UFR Sciences 2, Bvd Lavoisier 49045 ANGERS Cedex 01 Agrocampus Ouest 65 rue de St Brieuc CS 84 215 35042 RENNES Cedex Université de Rennes I 1, 2 rue du Thabor CS 46510 35065 RENNES Cedex IRDA Station Saint Bruno 335, rang des Vingt-Cinq Est Saint-Bruno-de-Montarville J3V 0G7, Qc. Canada Mémoire de fin d’études Master 2 Sciences Technologie Santé Mention Biologie et Technologie du Végétal Spécialité : Production et Technologie du Végétal (ProTeV) Parcours I : Productions Végétales Spécialisées / Option : IA-Produits phytosanitaires, règlementation, méthodes alternatives Année universitaire 2013 - 2014 Etude des populations naturelles de la bactérie Erwinia amylovora et incidence au sein des vergers Québécois Par : Betty ARNAUD Soutenu à Angers le : 11 septembre 2014 Maitre de stage : Vincent PHILION AUTORISATION DE DIFFUSION EN LIGNE §ÉTUDIANT(E) N° étudiant : 20113815 Email : [email protected] Je soussigné(e), Betty Arnaud être l'auteur du document intitulé Etude des populations naturelles de la bactérie Erwinia amylovora et incidence au sein des vergers Québécois, préparé sous la direction de M. Philion Vincent et soutenu le 11 septembre 2014. Je certifie la conformité de la version électronique déposée avec l'exemplaire imprimé remis au jury, certifie que les documents non libres de droits figurant dans mon mémoire seront signalés par mes soins et pourront être retirés de la version qui sera diffusée en ligne par le Service Commun de la Documentation de l'Université d'Angers. Agissant en l'absence de toute contrainte, et sachant que je dispose à tout moment d'un droit de retrait de mes travaux, j'autorise, sans limitation de temps, l'Université d'Angers à les diffuser sur internet dans les conditions suivantes : diffusion immédiate du document en texte intégral diffusion différée du document en texte intégral ; date de mise en ligne : n'autorise pas sa diffusion dans le cadre du protocole de l'Université d'Angers À Angers, le … Signature : §JURY DE SOUTENANCE autorise la diffusion immédiate du document en texte intégral OU autorise la diffusion différée du document en texte intégral ; à compter du : …… en libre-accès OU en accès restreint sous réserve de corrections OU n'autorise pas sa diffusion dans le cadre du protocole de l'Université d'Angers À Angers, le … Nom et Signature du maître de stage: Nom et Signature du président de jury: ENGAGEMENT DE NON PLAGIAT M2 PROTEV 2013-2014 Je, soussigné (e) : Betty Arnaud déclare être pleinement conscient(e) que le plagiat de documents ou d’une partie d’un document publiés sur toutes formes de support, y compris l’internet, constitue une violation des droits d’auteur ainsi qu’une fraude caractérisée. En conséquence, je m’engage à citer toutes les sources que j’ai utilisées pour ce rapport, rédigé au cours de mon master 2 Production et Technologie du Végétal (ProTeV). Je m’engage également à respecter les consignes données pour la rédaction de ce rapport. A : Montréal Signature : Le : 28 Août 2014 Remerciements Je souhaite remercier en premier lieu Monsieur Vincent Philion, chercheur et maitre de stage, pour m’avoir intégrée dans son équipe de phytopathologie à l’IRDA et dans son projet de recherche. Ses connaissances sur l’épidémiologie des maladies associées au pommier et son expertise en phytopathologie et statistiques m’ont beaucoup apporté. Je remercie également Madame Annie Fortin, technicienne de recherche, avec qui j’ai passé beaucoup de temps dans les vergers et au laboratoire. Merci pour ta bonne humeur et ton soutien et qui m’ont accompagné tout au long de ses six mois. Je tiens aussi à remercier Monsieur Valentin Joubert, technicien en phytopathologie, pour ses connaissances et sa disponibilité. Je n’ai malheureusement pas pu faire partie des stagiaires que tu encadrais mais tu as tout mon respect. Merci à Monsieur Alexandre Leca, post-doctorant, pour ta disponibilité et tes conseils concernant le rapport de stage. Merci pour le WE au parc du Mont Orford, le maïs et les chamallows grillés sous les lueurs des lucioles, et les quelques soirées montréalaises ! Je n’oublie pas de remercier Madame Katie Roseberry, technicienne de laboratoire en chef, et son fabuleux rire tellement communicatif. Ta douceur et ta gaieté vont me manquer. Un grand merci à toute l’équipe des stagiaires, Cédric Berne, Adrien Le Lay, Bastien Boissonnier, Vincent Lusson, Carole Halgand, Anne Boitel et tous les autres étudiants québécois pour tous ces moments passés ensemble. On se souviendra du voyage à NYC ;) Merci également à tout personnel de l’IRDA, ouvriers, techniciens, professionnels de recherche et chercheurs pour l’ambiance du centre, merci d’avoir participé à mon passage à l’IRDA et au Canada. Je remercie Monsieur Tristan Bourreau, enseignant chercheur à l’INRA et tuteur, pour m’avoir apporté ses remarques pertinentes qui m’ont bien aidé à la rédaction de ce rapport de stage. Et pour finir, un grand merci à toute ma famille et mes amis pour leur soutien et leur encouragement dans ce fabuleux voyage. Merci à Youyou pour avoir partagé quelques moment au Canada, et merci à tous ceux qui m’ont rendu visite Liste des abréviations AIC : Akaike Information Criterion AUC : Area Under the Curve CIPRA : Centre Informatique de Prévision des Ravageurs en Agriculture CFU ou UFC : Colony-forming unit (anglais) ou unité formant colonie (français). DJ : degrés-jours FPPQ : Fédération des Producteurs de Pommes du Québec IRDA : Institut de Recherche de Développement en Agroenvironnement PFI : Production Fruitière intégrée qPCR : quantitative Real-time Polymerase Chain Reaction ROC : Receiver Operating Characteristic °C : degré Celsius L : litre % : pourcent mL : millilitre h : heure g : gramme kHz : kilohertz g/L : gramme par litre kPa : kilo Pascal µL/L : microlitre par litre vol/vol : volume-volume µm : micromètre mm : millimètre nm : nanomètre DO600nm : densité optique mesurée à 600 nm Liste des Illustrations Figures Figure 1 : Figure 2 : Figure 3 : Figure 4 : Figure 5 : Figure 6 : Figure 7 : Figure 8 : Figure 9 : Figure 10 : Figure 11 : Figure 12 : Figure 13 : Figure 14 : Figure 15 : Figure 16 : Figure 17 : Figure 18 : Figure 19 : Figure 20 : Figure 21 : Figure 22 : Figure 23 : Cellule virulente d'E. amylovora avec flagelles péritriches abondants Morphologie typique de colonies d’Erwinia amylovora Cycle infectieux du feu bactérien Coupe longitudinale d’une fleur de pommier (6x) Flétrissement des feuilles dû à la brulure bactérienne Rameaux flétris et courbés en forme de canne Différentes courbes ROC Carte des différentes régions échantillonnées Graphique prévisionnel RimPro-Erwinia 2014 Stades phénologiques prévisionnels obtenus à l'aide du logiciel CIPRA Photo du pliage de filtre de nitrocellulose Prédiction d’infection et d’apparition des symptômes par le logiciel RimPro-Erwinia, pour l’année 2012 Prédiction d’infection et d’apparition des symptômes par le logiciel RimPro-Erwinia, pour l’année 2013 Evolution de l‘état d'avancement de la floraison en fonction du temps, pour les différents vergers échantillonnés Fleurs de pommiers et différents stades de maturation des pistils Evolution du taux de pistils verts au sein des fleurs ouvertes Distribution de la maladie au sein de toutes les parcelles observées et échantillonnées Distribution des populations détectées dans les fleurs au sein des parcelles Courbes ROC pour chaque date de collecte à différentes échelles de mesure Distribution des populations détectées dans les momies au sein les parcelles Courbes ROC à l’échelle de la parcelle pour les échantillons de momies Courbes ROC à l’échelle du verger et de la ville, à l’ordre 2, pour les échantillons de momies Evolution des populations détectées en 2012 lors des 3 collectes Tableaux Tableau I : Tableau II : Tableau III : Tableau IV : Tableau V : Tableau VI : Tableau VII : Tableau VIII : Tableau IX : Tableau X : Tableau XI : Classification des principaux cultivars et porte-greffes en fonction de leur sensibilité au feu bactérien Vergers échantillonnés Concentrations bactériennes inoculées sur fleurs pour l’incubation Concentration des différents points de la gamme standard (cfu/µl) Dates d’infection et d’apparition des symptômes prédits par CIPRA Formules des modèles de développement des pistils en fonction des DJ et de l’altitude Formules des modèles de développement des pistils en fonction des DJ en base 8°C et autres paramètres Dates d’échantillonnage des fleurs effectuées Tableau de contingence entre les symptômes observés et les bactéries détectées Stades phénologiques des fleurs lors des échantillonnages et infection correspondante Résultats du préliminaire incubation Table des matières I. Introduction et contexte de l’étude ............................................................................................................... 1 1. Le feu bactérien : une maladie sporadique ............................................................................................... 