Slavena NAZAROVA
slavena.nazarova@credit-agricole-sa.fr
Gaëlle BRY
gaelle.bry@credit-agricole-sa.fr
N°14/38 – 22 mai 2014 4
o Ancrage da la nouvelle devise à
la livre sterling
Un currency board avec un ancrage de la devise
écossaise à la livre sterling semble aussi assez
probable
. La stabilité que procurerait un tel régime
en limitant la volatilité du taux de change aurait
des effets économiques positifs à terme. Toutefois,
l’importance du secteur bancaire écossais pourrait
compromettre la viabilité du currency board. De
fait, la politique monétaire serait subordonnée à
l’objectif de parité et une banque centrale
écossaise n’aurait pas les moyens de jouer le rôle
de prêteur en dernier ressort. D’après le triangle
des incompatibilités (ou triangle de Mundell), la
mise en place d’un taux de change fixe dans un
contexte de libre circulation des capitaux
nécessite l’abandon de l’indépendance
monétaire (d’où l’impossibilité de fixer les taux
d’intérêt de manière indépendante). Le risque de
dévaluation et d’abandon de l’ancrage à la livre
sterling serait élevé en cas de choc asymétrique
(par exemple, chute significative des recettes
pétrolières ou crise bancaire).
o Régime de change flottant
Un régime de taux de change flottant permettrait à
l’Écosse de définir sa politique monétaire et
budgétaire de manière indépendante. Toutefois,
le prix à payer est élevé à court terme. La
création d’une nouvelle devise comporte des coûts
de transition significatifs associés au
remplacement de la livre en circulation, à la
création d’une nouvelle banque centrale, à la mise
en place d’autorités de contrôle prudentiel, etc. Les
incertitudes associées aux taux de change
augmenteraient le coût des transactions pour les
investisseurs et les entreprises (coûts de
couverture aux variations de change et coûts liés
au changement de libellé de la devise). On
assisterait certainement à une hausse de la
volatilité des flux de capitaux transfrontaliers, ce
qui aurait des conséquences énormes pour le
secteur bancaire. En outre, un régime de change
flottant entraînerait une grande instabilité des prix
et pèserait sur les échanges commerciaux de
l’Écosse.
Rejoindre la zone euro
L’adoption de l’euro serait tout à fait
concevable à moyen ou long terme, notamment
si l’Écosse restait dans l’UE. L’euro présente
l’avantage d’être une monnaie de réserve
internationale, ce qui permet de minimiser le risque
d’une fuite des capitaux associée au changement
de devise. L’adhésion à l’euro offrirait également
une solution crédible en termes de cadre
Ce modèle a relativement bien fonctionné au Danemark, dont
la monnaie est arrimée à l’euro. Le currency board de Hong
Kong avec le dollar américain est une autre expérience réussie.
prudentiel, dans la mesure où l’Écosse rejoindrait
l’union bancaire européenne et où ses banques
seraient soumises à la supervision de la Banque
centrale européenne (BCE). Les banques
écossaises auraient également accès aux
financements de la BCE en tant que prêteur en
dernier ressort.
Avant de rejoindre l’euro, l’Écosse devra
négocier les conditions de son adhésion à l’UE.
Le gouvernement écossais est pro-européen
:
l’UE est vue comme un allié potentiel dans la
reconnaissance de l’indépendance de l’Écosse et
de son émancipation à l’égard de la tutelle du
Royaume-Uni. En outre, le statut de membre de
l’UE offre un cadre rassurant qui permet de
s’affranchir des incertitudes liées à l’indépendance.
Compte tenu de l’absence d’un précédent
historique et du flou juridique qui en découle,
une adhésion à l’UE ferait l’objet de
négociations avec les institutions européennes et
les États membres, dont le calendrier et l’issue
sont difficiles à prédire
. Les institutions
européennes ont été extrêmement prudentes
jusqu’à présent, prenant soin d’éviter d’être
accusées d’ingérence dans les affaires internes de
ses États membres. L’indépendance de l’Écosse
pourrait se trouver en butte à l’hostilité de certains
États européens, tels que l’Espagne ou la Belgique
qui sont aussi confrontés aux velléités
sécessionnistes de certaines de leurs régions.
Néanmoins, en cas de victoire du « Oui » au
référendum, il est difficile d’imaginer que l’UE
rejetterait l’Écosse hors de ses frontières. Au
contraire, les intérêts économiques de l’Union
européenne seraient de faciliter la (ré)intégration
de l’Écosse au sein de l’Union pour éviter de
perturber le fonctionnement du marché unique.
Toutefois, même avec une volonté politique forte
d’accélérer le processus de négociation,
l’adhésion à l’UE a peu de chances de se faire
automatiquement. L’Écosse devrait alors
satisfaire aux critères du traité de l’Union
européenne. Elle devrait également créer sa
propre banque centrale en vue de se conformer
aux critères qui s’imposent à l'ensemble des États
membres de l’UE pour pouvoir participer au
Système européen des banques centrales. À
l’heure actuelle, aucun État membre n’adhère à
l’UE sur la base d’une banque centrale partagée,
ni avec une devise « dollarisée ».
L’entrée dans l’UEM nécessiterait un long
processus d’ajustement, dans la mesure où
Le gouvernement écossais entend lancer les négociations
avec l’UE à l’issue d’un référendum favorable à l’indépendance,
l’Écosse se donnant pour objectif de déclarer l’indépendance
en mars 2016.
Cf. Yves Gounin, « Les dynamiques d’éclatements d’États
dans l’Union européenne : casse-tête juridique, défi politique »
Politique étrangère (T4 2013).