Progrès en Urologie (1999), 9, 33-38
33
Rôle du laboratoire de microbiologie dans la surveillance des
infections nosocomiales
C.J. SOUSSY (1),J. ORFILA (2)
(1) Bactériologie, Hôpital Henri Mondor, Créteil ; (2) Bactériologie, CHR, Amiens
Lobjectif immédiat de la surveillance épidémiolo-
gique des infections nosocomiales consiste à détecter
le plus rapidement possible la survenue de tout événe-
ment épidémique nouveau afin d’en rechercher la
cause et de prendre immédiatement toutes les mesures
prophylactiques adapes. Mais cette surveillance épi-
démiologique doit aussi permettre d’apprécier sur une
longue riode le taux dincidence des infections
nosocomiales ainsi que les variations de ce taux en
fonction de différents facteurs comme le service dhos-
pitalisation ou le type de malades qui y sont traités. De
la même façon, il sera également possible d’évaluer,
en suivant lévolution de ce taux, l’efficacité des
mesures de lutte contre l’infection mises en œuvre
dans l’hôpital. Mais une surveillance épidémiologique
fiable et efficace nécessite un recueil des infections
fiable et rigoureux, cest-à-dire permanent et sans
faille [6].
RECUEIL DES INFORMATIONS
Ce recueil peut être réalisé directement par un clinicien
dans le service d’hospitalisation sous la forme, par
exemple, de l’établissement d’une fiche de déclaration
individuelle par malade adressé au Comité de Lutte
contre les Infections Nosocomiales ou à l’infirmière
hygiéniste, soit après la mise en évidence de l’infec-
tion, soit seulement à la sortie du malade, au moment
de la révision du dossier. Mais l’expérience a montré
que cette modalité de recueil est souvent mal acceptée
car elle constitue une charge supplémentaire ajoutée au
volume souvent important des tâches administratives ;
il est admis que son efficacité s’épuise rapidement avec
le temps, mais peut aussi varier considérablement sui-
vant la personne chargée du recueil dans le service.
Le recueil des informations peut alors être réalisé par
une infirmière hygiéniste lorsqu’elle existe ; ainsi, au
RESUME
L’objectif immédiat de la surveillance épidémiologique des infections nosocomiales
consiste à détecter le plus rapidement possible la survenue de tout événement épidé-
mique nouveau afin d’en rechercher la cause et de prendre immédiatement toutes les
mesures prophylactiques adaptées. Mais cette surveillance épidémiologique doit
aussi permettre d’apprécier sur une longue période le taux d’incidence des infections
nosocomiales ainsi que les variations de ce taux en fonction de différents facteurs
comme le service d’hospitalisation ou le type de malades qui y sont traités. De la
même façon, il sera également possible d’évaluer, en suivant l’évolution de ce taux,
l’efficacité des mesures de lutte contre l’infection mises en œuvre dans l’hôpital. Mais
une surveillance épidémiologique fiable et efficace nécessite un recueil des infections
fiable et rigoureux, c’est-à-dire permanent et sans faille.
Le laboratoire de microbiologie, de par sa position centrale et grâce à l’outil infor-
matique et aux moyens de communication actuels, fait partie intégrante du système
de surveillance et de prévention des infections nosocomiales. Toutefois, une sur-
veillance épidémiologique efficace, c’est-à-dire, permettant une intervention rapide,
ne peut venir que d’une étroite collaboration avec les autres partenaires concernés
qui sont les services cliniques, avec leurs correspondants médical et infirmier, l’Unité
d’Hygiène Hospitalière, le Comité de Lutte contre les Infections Nosocomiales ainsi
que l’Administration Hospitalière.
34
cours de visites régulières dans le service, quotidiennes
ou plusieurs fois par semaine, l’infirmière hygiéniste
peut consigner ses observations et établir ainsi un
relevé des infections. Ce système est certainement très
efficace, mais il est admis que pour réaliser un recueil
convenable des infections nosocomiales de cette façon,
sur l’ensemble d’un hôpital, il est nécessaire de dispo-
ser d’une infirmière hygiéniste pour 200 à 300 malades
au maximum.
Une autre approche consiste alors à partir des informa-
tions recueillies au laboratoire de bactériologie, d’après
les résultats des examens réalisés.
