Recherche sur les maladie polygéniques Diabète de type 2

Diabète de type 2
Le diabète de type 2 n’est pas une maladie
unique mais plutôt un groupe de maladies mé-
taboliques génétiquement hétérogènes qui par-
tagent comme point commun, l’elevation de la
glycémie. L’étiopathogénie est inconnue mais
comprend très probablement des anomalies au
niveau de la sécrétion et de l’action de l’insu-
line.
La nature familiale, la différence marquée de
prévalence selon les populations et les taux de
concordance entre les jumeaux monozygo-
tiques et dizygotiques suggèrent fortement que
les gènes jouent un rôle important dans la sur-
venue de la maladie. De nombreuses études
chez l’homme et l’animal indiquent cependant
que de multiples facteurs de l’environnement
interviennent aussi dans la survenue du dia-
bète, particulièrement le poids corporel et l’âge.
En outre, les facteurs génétiques sont proba-
blement multiples et d’une importance variable
[1].
Cette complexité, multiples facteurs en cause et
polygénicité, retarde considérablement la ca-
ractérisation des gènes impliqués dans le dia-
bète.
CURRICULUM Forum Med Suisse No47 21 novembre 2001 1172
Introduction
La recherche sur les maladies polygéniques
(hypertension artérielle, dyslipidémie, obésité,
diabète, etc.) devra prendre un nouveau tour-
nant avec le début de ce millénaire.
Les maladies polygéniques constituent un
groupe de maladies fréquentes caractérisées
par l’implication de multiples gènes dont l’in-
fluence est plus ou moins fortement modulée
par l’environnement. Les méthodes classiques
d’identification des gènes basées sur le concept
de la génétiques inverse (reverse genetics),
c’est-à-dire de l’analyse de liaison ou de désé-
quilibre de liaison et de clonage positionnel ont
permis des développements spectaculaires
pour l’identification des gènes impliqués dans
les maladies mendéliennes. Malheureusement,
ces méthodes ont montré leur limite dans
l’identification des gènes en cause dans les ma-
ladies polygéniques, plus fréquentes et plus
complexes.
Si l’on considère que l’homme possède environ
3040 000 gènes fonctionnels dans son génome
et que des variations fonctionnelles peuvent
exister dans chacun de ces gènes, on com-
prends mieux la difficulté à faire un lien réel
entre variation génique et maladie.
Même si certains des gènes identifiés par la gé-
nétique inverse peuvent expliquer un petit
pourcentage des maladies relativement fré-
quentes, le cancer du sein (BRCA-1 et BRCA-2),
le cancer du colon (FAP, HNPCC) et le diabète
(MODY-1, -2, -3, -4, -5, etc.), il n’en reste pas
moins que le bilan actuel de la génétique des
maladies non mendéliennes est un semi-échec
et que des stratégies nouvelles doivent être dé-
veloppées [1, 2].
Avec l’achèvement du séquençage du génome
humain, le développement d’outils informa-
tiques et de nouvelles technologies de biologie
moléculaire, il est probable que les conditions
soient réunies pour que les maladies polygé-
niques perdent une partie de leur mystère.
L’identification de tous les gènes du génome
et de leurs variations fonctionnelles pourrait
permettre l’étude de l’impact de ces variations
sur le phénotype d’intérêt. La génomique
fonctionnelle associée à la protéomique de-
vrait aussi améliorer nos connaissances sur la
fonction des gènes et leurs effets sur l’orga-
nisme.
Malgré ce constat tempéré sur l’impact de la re-
cherche dans l’élucidation des maladies polygé-
niques, le but de cet article est de faire le point
sur les développements réalisés durant la der-
nière décennie sur la génétique de quatre ma-
ladies chroniques, le diabète de type II, l’hyper-
tension artérielle, les dyslipidémies et l’obésité.
Références
1 Weissman SM. Genetic bases for common polygenic dis-
eases. Proc Natl Acad Sci 1995;92:8543–4.
2 Risch NJ. Searching for genetic determinants in the new
millennium. Nature 2000;405:847–56.
Recherche sur les maladies
polygéniques
J. Philippe
Correspondance:
Prof. Dr Jacques Philippe
Division d’Endocrinologie et
Diabétologie
Département de Médecine interne
HUG
CH-1211 Genève 14
CURRICULUM Forum Med Suisse No47 21 novembre 2001 1173
Quel a été I’apport de
la génétique dans la
compréhension du diabète?
La génétique a apporté une contribution à la
compréhension d’une certaine forme de dia-
bète de type 2, le «Maturity-Onset Diabetes of
the Young» (MODY). Cette forme de diabète que
l’on pensait auparavant homogène peut être
déclenchée par l’anomalie d’au moins sept
gènes différents. Le MODY est une maladie au-
tosomale dominante (la composante génétique
est donc plus facile à déterminer) qui repré-
sente environ 2–5% des diabètes de type 2 et
qui survient souvent avant l’âge de 25 ans [2].
