Apériodique – n°14/38 – 22 mai 2014 Le référendum écossais et le coût de la liberté La forte disparité dans les résultats des sondages et la proportion toujours élevée d’électeurs indécis laissent entendre que le référendum sur l’indépendance de l’Écosse du 18 septembre prochain pourrait réserver des surprises. Dans le cas où l'indépendance sortirait des urnes, c'est l’incertitude sur les accords monétaires entre l’Écosse et le reste du Royaume-Uni qui constituerait la préoccupation majeure. Une union monétaire entre le Royaume-Uni et l’Écosse indépendante ayant été exclue par les principaux partis politiques britanniques, la création d’une monnaie écossaise semble être une réelle possibilité. Sous réserve d’une issue favorable des négociations avec les institutions européennes et d’un long processus d’ajustement, une adhésion à l’Union européenne suivie d'une adoption de l’euro constituerait un scénario tout à fait envisageable à moyen/long terme. Ce cas sans précédent serait susceptible de générer, à court terme, une réaction négative des marchés, entraînant une hausse du coût de financement des banques et une forte aversion au risque. En cas d'indépendance, l’Écosse, tout comme le reste du Royaume-Uni, seraient confrontés à des défis budgétaires considérables. La dette publique du Royaume-Uni augmenterait de 10 % du PIB en 2016, tandis qu'une Écosse indépendante s'engagerait très vraisemblablement, sur le long terme et sans action politique, vers des niveaux intenables de déficit public et d'endettement. La liberté vaut-elle la perte de la stabilité ? L’Écosse dispose de nombreux atouts – d’importantes ressources naturelles (extraction de pétrole et de gaz, électricité, énergies renouvelables), des industries créatives en forte croissance, une population au niveau de formation élevé et une croissance économique par tête plutôt soutenue – ce qui permet à son gouvernement d’envisager l’indépendance. Le gouvernement écossais estime que, malgré ces atouts, l’économie écossaise n’est pas aussi dynamique qu’elle devrait l’être par rapport à d’autres petites nations. Il renvoie la faute au Royaume-Uni qui leur inflige des politiques uniformisées et des mesures d’austérité. Les perspectives économiques d’un État écossais indépendant sont incertaines et dépendent, dans une large mesure, des accords futurs entre le Royaume-Uni, l’Écosse et l’UE. Aujourd'hui, l’Écosse bénéficie de la stabilité que lui procure son appartenance au Royaume-Uni qui constitue un ensemble économique et budgétaire intégré, ainsi qu’une union bancaire. Cette stabilité a été mise à rude épreuve au cours de la crise financière avec le sauvetage de banques écossaises par le gouvernement britannique en 2008. Jim Gallagher1 résume la situation très clairement : « la possibilité que l’Écosse puisse mieux assurer sa réussite à long terme en tant qu’État séparé du Royaume-Uni ne peut bien sûr être totalement exclue : il y a trop d’incertitudes pour en être sûr ». Toutefois, on peut raisonnablement supposer que l’accession de l’Écosse à l’indépendance aurait les trois implications suivantes. 1 Cf. J.D. Gallagher, “The Economic Case for Union” Fraser of Allander Institute Economic Commentary, Vol.37 No.3 (2014). Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com Slavena NAZAROVA Gaëlle BRY [email protected] [email protected] Une capacité limitée à gérer les chocs financiers et asymétriques « Oui ». En outre, le pourcentage d’indécis reste très élevé. Le scénario économique mis en avant par le livre blanc regroupant l'ensemble des propositions pour l'indépendance du gouvernement écossais2 suppose un maintien de l’union bancaire et monétaire et une indépendance budgétaire totale. Cela implique la perte de la maîtrise de la politique monétaire et des mécanismes de transfert budgétaire pour gérer les chocs financiers asymétriques. Des défis budgétaires énormes À terme, la situation budgétaire écossaise serait intenable, avec un déficit et un endettement publics sensiblement plus élevés qu’au RoyaumeUni (cf. page 7 ci-après). Une période de transition douloureuse Il y aurait inévitablement une période de transition durant laquelle l’Écosse pourrait faire face à des coûts importants (coûts administratifs et coûts pour le secteur bancaire), en particulier en cas de changement de devise. Ces coûts pourraient largement annuler les bénéfices éventuels à long terme de l’indépendance. Compte tenu des incertitudes et des coûts potentiels liés à l’indépendance, il n’est pas surprenant que les sondages sur les intentions de vote continuent de montrer qu’une majorité d’Écossais souhaitent rester au sein du Royaume-Uni. Le graphique ci-après montre l’écart en pourcentage entre le « oui » et le « non » dans les intentions de vote des différents sondages d’opinion sur la question de l’indépendance de l’Écosse. Par conséquent, bien que peu probable, une victoire du « Oui » à l’issue du référendum ne peut pas être exclue (le référendum suisse en février 20143 en donne une bonne illustration). Les conséquences financières et économiques en découlant sont trop importantes pour ne pas examiner ce scénario. Le choix de la devise est capital En cas d’indépendance de l’Ecosse, l’enjeu principal portera sur les incertitudes quant aux accords monétaires