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les aliéner à plus grand ni à plus petit que vous, sinon il nous sera permis de les défendre les
armes à la main ». Aussitôt cette impérative et menaçante déclaration fut accueillie par les cris
de « Savoie, Savoie, vive Savoie ! ». Le duc comprit, il se retira dans le château accompagné
de ses vassaux, parmi lesquels Jean Badat, auteur du récit de ces événements dans sa
Chronique, René Grimaldi, baron de Beuil, les seigneurs de Boissy, de Berre, de Tourrette et
Gruato Provana qui voyant le duc rempli d’anxiété lui dit en langue piémontaise :
« Excellence, ne vous en faites pas, les raves de Savoie, le beurre du Piémont et le « pissala »
de Nice ont fait une salade dont le diable lui-même ne voudrait pas ! ».
Le pape arriva à Nice le 6 juin 1538 et logea au couvent de la Sainte Croix tenu par
les Frères mineurs de la Stricte Observance, près de l’emplacement actuel de la « Croix de
Marbre ». Ce couvent fut détruit dans les années qui suivirent et particulièrement lors du siège
de Nice en 1543. Quant à la Croix, elle fut d’abord en bois et fut élevée en 1568 par les
consuls de Nice, à l’endroit même où le pape aurait mis pied à terre. François 1er à
Villeneuve-Loubet et Charles Quint à Villefranche ne se rencontrèrent pas. Paul III assura les
négociations difficiles, laborieuses, il ne put obtenir qu’une trêve de 10 ans8.
Or dès 1543, les hostilités avaient repris. Allié au sultan turc, Soliman II, François 1er
décida d’attaquer la place forte de Nice qui se trouva assiégée sur terre par une armée
française, sur mer par la flotte turque. Le 16 juin, les troupes françaises commandées par le
duc d’Enghien s’approchèrent du Var ; le 5 août la flotte turque composée de plus de 300
galères, commandée par le cheik El Din Barberousse, occupa la Baie des Anges et s'empara
de Villefranche. Les galères turques étaient accompagnées d’une cinquantaine de navires
français sous l’autorité du général des galères Antoine Polin de la Garde. L’épouvante gagna
Nice et de nombreux habitants s’enfuirent dans les campagnes. Les 6 et 7 août, les consuls de
Nice furent, par lettre sommés de rendre la ville, sous peine des pires châtiments ; André de
Montfort, gouverneur, refusa de la façon la plus catégorique : « Je me nomme Montfort, mes
armes sont des pals, ma devise : il faut tenir avec la grâce de Dieu et la volonté des habitants ;
je résisterai jusqu’à mon dernier souffle ». Le 7 août arriva à Nice le chevalier Paul Siméon de
Balbs de Quiero, grand prieur de Lombardie dans l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de
Jérusalem, il était accompagné du colonel niçois Erasme Galléan et il venait prendre le
commandement du château et de la garnison.
Pendant ce temps, les Turcs attendant l’arrivée du gros de l’armée française
débarquèrent des soldats, établirent des batteries sur les collines, pillèrent les fermes isolées,
menacèrent les faubourgs et ravagèrent le littoral jusqu’à Oneille. Des tirs d’artillerie
commencèrent et quelques escarmouches se produisirent, faisant des dégâts dans la citadelle
et dans la ville basse. Le 11 août, l’armée française ayant traversé le Var, le duc d’Enghien et
l’amiral Barberousse purent combiner leur plan d’attaque. Le 15 août au matin, 120 galères
turques sortant de Villefranche vinrent bombarder Nice, tandis que les batteries françaises
accentuaient leurs tirs. Ensuite les Franco-turcs se lancèrent à l’assaut des murailles que toute
la population, hommes et femmes, essayait de défendre. on repoussa une première attaque.
Bientôt une autre fut lancée : Turcs, Provençaux, Français, s’accrochant aux échelles et aux
moindres aspérités, menacèrent de déborder les défenseurs niçois et savoyards, qui un instant
faiblirent, puis se reprenant réussirent à repousser une fois de plus les assaillants. Pendant 12
jours, Nice endura un bombardement intense tant depuis les batteries installées sur les collines
que depuis les galères dispersées le long de la grève. Le 23 août la ville se rendit et les troupes
françaises l’investirent, au moment ou les défenseurs incendiaient les maisons les plus
proches du château, en particulier celles du Camas soupran, sur la plate-forme où se trouvait
l’église Saint-Michel, celles des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem et la cathédrale.
Le siège du château dura 18 jours, les assiégeants, grâce à un échafaudage,
cherchèrent à abattre le donjon ; on imagine facilement les ruines que ce quartier subit durant
ces duels d’artillerie acharnés. Pendant ce temps, Jacques Provana de Leyni descendit du col