements intervenue récemment, qui devrait
légèrement stimuler la production jusqu'en
2017-18. Quel que soit le scénario retenu, les
perspectives de production à long terme sont
orientées à la baisse.
De même, les tensions démographiques devraient
être plus fortes en Écosse que dans le reste du
Royaume-Uni compte tenu en particulier d’un taux
de migration plus faible et d’un vieillissement plus
rapide de la population. Le gouvernement écossais
prévoit de mettre en œuvre une politique
d’immigration mieux ciblée sur ses besoins réels
que le système appliqué actuellement par
le Royaume-Uni, objectif qui semble peu réaliste.
Enfin, le modèle de l’IFS suppose que l’Écosse
applique les politiques budgétaires actuelles.
Toutefois, l’indépendance offrirait à l’Écosse
l’occasion de réformer son régime fiscal et sa
politique de dépenses publiques plutôt que de
laisser sa situation budgétaire se détériorer jusqu'à
des niveaux insoutenables.
16
15
Fiscal sustainability of an independent Scotland, The Institute
for Fiscal Studies (2013).
N°14/38 – 22 mai 2014
Les projections d’évolution des recettes en mer du Nord de
l’OBR, qui tablent sur un déclin des cours du pétrole et de la
production pétrolière, sont les plus conservatrices parmi les
cinq scénarios étudiés par le gouvernement écossais dans son
Oil and Gas Analytical Bulletin.
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Slavena NAZAROVA
Gaëlle BRY
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Le système
point clé
bancaire
est
un
L'industrie financière de l’Écosse est un des
secteurs les plus importants du pays. Les
services financiers et l’assurance représentaient
9,3 % de la valeur ajoutée brute de l’Écosse en
2009. L’industrie financière emploie directement ou
indirectement quelque 200 000 personnes. La
sécession augmenterait certainement les coûts et
compliquerait la situation actuelle, dans la mesure
où elle la contraindrait à reconfigurer son système
financier.
Quelle que soit l’option monétaire choisie,
l’indépendance serait onéreuse et risquée pour
le secteur financier. Malgré de fortes incertitudes,
il est possible d’identifier une série d’impacts
possibles.

Une crédibilité institutionnelle relativement
limitée pour l’Écosse pourrait affecter la
confiance des déposants et augmenter les
coûts de financement des banques.
financiers écossais étaient soumis à un régime
fiscal et réglementaire différent de celui de la
majeure partie de leurs clients, la décision de
ces clients et des investisseurs s’en trouverait
certainement influencée. Cela ne risquerait-il pas
en effet de restreindre l’accès des entreprises et
des banques aux marchés de capitaux ? Les
marchés pourraient tout à fait réagir négativement
à la perspective de l’indépendance de l’Écosse ;
ce qui augmenterait les coûts de financement des
banques, entraînant de fait un durcissement des
conditions de crédit pour l’économie réelle.
L’Écosse pourrait donc traverser d’abord une
longue période de fragilité avant d’asseoir sa
crédibilité.
Banks : 5y senior CDS spreads
bps
400
350
300
250
200
150
100
Les établissements financiers basés en Écosse
tirent avantage du cadre réglementaire défini
au Royaume-Uni dans son ensemble par la
« City », dans lequel la supervision des
banques est assurée par la Banque
d’Angleterre selon le droit britannique. La
banque centrale joue un rôle essentiel pour
assurer la confiance envers la monnaie, les
marchés financiers et le secteur bancaire. Si
l’Écosse continuait à utiliser la livre sterling – avec
ou sans l’accord du Royaume-Uni – elle n’aurait
sans doute pas sa propre banque centrale, ce qui
serait une grande fragilité pour son système
bancaire. Dans ce cas, le secteur financier
dépendrait d’une source externe de liquidité et
d’un régulateur également extérieur, dont les
décisions ne seraient pas nécessairement
conformes aux intérêts des établissements
financiers écossais. Si en revanche l’Écosse
décidait d’émettre sa propre monnaie, elle devrait
créer sa propre banque centrale, qui pourrait tarder
à asseoir sa crédibilité sur les marchés.
Les banques « écossaises » tirent également
avantage de la stabilité du Royaume-Uni et de
la confiance des marchés en l’économie
britannique au sens large. Leur financement
dépend notamment des dépôts réunis dans tout le
Royaume-Uni, notamment hors d’Écosse. Les
services financiers et les systèmes de garantie des
dépôts sont réglementés par la juridiction
britannique, assurant la confiance des déposants
17
(particuliers et PME) . Si les établissements
17
Les difficultés auxquelles ont été confrontées les banques
britanniques pendant la crise financière ont conduit à un
durcissement des exigences réglementaires afin de protéger les
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Barclays
HBOS
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HSBC
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13
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Lloyds
RBS
Source : Bloomberg, Crédit Agricole S.A.
