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© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017
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dévastatrice que celles de ses « cousines » : 56.600 décès enregistrés par an, contre 780.000 pour la B et
500.000 pour la C, selon l'OMS.
Un peu partout en Europe, des chercheurs commencent toutefois à s'emparer de cette thématique. En
Belgique, c'est le cas de l'Institut scientifique de santé publique (ISP) qui est un laboratoire de référence au
niveau des hépatites humaines, mais aussi de… la faculté de médecine vétérinaire de l'ULg. Cherchez
l'erreur ? « C'est vrai que cela peut sembler étrange que des vétérinaires s'impliquent dans cette maladie
humaine, concède Étienne Thiry, directeur du laboratoire de virologie vétérinaire et maladies virales
animales. C'est là qu'intervient le concept international "One Health", qui vise à explorer les interactions entre
les maladies animales et humaines quand elles se transmettent à l'homme. Comme par exemple pour la
grippe aviaire ».
Au départ, tout le monde pensait que l'hépatite E ne se transmettait que d'homme à homme, par voie fécale-
orale, principalement à travers de l'eau contaminée. Désormais, le doute s'installe. Et si les animaux en étaient
les responsables ? S'agit-il d'un virus humain ou d'un virus animal ?
Tout dépend de quel on parle. L'hépatite E se décline sous quatre « ensembles génétiques » distincts. Le 1 et
le 2 sont présents uniquement chez l'homme et principalement en Asie, ainsi qu'en Afrique. Ils provoquent une
maladie sévère, particulièrement fulgurante chez la femme enceinte, qui peut aboutir au décès. Par contre, le
3 et le 4 semblent plus inoffensifs, les signes cliniques sont bien moins graves. On retrouve le génotype 3 chez
l'homme, essentiellement en Europe et en Amérique du Nord. En Belgique, une étude réalisée en Flandre
(mais sur un échantillon restreint) montre que 14% des personnes étaient infectées.
Fait troublant : ce génotype 3 a aussi été identifié dans les mêmes zones géographiques chez le porc et,
dans une moindre mesure, chez les sangliers et les cervidés. De là à penser qu'il y aurait une dimension
zoonotique, soit une transmission de l'animal à l'homme, il y a un pas… qu'il n'est pas (encore ?) possible
de franchir.
« Que se passe-t-il entre le porc et l'homme ? C'est la question à laquelle nous essayons de répondre depuis
5 ans, en collaboration avec l'ISP, résume Étienne Thiry. Pour l'instant, on ne sait pas exactement si le
virus est d'abord apparu chez l'homme ou chez le suidé ». Le laboratoire liégeois, aidé par un spécialiste
américain, a analysé des données phylogéniques afin d'établir l'arbre généalogique du virus, en partant
des connaissances actuelles pour remonter le plus loin possible dans le temps. Ce ne fut pas simple, car il
appartient à la famille très complexe des Hepeviridae que l'on retrouve aussi bien chez le chameau que les
rongeurs et les chauves-souris. Les chercheurs ont néanmoins réussi à remonter à environ 1 million d'années
pour retrouver un ancêtre commun aux hepevirus de mammifères et d'oiseaux. La dichotomie s'est opérée
par la suite, mais nul ne sait qui du porc ou de l'homme fut le premier infecté.
Une chose est certaine, l'hépatite E de génotype 3 n'épargne pas les porcs. L'équipe liégeoise a effectué
une enquête au sein des exploitations porcines belges, afin de déterminer combien d'animaux sont infectés.
Verdict : 93% des exploitations porcines sont positives et 73% des porcs sont touchés. « On ne s'attendait
pas à une telle prévalence ! Surtout si l'on compare aux 14% de séropositivité chez les hommes selon l'étude
flamande, pointe Étienne Thiry. Du côté des suidés, on retrouve le virus quasiment partout, tandis que du côté
humain l'incidence est faible. Comment ce virus passe-t-il de l'animal à l'homme ? »