Une augmentation de la quantité de radicaux libres, déjà envisagée au cours de la cryoconservation des
spermatozoïdes (Rao et David 1984, Alvarez et Stoley 1992, Bell et al 1993), pourrait aussi se produire au
cours de la cryoconservation de l'embryon. En effet, d'après certains auteurs, leur présence en excès, peut
être liée aux chocs thermiques, serait responsable des arrêts de développement observés lors d'une simple
culture in vitro (Tarin et Trounson 1993, Goto et al 1994, Arechiga et al 1995).
En ce qui concerne les altérations observables du matériel génétique, une incidence élevée de crossing-over
(Bongso et al 1988) et des anomalies chromosomiques structurales (Shaw et al 1991) ont été observées
chez des embryons congelés à 2 cellules. Les travaux de Glenister (1987), ceux de Caroll (1989) et les
nôtres (Bouquet et al 1992, 1993) montrent un risque accru de polyploïdies chez l'embryon, dues à une
désorganisation des microtubules après congélation.
Pour ce qui est de la persistance des altérations, l'étude que nous avons faite sur les ovocytes congelés
montre une augmentation du taux d'échange des chromatides sœurs chez les embryons qui en dérivent,
(Bouquet et al. 1993), ce qui traduirait une augmentation du taux des mutations (Carrano et al 1978).
Chez la souris une diminution des taux d'implantation a été signalée en fonction des procédures de
cryoconservation et des stades embryonnaires concernés (Maurer et al. 1977, Wilson et Quinn 1989, Liu et
al. 1993). Mais ces anomalies ne renseignent évidemment pas sur l'éventualité de séquelles
post-implantatoires. Or on sait, expérimentalement, que de telles séquelles peuvent succéder soit à
l'exposition de l'embryon préimplantatoire à des agents toxiques connus (Spielman 1987), soit à certaines
conditions de culture (Lane et Gardner 1994) ou même à des conditions de culture classiques comme l'ont
montré Reik et al. (1993) en décelant, chez les souriceaux dérivant d'embryons cultivés, des modifications du
phénotype biochimique hépatique. Pourtant dans le domaine vétérinaire, où l'on utilise la cryoconservation
des embryons depuis longtemps, ou n'a pas constaté d'anomalies particulières.
Mais les observations n'ont concerné que la morphologie apparente et les capacités de reproduction. Chez
l'homme, les travaux de Mandelbaum (1987, 1992), Frydman et al (1989), Fugger et al (1991) ne font état
d'aucune anomalie spéciale de la grossesse. Toutefois le rapport FIVNAT 89-93 signale davantage de
fausses-couches précoces et Salat-Baroux et al (1992) notent que les taux de hCG et d'œstradiol varient
selon que les embryons implantés sont frais ou cryoconservés.Enfin Van der Elst et al (1993), George et al
(1994) constatent que le taux de résorption des fœtus obtenus à partir d'ovocytes congelés est
anormalement élevé, ce qui pourrait faire suite aux anomalies que nous avons nous-mêmes constatées
(Bouquet et al. 1993).
En ce qui concerne les phases péri et post-natales, les explorations faites dans l'espèce humaine ne
signalent aucune pathologie particulière (Frydman et al. 1989, Wada et al. 1994) et l'enquête FIVNAT
mentionne même que les taux de prématurité et d'hypotrophie, à nombre égal d'enfants, sont inférieurs en
cas de transfert d'embryons congelés.
Chez la souris, après que de nombreux auteurs comme Lyon (1977), Whittingham (1984) et Glenister (1986)
n'aient rien remarqué selon les critères classiques correspondant au taux de malformations et à l'aptitude à la
reproduction, Maurer et al (1977) notent un fait curieux : la mortalité post-natale est plus élevée après
croisement entre " sujets congelés " et témoins qu'entre témoins d'un côté et congelés de l'autre.
Tous ces travaux aboutissent donc à des résultats qui peuvent être contradictoires. Mais il faut ici souligner
deux points importants. D'une part la congélation ne se révèle pas être, pour l'embryon, un mutagène ou un
tératogène majeur. D'autre part on n'a pas exploré, jusqu'à présent, les effets à long terme de type
fonctionnel dont on sait que, provoqués par certains agents mutagènes ou tératogènes, ils existent [3].
Autrement dit l'exploration des retentissements possibles de la congélation embryonnaire n'a été que
partielle.
C'est donc une exploration plus large, de la naissance à la sénescence, que nous avons réalisée chez la
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