La médecine, de medicus « médecin » est définie dans les dictionnaires modernes comme une
science destinée à soigner les malades (et non pas les maladies). Cette distinction est fondamentale, car
elle intègre dans l’exercice professionnel les dimensions humaine et artistique indispensables. Ainsi,
même si l’on peut considérer la médecine comme une science, très imparfaite d’ailleurs, il n’en est pas
de même de son exercice, qui lui relève de l’art. Les plus anciens papyrus, et Hippocrate lui-même,
mettent en exergue cette dualité en distinguant la part du scientifique (examen, remède) et celle de l’art
(diagnostique, prescription). « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », pourrait se traduire
dans notre discipline par « Médecine sans humanisme n’est que cautères sur jambe de bois ».
Dès les origines, c’est la conscience qui domine la science. Le guérisseur, le chamane, le
sorcier… traitent l’âme autant que le corps. Toute l’histoire de la médecine est empreinte de
l’importance qu’il faut attacher au patient dans sa globalité humaine (physique, psychologique et
sociale). Ce n’est qu’à la révolution française que le rationalisme prôné par les philosophes comme
Hegel et Descartes placera la science au centre de la réflexion médicale. La révolution des mœurs,
l’industrialisation, l’exode rural, la technique au service de la santé, refouleront peu à peu la part
d’humanisme à sa portion congrue, ravalant le malade à une maladie, le patient à un cas, l’homme à un
bilan biologique ou radiologique, jusqu’à ce que le médecin ne communique qu’avec l’ordinateur
trônant sur le bureau.
Ce cours envisagera dans un premier temps l’histoire de la médecine en fonction des
différentes civilisations, et dans un second temps, en fonction de ses spécialités de la renaissance à nos
jours.
Ce document ne concerne que l’histoire de la médecine périméditerranéenne à l’exclusion
d’autres civilisations (précolombienne, Indou, Chinoise) dont la richesse médicale est considérable
mais dont l’influence sur la médecine occidentale reste relativement faible. Il est enrichi d’une
multitude de « petites histoires » à mon sens aussi importantes que les grandes. Ces bruits et ces
chuchotements qui ont traversé le temps et les mémoires consignent le fondement même des pulsions
humaines, la peur, l’envie, la haine, l’amour, le désintéressement, l’humanisme... Ils s’inscrivent, dès
les origines, comme un bruit de fond qui parcoure les siècles mais dont l’origine reste toujours
identique, comment exister ?
LA GENESE
« Le seigneur Dieu forma donc l’homme du limon de la terre ; il répandit sur son visage un
souffle de vie, et l’homme devint vivant et animé » (Genèse II, 7). La conscience lui viendra plus
tardivement (en mangeant le fruit défendu) en même temps que la perte de l’immortalité et
l’appréciation du bon et du mauvais (Genèse III, 7). Pour les trois religions monothéistes, la naissance
de la Médecine peut se situer à ce moment ; prise de conscience de la mort et du corps (douleur lors de
l’accouchement, sueur au front…), présence de forces macrocosmiques supérieures (Dieu), possibilité
de communier avec ces forces et de les orienter vers le bien ou le mal. Traduit en langage athéiste la
démarche demeure identique en supposant qu’une telle conception ait pu prévaloir à la naissance de
l’humanité.
Quels sont donc les gènes premiers du phénotype médical ? Comment est-on passé de la
conscience individuelle à la conscience collective, autrement dit comment a-t-on pu imaginer
d’interférer dans le microcosme d’autrui pour son bien ou son malheur. Des éléments de réponses se
trouvent dans les premiers textes arrivés jusqu’à nous (sumériens, égyptiens, chinois…). Tous ces
documents se réfèrent en premier lieu à l’équilibre cosmique, le jour et la nuit, la position des astres,
les cycles de la nature environnante. Bien avant que l’imaginaire de l’homme invente l’atome
(Démocrite, Leucippe en 400 Av JC) et compare cette partie indivisible de l’univers au cosmos, des
astronomes lisaient déjà des signes dans les étoiles et les rapportaient aux convulsions humaines
(guerre, épidémie, sécheresse…). Avec ou sans Dieu (les atomistes grecs étaient athées) l’homme
n’était que le reflet de la mécanique stellaire, un corps obéissant aux lois célestes et dont le
fonctionnement intime relevait des conjonctions planétaires que celles-ci soient divines ou non.
La médecine est donc née de ce besoin de communiquer et d’influer sur le microcosme en
faisant appel à des « transmetteurs » qui, suivant les civilisations seront chamans, scribes, astrologues