entre l’Écosse, le RoyaumeUni ou les États membres de l’UE4, si l’Écosse demande l’adhésion à l’Union européenne. La livre sterling – officielle une union monétaire Le gouvernement écossais propose un maintien de l’union bancaire et monétaire avec le Royaume-Uni, mais une complète indépendance budgétaire. Il souhaite que la livre sterling soit partagée avec le reste du RoyaumeUni au sein d’une « zone sterling », la Banque d’Angleterre continuant de jouer son rôle de prêteur en dernier ressort et de gérer les établissements financiers d’importance systémique. Cette option présente l’avantage de maintenir un degré élevé d’intégration financière et commerciale ; elle limite de plus les risques de fuite des capitaux et exclut la possibilité d’une 3 Les sondages sont marqués par une très forte dispersion, mais certaines enquêtes semblent tendre progressivement vers une victoire du 2 Scotland’s Future, Gouvernement écossais (2013). N°14/38 – 22 mai 2014 À une faible majorité de moins de 20 000 voix (50,3 % contre 49,7 %) et une majorité importante dans les cantons, la Suisse a dénoncé l’accord avec l’UE sur la libre circulation des travailleurs et décidé d’établir des quotas à l’immigration, y compris à l’égard des ressortissants de l’UE. 4 L’agence de notation Fitch a clairement indiqué que, quel que soit le scénario, les risques en découlant seront globalement plus élevés pour le Royaume-Uni (ainsi que pour l’Écosse) que ceux liés à la situation actuelle, ce qui implique un impact négatif en termes de notation (cf. rapport spécial, UK : rating implications of Scottish independence,10 avril 2014). 2 Slavena NAZAROVA Gaëlle BRY [email protected] [email protected] dévaluation compétitive. Toutefois, également d’autres problèmes : elle pose Asymétrie par rapport à l’union Le gouvernement écossais propose de partager la responsabilité de la stabilité du système financier avec le gouvernement britannique. Or, l’Écosse étant trop petite pour soutenir économiquement le Royaume-Uni, la majeure partie des risques financiers induits par un tel accord serait supportée par le reste du Royaume-Uni. Les trois principaux partis politiques britanniques s’accordent sur le fait qu’un accord aussi asymétrique ne serait pas dans l’intérêt du Royaume-Uni séparé de l’Écosse, et ils ont tous exclu la possibilité de mettre en place l’union monétaire proposée dans le Livre blanc. Cette opposition politique rend la réalisation d’une telle union monétaire très improbable. Gestion du risque À l’heure actuelle, le Royaume-Uni mutualise les risques économiques (qu’ils soient liés à une crise bancaire, aux recettes liées aux ressources naturelles, ou aux tendances démographiques, par exemple) qu’une Écosse indépendante devrait gérer seule. La perte des mécanismes de change et des transferts budgétaires depuis le RoyaumeUni vers l’Écosse rendrait l’économie écossaise vulnérable aux chocs économiques. Partage des risques budgétaires Une union monétaire n’est pas viable sans union budgétaire, comme l’a illustré la crise de la dette souveraine en zone euro. Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre, a dit qu’une union monétaire durable et réussie nécessitait « l’abandon d’un certain degré de souveraineté nationale » ce qui est incompatible avec la notion d’indépendance5. Incompatibilité avec une adhésion à l’UE Le désir écossais d’une union monétaire avec le Royaume-Uni dans son nouveau périmètre n’est pas compatible avec une possible adhésion à l’UE, dans la mesure où tout nouvel État membre doit accepter d’adopter l’euro à terme, à moins de négocier une dispense spécifique, comme l’a fait le Royaume-Uni. Or, un État écossais indépendant aurait peu de chance d’obtenir une telle dispense, et il est également improbable qu’il hérite automatiquement de la dispense britannique6. Le projet d’union monétaire avec le reste du Royaume-Uni proposé par le 5 Cf. « The economics of currency unions », discours prononcé par Mark Carney le 29 janvier 2014 à Édimbourg. 6 La question de l’adhésion à l’UE implique également la question complexe liée au rabais britannique. Un État écossais indépendant ne bénéficierait pas forcément du même rabais dans l’Union européenne. N°14/38 – 22 mai 2014 gouvernement écossais impliquerait la coexistence de deux unions monétaires au sein des frontières de l’UE, ce qui serait sans précédent pour l’Union européenne. Quelles sont les autres possibilités ? D’autres scénarios sont envisageables, mais il nous semble que l’adoption de l’euro serait la meilleure solution en termes d’arbitrage coûts / avantages. La « sterlingisation » monétaire « informelle »7 – une union La livre sterling resterait en circulation en Écosse, mais sans le consentement du reste du RoyaumeUni et donc sans bénéficier des services de la Banque d’Angleterre. Telle est l’option privilégiée par un ancien membre du comité de politique monétaire de la banque centrale. Toutefois, cette option est problématique pour l’Ecosse, dans la mesure où aucune institution ne jouerait le rôle de prêteur en dernier ressort en cas de crise bancaire. On risquerait donc d’assister à une fuite massive des capitaux d’Écosse vers le Royaume-Uni, où la Banque d’Angleterre agit en tant que prêteur en dernier ressort. L’Écosse crée sa propre