Vendredi 13 mai 2011
POINT DE SITUATION N°2
Séisme du 11 mai 2011 (18h47 heure locale) survenu au sud-est de
l’Espagne, au niveau de la ville de Lorca
Un séisme est survenu le mercredi 11 mai 2011 à 18h47 heure locale (16h47 heure GMT) à l’aplomb
de la ville de Lorca, à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest de Murcia. Ce séisme a atteint une
magnitude de moment de 5.1 selon l’Institut Géographique National (IGN) espagnol.
On recense le 13 mai à 12h neuf morts et plusieurs bâtiments effondrés.
Ce séisme avait été précédé moins de deux heures plus tôt par un premier séisme de magnitude 4.5.
Localisé à l’aplomb de la ville de Lorca dans le Sud-est de l’Espagne, ce séisme de magnitude 5.1 semble
avoir été très superficiel (1 à 2 km selon l’USGS et le CSEM respectivement).
Figure 1 – Carte de localisation de l’épicentre du séisme du 11 mai 2011. (source : IGN)
Bien que relativement peu puissant, ce séisme marque par l’ampleur des dommages, et plus encore par le
nombre de victimes qui s’élève à neuf selon un bilan dressé dans la matinée du 13 mai. En outre, l’on
compte selon ce même bilan près de 200 blessés et des dégâts matériels très importants, avec en
particulier l’effondrement de plusieurs bâtiments anciens.
Les dommages les plus importants semblent cependant très localisés, circonscrits dans un rayon de
quelques kilomètres autour de l’épicentre. Les cartes préliminaires d’intensité (cf. carte de l’USGS ci-
dessous) suggèrent par ailleurs que l’intensité VI (pouvant correspondre à des chutes de cheminées et à
l’apparition de fissures dans les bâtiments vulnérables) a vraisemblablement pu être observé jusqu’à une
dizaine de kilomètres autour de l’épicentre.
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Figure 2 – « Shake-map » en intensité. (source : USGS)
Aléa sismique régional
La région de Lorca est située non loin de la frontière entre les plaques tectoniques eurasienne et africaine
(nubienne), marquée par la remontée de l’Afrique selon une direction Nord-ouest à raison d’une vitesse
relative de l’ordre de 6 mm/an. L’épicentre du séisme du 11 mai 2011 a été localisé à proximité immédiate
de la faille « Alhama de Murcia », et il est probable que l’un des segments de cette faille bien connue soit
responsable de la rupture (cf. Figure 3 ci-dessous). En effet, le mécanisme décrochant observé lors du
séisme est compatible avec le mode de déformation de la faille Alhama de Murcia.
Par le passé, de nombreux séismes sont survenus dans le Sud-est de l’Espagne, parmi lesquels certains
événements destructeurs, parmi lesquels le séisme de 1674 survenu à une vingtaine de kilomètres au Nord-
ouest de Lorca avec une intensité épicentrale de VIII. Ces dernières décennies, trois événements sismiques
ont affectés la région de Lorca : le séisme de Mula en 1999 (magnitude de 4.8 et intensité épicentrale de
VI), le séisme de Bullas en 2002 (magnitude de 4.8 et intensité épicentrale de V) et le séisme de Paca en
2005 (magnitude de 4.7 et intensité épicentrale de VI-VII). Cette région constitue par conséquent une zone
où l’aléa sismique est particulièrement marqué, puisqu’elle constitue l’une des zones les plus sismiques de
l’Espagne comme le montre la carte du zonage sismique espagnol (Figure 4).
Compte-tenu de ce contexte et de la connaissance de la sismicité passée, ce séisme n’est donc pas une
surprise. Cependant, sa très faible profondeur illustre que des séismes modérés peuvent dans certains cas
être localement destructeurs. En particulier, il est intéressant de noter qu’alors que le zonage sismique
espagnol préconise de prendre en compte des valeurs d’accélération maximale (PGA) de l’ordre de 0.1 au
niveau où a eu lieu le séisme, les premiers éléments disponibles (et par conséquents sujets à caution)
suggèrent que cette valeur a été localement dépassée, avec des valeurs de l’ordre de 0.45 g (cf. Figure 2 et
Figure 4).