1 1.1. Biologie et croissance de la bactérie Erwinia amylovora .................................................................. 1 1.2. Epidémiologie du feu bactérien ........................................................................................................ 2 1.3. Stratégie de lutte contre le feu bactérien ......................................................................................... 4 1.4. Prédire la maladie : les modèles de prévisions du feu bactérien ...................................................... 7 1.5. Receiver Operating Characteristic (ROC) : principes et objectifs ............................................................ 8 2. II. Problématique : contexte et objectifs ....................................................................................................... 9 Matériel et méthodes................................................................................................................................... 10 1. Récolte des échantillons ............................................................................................................................... 10 1.1. Situation géographique ......................................................................................................................... 10 1.2. Prévision des stades d’intervention pour l’échantillonnage ................................................................. 10 1.3. Echantillonnage du matériel végétal ..................................................................................................... 11 1.4. Notations phénologiques et modèle de développement...................................................................... 11 2. Quantification de E. amylovora par qPCR ..................................................................................................... 12 2. 1. Pesée des échantillons et sonication .................................................................................................... 12 2.2. Concentration des échantillons de momies et fleurs ............................................................................ 12 2.3. Pré-test incubation ................................................................................................................................ 12 2. 4. Quantification de E. amylovora par qPCR technologie Taqman ........................................................... 13 3. Evaluation des symptômes ........................................................................................................................... 14 III. Résultats................................................................................................................................................... 14 1. Echantillonnage et observations des fleurs .................................................................................................. 14 1.1. Prévision des stades d’intervention pour l’échantillonnage ................................................................. 14 1.2. Phénologie des fleurs et relation avec l’infection par modélisation des pistils .................................... 15 2. Evaluation des symptômes et relation avec les populations détectées dans les fleurs ............................... 16 2.1. Distribution des populations ................................................................................................................. 16 2.2. Analyse Receiver Operating Characteristic (ROC) ................................................................................. 17 3. Tests en vue de l’amélioration du diagnostic ............................................................................................... 18 3.1. Incubation de fleurs : préliminaire ........................................................................................................ 18 3.2. Analyse qPCR des momies ..................................................................................................................... 19 IV. Discussion ................................................................................................................................................ 19 V. Conclusion et perspectives ........................................................................................................................... 24 VI. Bibliographie ............................................................................................................................................ 25 I. Introduction et contexte de l’étude La province du Québec compte actuellement près de 550 pomiculteurs répartis sur le territoire (FPPQ, 2014), permettant à la pomme et ses produits transformés d’être des éléments phares de l’économie québécoise. En effet, le Canada est l'un des plus grands producteurs et exportateurs de produits agricoles dans le monde. La production de pommes représente environ 10% de cette industrie au Canada, avec des ventes pouvant se chiffrer à 191,3 millions de dollars en 2012 (Le Quotidien, 2013). Ce chiffre est cependant largement réduit en raison de la perte des cultures par les aléas climatiques et les maladies. Ainsi, la filière est appuyée par divers organismes, comme l’IRDA (Institut de Recherche et Développement en Agroenvironnement), qui a pour mission de réaliser des activités de recherche, de développement et de transfert en agroenvironnement visant à favoriser l’innovation en agriculture, dans une perspective de développement durable. L’équipe de Phytopathologie en pomiculture du centre de Saint-Bruno-de-Montarville dirigée par Vincent Philion, dans laquelle j’ai pu effectuer ce stage, travaille en étroite relation avec les producteurs de pommes locaux. En effet, elle cherche à améliorer les modèles de prévisions des maladies d’importance économique au Québec (tavelure et feu bactérien). En effet, comme beaucoup de plantes cultivées, les pommiers sont sujets à de nombreuses maladies (tavelure, feu bactérien, alternariose, oïdium, chancres, pourriture, rouilles, virus) et ravageurs (mammifères, nématodes, acariens, cécidomyies, chrysopes, punaises, syrphes, thrips) (Chouinard et al., 2014). Parmi ceux-ci, le feu bactérien est une maladie sporadique d’importance dans les vergers au Canada, et l'une des maladies les plus dévastatrices de pommiers dans le monde. En effet, dans des conditions climatiques optimales, le feu bactérien peut détruire la totalité d'un verger en une seule saison de croissance, ce qui peut être économiquement destructeur pour l'industrie (Lightner et Steiner, 1992 ; Gianessi et al., 2002) et engendrer des pertes financières non négligeables pour les producteurs. La perte annuelle due au feu bactérien est d'environ 5% du total de la production, qui est évalué à 35,6 millions de dollars (Canadian Horticultural Council’s Apple Working Group, 2005) 1. Le feu bactérien : une maladie sporadique 1.1. Biologie et croissance de la bactérie Erwinia amylovora Le feu bactérien est une maladie provoquée par la bactérie Gram négative Erwinia amylovora, appartenant à la famille des Enterobacteriaceae (Van der Zwet et Keil, 1979 ; Vanneste, 2000). Elle s’attaque à une gamme assez élargie de plantes hôtes de la famille des Rosaceae (environ 200 espèces appartenant à 40 genres), dont toutes les espèces de la sous-famille des Maloideae, comprenant le pommier (Malus x domestica), et le poirier (Pyrus communis), avec différentes sévérités de symptômes (Momol et Aldwinckle, 2000). E. amylovora possède un large spectre d’hôte et peut passer l’hiver dans certaines régions à l’intérieur de plantes n’étant pas des hôtes économiquement importants : les plantes réservoir (Momol et Aldwinckle, 2000). Les espèces hôtes Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 1 Figure 2 : Morphologie typique de colonies d’ Erwinia amylovora A : milieu King B; B : milieu levane ; C : milieu CCT (source : Agriréseau) Figure 1 : Cellule virulente d'E. amylovora avec flagelles péritriches abondants Observation au microscope électronique (18 000 x) (Van der Zwet et al., 2012) Population endophyte des bourgeons ou arbres Infection des fleurs par les étamines et autres parties de la fleur Printemps Infection directe des fleurs L’exsudat et la bactérie sont disséminés par les insectes, le vent et la pluie Dissémination par la pluie Abeilles et autres pollinisateurs dispersent la bactérie vers fleurs et feuilles Multiplication épiphyte sur les stigmates Eté Populations bactériennes faibles déposées sur stigmates, multiplication, dispertion par la pluie aux autres fleurs Progression des infections florales pour produire des chancres Extension des chancres au printemps Les chancres se développent sur les branches et fournissent un site pour la survie hivernale de l'agent pathogène Exsudat propagé par pluie, insectes, aérosols et oiseaux Infections des tiges L’exsudat et aérosols fournissent l’inoculum Infection