ROLE DU LABORATOIRE DE
MICROBIOLOGIE
Le laboratoire de microbiologie constitue un observa-
toire privilégié des infections à l’hôpital.
Certes, son premier rôle consiste évidemment à isoler
et à identifier les micro-organismes, notamment les
bactéries responsables d’infections, à partir des prélè-
vements qui lui sont adressés à des fins diagnostiques ;
il doit en réaliser les antibiogrammes et éventuellement
le typage par des méthodes phénotypiques et/ou géno-
typiques.
Mais le laboratoire de microbiologie ne doit pas s’en
tenir là ; il doit aussi étudier d’une manière régulière et
continue, à partir des résultats obtenus, les variations
de la flore rencontrée dans les différents services de
l’hôpital et suivre l’évolution de la sensibilité aux anti-
biotiques des différentes espèces en analysant les phé-
notypes de résistance [3, 4].
Cette surveillance continue doit permettre d’informer
précisément et rapidement les responsables des ser-
vices cliniques des problèmes infectieux qui se posent
chez leurs malades, de l’ambiance bactérienne dans
laquelle ils travaillent et de revoir éventuellement cer-
taines habitudes de prescription en fonction des résis-
tances observées.
Méthodologie de la surveillance
Pour ce faire, tous les résultats de prélèvements bacté-
riologiques positifs doivent être enregistrés quotidien-
nement de manière informatique en indiquant, pour
chacun d’eux les informations suivantes :
• malade : nom, prénom, date de naissance, sexe, ser-
vice d’hospitalisation
• prélèvement : date et nature exacte
• espèce bactérienne isolée : nature précise et sensibi-
lité aux antibiotiques
A partir de ces résultats, peut ainsi être établi chaque
semaine et par service un relevé informatisé hebdoma-
daire qui est adressé aux correspondants de ces services
et où les prélèvements positifs sont classés en
rubriques selon le site infectieux en évitant de compta-
biliser plusieurs fois les isolements répétitifs d’un
même malade (figure 1).
Un exemple de rubriques à l’intérieur desquelles sont
regroupés les prélèvements positifs est indiqué ci-des-
sous :
• Hémocultures
• Cathéters vasculaires
• Cœur - Vaisseaux
• Système nerveux – Méninges
• Péritoine
• Appareil digestif
• Appareil respiratoire
• O.R.L. – Stomatologie
• Os – Articulations
• Appareil urinaire
• Prélèvements génitaux
• Prélèvements dermatologiques
• Prélèvements ophtalmiques
• Suppurations diverses
Intérêt du système
Le premier avantage de ce système est évidemment de
permettre de dépister précocement, par comparaison
avec les relevés hebdomadaires antérieurs, une aug-
mentation de la fréquence des cas d’infection ou encore
l’apparition sur le mode épidémique chez plusieurs
malades d’une bactérie traceuse.
Il permet aussi d’établir régulièrement une synthèse
des problèmes infectieux rencontrés dans l’hôpital,
synthèse qui est discutée lors des réunions du Comité
de Lutte contre les Infections Nosocomiales, en faisant
ressortir les problèmes les plus importants, en particu-
lier :
• le nombre de malades ayant eu des hémocultures
positives
• les infections qui, après discussion avec les cliniciens,
apparaissent probablement d’origine nosocomiale
• le nombre d’isolements de bactéries témoins de
l’hospitalisme infectieux
Enfin, sur une longue période, il est possible, en analy-
sant ces relevés, d’établir un profil des infections ren-
contrées dans l’hôpital et dans les différents services et
d’avoir ainsi connaissance en même temps de l’écolo-
gie bactérienne locale.
35
SERVICE DE BACTERIOLOGIE
Service destinataire :
* = Bactérie déjà isolée une ou plusieurs fois chez ce malade dans le même type de prélèvement ou dans un autre.
HEMOCULTURES
B. M.- Sang
.Staphylococcus epidermidis 06/01/1999
D. P.- Sang
.Staphylococcus hominis 09/01/1999
.Enterococcus faecalis
BRONCHO-PULMONAIRE
A. J. - Biopsie pleurale 17/01/1999
. Escherichia coli
D. S. - Biopsie pleurale 13/01/1999
. Streptococcus pneumoniae
URO- GENITAL
B. F. - Urines 17/01/1999
. Pseudomonas aeruginosa
G. S. - Urines 13/01/1999
. Enterococcus faecalis
PARTIES MOLLES
C. M. - Cicatrice-plaie opératoire 10/01/1999
RELEVE DES PRELEVEMENTS BACTERIOLOGIQUES POSITIFS
Période du 13 Janvier 1999 au 19 janvier 1999
Figure 1 : Exemple de relevé épidémiologique hebdomadaire.