devise Le scénario d’une devise purement écossaise, qu’elle s’inscrive dans un régime de change fixe ou de change flottant, n’est pas actuellement envisagé par le gouvernement écossais. Toutefois, compte tenu du rejet par le gouvernement britannique d’une union monétaire avec l’Écosse, la création d’une devise écossaise paraît assez plausible en cas d’indépendance. Etant donné la taille de l’économie écossaise, l’incertitude liée à la solidité du cadre institutionnel écossais déclencherait sans doute une fuite de capitaux, entraînant une forte dépréciation de la nouvelle devise écossaise. Ce qui aurait des conséquences économiques et financières très négatives pour l’Ecosse. De plus, le changement de devise aurait sans doute des conséquences négatives en termes de notation et de crédit pour l’ensemble des émetteurs (souverain et autres), même si l’impact dépend en grande partie des accords post-indépendance et du schéma du 8 processus de transition . 7 Le terme générique est « dollarisation » : par exemple, Panama utilise le dollar américain. Le Monténégro utilise l’euro et compte rejoindre l’UE. Le Kosovo a unilatéralement adopté l’euro. 8 er Le 1 mai 2014, Moody’s a déclaré qu’une Écosse indépendante obtiendrait sans doute une note investment grade (« A » avec perspective négative) mais avec un coût d’emprunt plus élevé que pour le reste du Royaume-Uni. 3 Slavena NAZAROVA Gaëlle BRY [email protected] [email protected] o Ancrage da la nouvelle devise à la livre sterling Un currency board avec un ancrage de la devise écossaise à la livre sterling semble aussi assez probable9. La stabilité que procurerait un tel régime en limitant la volatilité du taux de change aurait des effets économiques positifs à terme. Toutefois, l’importance du secteur bancaire écossais pourrait compromettre la viabilité du currency board. De fait, la politique monétaire serait subordonnée à l’objectif de parité et une banque centrale écossaise n’aurait pas les moyens de jouer le rôle de prêteur en dernier ressort. D’après le triangle des incompatibilités (ou triangle de Mundell), la mise en place d’un taux de change fixe dans un contexte de libre circulation des capitaux nécessite l’abandon de l’indépendance monétaire (d’où l’impossibilité de fixer les taux d’intérêt de manière indépendante). Le risque de dévaluation et d’abandon de l’ancrage à la livre sterling serait élevé en cas de choc asymétrique (par exemple, chute significative des recettes pétrolières ou crise bancaire). o Régime de change flottant Un régime de taux de change flottant permettrait à l’Écosse de définir sa politique monétaire et budgétaire de manière indépendante. Toutefois, le prix à payer est élevé à court terme. La création d’une nouvelle devise comporte des coûts de transition significatifs associés au remplacement de la livre en circulation, à la création d’une nouvelle banque centrale, à la mise en place d’autorités de contrôle prudentiel, etc. Les incertitudes associées aux taux de change augmenteraient le coût des transactions pour les investisseurs et les entreprises (coûts de couverture aux variations de change et coûts liés au changement de libellé de la devise). On assisterait certainement à une hausse de la volatilité des flux de capitaux transfrontaliers, ce qui aurait des conséquences énormes pour le secteur bancaire. En outre, un régime de change flottant entraînerait une grande instabilité des prix et pèserait sur les échanges commerciaux de l’Écosse. Rejoindre la zone euro L’adoption de l’euro serait tout à fait concevable à moyen ou long terme, notamment si l’Écosse restait dans l’UE. L’euro présente l’avantage d’être une monnaie de réserve internationale, ce qui permet de minimiser le risque d’une fuite des capitaux associée au changement de devise. L’adhésion à l’euro offrirait également une solution crédible en termes de cadre 9 Ce modèle a relativement bien fonctionné au Danemark, dont la monnaie est arrimée à l’euro. Le currency board de Hong Kong avec le dollar américain est une autre expérience réussie. N°14/38 – 22 mai 2014 prudentiel, dans la mesure où l’Écosse rejoindrait l’union bancaire européenne et où ses banques seraient soumises à la supervision de la Banque centrale européenne (BCE). Les banques écossaises auraient également accès aux financements de la BCE en tant que prêteur en dernier ressort. Avant de rejoindre l’euro, l’Écosse devra négocier les conditions de son adhésion à l’UE. 10 Le gouvernement écossais est pro-européen : l’UE est vue comme un allié potentiel dans la reconnaissance de l’indépendance de l’Écosse et de son émancipation à l’égard de la tutelle du Royaume-Uni. En outre, le statut de membre de l’UE offre un cadre rassurant qui permet de s’affranchir des incertitudes liées à l’indépendance. Compte tenu de l’absence d’un précédent historique et du flou juridique qui en découle, une adhésion à l’UE ferait l’objet de négociations avec les institutions européennes et les États membres, dont le calendrier et l’issue sont difficiles à prédire11. Les institutions européennes ont été extrêmement prudentes jusqu’à présent, prenant soin d’éviter d’être accusées d’ingérence dans les affaires internes de ses États membres. L’indépendance de l’Écosse pourrait se trouver en butte à l’hostilité de