des fruits immatures Infection des fleurs secondaires A la fin de l'été ou à l'automne, l'infection des tiges donne souvent lieu à des chancres indéterminés Automne Hiver Dans la plante A l’extérieur de la plante Figure 3 : Cycle infectieux du feu bactérien (Vanneste, 2000, modifié) les plus connues au niveau des latitudes du Québec, servant de réservoir à la bactérie, incluent des plantes cultivées, ornementales et forestières : amélanchier (Amelanchier), aubépine (Crataegus), aronie noire (Aronia), buisson ardent (Pyracantha), cognassier (Cydonia), cotonéaster (Cotoneaster), pommier (Malus), poirier (Pyrus) et cormier (Sorbus) (Van der Zwet et Keil, 1979 ; Van der Zwet et al., 2012 ; Philion, 2014). Les bactéries Erwinia amylovora mesurent environ 1,6 µm de longueur pour 0,8 µm de largeur, et apparaissent sous la forme de bâtonnets aux extrémités arrondies et mobiles au moyen de plusieurs flagelles péritriches (Figure 1) (Van der Zwet et al., 2012). La bactérie peut être isolée depuis des extraits végétaux sur un milieu de culture différentiel, le milieu CCT, sur lequel sa croissance est optimale à 27°C pendant 3 jours. Les colonies obtenues sont plutôt grandes (4 à 7 mm de diamètre), lisses, de forme convexe avec une coloration bleutée et diffuse (Ishimaru et Klos, 1984). La bactérie Erwinia peut être identifiée à l'aide de méthodes biochimiques (galerie API 20E) et moléculaires (amplification d’ARN 16S) (Agriréseau, 2014). Une fois identifiée, elle peut être mise en culture pure sur un milieu King B (King’s et al. Medium B agar) (King et al., 1954, in Agriréseau, 2014), sur lequel on peut observer de petites colonies blanches de 1 mm de diamètre, rondes et lisses, après 72h de croissance à 21°C (Figure 2) (Agriréseau, 2014). Ce dernier est le milieu de croissance utilisé au laboratoire de l’IRDA, pour l’isolement et le repiquage de la bactérie Erwinia amylovora, maintenue pure en bouillon de conservation. En effet, l’utilisation du milieu CCT est conseillée pour des échantillons suspectés contenir des saprophytes ou une faible contamination (LNPV, 2005). 1.2. Epidémiologie du feu bactérien Le cycle épidémiologique dans les vergers commence au printemps. Il est caractérisé par deux phases d’inoculation : primaire et secondaires, permettant à la bactérie de suivre un processus de contamination et des mouvements systémiques lors de son cycle infectieux (Figure 3). 1.2.1. Sources de l’inoculum primaire Les bactéries peuvent survivre l’hiver dans les tissus vivants de l’écorce, près des chancres qui servent d’inoculum pour le printemps suivant, qui, infectés, produisent un exsudat ambré (Figure 4) composé de bactéries viables. La dispersion s’effectue alors en direction des fleurs ouvertes (Van der Zwet et Keil, 1979 ; Thomson, 2000 ; Philion, 2014). D’autres sources peuvent être responsables de l’infection primaire comme la pluie, par le biais d’éclaboussures depuis l’exsudat vers les fleurs, les feuilles, ou éventuellement les apex (Thomson, 2000). Les plantes réservoirs jouent également un rôle de réserve d’inoculum de la bactérie pendant l’hiver. Les hôtes réservoir à proximité des pépinières et vergers de pommiers ou de poirier doivent être éliminés dès que possible. Ces hôtes réservoir sont particulièrement dangereux si leur floraison précède la culture mise en place. En effet, l’inoculum peut infecter ensuite les fleurs de la culture mise en place (Momol et Aldwinckle, 2000). Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 2 1.2.2. Dissémination et inoculum secondaire Quand le stade de débourrement des pommiers intervient, la population résidente sur les chancres augmente graduellement, et ce jusqu’à la floraison, période avant laquelle il y a peu de risque d’infection des arbres. Les bactéries peuvent alors être disséminées dans le verger, voire dans les vergers alentours. Majoritairement, ce sont la pluie et les insectes qui seraient responsables de la dissémination des bactéries : la pluie agit de la même manière que pour l’inoculum primaire (éclaboussures), et différents insectes attirés par l’exsudat bactérien émanant des chancres peuvent transporter les bactéries à la surface de ces derniers sur les pommiers proches, ou directement sur les fleurs, comme les diptères. Par ailleurs, les abeilles parcourant de nombreux kilomètres dans la journée pour alimenter leur ruche, récoltent le pollen sur les étamines qui peut alors contenir des bactéries, susceptibles d’être disséminées aux fleurs suivantes (Van der Zwet et Keil, 1979 ; Thomson, 2000 ; Philion, 2014). La bactérie peut survivre dans les ruches pendant plusieurs semaines, mais il est peu probable qu’elles retournent dans les fleurs après dépôt du pollen dans les ruches (Thomson, 2000). Les oiseaux seraient aussi responsables d’une petite partie de la dissémination de la maladie au sein du verger (Thomson, 2000). Par tous ces aspects, l’arrivée du pathogène sur les fleurs permet ensuite une multiplication et la dispersion aux autres fleurs rapidement. Par ailleurs, les petits fruits rabougris qui restent souvent attachés à l’arbre (selon les variétés), appelés momies, seraient infectés. Ils ne présentent généralement pas de suintement ou de libération des bactéries au printemps (Thomson, 2000), mais il est possible que ces momies aient un rôle important à jouer dans le début de la dispersion du pathogène. Des essais de détection de bactéries dans les momies permettraient d’évaluer le risque de feu bactérien à un stade très précoce avant la période de floraison, en détectant des bactéries qui seraient restées prises au piège à l’intérieur pendant la saison morte (Vögele et al., 2010). Néanmoins, ce chemin reste à approfondir et la question reste encore de savoir si les momies participent réellement à l’épidémiologie du feu bactérien. Les fruits matures ne sont quant à eux pas impliqués dans la dissémination de la maladie, la bactérie meurt en un temps très court si elle est présente à la surface du fruit (Anderson, 1952, in Thomson, 2000). La bactérie n’est pas retrouvée sur les fruits à la récolte car sa croissance est épiphyte au niveau de la surface des stigmates des fleurs, dans lesquels elle est protégée (Hale et al., 1987, in Thomson, 2000). 1.2.3. Conditions d’infection des fleurs et colonisation La bactérie entre dans la fleur par les ouvertures naturelles ou les blessures et commence à se multiplier dans les espaces intercellulaires (Thomson, 2000). En effet, l’infection a lieu au moment de la floraison, quand les fleurs sont ouvertes. Des températures chaudes dans les premiers jours suivant l’ouverture de la fleur sont favorables au développement d’une population élevée à la surface du stigmate, au sommet du pistil. La bactérie peut alors se multiplier sur le pistil encore de couleur verte (Thomson et Gouk, 2003 ; Pusey et Smith, 2008). La température est une variable Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 3 Figure 4 : Coupe longitudinale d’une fleur de pommier (6x) (UC Davis, 2012, modifié) Le cercle en rouge indique la région où se situent les glandes à nectar La flèche en vert indique le chemin emprunté par la bactérie lors de l’infection Figure 5 : Flétrissement des feuilles dû à la brulure bactérienne (Source : IRDA) Figure 6 : Rameaux flétris et courbés en forme de canne (Source : IRDA) importante à prendre en compte car elle affecte la propagation de l’agent de lutte biologique d’une fleur à l'autre (Johnson et al., 2000). Puis, une fine humectation naturelle (rosée, pluie légère) permet le transport des bactéries jusqu’aux ouvertures des glandes à nectar au fond de la corolle (Figure 4) (Philion, 2014). Par ailleurs, lors de la croissance végétative au printemps, les bactéries présentes dans les bordures de chancres peuvent se développer et de manière systémique infecter les nouvelles pousses à proximité (Philion, 2014). Les chancres à bordure indéterminée restent plus actifs pendant une période relativement courte au cours de la saison de croissance que les chancres à bordure déterminée qui comportent moins d’inoculum (Beer et Norelli, 1977). En outre, après l’infection par les fleurs, la bactérie envahit les vaisseaux et peut être transportée jusqu’au porte-greffe, qui est alors infecté (Philion, 2014). L’infection est d’autant plus à risque si les variétés cultivées sont sensibles au feu bactérien, s’il y a présence de bactéries locales ayant passé l’hiver sur d’autres espèces de plantes réservoir (et dissémination par les abeilles) et présence d’exsudat. Mais des températures chaudes ainsi qu’une humectation sont nécessaires à l’infection, qui ne peut avoir lieu que lorsque la population bactérienne est suffisamment importante, soit d’au moins 10 000 bactéries par fleur. Néanmoins, plus la fleur est âgée, plus les risques d’infection diminuent (Philion, 2014). 