Parmi les autres avantages d’un tel système, il faut citer
la possibilité de disposer à la demande des informations
suivantes :
• bilan bactériologique complet pour un service ou une
unité sur une période donnée
• fréquence globale d’isolement d’une espèce bacté-
rienne
• fréquence d’isolement des différentes espèces bacté-
riennes dans un type de prélèvement donné
• état de la résistance aux antibiotiques des différentes
espèces bactériennes en fonction du type de service et
du type de prélèvement
• dossier bactériologique complet d’un malade.
Limites du système
Mais la surveillance épidémiologique des infections
nosocomiales, à partir des données recueillies par le
laboratoire de microbiologie, si elle présente un certain
nombre d’avantages, connaît aussi ses limites. Ainsi :
• il est possible que la bactérie responsable d’une infec-
tion nosocomiale n’ait pas été isolée :
- soit parce que le malade avait reçu auparavant un
traitement antibiotique qui a décapité l’infection,
- soit parce que le prélèvement n’a pas été effectué,
par exemple dans le cas ou le foyer infectieux est dif-
ficilement accessible, ou encore en cas d’oubli ou
d’absence de prescription devant une infection
bénigne.
• à l’inverse, toute bactérie isolée au laboratoire n’est
pas forcément le témoin d’une infection réelle ; elle
peut être seulement en relation avec une simple colo-
nisation superficielle ; c’est pourquoi la signification
de chaque isolement doit être discutée à la lumière
des données cliniques, même si des arguments biolo-
giques (type de prélèvement, type d’espèce ou phé-
notype de résistance) permettent de suspecter, voire
d’affirmer, le caractère nosocomial de l’infection).
• d’autre part, il n’est pas encore partout possible de
comparer en temps réel la date du prélèvement à la
date d’entrée du malade, ce qui permet immédiate-
ment après analyse d’éliminer les infections acquises
par le malade avant son entrée à l’hôpital ou encore
acquises dans un autre service.
enfin, il faut citer le cas des infections nosocomiales
pour lesquelles le diagnostic n’est souvent que cli-
nique et dont la confirmation biologique éventuelle
est plus tardive.
Proposition
C’est pourquoi, afin de tenter de pallier ces différents
inconvénients, une surveillance correcte des infections
nosocomiales ne peut donc venir que d’une étroite col-
laboration entre les différents partenaires impliqués,
c’est-à-dire : le laboratoire de bactériologie, les clini-
ciens, l’infirmière hygiéniste, l’Unité d’Hygiène Hos-
pitalière et le CLIN [2, 5].
Ainsi, pour utiliser au mieux les informations appor-
tées par les résultats bactériologiques, nous avons pro-
posé le système suivant (figure 2) :
• chaque semaine, le service de microbiologie adresse
aux différents services cliniques un relevé informa-
tisé des prélèvements bactériologiques positifs
• le correspondant hygiéniste du service clinique ana-
lyse ce relevé en y indiquant ce qui lui paraît consti-
tuer une infection nosocomiale ; il peut le compléter
en y ajoutant les éventuelles infections nosocomiales
qui n’ont pas donné lieu à un isolement bactérien ; le
relevé est alors adressé au correspondant hygiéniste
de l’hôpital
36
Figure 2 : Système de surveillance des infections nosocomiales à partir du service de bactériologie.
Service de
BACTERIOLOGIE
C.L.I.N. CORRESPONDANT
HYGIENISTE
Services
CLINIQUES
Relevé Informatisé Hebdomadaire
Synthèse mensuelle
Analyse +
Informations
complémentaires
• à partir des différents relevés, peut être réalisée une
synthèse mensuelle des infections nosocomiales qui
est alors discutée lors de la réunion du Comité de
Lutte contre les Infections Nosocomiales (tableau 1).