certains États européens, tels que l’Espagne ou la Belgique qui sont aussi confrontés aux velléités sécessionnistes de certaines de leurs régions. Néanmoins, en cas de victoire du « Oui » au référendum, il est difficile d’imaginer que l’UE rejetterait l’Écosse hors de ses frontières. Au contraire, les intérêts économiques de l’Union européenne seraient de faciliter la (ré)intégration de l’Écosse au sein de l’Union pour éviter de perturber le fonctionnement du marché unique. Toutefois, même avec une volonté politique forte d’accélérer le processus de négociation, l’adhésion à l’UE a peu de chances de se faire automatiquement. L’Écosse devrait alors satisfaire aux critères du traité de l’Union européenne. Elle devrait également créer sa propre banque centrale en vue de se conformer aux critères qui s’imposent à l'ensemble des États membres de l’UE pour pouvoir participer au Système européen des banques centrales. À l’heure actuelle, aucun État membre n’adhère à l’UE sur la base d’une banque centrale partagée, ni avec une devise « dollarisée ». L’entrée dans l’UEM nécessiterait un long processus d’ajustement, dans la mesure où 10 Le gouvernement écossais entend lancer les négociations avec l’UE à l’issue d’un référendum favorable à l’indépendance, l’Écosse se donnant pour objectif de déclarer l’indépendance en mars 2016. 11 Cf. Yves Gounin, « Les dynamiques d’éclatements d’États dans l’Union européenne : casse-tête juridique, défi politique » Politique étrangère (T4 2013). 4 Slavena NAZAROVA Gaëlle BRY [email protected] [email protected] l’Écosse devrait se conformer aux cinq critères de convergence de la zone euro (les fameux « critères de Maastricht »), ce qui prendrait sans doute de nombreuses années, voire plusieurs décennies. Avec un déficit public de 8,3 % du PIB en 2012–13 (en tenant compte d’une répartition géographique des recettes fiscales issues du pétrole en mer du Nord), l’Écosse partirait clairement du mauvais pied. Les critères de Maastricht d’adhésion à la zone euro Les États membres de l’Union européenne doivent se conformer à cinq critères de convergence pour pouvoir entrer dans l’UEM et adopter l’euro : - Le taux d'inflation annuel moyen d’État membre donné ne doit pas dépasser de plus de 1,5 point celui des trois États membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix. récemment signalé l’agence de notation Fitch dans 13 un rapport . Notre scénario central (une victoire du « Non » au référendum) suppose que la dette publique du Royaume-Uni passe de 90,6 % du PIB en 2013 à 93,5 % en 2015 avant de revenir à 87 % en 2020. Toutefois, en cas d’indépendance de l’Écosse, nous estimons que la dette publique britannique (hors Ecosse) atteindrait plus de 100 % du PIB en 2016 (à 102,4 % du PIB). Par conséquent, la baisse du ratio d’endettement s’en trouverait encore retardée. % GDP 105 100 - Les taux d'intérêt à long terme ne doivent pas excéder de plus de 2 % ceux des trois États membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix 95 - L'État candidat doit avoir participé au système monétaire européen (SME) pendant les deux années consécutives précédant l'examen de sa situation, sans avoir dépassé une marge de fluctuation de +/−15 % de son taux de change par rapport à un cours pivot fixe. 85 90 80 2011 Conséquences budgétaires Augmentation de la dette publique pour le Royaume-Uni Le gouvernement britannique a clairement indiqué que si l'indépendance sortait des urnes, il honorerait en toutes circonstances le stock existant de dette12. Cet engagement est positif pour le marché des Gilts, car il élimine tout risque de défaut sur les bons du Trésor britannique. Toutefois, cela impacte l’évolution du ratio de dette publique du Royaume-Uni. D’après notre analyse, si l’Écosse prenait son indépendance, le PIB du Royaume-Uni chuterait d’un niveau au moins équivalent à la contribution de l’Écosse (environ 10 %). Cela entraînerait une augmentation ponctuelle de la dette publique du RoyaumeUni hors Écosse, que nous estimons à environ 10 % du PIB. En outre, l’Écosse devrait lever des fonds pour rembourser sa part au Royaume-Uni nouveau périmètre, de sorte que ce dernier serait fortement exposé au risque de crédit écossais. Cette situation aurait un impact négatif sur la notation du nouveau Royaume-Uni, comme l’a 12 Cf. UK debt and the Scotland independence referendum, Gouvernement britannique (13 janvier 2014). N°14/38 – 22 mai 2014 2013 2015 UK GGGD central case 2017 2019 Scotland's independence Source : ONS, OBR, Crédit Agricole S.A. - Le déficit budgétaire ne doit pas dépasser 3 % du PIB. - La dette publique brute ne doit pas dépasser 60 % du PIB. UK: public debt L’équilibre budgétaire de l’Écosse est très dépendante des recettes fiscales du pétrole en mer du Nord Une des principales différences entre l’Écosse et le Royaume-Uni réside dans l’importance des recettes pétrolières de mer du Nord. De fait, les revenus pétroliers en mer du Nord représentent une part importante des recettes fiscales écossaises : 15 % en moyenne entre 2007-08 et 2012-13 sur une base géographique, contre 1,6 % pour le Royaume-Uni. Elles sont également marquées par une grande volatilité : elles représentaient 21 % du PIB en 2008-09 mais cette contribution avait chuté à environ 10 % en 201213. Les perspectives d’évolution de la situation budgétaire écossaise sont donc très dépendantes des différents paramètres qui affectent les revenus pétroliers issus de la mer du Nord (production pétrolière, cours du pétrole, investissements, taux d’imposition, etc.) ainsi que de leur traitement. 