Actuellement, six gènes ont été mis en cause
dans la survenue du MODY et tous impliquent
un défaut de secrétion d’insuline au niveau de
la cellule β(voir tableau). Cependant, il existe
des patients MODY qui n’ont pas d’anomalie de
ces 6 gènes, ce qui suggère l’existence d’autres
gènes impliqués dans cette maladie [2].
En Suisse, il est possible de faire l’analyse diag-
nostique des gènes les plus souvent en cause
dans le MODY (glucokinase et HNF-1α). Cette
analyse nécessite cependant un conseil géné-
tique approprié. L’apport du diagnostic géné-
tique dans cette forme de diabète, aussi bien
pour sa prise en charge que pour les répercus-
sions médicales et psychologiques pour le pa-
tient, demeure inconnu [3].
Des mutations dans le génome mitochondrial
ont aussi été associées au diabète. Comme le
génome mitochondrial est hérité de la mère, ce
diabète est transmis par la mère. La mutation
la plus fréquemment en cause est retrouvée en
position 32343 du gène codant pour l’ARN
de transport de la leucine. La même mutation
peut aussi être associée au syndrome MELAS
(myopathie mitochondriale, encéphalopathie,
acidose lactique et accidents vasculaires céré-
braux). Le diabète mitochondrial est souvent
associe à une surdité et résulte d’un déficit
sévère de la sécrétion d’insuline dont les carac-
téristiques cliniques peuvent être similaires au
diabète de type 1 [1].
Pour ce qui est du diabète de type 2 commun,
celui de la personne adulte obèse, la génétique
n’a pour l’instant pas apporté de progrès ma-
jeurs. Il est probable que plusieurs anomalies
génétiques contribuent à la survenue du dia-
bète de type 2 commun; il est aussi probable
que des gènes identiques mais aussi différents
puissent être impliques dans une maladie
hétérogène dont les caractéristiques cliniques
apparaissent similaires. En considérant que
l’homme possède environ 30–40 000 gènes,
leurs multiples variations et le fait que la va-
riation génétique est aussi due à l’apport de
multiples gènes, chacun ayant un effet modeste,
tout ceci dans le contexte d’un syndrome hété-
rogène illustre la difficulté du problème de la
génétique du diabète de type 2 commun.
Plusieurs gènes candidats ont été étudiés avec
des résultats encore peu convaincants; parmi
ceux qui pourraient être en cause, on peut citer
les gènes codant pour des protéines impliquées
dans la signalisation intracellulaire de l’insuline
(IRS) et dans la protéolyse (calpaine) [4, 5]. Un
travail considérable reste donc à faire pour dé-
terminer les gènes réellement impliqués dans le
diabète, dont la caractérisation devrait permettre
une meilleure médecine prédictive et préventive
ainsi que de mieux cibler nos traitements.
Tableau 1. Genes associés au le «Maturity-Onset Diabetes of the Young» (MODY).
Gène Fonction Caractéristiques chiniques
Glucokinase Enzyme limitant de la glycolyse transformant le glucose en Diabète peu sévère ou intolérance au glucose,
glucose-6-phosphate complications chroniques rares
HNF-1αFacteur de transcription impliqué dans l’activation du gène de l’insuline Diabète sévère nécessitant souvent un traitement
à l’insuline
HNF-4αFacteur de transcription impliqué dans l’activation du gène de HNF-1α, Diabète de sévérité variable
d’enzymes de la glycolyse et du transport du glucose
Pdx-1 Facteur de transcription impliqué dans l’activation du gène de l’insuline Diabète peu sévère
HNF-1βFacteur de transcription fonctionnant en partenaire de HNF-1αDiabète d’intensité variable, problèmes rénaux,
malformations génitales
BETA 2 Facteur de transcription impliqué dans l’activation du gène de l’insuline Diabète d’intensité variable
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Références
1
Perinutt AM, Hattersley AT. Searching
for type 2 diabetes genes in the post-
genome-era. TEM 2000;11:383–93.
2 Doria A, Plengvidhya N. Recent ad-
vances in the genetics of maturity-
onset diabetes of the young and other
forms of autosomal dominant dia-
betes. Cur Opin Endo Diab 2000;
7:203–10.
3 Dussoix P, Vaxillaire M, lynedjan PB,
Tiercy JM, Ruiz J, Spinas GA, et al.
Diagnostic heterogeneity of diabetes
in the young adult. Diabetes 1997;
46:622–31.
4 Shalev A. Insulin receptor substrate-
2-αnew candidate gene for NIDDM?
Eur J Endocrinol 1998;139:263–4.
5 Perinutt MA, Bemal-Nfizrachi E,
Inoue H. Calpain 10: the first posi-
tional cloning of a gene for type 2
diabetes. J Clin Invest 2000;106:
819–21.
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