ROLE DU LABORATOIRE DE
MICROBIOLOGIE EN CAS D’EPIDEMIE
Devant une situation épidémique, le laboratoire de bac-
tériologie dispose d’un certain nombre de méthodes
utilisables pour le typage bactérien. Il s’agit de mar-
queurs phénotypiques et de marqueurs génotypiques,
moléculaires [1].
Marqueurs phénotypiques
• la biotypie consiste à analyser les caractères morpho-
logiques, physiologiques, et surtout biochimiques des
souches. Les galeries biochimiques d’identification
permettent ainsi de caractériser les souches bacté-
riennes selon une série de résultats qui déterminent
alors un biotype. Ce marqueur d’utilisation simple est
stable, peu coûteux et facile à interpréter ; cependant,
son pouvoir discriminant est globalement limité.
la rotypie consiste à caractériser les antigènes bacté-
riens de surface, somatiques, flagellaires ou capsu-
laires. Elle est utilisable pour un nombre limité d’es-
pèces bactériennes comme les Salmonella, P. aeru g i -
nosa, N. meningitidis ou certains E. coli ….Son usage
est toutefois limi par la disponibilité des anticorps et
la caracrisation parfois difficile de certaines souches
qui sont auto, poly ou non agglutinables. De plus, son
pouvoir discriminant est limité notamment en cas de
prédominance dun sérotype donné. La lourdeur tech-
nique et la non disponibilité de certains réactifs pren-
nent nécessiter le recours à des Centres de férence.
la lysotypie consiste en une étude de la lyse de la cul-
ture bactérienne par une rie de bacriophages carac-
risés. Elle est donc limitée aux bacries lysables par
ces phages. Elle est notamment utilisée pour le typage
de Staphylococcus aure u s . Cette thode est particu-
lièrement utile lorsqu’une souche épidémique pré-
sente un lysotype précis, ce qui permet de la diff é r e n-
cier des souches non épidémiques. Toutefois, son inté-
rêt est limité si une proportion importante de souches
a perdu la capacité d’être lysée par les phages.
• la bactériocinotypie utilise des protéines bactériennes
appelées bactériocines qui sont capables d’inhiber la
croissance des souches bactériennes appartenant à
des espèces proches. Cette méthode est peu utilisée
mais peut parfois être intéressante, notamment lors-
qu’elle est associée à d’autres méthodes de typage.
lantibiotype (profil de résistance aux antibiotiques)
est obtenu rapidement pour les espèces bactériennes
usuelles. Il est géralement reproductible et assez
simple à interpréter. Il est particulièrement utile quand
un nouveau caracre de résistance appart. To u t e-
fois, lors de lisolement de souches multirésistantes, le
pouvoir discriminant de ce marqueur devient moins
performant. Il faut noter de plus quune souche peut
perdre ou exprimer de façon variable ses caracres de
r é s i s t a n c e ; elle peut aussi acquérir des marqueurs de
résistance supplémentaires.
Marqueurs génotypiques
Parmi les marqueurs moléculaires, on distingue la
détermination des profils protéiques, réalisée par élec-
trophorèse après extraction des protéines bactériennes,
et l’analyse des souches en fonction des caractéris-
tiques de leurs acides nucléiques (notamment ADN).
Parmi les méthodes utilisées pour cette analyse, on uti-
lise notamment :
• la détermination des profils plasmidiques : cette
méthode est simple et applicable à de nombreuses
espèces bactériennes. La différenciation du contenu
plasmidique des souches, est précédée par une diges-
tion des plasmides par des endonucléases de restric-
tion. Toutefois, les bactéries peuvent perdre des plas-
mides comme elles peuvent en acquérir. L’instabilité
plasmidique limite donc l’intérêt de cette méthode en
tant que marqueur épidémiologique (figure 3).
37
Tableau 1 : Exemple de résultat.
Hôpital :
Surveillance des Infections Nosocomiales acquises dans le servicede :
Année :
MOIS J F M A M J J A S O N D
Septicémie 3 6 1 2 3 2 3 1
Inf. Urinaire 427648612 9 2 3
Inf. Pulm/Orl
Inf. Sur Cathé
Pus divers 132713556412
TOTAL 8 11 9 14 714 13 20 15 715
Nb d’entrants 171 171 171 154 134 151 121 136 147 170 139 139
Ratio d’infection (%) 4.7 6,4 5,3 9,1 5,2 9,3 10,7 14,7 10,2 4,1 0,7 3,6
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !