Le lever cartographique met en œuvre des techniques si s•res que le
recours ‚ d'autres sources devient inutile. On assiste ainsi, ‚ l'extrƒme fin du
XVII„ si…cle et au d†but du XIXeme, ‚ un †clatement du champ ancien : la
cartographie appara‡t toujours comme une base n†cessaire ‚ toute
g†ographie, mais le m†tier de cartographe appartient d†sormais ‚ des
†quipes d'ing†nieurs et de dessinateurs de talent r†mun†r†s par les Etats.
La cartographie devient un service public, aux ordres du pouvoir. Les
images qu'elle r†v…le, de plus en plus pr†cises et riches, nourrissent la
curiosit† et les sp†culations des g†ographes. La g†ographie historique,
science auxiliaire de l'histoire, continue ‚ ƒtre pratiqu†e au cours du
XXu"me si…cle, mais de nouvelles conceptions de l'espace apparaissent.
c- L'espace est de structure g†om†trique, mais il est r†gionalement
diff†renci†. Comment et pourquoi ? Ces probl…mes ne sont pas †tudi†s en
premier par les g†ographes, mais par des philosophes comme Kant et
surtout par des naturalistes qui s'acharnent ‚ pr†senter un inventaire
ordonn† de la nature : min†ralogistes, g†ologues, botanistes, zoologistes
collectionnent et identifient les roches, les plantes, les animaux et apprennent
‚ construire des classifications rationnelles dans lesquelles ils enferment, en
la rendant intelligible, la prodigieuse diversit† des ƒtres et des choses
(Foucault, 1969).
Pour Kant (1724-1804), la r†alit† nous est donn†e ‚ travers les
cat†gories a priori de la sensibilit† que sont l'espace et le temps. Ces
cat†gories sont celles que nous apprend la g†om†trie euclidienne -celles
donc que mobilisent les cartographes. Mais l'ordre dans lequel les
ph†nom…nes sont livr†s ‚ l'observation m†rite de retenir l'attention : leur
distribution dans l'espace est tout aussi int†ressante que leur succession
dans le temps. Kant fait donc de l'espace un cadre dont il importe de
relever les configurations : il est r†gionalement diff†renci†. Cette id†e
frappe Alexandre de Humboldt (1769-1859) : il essaie de la rendre
sensible par la composition mƒme du r†cit qu'il fournit de son voyage en
Am†rique †quinoxiale (cf. Emmanuel Saadia, dans ce mƒme volume). La
narration se prƒte cependant mal ‚ ce genre d'exercice : c'est en reportant les
observations sur des fonds topographiques et en dressant des cartes
th†matiques que l'on met en valeur la structuration r†gionale de l'espace.
La d†marche taxonomique des naturalistes peut s'appliquer ‚
l'ensemble de ce que la nature, ou la nature am†nag†e et exploit†e par
l'homme, nous offre. Ici s'†tendent de grandes forƒts, auxquelles succ…dent,
plus loin, des prairies puis des steppes. Le sous-sol est fait, selon les
r†gions, de granit†s, de schistes, de calcaires ou de basaltes. Aux pays de
champs ouverts s'opposent les campagnes nues. L'espace est le support de
la diff†renciation de la nature. C'est ainsi que le conˆoivent Bernardin de
Saint-Pierre (1737-1814) confront† aux paysages de l'Ile Maurice, ou
Volney (1757-1820) parcourant le Moyen-Orient ou les Etats-Unis.
Alexandre de Humboldt met au service de cette conception son †gale
capacit† ‚classer les paysages v†g†taux, les formes animales, les roches et les
types de cultures pratiqu†es.
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