alors qu’il est aisé, à partir de la Crète ou de Santorin – au sud des Cyclades – de se projeter vers
les terres africaines où fleurirent jadis les cités de Cyrénaïque. Une position qui prédisposait la
Grèce – porteuse, à partir du Vesiècle avant J.-C., d’une civilisation désormais supérieure à celles
des anciens empires orientaux – à jouer un rôle majeur en Méditerranée orientale, avant
d’engendrer, à la suite des conquêtes d’Alexandre, un nouveau monde allant de l’Alexandrie
hellénistique aux vallées de Bactriane et aux rives lointaines de l’Oxus. Largement ouvert sur les
mers qui l’entourent, le pays est avant tout montagneux et les plaines « utiles » n’y représentent
qu’à peine un cinquième du territoire. Deux grands ensembles commandent l’organisation d’un
relief de formation récente : la chaîne du Pinde, qui s’étire depuis le Nord-Ouest vers le sud-est, et
les massifs qui occupent l’intérieur du Péloponnèse. Haut de 2 917 mètres et considéré jadis
comme le séjour des dieux, l’Olympe constitue le point culminant du pays, aux confins de la
Macédoine et de la Thessalie. Des sommets arcadiens aux grottes ouvertes sur les flancs de l’Ida
crétois, les montagnes ont longtemps conservé le caractère sacré qu’elles revêtaient pour les
Anciens. L’omniprésence d’un relief très accidenté a engendré un cloisonnement géographique
qui a naturellement favorisé le morcellement du pays en de nombreuses petites unités régionales
dans lesquelles purent s’affirmer autant d’autonomies politiques et c’est de cette mosaïque de
territoires indépendants les uns des autres que naîtra le monde des cités dont les espaces réduits
héritèrent sans doute des dimensions limitées que l’on peut prêter aux petites principautés de
l’époque mycénienne. Certaines de ces cités – Sparte, Athènes, Thèbes – ont semblé, à un moment
ou à un autre, en mesure d’imposer leur hégémonie aux autres, mais ces tentatives aboutirent à des
échecs et il fallut attendre l’émergence d’une puissance macédonienne extérieure au foyer originel
de la civilisation grecque pour que pût se réaliser enfin l’avènement d’un pouvoir centralisé. Les
obstacles imposés aux déplacements par le relief ont naturellement valorisé certains points de
passage obligés dont le plus célèbre demeure le défilé des Thermopyles, héroïquement défendu
contre les Perses par les Spartiates de Léonidas. Dans la longue durée de l’Histoire grecque, la
montagne fut ensuite naturellement le refuge de toutes les résistances, le lieu où les klephtes – à la
fois guérilleros et bandits d’honneur – maintenaient des espaces de liberté qu’ils avaient su rendre
inaccessibles aux occupants ottomans maîtres des villes et des plaines. C’est là que naquit le
patriotisme populaire qui rendit possible l’insurrection nationale de la guerre d’indépendance.
C’est là également, sur ce terrain difficile, que les Grecs, contre toute attente, parvinrent à
repousser, en 1940 et 1941, les forces italiennes, pourtant très supérieures en effectifs et en
moyens, qui tentaient d’envahir le pays. Les rares plaines cultivables présentant une certaine
étendue se trouvent, en partant du nord, le long de la côte thrace, en Macédoine, en Thessalie et en
Béotie. Les possibilités agricoles de l’Attique apparaissent, en revanche, bien limitées et les
quelques plaines littorales du Péloponnèse sont de dimensions trop réduites. Dès l’Antiquité, les
Grecs furent donc confrontés à la sténochoria, cette absence de terres cultivables qui les conduisit
tout naturellement à partir chercher fortune ailleurs, vers le Far West sicilien ou vers les rivages
du Pont, notre actuelle mer Noire. Tout comme la montagne, la mer est omniprésente dans le
paysage grec et aucun point du pays n’en est éloigné de plus de cent kilomètres. Les côtes sont
extraordinairement découpées, multipliant anses et baies qui furent souvent des repaires de pirates.
Le littoral se déroule sur près de 15 000 kilomètres, soit plus de quatre fois la longueur des côtes
françaises, pour un pays dont la superficie est plus de quatre fois inférieure à celle du nôtre.
L’existence d’une Grèce insulaire, formée d’innombrables îles réparties entre la mer Ionienne et la
mer Egée, accentue évidemment le caractère maritime de l’Hellade. Au nord-ouest, les îles
Ioniennes – qui deviendront l’Heptanèse, enjeu géopolitique majeur entre Angleterre, France et
Russie à la charnière des XVIIIeet XIXesiècles – comprennent, entre autres, Corfou (l’ancienne
Corcyre), Leucade, Céphalonie, Zante et Ithaque, la légendaire patrie d’Ulysse. Dans l’Egée, deux
terres plus imposantes, l’Eubée et la Crète, s’étirent respectivement sur 180 et 250 kilomètres de
longueur alors qu’une multitude d’îlots ne sont que de gros rochers affleurant à la surface de la
mer. Du côté de la Grèce continentale, on rencontre successivement, du nord au sud, les îles
proches des côtes de Thrace ou de Chalcidique – Thasos, Samothrace et Lemnos –, les Sporades –
Skiathos, Skopélos, Alonissos et Skyros – qui font face aux côtes thessaliennes, l’Eubée, séparée
du continent par le long et étroit canal de l’Euripe, enfin les Cyclades, qui doivent leur nom au
cercle qu’elles forment autour de Délos, l’île sacrée d’Apollon. On y trouve Andros, Tinos,
Mykonos, Naxos, Paros ou Santorin, île volcanique dont la destruction, au IIemillénaire avant
J.-C., a peut-être contribué à la genèse du mythe de l’Atlantide. Au sud, l’immense Crète est