1.2.4. Symptômes Les symptômes provoqués par le feu bactérien peuvent être observés sur différentes parties de l’arbre, mais les premières expressions de symptômes sont tout d’abord caractérisées par des gouttelettes suintantes puis d’un exsudat sur les pédicelles des fleurs. L’infection progresse ensuite vers le bas du pédicelle et dans toutes les fleurs d’un bouquet (Thomson, 2000). Tout d’abord, la bactérie infecte les fleurs, qui se fanent, puis flétrissent et brunissent. Les pédoncules peuvent également apparaître imbibés d'eau, deviennent vert foncé, et enfin brun ou noir, parfois avec des gouttelettes suintantes d'exsudat bactérien (EPPO, 2013). Les bouquets floraux et les feuilles se flétrissent et se dessèchent pour ensuite prendre une texture ressemblant à du cuir (Figure 5) (EPPO, 2013 ; Philion, 2014) Puis, la bactérie se propage à l’arbre et les symptômes les plus typiques sont alors visibles sur les jeunes rameaux en pleine croissance, qui une fois atteints se flétrissent et se courbent en forme de canne à leur extrémité (Figure 6). Souvent, et suivant les variétés, des fruits immatures se momifient et restent attachés à l’arbre toute la saison, et l’hiver suivant l’infection (Philion, 2014; EPPO, 2013). Une infestation par le feu bactérien peut aller jusqu’à la destruction complète d’un verger, si des moyens de lutte efficaces et pertinents ne sont pas mis en place. 1.3. Stratégie de lutte contre le feu bactérien Différents types de lutte sont envisageables pour lutter contre le feu bactérien en verger de pommiers. Il n’existe pas de traitement curatif et peu de produits préventifs sont disponibles actuellement sur le marché. Une lutte efficace contre le feu bactérien commence d’abord par une Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 4 Tableau I : Classification des principaux cultivars et porte-greffes en fonction de leur sensibilité au feu bactérien (Philion, 2014) bonne conduite de culture annuelle. Si les méthodes employées ne suffisent pas, il est encore possible d’utiliser des méthodes de traitement biologique à base de cuivre en préventif, ou à base d’autres bactéries ou levures antagonistes dès la floraison, mais plus communément à l’aide d’antibiotiques. Ces derniers sont les plus facilement utilisés dans les pays où ils sont autorisés, car ils restent les plus efficaces contre les maladies bactériennes, et demandent un moindre cout énergétique humain. 1.3.1. Choix des portes greffes et cultivars Dans le cas de l’implantation d’un nouveau verger, ou bien pour remplacer un arbre mort ou arraché volontairement, il est judicieux de choisir des cultivars résistants au feu bactérien répondant à une certaine acceptabilité commerciale, ainsi que des porte greffes permettant une bonne conduite de production. L’infection du porte-greffe peut avoir lieu dès l’apparition des premiers symptômes et peut être liée à la phase de mortalité de l’arbre, la plus destructrice. Ainsi, certains porte-greffes sont plus résistants que d’autres au feu bactérien : Budagovsky 9 (ou B9, ou BUD-9) ou bien les porte-greffes de la série Geneva (G41, G935 et G30) (Philion, 2014 ; AGyours, 2014). Concernant les greffons, certaines variétés semblent être plus résistantes également au feu bactérien. Les variétés telles que McIntosh, Liberty, Empire, McFee ou Délicieuse sont des cultivars moins sensibles au feu bactérien. En outre, il est préférable d’associer un cultivar qui soit le moins sensible possible avec un porte-greffe résistant afin de réduire au maximum les risques de feu bactérien (Tableau I). Néanmoins, certaines variétés les moins sensibles au feu bactérien peuvent être moins attrayantes pour les consommateurs (qualité gustative et visuelle, gabarit des fruits) mais économiquement intéressante pour les producteurs. C’est le cas de la variété Liberty, moins sensible à cette maladie que la variété Gala (Philion, 2014). 1.3.2. Lutte culturale … Plusieurs possibilités s’offrent au producteur pour limiter les pertes dues au feu bactérien : l’élimination des chancres peut être réalisée avant la saison printanière en éliminant les foyers par curetage dans le bois sain, ou en éliminant la branche porteuse. Puis dès l’apparition des symptômes, il faut éliminer rapidement les foyers d’infection pour limiter la propagation de la maladie, en coupant les pousses au moins 30 à 40 cm en amont des symptômes, éventuellement à l’aide de sécateurs stériles. Il existe des risques de contagion par les outils qui peuvent être réduits en les utilisant dans du bois sain et par temps sec. Les branches coupées sont ensuite jetées au centre des rangs puis fauchées. (Philion, 2014 ; AGyours, 2014). 1.3.3. … et préventive Un traitement au cuivre (oxychlorure de cuivre) permet de diminuer la population bactérienne dans les chancres, et peut agir en préventif. Ce traitement est en général effectué juste après le débourrement mais pas plus tard afin d’éviter tout risque de phytotoxicité (Philion, 2014; AGyours, 2014). Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 5 En outre, la levure noire Aureobasidium pullulans, présente naturellement et de manière épiphyte sur le pommier, a été sélectionnée pour son efficacité sur différentes maladies du pommier, comme le feu bactérien. Elle existe sous la forme commerciale BLOSSOM PROTECT®, comme alternative à la lutte antibiotique. Elle peut éventuellement causer une roussissure des fruits au-delà de 2 traitements par an. (Philion, 2014). De nouveaux biopesticides ont été homologués au Canada pour la lutte contre le feu bactérien dans les vergers de pommes et de poires. Il s’agit de trois bactéries antagonistes : Pseudomonas fluorescens (BLIGHTBAN®), Pantoea agglomerans (BLIGHTBAN® et BLOOMTIME®) et Bacillus subtilis (SERENADE®). Ces bactéries agissent contre le développement du feu bactérien par compétition pour l'espace et les nutriments, et par production de substances antibactériennes naturelles (pantocines). Pour être efficaces, les bactéries antagonistes doivent être appliquées sur les fleurs avant l’arrivée de la bactérie pathogène. Cette stratégie n’est pas aussi efficace qu’un simple traitement antibiotique bien ciblé. Il est possible d’augmenter l’efficacité des bactéries antagonistes dans une stratégie combinée avec la streptomycine (Philion, 2014). En effet, il ne semble pas y avoir d’interaction entre l’antibiotique et les bactéries antagonistes : par exemple, la croissance de Pantoea agglomerans n’est pas affectée par des traitements à la streptomycine (Johnson et al., 2000). 1.3.4. Antibiotiques et problèmes de résistances associés Les producteurs peuvent également avoir recours à des traitements aux antibiotiques pendant la floraison. Cependant, l’utilisation d’antibiotiques pour lutter contre les maladies des plantes n’est permise que dans certains pays. Cela pour plusieurs raisons : éthique, image industrielle, ou apparition de populations résistantes. Au Canada, deux antibiotiques sont autorisés pour lutter contre la maladie du feu bactérien : la streptomycine et la kasugamycine. (Philion, 2014). La streptomycine (sulfate de streptomycine) est commercialisée aux USA, Canada et en Nouvelle Zélande depuis les années 1950 pour contrôler le feu bactérien et d’autres maladies bactériennes des plantes. Néanmoins plusieurs cas de résistances à cet antibiotique ont été relevés dans l’ouest (Californie) et le Midwest des Etats-Unis, plus précisément dans le Michigan ou l’Illinois (Chiou et Jones, 1993 ; Mc Ghee et al., 2010 ; Jurgens et Babadoost, 2013), ou bien récemment dans l’Etat de New York (Russo et al., 2008), ou encore au Mexique (de Léon Door et al., 2013). Afin de garder les vergers protégés malgré ces cas de résistance, la kasugamycine a été récemment homologuée en Juin 2013 comme nouvel antibiotique. Sous le nom de Kasugamycin ou Kasumin 2L , elle est efficace contre la « répression des maladies bactériennes qui se développent [...], sur les arbres cultivés » (Santé Canada, 2013). Néanmoins, ces antibiotiques ne doivent jamais être appliqués dans les vergers où les symptômes sont déjà présents. En effet, les antibiotiques ne sont pas assez systémiques et ne sont donc pas suffisamment efficaces en traitement curatif. En outre, une application dès l’apparition des symptômes serait source de sélection de bactéries résistantes à ces antibiotiques (Philion, 2014). Il faut donc choisir le moment opportun pour l’utilisation du type de traitement. Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 6 1.4. Prédire la maladie : les modèles de prévisions du feu bactérien Beaucoup d'infections bactériennes se produisent lorsque les conditions météorologiques favorables (température adéquate et humidité) sont réunies pendant la période de la floraison. Alors, des applications en temps opportun d'antibiotiques ou autres agents de lutte biologique pendant cette période peuvent réduire considérablement la gravité de la maladie. Par conséquent, un certain nombre de systèmes de prévision ont été développés pour aider à prévoir les flambées de maladies en fonction de ces critères. Il existe différents modèles de prévision du feu bactérien : MaryblytTM, Cougarblight et Rimpro-Erwinia. Les trois utilisent les données météo et la phénologie de la pomme ou de la poire pour générer des prévisions d'infection (Dewdney et al., 2007). Le modèle MaryblytTM est un modèle de prévision du feu bactérien développé à l'Université du Maryland et utilisé depuis 1989, défini par des sous-modèles distincts pour les différentes phases de la maladie (chancre bactérien, la brûlure des fleurs, la brûlure des pousses, et les traumatismes bactérien) et prévoit deux types d’événements d'infection et l'apparition des symptômes en utilisant un système de calcul des degrés-jours et des valeurs de degrés-heure (Lightner et Steiner, 1992). Le modèle Cougarblight utilise quant à lui également les données météo et la phénologie, mais seulement pour prédire l'infection des fleurs par E. amylovora. Ce modèle a été développé dans l'État de Washington, car il a été constaté que d'autres modèles donnaient de mauvais résultats dans le Pacifique Nord-Ouest (Smith, 1999), et il comporte une troisième variable, l'histoire du feu bactérien d'un verger, utilisé comme un indicateur de pression d'inoculum (Smith, 2002). Néanmoins, le logiciel RimProErwinia utilisé par l’IRDA permet de simuler des processus individuels : à la fois la croissance bactérienne et la possibilité d'infection quotidienne sur chaque cohorte de fleurs. Il calcule la croissance des bactéries épiphytes, basée sur un modèle non linéaire qui tient compte de la croissance à basse température, et la prédiction de l’infection de la fleur est basée sur la taille des populations pendant des événements d'humidité. Les cohortes de fleurs ne répondant pas aux critères de colonisation et d'infection sont éliminées des calculs. Les données préliminaires recueillies depuis 2007 indiquent que cette approche améliore la prévision de la brûlure par rapport aux modèles Cougarblight et MaryblytTM (Philion et Trapman, 2011). De même pour les autres modèles RimPro, la simulation est conçue pour suivre en temps réel chaque processus de l'ouverture des fleurs, la colonisation, l'infection et l'expression de la maladie (Trapman, 1994 ; Philion et al., 2009 ; Philion et Trapman, 2011). Néanmoins, ces modèles de prévisions comportent certaines erreurs souvent dues aux réseaux de données météorologiques régionales qui reflètent mal les événements localisés (Philion et Trapman, 2011). En effet, il est possible que les modèles de prévision puissent générer des alertes de faux positifs, causées par une pression de l'inoculum dans les vergers non suffisante pour causer la maladie (Johnson et Stockwell, 1998). Les modèles peuvent ainsi surestimer la croissance de l'agent pathogène. Inversement, les modèles peuvent également générer des prévisions de faux négatifs (ne pas prévoir d’infection) dans des conditions considérées comme marginales pour la croissance bactérienne ou lorsque des événements d’humectation localisées peuvent ne pas être enregistrées correctement. Ces erreurs peuvent affecter les choix dans la gestion de la maladie par le producteur : la prévision d’un faux négatif peut avoir un impact financier énorme, pour un certain nombre d'années après l'événement. Les producteurs peuvent alors ne plus suivre les Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 7 Figure 7: Différentes courbes ROC A : test sans intérêt; B : mauvais test diagnostic; C : test meilleur que B; D : bon test diagnostique (Saporta, 2012) recommandations après quelques années de pulvérisations inutiles et éventuellement mettre à nouveau leur verger à risque (Philion et Trapman, 2011). Par conséquent, perfectionner ces modèles de prévisions semble essentiel pour permettre aux producteurs d'améliorer la gestion de leurs risques. En effet, un événement unique d’infection peut se produire en quelques heures, mais lorsque les symptômes apparaissent enfin une semaine ou un mois plus tard, il y a peu de possibilités pour ralentir la progression de l'épidémie. Ainsi, la seule stratégie de contrôle pratique est de prendre des mesures efficaces avant que les infections ne se produisent. L’infection se produit par le biais des fleurs, et la bactérie se multiplie sur la surface des stigmates des jeunes pistils verts, puis migre en direction des nectaires, grâce à une humectation (voir chapitre I.1.2.3.). Ainsi, simuler un nouveau processus individuel, comme l’évolution du taux de pistils verts permettrai d’affiner le modèle de prévision RimPro-Erwinia. 1.5. Receiver Operating Characteristic (ROC) : principes et objectifs Les prévisions d’infection requièrent une attention particulière dans le but d’améliorer la qualité du diagnostic. En effet, on cherche à mesurer la qualité des informations permettant de générer des décisions de manière significative. Pour cela, un diagnostic doit être précis. Ainsi, les concepts de la «sensibilité» et «spécificité» d'un test diagnostique permettent de définir cette précision (Metz, 1978). L'analyse de la sensibilité et de la spécificité établies par les courbes ROC permet d’étudier un phénomène binaire (présence ou absence de maladie). En effet, on souhaite mettre au point un test permettant de prédire efficacement la survenue d’un événement précis (apparition de la maladie). Si le test est de nature quantitative (concentration en bactéries), on cherche à déterminer à partir de quelle concentration on peut considérer l'individu comme malade. Les courbes ROC et les indices calculés dans le cadre de cette méthode aident à prendre la bonne décision (Xlstats, 2014). Graphiquement, la courbe ROC représente la sensibilité en fonction de la spécificité, soit le taux de vrais positifs (fraction des positifs qui sont détectés) en fonction du taux de faux positifs (fraction des négatifs qui sont détectés) (Figure 7). Pour pouvoir déterminer la validité d'un test diagnostique quantitatif, il est nécessaire de calculer l’aire sous la courbe ROC, l’AUC (Area Under the Curve). L’analyse par courbe ROC a été largement utilisée dans la littérature médicale comme un moyen d'évaluer la performance des tests diagnostiques à la fois en chimie clinique et en radiologie (Metz, 1978 ; Dewdney et al., 2007). Elle est appliquée depuis récemment pour les maladies des plantes et pour comparer les modèles prévisionnels (Dewdney et al., 2007). Dans le cas d’un diagnostic en santé humaine, celle-ci informe sur la probabilité que le résultat du test, face à deux personnes (une malade et une saine), permette de poser le diagnostic correct. Ainsi, quand le test est parfaitement discriminant, la surface sous la courbe (AUC) vaut 1. Cela signifie donc que, face à deux personnes (une malade et l'autre non), le test permet de distinguer dans 100% des cas la personne malade de celle qui ne l'est pas (Webapps, 2014). On cherche alors à déterminer à partir de quelle concentration on peut considérer l'individu comme malade, par le biais d’un seuil (Metz, 1978). Ce type d’analyse peut alors être appliqué dans le cas d’un diagnostic de maladie affectant les végétaux, comme pour le cas de la brûlure bactérienne sur pommier (Dewdney et al., 2007). Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 8 2. Problématique : contexte et objectifs Un financement a été obtenu en 2012, pour un projet de détection de la bactérie E. amylovora au sein des vergers québécois, se déroulant sur quatre années jusqu’en 2015. L’objectif est de déterminer si un échantillonnage réaliste et abordable de la bactérie en verger permettrait d’améliorer significativement les prévisions de la maladie. En outre, ce programme s’insère dans une démarche de Production fruitière Intégrée (PFI), apparue au début des années 1990 en Europe et se développant peu à peu aux Etats Unis et au Canada. Il s’agit d’un concept de prévention qui vise la protection des pommiers en prenant en considération toutes les étapes de la production depuis l’implantation du verger et jusqu’à la récolte des fruits. Au Québec, l’IRDA et la FPPQ (Fédération des Producteurs de Pommes du Québec) sont très actifs sur la réalisation de cette approche chez les producteurs. L’intérêt est de pouvoir prévenir les pomiculteurs québécois des risques liés au feu bactérien avant la floraison, afin de réduire l’impact sur leur récolte dans leurs vergers. Pour cela, les modèles prévisionnels actuels, tel que RimPro, aujourd’hui largement utilisé pour prévenir les risques de tavelure mais aussi de feu bactérien plus récemment, restent très performants pour identifier les risques d’infection (Philion et Trapman, 2011). Cependant, les modèles émettent des prévisions de risques souvent trop élevés alors qu’aucun symptôme ne se développe. Il est possible que tous les facteurs ne soient pas pris en compte, comme la présence ponctuelle de l’agent pathogène dans le verger, ou la sensibilité du cultivar