13 Cf. Fitch, « UK: rating implications of Scottish independence », 10 avril 2014. 5 Slavena NAZAROVA Gaëlle BRY [email protected] [email protected] marchés de gros (93 % du PIB annuel britannique). Toutefois, les coûts d’extraction sont en forte augmentation. Contrairement à la situation qui prévalait dans les années 70-80, la production provient désormais d’un nombre beaucoup plus important de gisements plus petits. À moins d’une amélioration de la productivité, l’augmentation des coûts d’exploitation pourrait entraîner une baisse rapide des rendements, rendant moins attrayant le développement des réserves existantes. Si l’on exclut les recettes fiscales de mer du Nord, le déficit budgétaire écossais est sensiblement plus élevé que celui du Royaume-Uni dans son ensemble : 14 % du PIB contre 7,3 % du PIB pour le Royaume-Uni en 2012-13. La prise en compte des recettes pétrolières par habitant met également en évidence la précarité de l’équilibre budgétaire de l’Écosse. Pour obtenir une situation similaire à celle du Royaume-Uni, il est nécessaire de baser les recettes fiscales de mer du Nord sur une répartition géographique spécifique. Les recettes pétrolières issues de la mer du Nord devraient continuer de diminuer au cours des prochaines années, compte tenu de la chute de la production. C’est le point de vue de l’OBR (Office for Budget Responsability) partagé par nos experts du secteur pétrolier. De fait, le déclin de la production a atteint 9 % par an en moyenne au cours de la dernière décennie et cette tendance s’est même accélérée récemment (−15 % entre 2011-12 et 2012-13). Les réserves du plateau continental du Royaume-Uni semblent importantes : elles sont estimées entre 15 et 24 milliards de barils équivalent pétrole par Oil & Gas UK, avec une valeur potentielle pouvant aller jusqu’à 1 500 milliards de livres sterling sur les N°14/38 – 22 mai 2014 Le défi à long terme pour l’Écosse, en cas d’indépendance, consisterait à gérer la volatilité des recettes pétrolières issues de la mer du Nord. De plus, à mesure que les revenus de mer du Nord vont diminuer, le nouvel État devra trouver le moyen d’élargir l’assiette fiscale pour financer les dépenses publiques à partir de recettes fiscales non pétrolières. Le Fiscal Commission Working Group 14 (FCWG) a proposé la mise en place d’un « fonds de stabilisation » pour lisser l’impact des variations des recettes pétrolières sur le budget et l’économie, comme c’est le cas pour le Statens pensjonsfond Norge, le fonds de pension gouvernemental en Norvège. Toutefois, compte tenu de l’importance du déficit budgétaire, il est difficile d’imaginer comment le gouvernement écossais pourrait s’affranchir des recettes pétrolières ou éviter une nouvelle augmentation de la fiscalité pour maintenir le niveau actuel des dépenses. En outre, pour asseoir sa crédibilité et rassurer les investisseurs potentiels sur la volonté du gouvernement écossais de mener une gestion prudente des finances publiques, l’Écosse devrait mettre en place des règles budgétaires et un conseil budgétaire indépendant. 14 Créé en mars 2012, le Fiscal Commission Working Group (FCWG) a pour mission de superviser les travaux du gouvernement écossais sur la conception d’un cadre macroéconomique pour une Écosse indépendante. Ses membres sont les professeurs Andrew Hughes Hallett, Sir Jim Mirrlees, Frances Ruane et Joseph Stiglitz. 6 Slavena NAZAROVA Gaëlle BRY [email protected] [email protected] L’équilibre budgétaire à long terme de l’Écosse n’est pas tenable Une des analyses les plus complètes sur la soutenabilité à long terme de l’équilibre budgétaire écossais a été réalisée par The Institute for Fiscal Studies, institut de recherche spécialisé dans l'évaluation des politiques publiques et l'analyse de la fiscalité15. Les résultats sont spectaculaires. L’IFS démontre que, sans action politique, une Écosse indépendante s'engagerait sur le long terme vers des niveaux insoutenables de déficit budgétaire et de dette publique. Les prévisions tablent sur une diminution du déficit de l’Écosse beaucoup moins rapide que pour le Royaume-Uni au cours des cinq prochaines années. L’IFS projette que le besoin de financement net du secteur public écossais atteindra 3,6 % du revenu national en 2021-22, contre 0,9 % pour le Royaume-Uni dans son ensemble. Au-delà, partant d’un niveau plus élevé, on prévoit que la dette de l’Écosse augmentera plus rapidement ainsi que son coût à moyen terme. Projections du besoin de financement net du secteur public Source : Institute for Fiscal Studies De fait, on estime que la dette publique de l’Écosse rapportée au PIB, augmentera de façon exponentielle au cours des 50 prochaines années jusqu’à dépasser celle du Royaume-Uni d’ici 20622063. Par conséquent, l’Écosse devra alors mettre en œuvre des mesures supplémentaires d’austérité en plus de celles déjà annoncées par le gouvernement britannique pour rejoindre à long terme une trajectoire soutenable de ses finances publiques. Projections