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Figure 3 - Localisation du séisme (étoile rouge) vis-à-vis des grandes failles en présence. Le système de failles de
Alhama de Murcia est indiqué en rouge. (source : Meijninger et Vissers, 2006)
Figure 4 – Zonage sismique espagnol et localisation de l’épicentre du séisme du 11 mai 2011.
Aléa sismique local
La présence de nombreux dépôts sédimentaires se traduit au niveau de Lorca par une augmentation de
l’aléa due aux effets de site lithologiques, qui consistent en amplification des mouvements du sol par les
formations superficielles meubles. Cela a notamment été mis en évidence par des études de microzonage
sismique réalisées au niveau de Lorca. De même, une étude menée au niveau régional montre clairement
que le bassin dans lequel est située la commune de Lorca est caractérisé par de forts effets (Figure 5).
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Figure 5 – Carte des facteurs d’amplifiation associés aux effets de site lithologiques. (source : Peces et al., 2008)
Par conséquent, outre l’importance de la faible profondeur de la rupture déjà soulignée précédemment, il
semble que les dégâts importants constatés dans le centre-ville de Lorca soient également liés à l’existence
d’effets de site lithologiques.
Dommages
Bilan humain
Neuf personnes ont été tuées par les dommages dus à l’évènement sismique, qui ont également
occasionnés des nombreux blessés. Parmi elles, au moins une personne est décédée suite à l’effondrement
d’un bâtiment. Cependant, la plupart des victimes (morts et blessés) l’ont été comme suite à la chute
d’éléments non-structuraux depuis les façades des bâtiments, tels que des balcons et des corniches, ainsi
que des maçonneries de remplissage.
Bâtiments
Selon une première estimation publiée dans la presse, environ 80% des logements qui composent le centre
urbain de Lorca, y-compris des bâtiments neufs, ont subi quelque sorte de dommage. Ces dommages sont
plus évidents dans la partie de la ville située au sud du fleuve, notamment le quartier de La Viña, où
l’effondrement de quelques bâtiments a eu lieu, mais également dans les quartiers de Calvario et de
Santiago.
Parmi ces bâtiments endommagés, l’on compte notamment un grand nombre de bâtiments collectifs
construits en maçonnerie ou en systèmes poteau-poutre en béton avec maçonnerie de remplissage. Un
diagnostic précis de l’état des bâtiments est actuellement en cours.
Il convient par ailleurs de noter que selon l’Illustre Collège Officiel des Géologues (ICOG) espagnol, les
effondrements de bâtiments observés peuvent en partie s’expliquer par le fait que ces structures avaient
probablement été préalablement fragilisées par de précédents séismes, tel celui de 2006 de magnitude 4.2,
ou par le premier choc du 11 mai, de magnitude 4.5.
Du fait de ces dommages aux bâtiments d’habitation, quelques 10.000 sans-abri ont passé la nuit dans des
tentes installées au sein le parc des expositions.
Transports
Il est à noter que la circulation routière a dû être interrompue par le danger posé par un tunnel autoroutier
ayant enregistré quelques effondrements. Malgré la mise en place d’une route de contournement, la route
MU-701 joignant Lorca et Parroquia de Lorca reste coupée à la date du 12 mai.
La façade de la gare s’est partiellement effondrée et a dû être détruite par les pompiers pour éviter risques.
Le trafic par voie ferrée a pu être rétabli avec des limites de vitesse dans quelques sections.
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Infrastructures à enjeux
Toutes les infrastructures d'eau majeures ont supporté sans dommages selon la Confédération
Hydrographique du Segura.
