signalé l’effet que produisit cette révolte en alarmant et en exaspérant les
Spartiates ; et l’on peut à bon droit présumer que son effet de l’autre côte, en
encourageant leurs ennemis grecs, fut considérable. Timokratês visita Thèbes,
Corinthe et Argos, et distribua ses fonds. Il conclut des engagements, au nom du
satrape, avec différents personnages de conséquence dans chacune, en les
mettant en communication mutuelle, — c’étaient Ismenias, Androkleidas et
autres à Thèbes ; — Timolaos et Polyanthês à Corinthe ; — Kylôn et autres à
Argos. Il paraît qu’il ne visita pas Athènes ; du moins Xénophon dit
expressément qu’il n’y entra rien de son argent. L’influence de cette mission, —
jointe, nous devons nous le rappeler, à la guerre navale renouvelée sur la côte
d’Asie et à la promesse d’une flotte persane qui serait opposée à celle de Sparte,
— se fit bientôt sentir dans la manifestation plus prononcée de sentiments anti-
laconiens dans ces diverses cités, et dans le commencement de tentatives faites
pour établir une alliance entre elles1.
Avec cette partialité en faveur des Lacédœmoniens qui règne dans ses Hellenica,
Xénophon représente la guerre que Sparte va avoir, à soutenir comme amenée
presque uniquement par les présents que fit la Perse aux différents personnages
dans les diverses cités. J’ai déjà dit dans plus d’une occasion que la moyenne de
la moralité publique des politiques grecs individuellement, à Sparte et à Athènes,
et dans les autres villes, n’était pas telle qu’elle exclût la corruption personnelle ;
qu’il fallait une moralité plus haute que la moyenne pour résister à cette
tentation ; — et une moralité considérablement plus haute que cette moyenne
pour y résister systématiquement et pendant une longue existence, comme le
firent Nikias et Periklês. Il ne serait donc pas surprenant qu’Ismenias et les
autres eussent reçu des présents dans les circonstances mentionnées plus haut.
Mais il parait extrêmement improbable que l’argent donné par Timokratês ait pu
être un cadeau destiné à corrompre, c’est-à-dire donné en secret et pour l’usage
particulier de ces chefs. Il était fourni pour favoriser un certain objet public qui
ne pouvait être accompli sans de gros déboursés ; il était analogue à cette
somme de trente talents que (comme Xénophon lui-même nous le dit) Tithraustês
venait de donner à Agésilas, comme incitation à emmener son armée dans la
satrapie de Pharnabazos — non comme présent pour la bourse particulière du roi
spartiate, mais comme contribution pour les besoins de l’armée2 —, ou à celle
que le satrape Tiribazos donna plus tard à Antalkidas3, également pour des
objets publics. Xénophon affirme qu’Ismenias et les autres, après avoir reçu ces
présents de Timokratês, accusèrent les Lacédæmoniens et les rendirent odieux,
chacun dans sa cité respective4. Mais il est certain, d’après son exposé même,
que la haine contre eux existait dans ces cités avant l’arrivée de Timokratês. A
Argos, cette haine était de vieille date ; à Corinthe et à Thèbes, bien qu’elle ne
fût allumée que depuis la fin de la guerre, elle n’était pas moins prononcée. De
plus, Xénophon lui-même nous apprend que les Athéniens, bien qu’ils ne
reçussent rien de cet argent5, étaient tout aussi prêts à faire la guerre que les
autres villes. Si donc nous admettons son assertion comme un fait réel, que
1 Xénophon, Helléniques, III, 5, 2 ; Pausanias, III, 9, 4 ; Plutarque, Artaxerxés, c. 20.
2 Xénophon, Helléniques, III, 4, 26.
3 Xénophon, Helléniques, IV, 8, 16.
4 Xénophon, Helléniques, III, 5, 2.
5 Xénophon, Helléniques, III, 5, 2.
Pausanias (III, 9, 4) nomme quelques Athéniens qui auraient reçu une partie de l’argent. De même
Plutarque, en termes généraux (Agésilas, c. 15).
Diodore ne dit rien ni de la mission, ni des présents de Timokratês.