 Réduction probable de la capacité d’emprunt
bancaire
Si les banques ne modifient pas leur modèle
bancaire et leur structure et ne relocalisent pas
leur siège, l’Écosse indépendante sera dotée d’un
secteur financier d’une taille exceptionnelle. Les
actifs du secteur bancaire représenteraient
alors plus de 12 fois le montant du PIB, un
niveau sensiblement plus élevé que celui de
l’Islande (880 %) ou de l’Irlande (890 %) à la veille
de la crise financière. Le soutien du gouvernement
britannique à la banque Royal Bank of Scotland –
techniquement domiciliée en Écosse – a atteint
plus de 200 % du PIB écossais depuis 2008.
déposants et maintenir la confiance des clients dans le système
bancaire, comme en atteste le renforcement du cadre
réglementaire, le Financial Services Compensation Scheme.
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réglementaires et les inquiétudes des clients et des
investisseurs.
Le choix monétaire sera alors fondamental,
dans la mesure où il conditionnera le cadre
réglementaire. Il y a trois options possibles : le
régime britannique, qui compte actuellement deux
organismes de régulation, la Prudential Regulation
Authority (PRA) et la Financial Conduct Authority
(FCA), la réglementation prudentielle de la BCE ou
une autorité de régulation nationale purement
écossaise. Quel que soit le scénario qui serait
finalement retenu, il devrait être assorti d’un fort
engagement politique afin de ne pas compromettre
les intérêts des déposants et des autres créanciers
des banques.
Pour pouvoir continuer à soutenir un secteur
financier aussi conséquent, l’Écosse devra très
certainement parvenir à dégager des excédents
courants et budgétaires suffisamment importants,
objectif difficile à atteindre dans un environnement
économique très incertain. La volonté et la
capacité d’un futur gouvernement écossais à
accorder son soutien au secteur bancaire
auraient donc une importance capitale. Les
agences de notation et les investisseurs intègrent
en effet le degré potentiel de soutien de l’Etat aux
établissements financiers dans la notation qu’ils
leur attribuent. L’absence d’un tel soutien pourrait
donc avoir un impact négatif sur les notes des
établissements bancaires.
En cas d’adhésion à l’UE, l’Écosse pourrait
décider
d’adhérer
à
l’union
bancaire
européenne nouvellement constituée et confier
alors à la BCE la supervision de ses principales
banques sans pour autant adopter l’euro. Cela
aiderait ses banques à maintenir leur capacité à
emprunter et leur crédibilité sur les marchés.
Néanmoins, l’Écosse devrait alors participer au
financement du mécanisme de résolution unique
européen et du fonds de garantie des dépôts
proportionnellement à la taille de son secteur
financier et de son économie.

La nécessité d’un cadre juridique et
réglementaire
Une Écosse indépendante devrait mettre en
place son propre régime réglementaire et
fiscal, qui ne bénéficierait pas dans un premier
temps de la solide crédibilité acquise par les
institutions britanniques. Les traités en matière
de double imposition devraient être réexaminés,
notamment entre l’Écosse et le reste du RoyaumeUni, mais aussi avec l'ensemble des membres de
l’Union européenne. Ces changements pourraient
perturber à court terme l’activité des entreprises,
notamment dans le commerce de détail et les
PME. L’indépendance augmenterait les coûts
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En plus des coûts induits par les difficultés
évoquées ci-dessus, la création d’un nouveau
marché bancaire entraînerait certainement une
augmentation des coûts pour les banques comme
pour leur clientèle et générerait de nouveaux
risques potentiels liés à la reconfiguration des
modèles bancaires et des produits sur un marché
de taille relativement modeste.
Trois banques britanniques ont un fort héritage
écossais : Royal Bank of Scotland, Clydesdale
Bank et Lloyds Banking Group à travers Bank of
Scotland et HBOS sont domiciliées en Écosse,
mais réalisent l’essentiel de leurs activités hors
d’Écosse. Ces banques pourraient décider de
relocaliser leur siège et leurs bureaux à
Londres, réduisant la taille du secteur bancaire
écossais, ce qui aurait des conséquences
néfastes sur l’économie écossaise, notamment sur
le niveau d’activité, l’emploi, les recettes fiscales,
les flux de capitaux, etc. Elles exerceraient alors
leurs activités en Écosse à travers des filiales,
notamment si aucune union monétaire n’est
formalisée.
 Quel est le point de vue des banques
« écossaises » ?
Royal Bank of Scotland a prévenu les
investisseurs que l’indépendance de l’Écosse
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aurait un impact significatif sur sa note et qu’elle
menacerait son statut au sein de l’Union
européenne. Dans son rapport annuel et dans le
rapport sur la rémunération des dirigeants, RBS
déclare que puisque la société mère et sa filiale
opérationnelle principale (Royal Bank of Scotland)
sont toutes deux des sociétés de droit écossais
18
Extrait du rapport annuel 2013 de RBS : « Les coûts
d’emprunt de [RBS] et son accès aux marchés obligataires et
aux autres sources de liquidité dépendent fortement de ses
conditions de financement et de la note intrinsèque du
gouvernement britannique. Or, celle-ci serait sans doute
pénalisée par certains événements politiques tels qu’une
victoire du « Oui » au référendum pour l’indépendance de
l’Écosse ».
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Gaëlle BRY
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domiciliées en Écosse, elles seraient grandement
affectées par l’indépendance.
Par ailleurs, le gouvernement britannique détient
encore 82 % du capital de RBS et 24,9 % de
Lloyds Banking Group en raison du soutien
apporté à ces banques d’importance systémique
pendant la crise financière de 2007-08. En cas
d’accession à l’indépendance, cette participation
du Royaume-Uni au capital de ces deux banques
compliquerait sans doute les négociations avec
l’Écosse sur le partage de la dette et le calendrier
de remboursement par les banques.
Groupes bancaires ou
établissements financiers
principaux domiciliés en
Ecosse
Secteur
Royal Bank of Scotland Group
Banque
Royal Bank of Scotland plc
Banque
Standard Life
Clydesdale Bank
Assurance
Banque détenue par
National Australia
Bank
Lloyds Banking Group
Banque
Halifax Bank of Scotland
Banque
Bank of Scotland
Banque
Avis sur l'indépendance
écossaise
impact significatif sur les
coûts ainsi que sur
l'activité et les conditions
financières
prêt à déplacer ses
activités en zone
frontalière en cas de
scission
Avis neutre
incertain mais impact sur
le coût de mise en
conformité, de
changement de cadre
fiscal et hausse du coût
de financement pour la
banque
Sources : rapports financiers des banques
Conclusion
La perspective d’une victoire du « Oui » au
référendum sur l’indépendance de l’Écosse
soulève des questions délicates pour le RoyaumeUni tout autant que pour le nouvel État écossais et
pour l’Union européenne. Les principaux enjeux
concernent le choix d’un régime monétaire, la
pérennité à long terme des finances publiques
écossaises, très dépendantes des recettes fiscales
sur les activités pétrolières et l’importance du
secteur financier écossais. Le modèle proposé par
le gouvernement écossais, qui plaide pour une
union monétaire avec le Royaume-Uni associée à
une indépendance budgétaire, n’est pas viable et il
a déjà été rejeté par les autorités britanniques. Un
État écossais indépendant serait sans doute
immédiatement confronté à d’importants défis
budgétaires en termes de coûts administratifs. À
terme, le déficit et la dette publique d’une Écosse
indépendante connaîtraient sans doute une
détérioration significative. Pour atteindre un
équilibre budgétaire durable, l’Écosse devra
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restructurer en profondeur son régime fiscal et
réduire ses dépenses publiques une fois
l’indépendance acquise. En outre, devenue une
petite économie ouverte, l’Écosse indépendante
serait sans doute plus vulnérable aux chocs
économiques et financiers.
Compte tenu de l’ensemble des doutes soulevés
précédemment, un scénario de sécession de
l’Ecosse pourrait être évité. En particulier, le
processus d’indépendance pourrait être géré de
manière coordonnée à la volonté politique des
institutions européennes parallèlement à des
négociations sur une adhésion à l’UE. Finalement,
l’UE et le Royaume-Uni auraient tout intérêt à
faciliter le processus d’indépendance et à
raccourcir autant que possible la période de
transition en vue de garantir le bon fonctionnement
du marché unique et d’éviter les retombées
financières et économiques négatives au sein de
l’Union. L’appartenance à l’UE aiderait également
à atténuer les problèmes de soutenabilité
budgétaire à long terme de l’Écosse. De fait, cela
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permettrait également de limiter les pressions
démographiques, notamment si la politique
nationale favorise les flux d’immigration (qui sont
restreints actuellement par le Royaume-Uni). En
cas d’accession à l’indépendance, un accord
monétaire prévoyant l’adoption de l’euro par
l’Écosse à moyen/long terme nous semble être un
scénario réaliste. S’il permettait de réduire le coût
des transactions avec l’UE, un tel développement
impliquerait tout de même un processus complexe
de négociations et d’ajustements économiques
pour satisfaire aux critères de Maastricht.
L’indépendance de l’Écosse pourrait créer un
précédent dans l’histoire juridique de l’Europe. Le
processus de négociation serait surveillé de près
par les autres États membres européens, et
notamment par ceux qui sont aux prises avec les
velléités séparatistes de leurs propres régions. De
fait, le cas écossais deviendrait un exemple
transposable
aux
régions
candidates
à
l’indépendance. Le risque serait que l’Écosse
devienne un catalyseur du morcellement des États,
ce qui en dernier lieu, serait extrêmement négatif
pour l’Union européenne. 
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