En revanche, à Lorca, l’hôpital Rafael Méndez et le dispensaire Virgen del Alcazar ont dû être évacués. Un
poste médical avancé a été mis en place. L’hôpital Virgen de la Arrixaca dans la ville prochaine de Murcia
s’occupe cependant des blessés plus graves
Parallèle avec le contexte sismique français
Le séisme de Lorca du 11 mai 2011 est riche en enseignements pour les pays à sismicité modérée tels que
la France métropolitaine. Cet événement illustre notamment que, bien que confrontée à un aléa sismique
sans commune mesure avec les régions les plus sujettes aux séismes tels que le Japon ou le Chili, notre
société est vulnérable au risque sismique.
En particulier, ce récent événement qui a frappé l’Espagne met en lumière que des séismes de magnitude
voisine de 5.0 peuvent également être destructeurs et meurtriers. Contrairement aux séismes plus violents
associés à des périodes de retour plus importantes, le danger principal de ces séismes modérés n’est pas
l’effondrement de bâtiments (même si certains bâtiments vulnérables se sont effondrés le 11 mai), mais bien
les nombreux dommages non-structuraux qui s’accompagnent de la chute en grand nombre d’éléments des
façades des bâtiments. Ainsi, et comme souligné précédemment, l’essentiel des décès constatés à la suite
du séisme espagnol ont été victime de ces « projectiles » alors qu’ils se trouvaient dans la rue.
Par ailleurs, et bien que le lourd bilan du séisme de Lorca s’explique en premier lieu par la combinaison de
deux facteurs principaux que sont 1) la très faible profondeur du foyer et 2) la présence de formations
meubles susceptibles d’amplifier les ondes sismiques en surface (auxquels s’ajoute vraisemblablement une
vulnérabilité importante de certains bâtiments), il serait faux de penser que cette situation est « unique »
ou « improbable ». En effet, concernant la profondeur du séisme, il n’est pas rare - notamment en France -
que les séismes de magnitude modérée soient superficiels, du fait qu’ils résultent d’une rupture relativement
peu étendue le long d’une faille. Pour ce qui est des effets de site lithologiques, il est important de noter que
les régions de France métropolitaine où l’aléa sismique est le plus important présentent généralement de
nombreuses formations meubles avec des remplissages sédimentaires parfois très épais comme dans les
Alpes ou les Pyrénées. La situation constatée lors du séisme de Lorca pourrait donc tout aussi bien
s’observer en France, avec des dégâts importants et des victimes dans des zones très peu étendues
autour de l’épicentre.
Mais ce séisme interroge aussi sur notre préparation à des séismes plus violents. Ainsi, la faille responsable
du séisme du 11 mai 2011 est par exemple connue pour pouvoir potentiellement induire des séismes de
magnitude supérieure à 6.0 : qu’elles auraient été les conséquences d’un tel séisme ? Cette question de la
double exposition à d’une part des séismes modérés superficiels et d’autre part à des séismes plus
puissants mais plus profonds se pose aujourd’hui pour l’Espagne, mais peut également se poser en France
dont le contexte sismique est relativement proche de celui de son voisin.
Références
Meijninger B.M.L. et R.L.M. Vissers (2006) - Miocene extensional basin development in the Betic Cordillera,
SE Spain revealed through analysis of the Alhama de Murcia and Crevillente Faults. Basin Research.
Vol. 18-4, pp. 547–571
Meijninger B.M.L. (2006) - Late-orogenic extension and strike-slip deformation in the Neogene of
southeastern Spain / - [S.l.] : [s.n.] - Doctoral thesis Utrecht University
Norma de construccion sismorresistente NCSE-02 - Parte general y edification, octubre 2002
Rodríguez Peces, M. J. et al., 2008. Evaluación regional de inestabilidades de ladera por efecto sísmico en
la Cuenca de Lorca (Murcia): Implementación del método de Newmark en un SIG. Boletín Geológico
y Minero, 119 (4): 459-472.
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