environnement 2/2012 > Dossier Infrastructures environnementales
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Presque toutes les espèces ont besoin de circuler
sans danger entre plusieurs types d’habitats en
fonction de la saison. Selon Silvia Zumbach, du
Centre de coordination pour la protection des
amphibiens et des reptiles de Suisse (karch), on
estime à plus de cinq millions par an le nombre
de batraciens adultes qui doivent traverser une
route du pays pour pouvoir frayer, avec des
conséquences dévastatrices: « C’est surtout au
printemps, période de migration massive, que de
nombreux animaux se font écraser. »
Aux endroits les plus critiques, des filets et
des seaux sont placés le long des routes pour
intercepter les batraciens qui sont ensuite dépo-
sés de l’autre côté de la chaussée. D’après Silvia
Zumbach, ce sont quelque 2000 dispositifs qui
sont ainsi installés chaque année en Suisse, le
plus souvent par des bénévoles. Pour cette scien-
tifique, l’Etat devrait être beaucoup plus actif
dans ce domaine. En effet, les batraciens étant
strictement protégés par la loi, il conviendrait
d’équiper plus rapidement et plus systématique-
ment les routes de passages souterrains ou de
petits ponts. Car les filets ont un inconvénient:
ils ne protègent pas les jeunes après leur méta-
morphose. « C’est un massacre invisible, car les
petits animaux restent collés sur les pneus des
véhicules », explique Silvia Zumbach. Dans le pire
des cas, une population entière peut disparaître.
C’est ce qui s’est passé à Riva San Vitale, au bord
du lac de Lugano, où le sauvetage des adultes a
cessé parce qu’il n’y en avait plus. « Les passages
sous les routes présentent le grand avantage de
protéger toutes les migrations, y compris celles
des jeunes », assure la biologiste.
Il existe deux types de souterrains. Dans ceux
à sens unique, les animaux tombent dans une
fosse de capture qui les oblige à emprunter
un tunnel sous la route. Ce dispositif coû-
teux, avec des conduits séparés pour l’aller
et le retour, peut cependant être dangereux
pour certaines espèces ou classes d’âge. En
outre, il provoque la dispersion involontaire
d’autres petits animaux. C’est pourquoi on
utilise aujourd’hui surtout des passages plus
grands, à double sens, d’un diamètre d’environ
60 centimètres, qui permettent aussi aux souris,
aux hérissons, voire aux renards de traverser les
routes sans risques. Les normes de protection des
amphibiens dans le cadre de la construction de
routes et de voies ferrées ont déjà été actualisées
dans ce sens.
Toutefois, moins de 5 % des passages à batra-
ciens nécessaires ou même requis par la loi
existent à l’heure actuelle. La situation est donc
préoccupante pour ce groupe d’organismes très
menacé. Même si de nombreux cantons ont dres-
sé un inventaire des migrations, l’aménagement
d’un passage lors de la construction ou de l’assai-
nissement d’une route dépend en grande partie
des collaborateurs chargés du dossier dans les
offices de protection de la nature, et des connais-
sances des bureaux de conseil en environnement
qui suivent les projets.
Des ponts entre les composantes du système.
L’installation de ces dispositifs de connectivité
artificiels ne suffit pas à garantir à long terme la
conservation des populations de batraciens sub-
sistant en Suisse. De même, les passages à faune
ne sont qu’un élément de la protection des es-
pèces. Ils doivent impérativement être complétés
par des surfaces protégées et des aires de mise en
réseau proches de l’état naturel. Avec les struc-
tures artificielles, ces espaces naturels constituent
ce qu’on appelle l’infrastructure écologique.
Les batraciens aiment se
déplacer sur des sols
naturels – comme dans
le passage ci-dessous
(à gauche), aménagé sous
la voie ferrée à Mattstetten
(BE). Les autres photos
montrent un dispositif
mis en place à Belp-
Hunzigenbrügg (BE), où
la route traverse une zone
alluviale de plus de
400 hectares. Les batra-
ciens qui vivent des deux
côtés de la route sont
conduits par un système
de guidage long de
500 mètres vers les sou-
terrains à double sens,
équipés de bords surélevés.
Photos: Silvia Zumbach,
Andréas Meyer, karch