de dette publique Source : Institute for Fiscal Studies Les principales hypothèses sous-jacentes du scénario central de l’IFS, qui expliquent l’écart entre le Royaume-Uni et l’Écosse, sont liées aux recettes pétrolières issues de la mer du Nord et aux tendances démographiques. Ces recettes devraient connaître un déclin continu, d’après les prévisions de l’OBR. Ces prévisions sont très sensibles aux hypothèses d’évolution de la production pétrolière et du cours du pétrole. Les autres scénarios avancés par le gouvernement écossais sont plus optimistes16. Ils intègrent notamment la forte augmentation des investissements intervenue récemment, qui devrait légèrement stimuler la production jusqu'en 2017-18. Quel que soit le scénario retenu, les perspectives de production à long terme sont orientées à la baisse. De même, les tensions démographiques devraient être plus fortes en Écosse que dans le reste du Royaume-Uni compte tenu en particulier d’un taux de migration plus faible et d’un vieillissement plus rapide de la population. Le gouvernement écossais prévoit de mettre en œuvre une politique d’immigration mieux ciblée sur ses besoins réels que le système appliqué actuellement par le Royaume-Uni, objectif qui semble peu réaliste. Enfin, le modèle de l’IFS suppose que l’Écosse applique les politiques budgétaires actuelles. Toutefois, l’indépendance offrirait à l’Écosse l’occasion de réformer son régime fiscal et sa politique de dépenses publiques plutôt que de laisser sa situation budgétaire se détériorer jusqu'à des niveaux insoutenables. 16 15 Fiscal sustainability of an independent Scotland, The Institute for Fiscal Studies (2013). N°14/38 – 22 mai 2014 Les projections d’évolution des recettes en mer du Nord de l’OBR, qui tablent sur un déclin des cours du pétrole et de la production pétrolière, sont les plus conservatrices parmi les cinq scénarios étudiés par le gouvernement écossais dans son Oil and Gas Analytical Bulletin. 7 Slavena NAZAROVA Gaëlle BRY [email protected] [email protected] Le système point clé bancaire est un L'industrie financière de l’Écosse est un des secteurs les plus importants du pays. Les services financiers et l’assurance représentaient 9,3 % de la valeur ajoutée brute de l’Écosse en 2009. L’industrie financière emploie directement ou indirectement quelque 200 000 personnes. La sécession augmenterait certainement les coûts et compliquerait la situation actuelle, dans la mesure où elle la contraindrait à reconfigurer son système financier. Quelle que soit l’option monétaire choisie, l’indépendance serait onéreuse et risquée pour le secteur financier. Malgré de fortes incertitudes, il est possible d’identifier une série d’impacts possibles. Une crédibilité institutionnelle relativement limitée pour l’Écosse pourrait affecter la confiance des déposants et augmenter les coûts de financement des banques. financiers écossais étaient soumis à un régime fiscal et réglementaire différent de celui de la majeure partie de leurs clients, la décision de ces clients et des investisseurs s’en trouverait certainement influencée. Cela ne risquerait-il pas en effet de restreindre l’accès des entreprises et des banques aux marchés de capitaux ? Les marchés pourraient tout à fait réagir négativement à la perspective de l’indépendance de l’Écosse ; ce qui augmenterait les coûts de financement des banques, entraînant de fait un durcissement des conditions de crédit pour l’économie réelle. L’Écosse pourrait donc traverser d’abord une longue période de fragilité avant d’asseoir sa crédibilité. Banks : 5y senior CDS spreads bps 400 350 300 250 200 150 100 Les établissements financiers basés en Écosse tirent avantage du cadre réglementaire défini au Royaume-Uni dans son ensemble par la « City », dans lequel la supervision des banques est assurée par la Banque d’Angleterre selon le droit britannique. La banque centrale joue un rôle essentiel pour assurer la confiance envers la monnaie, les marchés financiers et le secteur bancaire. Si l’Écosse continuait à utiliser la livre sterling – avec ou sans l’accord du Royaume-Uni – elle n’aurait sans doute pas sa propre banque centrale, ce qui serait une grande fragilité pour son système bancaire. Dans ce cas, le secteur financier dépendrait d’une source externe de liquidité et d’un régulateur également extérieur, dont les décisions ne seraient pas nécessairement conformes aux intérêts des établissements financiers écossais. Si en revanche l’Écosse décidait d’émettre sa propre monnaie, elle devrait créer sa propre banque centrale, qui pourrait tarder à asseoir sa crédibilité sur les marchés. Les banques « écossaises » tirent également avantage de la stabilité du Royaume-Uni et de la confiance des marchés en l’économie britannique au sens large. Leur financement dépend notamment des dépôts réunis dans tout le Royaume-Uni, notamment hors d’Écosse. Les services financiers et les systèmes de garantie des dépôts sont réglementés par la juridiction britannique, assurant la confiance des déposants 17 (particuliers et PME) . Si les établissements 17 Les difficultés auxquelles ont été confrontées les banques britanniques pendant la crise financière ont conduit à un durcissement des exigences réglementaires afin de protéger les N°14/38 – 22 mai 2014 50 0 07 08 09 Barclays HBOS 10 11 HSBC 12 13 14 Lloyds RBS Source : Bloomberg, Crédit Agricole S.A. Réduction probable de la capacité d’emprunt bancaire Si les banques ne modifient pas leur modèle bancaire et leur structure et ne relocalisent pas leur siège, l’Écosse indépendante sera dotée d’un secteur financier d’une taille exceptionnelle. Les actifs du secteur bancaire représenteraient alors plus de 12 fois le montant du PIB, un niveau sensiblement plus élevé que celui de l’Islande (880 %) ou de l’Irlande (890 %) à la veille de la crise financière. Le soutien du gouvernement britannique à la banque Royal Bank of Scotland – techniquement domiciliée en Écosse – a atteint plus de 200 % du PIB écossais depuis 2008. déposants et maintenir la confiance des clients dans le système bancaire, comme en atteste le renforcement du cadre réglementaire, le Financial Services Compensation Scheme. 8 Slavena NAZAROVA Gaëlle BRY [email protected] [email protected] réglementaires et les inquiétudes des clients et des investisseurs. Le choix monétaire sera alors fondamental, dans la mesure où il conditionnera le cadre réglementaire. Il y a trois options possibles : le régime britannique, qui compte actuellement deux organismes de régulation, la Prudential Regulation Authority (PRA) et la Financial Conduct Authority (FCA), la réglementation prudentielle de la BCE ou une autorité de régulation nationale purement écossaise. Quel que soit le scénario qui serait finalement retenu, il devrait être assorti d’un fort engagement politique afin de ne pas compromettre les intérêts des déposants et des autres créanciers des banques. Pour pouvoir continuer à soutenir un secteur financier aussi conséquent, l’Écosse devra très certainement parvenir à dégager des excédents courants et budgétaires suffisamment importants, objectif difficile à atteindre dans un environnement économique très incertain. La volonté et la capacité d’un futur gouvernement écossais à accorder son soutien au secteur bancaire auraient donc une importance capitale. Les agences de notation et les investisseurs intègrent en effet le degré potentiel de soutien de l’Etat aux établissements financiers dans la notation qu’ils leur attribuent. L’absence d’un tel soutien pourrait donc avoir un impact négatif sur les notes des établissements bancaires. En cas d’adhésion à l’UE, l’Écosse pourrait décider d’adhérer à l’union bancaire européenne nouvellement constituée et confier alors à la BCE la supervision de ses principales banques sans pour autant adopter l’euro. Cela aiderait ses banques à maintenir leur capacité à emprunter et leur crédibilité sur les marchés. Néanmoins, l’Écosse devrait alors participer au financement du mécanisme de résolution unique européen et du fonds de garantie des dépôts proportionnellement à la taille de son secteur financier et de son économie. La nécessité d’un cadre juridique et réglementaire Une Écosse indépendante devrait mettre en place son propre régime réglementaire et fiscal, qui ne bénéficierait pas dans un premier temps de la solide crédibilité acquise par les institutions britanniques. Les traités en matière de double imposition devraient être réexaminés, notamment entre l’Écosse et le reste du RoyaumeUni, mais aussi avec l'ensemble des membres de l’Union européenne. Ces changements pourraient perturber à court terme l’activité des entreprises, notamment dans le commerce de détail et les PME. L’indépendance augmenterait les coûts N°14/38 – 22 mai 2014 En plus des coûts induits par les difficultés évoquées ci-dessus, la création d’un nouveau marché bancaire entraînerait certainement une augmentation des coûts pour les banques comme pour leur clientèle et générerait de nouveaux risques potentiels liés à la reconfiguration des modèles bancaires et des produits sur un marché de taille relativement modeste. Trois banques britanniques ont un fort héritage écossais : Royal Bank of Scotland, Clydesdale Bank et Lloyds Banking Group à travers Bank of Scotland et HBOS sont domiciliées en Écosse, mais réalisent l’essentiel de leurs activités hors d’Écosse. Ces banques pourraient décider de relocaliser leur siège et leurs bureaux à Londres, réduisant la taille du secteur bancaire écossais, ce qui aurait des conséquences néfastes sur l’économie écossaise, notamment sur le niveau d’activité, l’emploi, les recettes fiscales, les flux de capitaux, etc. Elles exerceraient alors leurs activités en Écosse à travers des filiales, notamment si aucune union monétaire n’est formalisée. Quel est le point de vue des banques « écossaises » ? Royal Bank of Scotland a prévenu les investisseurs que l’indépendance de l’Écosse 18 aurait un impact significatif sur sa note et qu’elle menacerait son statut au sein de l’Union européenne. Dans son rapport annuel et dans le rapport sur la rémunération des dirigeants, RBS déclare que puisque la société mère et sa filiale opérationnelle principale (Royal Bank of Scotland) sont toutes deux des sociétés de droit écossais 18 Extrait du rapport annuel 2013 de RBS : « Les coûts d’emprunt de [RBS] et son accès aux marchés obligataires et aux autres sources de liquidité dépendent fortement de ses conditions de financement et de la note intrinsèque du gouvernement britannique. Or, celle-ci serait sans doute pénalisée par certains événements politiques tels qu’une victoire du « Oui » au référendum pour l’indépendance de l’Écosse ». 9 Slavena NAZAROVA Gaëlle BRY [email protected] [email protected] domiciliées en Écosse, elles seraient grandement affectées par l’indépendance. Par ailleurs, le gouvernement britannique détient encore 82 % du capital de RBS et 24,9 % de Lloyds Banking Group en raison du soutien apporté à ces banques d’importance systémique pendant la crise financière de 2007-08. En cas d’accession à l’indépendance, cette participation du Royaume-Uni au capital de ces deux banques compliquerait sans doute les négociations avec l’Écosse sur le partage de la dette et le calendrier de remboursement par les banques. Groupes bancaires ou établissements financiers principaux domiciliés en Ecosse Secteur Royal Bank of Scotland Group Banque Royal Bank of Scotland plc Banque Standard Life Clydesdale Bank Assurance Banque détenue par National Australia Bank Lloyds Banking Group Banque Halifax Bank of Scotland Banque Bank of Scotland Banque Avis sur l'indépendance écossaise impact significatif sur les coûts ainsi que sur l'activité et les conditions financières prêt à déplacer ses activités en zone frontalière en cas de scission Avis neutre incertain mais impact sur le coût de mise en conformité, de changement de cadre fiscal et hausse du coût de financement pour la banque Sources : rapports financiers des banques Conclusion La perspective d’une victoire du « Oui » au référendum sur l’indépendance de l’Écosse soulève des questions délicates pour le RoyaumeUni tout autant que pour le nouvel État écossais et pour l’Union européenne. Les principaux enjeux concernent le choix d’un régime monétaire, la pérennité à long terme des finances publiques écossaises, très dépendantes des recettes fiscales sur les activités pétrolières et l’importance du secteur financier écossais. Le modèle proposé par le gouvernement écossais, qui plaide pour une union monétaire avec le Royaume-Uni associée à une indépendance budgétaire, n’est pas viable et il a déjà été rejeté par les autorités britanniques. Un État écossais indépendant serait sans doute immédiatement confronté à d’importants défis budgétaires en termes de coûts administratifs. À terme, le déficit et la dette publique d’une Écosse indépendante connaîtraient sans doute une détérioration significative. Pour atteindre un équilibre budgétaire durable, l’Écosse devra N°14/38 – 22 mai 2014 restructurer en profondeur son régime fiscal et réduire ses dépenses publiques une fois l’indépendance acquise. En outre, devenue une petite économie ouverte, l’Écosse indépendante serait sans doute plus vulnérable aux chocs économiques et financiers. Compte tenu de l’ensemble des doutes soulevés précédemment, un scénario de sécession de l’Ecosse pourrait être évité. En particulier, le processus d’indépendance pourrait être géré de manière coordonnée à la volonté politique des institutions européennes parallèlement à des négociations sur une adhésion à l’UE. Finalement, l’UE et le Royaume-Uni auraient tout intérêt à faciliter le processus d’indépendance et à raccourcir autant que possible la période de transition en vue de garantir le bon fonctionnement du marché unique et d’éviter les retombées financières et économiques négatives au sein de l’Union. L’appartenance à l’UE aiderait également à atténuer les problèmes de soutenabilité budgétaire à long terme de l’Écosse. De fait, cela 10 Slavena NAZAROVA Gaëlle BRY [email protected] [email protected] permettrait également de limiter les pressions démographiques, notamment si la politique nationale favorise les flux d’immigration (qui sont restreints actuellement par le Royaume-Uni). En cas d’accession à l’indépendance, un accord monétaire prévoyant l’adoption de l’euro par l’Écosse à moyen/long terme nous semble être un scénario réaliste. S’il permettait de réduire le coût des transactions avec l’UE, un tel développement impliquerait tout de même un processus complexe de négociations et d’ajustements économiques pour satisfaire aux critères de Maastricht. L’indépendance de l’Écosse pourrait créer un précédent dans l’histoire juridique de l’Europe. Le processus de négociation serait surveillé de près par les autres États membres européens, et notamment par ceux qui sont aux prises avec les velléités séparatistes de leurs propres régions. De fait, le cas écossais deviendrait un exemple transposable aux régions candidates à l’indépendance. Le risque serait que l’Écosse devienne un catalyseur du morcellement des États, ce qui en dernier lieu, serait extrêmement négatif pour l’Union européenne. Crédit Agricole S.A. — Études Économiques Groupe 12 place des Etats-Unis – 92127 Montrouge Cedex Directeur de la Publication : Isabelle Job-Bazille - Rédacteur en chef : Jean-Louis Martin Documentation : Dominique Petit - Statistiques : Robin Mourier Secrétariat de rédaction : Véronique Champion-Faure Contact: [email protected] Consultez les Etudes Economiques et abonnez-vous gratuitement à nos publications sur : Internet : http://etudes-economiques.credit-agricole.com iPad : l’application Etudes ECO disponible sur l’App store Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). 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