utilisé. Ainsi, il est nécessaire d’établir un système de détection des bactéries plus efficace à l’échelle du verger, pour permettre aux producteurs de lutter plus efficacement contre le feu bactérien. En effet, les relations existantes entre les populations bactériennes quantifiables dans les fleurs et les symptômes occasionnés ne sont pas encore toutes élucidées, et il en est de même concernant le rôle de certaines parties de l’arbre, comme les fruits momifiés présents dans l’arrière-saison, ou encore au niveau de l’exactitude du mécanisme de dispersion de l’inoculum. Ainsi, quelles relations existent entre populations bactériennes de l’agent pathogène E. amylovora détectées et les symptômes présents dans les vergers ? L’hypothèse posée est qu’un échantillonnage réaliste et abordable permet de détecter la présence de la bactérie au verger en amont de l’infection. Les bactéries seraient détectables au sein des bouquets floraux et momies pour une quantité minimale de bactéries nécessaire à l’apparition des symptômes. Tester cette hypothèse nécessite (i) de récolter différents échantillons (momies, fleurs) dans plusieurs vergers et (ii) d’évaluer la sévérité de la maladie en champ. Les populations seront (iii) quantifiées à partir des différents échantillons, par qPCR, afin (iv) d’établir une relation entre les populations bactériennes des différents organes prélevés et l’apparition des symptômes. Ainsi, cette étude permettra de connaitre la validité d’un diagnostic en amont de l’infection par E. amylovora. Si ce diagnostic s’avère efficace, les conséquences peuvent être non négligeables pour les producteurs et l’environnement : diminution de l’usage massif d’antibiotiques entrainant la résistance des souches, et traitement adéquat en temps approprié par le biais d’une protection en PFI (Production Fruitière Intégrée). Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 9 20 km Figure 8 : Carte des différentes régions échantillonnées Les points rouges représentent les villes échantillonnées (Google Earth) Tableau II: Vergers échantillonnés Nombre de parcelles Laurentides Rockburn Hemmingford Franklin Saint Hilaire Rougemont Saint-Jean-Baptiste St-Bruno-de-Montarville Dunham Frelighsburg Farnham Oka Nombre de vergers 2 1 3 2 2 1 1 3 2 1 6 Québec Sainte Famille 3 4 27 62 Régions Montérégie Ouest Montérégie Est Missisquoi Total Municipalités 14 17 16 11 II. Matériel et méthodes Des essais d’optimisation et de validation de techniques in vitro pour la détection ont été réalisés au préalable, permettant depuis l’année passée l’évaluation des populations bactériennes naturelles en vergers en lien avec l’apparition de la maladie. Cette évaluation se déroule tout d’abord sur le terrain par la récolte des échantillons, la notation de la phénologie et l’évaluation des symptômes, puis en laboratoire par le biais d’analyses qPCR. En premier lieu, il s’agit de récolter à plusieurs dates, différents types d’échantillons dans plusieurs vergers à travers plusieurs régions de la province du Québec. Dans un premier temps, des momies seront récoltées trois fois au cours de la fin de l’hiver, ceci pour élucider leur rôle éventuel en tant que source d’inoculum pour l’infection de l’année suivante. Puis, des fleurs ouvertes seront cueillies également à trois reprises dans les mêmes vergers au moment de la floraison (début, pleine et fin floraison), au possible suivant l’indice d’infection et la prédiction de la première infection par le logiciel RimPro-Erwinia. Pendant cette deuxième phase, il est important d’intervenir à la bonne date pour choisir des fleurs au stade adéquat (pistil vert à la première récolte), et il sera également noté pendant la période d’échantillonnage à la floraison la phénologie des arbres, puis l’étendue des symptômes. Afin de savoir si des populations bactériennes sont présentes dans les fleurs, et si elles sont vivantes, plusieurs prélèvements dans la saison permettent de se rendre compte si le signal de la qPCR a augmenté. Dans l’idéal il faudrait pouvoir récolter avant, puis près l’infection pour observer l’évolution des bactéries dans les fleurs. A la suite de ces étapes seront menées des analyses par qPCR, afin de quantifier les populations bactériennes présentes sur ces différents organes. 1. Récolte des échantillons 1.1. Situation géographique Les échantillonnages de momies puis de fleurs sont effectués dans différentes régions du Québec : Missisquoi, Montérégie Est, Montérégie Ouest, Laurentides, Ile d’Orléans (Figure 8). Plusieurs vergers sont échantillonnés dans chaque région (Tableau II) : six vergers en Montérégie Est, six vergers dans le Missisquoi, six vergers en Montérégie Ouest, six vergers dans les Laurentides, et trois vergers sur l’Ile d’Orléans à côté de Québec, soit un total de 27 vergers comprenant 62 parcelles. 1.2. Prévision des stades d’intervention pour l’échantillonnage La phénologie des fleurs est prédite par le logiciel CIPRA, permettant de cibler les dates d’échantillonnage. Les dates de collecte des fleurs sont différentes selon les régions, en raison des variations de températures. Le stade de début de floraison pour la première collecte se situe au stade bouton rose avancé lorsque les pétales sont allongés sans étalement avec une teinte blanc rosé (environ 30% de floraison). Puis, la deuxième collecte a lieu au stade pleine floraison lorsque tous les pétales sont complètement étalés et les fleurs ouvertes (100% floraison). Enfin, la troisième et dernière collecte s’effectue en fin de floraison, au stade calice lorsque 90 % des pétales sont tombés. Dans l’idéal, il faut que la période d’infection suive au moins une date de collecte, afin de recueillir des échantillons potentiellement infectés. Les infections par E. amylovora sont prédites par le modèle RimPro-Erwinia. Ce modèle est utilisé par l’IRDA, car, comme indiqué en I.1.4, le modèle Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 10 A B Figure 9 : Graphique prévisionnel RimPro-Erwinia 2014 (exemple : station d'Hemmingford en Montérégie Ouest). Source : Agriréseau, 2014 A : Prévision d’infection généré le 28 avril 2014 ; B: Prévision de l’apparition des symptômes issus des infections, généré le 24 juin 2014. La partie basse du graphique A indique les populations bactériennes épiphytes potentiellement présentes en raison des différents paramètres décrits dans le modèle. Si ces populations (ligne jaunes) atteignent un seuil de concentration minimal de 106 bactéries par pistil (Minimal population level for infection) alors l’infection peut avoir lieu (partie haute du graphique A) (Trapman et Philion, 2014). Alors, d’après la date d’infection, le logiciel prédit l’apparition des symptômes (lignes rouges). La ligne rouge se propage alors jusqu’à la date d’apparition des symptômes (graphique B). Missisquoi Montérégie Ouest Laurentides Montérégie Est Québec Figure 10 : Stades phénologiques prévisionnels obtenus à l'aide du logiciel CIPRA Données basées sur la variété Macintosh. Les dates des différents stades sont annoncées sur une base de degrés-jours cumulés. DJ : Degré jours ; * : prévisions émise par le rapport de CIPRA ; N : normales de saison basée sur les années précédentes améliore la prévision de la brûlure par rapport aux modèles Cougarblight et MaryblytTM (Philion et Trapman, 2014). Ci-contre, la figure 9A illustre une prédiction d’infection dans la région d’Hemmingford en Montérégie Ouest, par le biais de données issues d’une station météo installée localement. 1.3. Echantillonnage du matériel végétal Date de collecte Le choix de la date d’échantillonnage est effectué en premier lieu à l’aide du logiciel CIPRA (Centre Informatique de Prévision des Ravageurs en Agriculture) (Figure 10) qui permet de prédire les stades phénologiques d’une variété de pommier référence, McIntosh, puis par échanges avec les producteurs et conseillers observant directement sur le terrain avant notre déplacement. Echantillonnage des fleurs et momies Dans chaque parcelle destinée à ne pas recevoir de traitement à la streptomycine, les momies et fleurs sont récoltées de manière aléatoire, à raison de 150 momies par parcelles et 500 bouquets/ha. Les fleurs sont ensuite déposées dans un sac à congélation dans une glacière jusqu’au retour au centre de recherche. Les sacs sont ensuite placés dans un congélateur à -20°C pour conservation jusqu’aux analyses en laboratoire. Certains vergers et parcelles ont été choisis uniquement pour la récolte des fleurs car les cultivars qui y sont présents ne possèdent pas ou très peu de momies. Chaque échantillon prélevé dans les différents vergers possède un code unique permettant de retracer la date de prélèvement, le verger échantillonné, la parcelle du verger ainsi que le nombre de bouquets contenu dans le sac. Pré-test incubation Un échantillonnage de fleurs en vue d’un pré-test a été réalisé sur des bouquets contenant des fleurs légèrement ouvertes. Les bouquets ont été collectés en début de floraison sur une parcelle du verger de St-Bruno-de-Montarville. Il s’agit d’une parcelle composée du cultivar Gala, n’ayant jamais été affectée par le feu bactérien. 1.4. Notations phénologiques et modèle de développement Lors des trois récoltes de fleurs (début, pleine et fin floraison), le stade phénologique des fleurs est noté, par bouquet : nombre de fleurs, nombre de fleurs ouvertes, nombre de fleurs avec stigmates verts, nombre de fleurs avec stigmates jaunes, nombre de fleurs avec stigmates bruns. Le taux de pistils verts est reporté à chaque parcelle. Un modèle de développement des pistils verts est réalisé à l’aide d’un modèle linéaire mixte généralisé distribué selon une loi binomiale. Les critères de choix du modèle pris en compte sont l’AIC (Akaike Criterion Information), mesurant la qualité du modèle, pour lequel on cherche la plus petite valeur et également la répartition des résidus Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 11 Figure 11 : Photo du pliage de filtre de nitrocellulose (Source : Valentin Joubert, IRDA) Nombre de bactéries / fleur inoculée UFC/µL inoculées correspondantes 20 000 000 10 000 2 000 000 1 000 200 000 100 20 000 10 2 000 1 Tableau III : Concentrations bactériennes inoculées sur fleurs pour l’incubation 2. Quantification de E. amylovora par qPCR 2. 1. Pesée des échantillons et sonication 2 .1.1. Momies La quantification a lieu à partir d’échantillons contenant 3 fois 30 momies, pesées de façon stériles et placées dans un sac à stomacher. Après notation du poids de chaque échantillon, 30 mL d’eau millipore stérile par gramme de momies sont ajoutés puis le sac est placé dans un bain sonicateur (40 kHz) pendant 15 minutes. Sont ensuite récupérés 30 mL de jus surnageant dans des tubes Falcon de 50 mL. Ce jus sera ensuite utilisé pour la concentration des échantillons. Comme l’intégralité du surnageant ne sera pas traité, le reste sera conservé au congélateur dans des tubes Falcon de 50 mL. Au besoin, les échantillons conservés pourront être décongelés et analysés pour vérification des données. 2.1.2. Fleurs Les tests sont réalisés sur des échantillons contenant au maximum 60 bouquets. Les échantillons pour lesquels la parcelle a été échantillonné en deçà de 60 bouquets sont utilisés tels quels. Les bouquets sont récupérés, pesés de façon stérile et placés dans un sac à stomacher. Le poids de chaque échantillon est noté de manière à s’assurer que la masse correspond au nombre de bouquet (2,5 g par bouquet), et le cas échéant, du matériel végétal (pousse préformée) est éliminé. Après notation du poids de chaque échantillon, 6mL d’eau millipore stérile par bouquet sont ajoutés puis le sac est placé dans un bain sonicateur (40 kHz) pendant 15 minutes. La suite des manipulations s’effectue de la même manière que pour les momies. 2.2. Concentration des échantillons de momies et fleurs La concentration en bactéries des échantillons est effectuée après tamisation puis filtration des 30 mL de jus sur tamis de 35µm puis sur une membrane de nitrocellulose de 47mm avec des pores de 0,22 µm. L’unité de filtration (Nalgene®) est reliée à une pompe à vide de 34 KPa. Après filtration, la membrane est nettoyée avec 100 mL de PBS + tween 20 0,1% (NaCl 8,01g/L, KCl 0,20g/L, Na2HPO4 1,14g/L, KH2PO4 0,27g/L, Tween 20 0,1% vol/vol). La membrane est ensuite pliée plusieurs fois et perforée (Figure 11) afin de permettre le passage des bactéries pendant l’homogénéisation, puis finalement pliée au huitième et resuspendue dans 1mL de TPEB (NaCl 8,19g/L, KCl 3,73g/L, Tween 20 50µL/L, BSA 0,4g/L) dans un microtube de 1,5mL. Les microtubes sont ensuite vortexés 10 secondes puis placés dans le bain sonicateur (40 kHz) pendant 2 minutes et ensuite vortexés durant 1 minute. Ces échantillons finaux sont ensuite utilisés pour la réaction qPCR et conservés à -20°C. 2.3. Pré-test incubation Parmi 30 sacs de 30 bouquets, une fleur par sac a été inoculée avec 200µL de différentes concentrations bactériennes : 1E104, 1E103, 1E102, 10 et 1 UFC/µL correspondant respectivement à 2E107, 2E106, 2E105, 2E104, 2E103 et 2E102 bactéries par fleur (Tableau III). La moitié a été congelée 24h à 21°C et l’autre moitié incubée puis congelée. Cette étape constitue une partie préliminaire Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 12 Tableau IV : Concentration des différents points de la gamme standard (cfu/µl) Standards STD 0 STD -1 STD -2 STD -3 STD -4 STD -5 CFU / µL 100 000 10 000 1 000 100 10 1 dans l’amélioration du diagnostic. En effet, on cherche à observer une multiplication des bactéries dans le cas d’une incubation. Ces bactéries deviendraient alors détectables contrairement à une modalité sans incubation. 2. 4. Quantification de E. amylovora par qPCR technologie Taqman 2.4.1. Matériel bactérien La souche E. amylovora S435 est utilisée comme témoin pour la qPCR, prélevée à partir de gouttes d’exsudat issues de matériel végétal (tige, fruit, ..). Elle est conservée dans un bouillon de conservation (Tryptic Soy Broth 30g/L, glycérol 10% vol/vol) à -80°C. Elle est cultivée lors de sa sortie de conservation et lors de son repiquage sur milieu King B (Proteose Peptone n°3 20g/L, K2HPO4 1,5g/L, MgSO4 + 7H2O 1,5g/L, Agar 1g/L, Glycérol 1% vol/vol). Les cultures sont mises à incuber à température ambiante (21°C), et les colonies sont visibles après 48h à 72h d’incubation. 2.4.2. Préparation des aliquots de la courbe standard et dénombrement Les aliquots sont obtenus par mise en suspension de cellules fraiches après culture de 48h à 21°C sur King B, dans de l'eau millipore stérile. La suspension mère est préparée en tube de 10 ml et ajustée à une DO600nm= 0,1 correspondant à une concentration approximative de 2x108 UFC/mL. Les dilutions sont effectuées en microtubes de 1,5 mL puis 10µL sont répartis dans plusieurs microtubes de 0,5 mL. La première dilution est réalisée au demi depuis la solution mère pour le standard 0, puis les dilutions sont réalisées en série au dixième jusqu’au standard 10-5 (Tableau IV). La suspension mère est dénombrée par étalements de 100 µL de dilutions successives au dixième sur milieu King B, ce qui permet de confirmer que les solutions standard sont bien calibrées. La qPCR est effectuée sur une séquence de gène chromosomique conservé codant une protéine hypothétique (identifiée AMY1267) identifiée chez E. amylovora souche Ea273 (Gottsberger, 2010). La sonde et les amorces forward et reverse ont pu être dessinées dans cette zone spécifique. Choisir ce gène chromosomique conservé au niveau de l’espèce à 100% de spécificité (Gottsberger, 2010) comme une cible pour effectuer un dosage quantitatif moléculaire de détection permet d’être hautement spécifique et sensible pour la bactérie E. amylovora. Ce gène est amplifié par PCR grâce aux amorces hpEaF (5'-CCGTGGAGACCGATCTTTTA-3’) et hpEaR (5'AAGTTTCTCCGCCCTACGAT-3') (Gottsberger, 2010). La sonde hpEaP (5’-TCGTCGAATGCTGCCTCTCT-3’) FAM-Taqman-MGB (Minor-Groove-Binder) non fluorescente a été développée spécifiquement pour la recherche et la reconnaissance d’Erwinia amylovora. Les amorces et la sondes ont été synthétisées par Life Technologies (Carlsbad, USA). La réaction a lieu dans un volume final de 20 µl en plaque 96 puits (Hard-Shell PCR Plates 96 Well WHT/WHT) scellée avec du film transparent autocollant (Microseal 'B' Film, Bio-Rad) dans le thermocycleur CFX96 Real-Time PCR Detection System (Bio-Rad). Pour chaque réaction, 1 µl de matrice est ajouté à 19 µl de mix. Le mix contient 10 µl de mastermix taqman (Taqman Universal mastermix, Biorad), 1 µl de chaque amorce (500 nM final), 1 µl de la sonde (250 nM final) et 6 µl d'eau ultrapure stérile (Millipore®). Le programme d'amplification qPCR est le suivant : dénaturation initiale et activation de la polymérase (95°C, 10 minutes), amplification (50 cycles avec 15 secondes à 95°C et 1 minute à 60°C). L'analyse des données est réalisée avec le logiciel Bio-Rad CFX ManagerTM version 3.1 (BioRad Laboratories). Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 13 Figure 12 : Prédiction d’infection et d’apparition des symptômes par le logiciel RimProErwinia, pour l’année 2012 (Vincent Philion, communication personnelle, issu du site Agriréseau en 2012) RIMpro simulation fire blight during blossom in Mont-Saint-Bruno, Qc indes 2013.symptômes For each date in May the potential epiphytic Figure 13 :forPrédiction d’infection et d’apparition par(x-axis), le logiciel RimPropopulation is represented by a yellow line for each daily opening of flower cohorts. Infection is predicted when wetness is recorded after Erwinia, pour l’année 2013 the population reaches the threshold during the life of the flower. (Vincent Philion, communication personnelle, issu du site Agriréseau en 2013) Tableau V: Dates d’infection et d’apparition des symptômes prédits par CIPRA Région Municipalité Date d'infection prédite Laurentides Oka Montérégie Est Rougemont Montérégie Est St Bruno Missisquoi Dunham Missisquoi Frelighsburgh Montérégie Ouest Franklin Montérégie Ouest Hemmingford Québec Ste Famille 27 mai 26 et 28 mai 26 mai 27 mai 27 mai 26 et 27 mai 26 et 27 mai 04 juin Date d’apparition des symptômes prédite 21, 23, 24 juin 21, 23, 24 juin 20 et 24 juin 23 et 24 juin 21, 23, 24 juin 21, 24, 25 juin 20, 22, 24, 25 juin 23 et 25 juin 3. Evaluation des symptômes Dans chaque parcelle échantillonnée, les symptômes de feu bactérien sont notés en évaluant le nombre de foyers d’infection par arbre, soit le nombre de bouquets et de pousses infectés, isolés ou groupés. L’évaluation est assurée par certaines caractéristiques propres au feu bactérien : la présence de gouttelettes d’exsudat jaune à brun sur les pousses ou fruits, pousses en forme de crosse. En cas de doute, la portion infectée est placée dans un sac de plastique de manière à créer une mini serre, pendant 24h pour observer si les symptômes caractéristiques (gouttelettes d’exsudat) se développent. Les dates d’observation sont estimées au préalable avec le logiciel RimPro-Erwinia, qui indique l’apparition des symptômes (Figure 9B) en fonction de la date d’infection prédite (Figure 9A). Les observations ont lieu par beau temps, environ 2 semaines après la dernière collecte des fleurs. Une deuxième observation est effectuée environ 1 semaine et demie après la première, toujours en fonction des conditions météorologiques. Il ne faut pas observer les symptômes sous la pluie en raison des éclaboussures permettant la dissémination des bactéries, pouvant être alors dispersées entre les parcelles et vergers par les observateurs. Les symptômes observés sont taillés et retirés par les observateurs ou bien par les producteurs. Les observations sont effectuées par 2 à 4 évaluateurs, pour chaque arbre. Un à deux observateurs passent de chaque côté de la rangée de pommiers ou observent le pommier en sens inverse, selon la taille des arbres. Un observateur note les observations. III. Résultats 1. Echantillonnage et observations des fleurs 1.1. Prévision des stades d’intervention pour l’échantillonnage En comparaison avec les deux années précédentes, les conditions d’infection de l'année 2014 étaient différentes. En 2012, les conditions d’infection étaient plus que favorables (Figure 12) : les symptômes sont apparus environ dix jours après l’infection. En 2013, des infections ont été prédites mais celles-ci n’ont pas été suffisantes pour causer l’apparition de symptômes (Figure 13). Cette année, les symptômes sont apparus, mais plus tardivement qu’en 2012, soit un mois après l’infection. Les différentes dates d’infection et d’apparition des symptômes prédites pour chaque région et municipalité sont répertoriées dans le tableau V. Pour chaque région (excepté Québec), les infections étaient prévues autour du 27 mai 2014 et l’apparition des symptômes entre le 20 et le 25 juin 2014. Pour Québec, l’infection était prévue le 4 juin pour une apparition de symptômes également autour du 24 juin 2014. Les échantillonnages de la deuxième date de collecte ont été effectués autour de ces dates d’infection. La connaissance des dates d’apparition des symptômes a permis l’organisation des déplacements pour leur observation. Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 14 100 90 29-05-2014 80 25-05-2014 Etat de floraison cumulé (% fleurs ouvertes) 70 21-05-2014 60 27-05-2014 50 22-05-2014 40 19-05-2014 30 20 10 Montérégie Est Montérégie Ouest 100 90 10-06-2014 80 04-06-2014 02-06-2014 70 28-05-2014 60 23-05-2014 20-05-2014 50 30-05-2014 40 26-05-2014 30 24-05-2014 20 10 Missisquoi Laurentides Québec Régions Figure 14 : Evolution de l‘état d'avancement de la floraison en fonction du temps, pour les différents vergers échantillonnés Chaque colonne correspond au % floraison pour un verger Pistil vert Pistil jaune Pistil brun Figure 15 : Fleurs de pommiers et différents stades de maturation des pistils Source : personnelle 1.2. Phénologie des fleurs et relation avec l’infection par modélisation des pistils Selon les conditions météorologiques et l’emplacement des parcelles, l’ouverture des fleurs restait variable. En effet, toutes régions confondues, l’ouverture des fleurs pouvait aller de 20 à 95% pour la première date d’échantillonnage, puis de 65 à 100% pour la deuxième date d’échantillonnage, et de 95 à 100% pour la troisième (Figure 14). Plus précisément, certaines régions étaient beaucoup moins avancées que d’autres. Par exemple, dans la région de Québec, les températures plus élevées sont arrivé tardivement, l’échantillonnage a donc eu lieu 2 semaines après la région de la Montérégie Ouest. Par ailleurs, on observe également une différence de floraison au sein des régions. Les vergers au sein d’une même région ne possédaient pas la même avancée dans la floraison. En effet, dans la région de Québec, il y avait une grande différence de floraison entre les sites situés sur le plateau, côté fleuve et de l'autre côté plus haut et boisé, pour un même cultivar : la floraison du côté fleuve était beaucoup plus avancée (50 à 60% floraison) tandis que sur l'autre côté plus boisé, à peine 20 % à 30% de fleurs étaient ouvertes. Ce phénomène a lieu en raison de microclimats qui peuvent se créer au sein des régions, notamment à cause des bassins d’eau comme les fleuves et certains lacs Un bouquet floral comporte 3 à 7 fleurs, dont une fleur reine au centre, qui s’ouvre la première. Les autres fleurs s’ouvrent au fur et à mesure de la floraison. Une fleur comporte 5 pétales, qui tombent au fur et à mesure de l’avancée de la floraison. Les pétales de la fleur reine sont les premiers à tomber en raison de son avancement. Les pistils et les étamines sont tout d’abord verts en début de floraison puis virent au jaune. En fin de floraison, ils brunissent et finissent par sécher et s’affaisser (Figure 15). Lorsque les pistils sont bruns, les fleurs ne comportent en général plus de pétales. Après avoir comptabilisé le nombre de pistils verts au sein de tous les bouquets floraux, la moyenne du taux de pistils verts est reporté par parcelle (Figure 16). Le graphique illustre pour chaque parcelle, la distribution du taux de pistil verts (nombre de pistils verts au sein des fleurs ouvertes) au cours du temps. Le nombre de pistils verts diminue au cours du temps, et donc la surface atteignable par la bactérie et la surface de multiplication également. Un modèle préliminaire de maturation des fleurs a été développé. Le modèle de développement des pistils a subi plusieurs essais, à différentes bases de degrés jours (DJ) (0, 4, 8, et 12°C). Tout d’abord, les valeurs de DJ ont été corrélées au facteur altitude : ce facteur de variabilité a été choisi selon des observations effectuées sur le terrain. Nous avons en effet observé une différence d’ouverture des fleurs au sein d’une même région, d’une même ville, pour un même cultivar, selon l’altitude du terrain. Le facteur altitude utilisé est la différence entre l’altitude de la station météorologique et l’altitude du verger. En effet, les valeurs de DJ sont indiquées sur des stations météorologiques, qui ne sont pas situés au même endroit que les parcelles, et donc pas forcément à la même altitude. L’AIC (Akaike Information Criterion) le plus faible (6169) a été obtenu en premier lieu pour un modèle développé en fonction des degrés jours en base 8°C corrélé au facteur altitude (Tableau VI). Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 15 Figure 16 : Evolution du taux de pistils verts au sein des fleurs ouvertes Fraction des pistils verts en fonction des DJ en base 8°C Les points bleus indiquent toutes les valeurs ; les points roses indiquent la moyenne des valeurs Tableau VI : Formules des modèles de développement des pistils en fonction des DJ et de l’altitude AIC Bases (°C) Formule 7296,3 0 (Green,Open-Green) ~ DJ_base0s * DeltaElevations +(1|Region/Orchard 7330,5 4 (Green,Open-Green) ~ DJ_base4s * DeltaElevations +(1|Region/Orchard) 6169,0 8 (Green,Open-Green) ~ DJ_base8s * DeltaElevations +(1|Region/Orchard) 8455,9 12 (Green,Open-Green) ~ DJ_base12s * DeltaElevations +(1|Region/Orchard) Plusieurs essais d’optimisation du modèle de développement ont ensuite été effectués en vue d’obtenir l’AIC le plus faible. Le modèle choisi calcule la fraction du nombre de pistils verts sur le total de fleurs ouvertes en fonction des degrés jours en base 8°C, et possède l’AIC le plus faible (5829,3). Les effets fixes des DJ en base 8°C sont très significatifs, avec une p-value de 6,35x10-10 (pvalue<0,001) (Tableau VII). Le modèle choisi est une régression logistique de type modèle linéaire mixte prenant en compte un facteur fixe (DJ base 8) et des facteurs aléatoires. Il a été réalisé avec : - Une variable réponse ou d’intérêt : "Fraction du nombre de pistils verts sur le total des fleurs ouvertes", soit des valeurs allant de 0 à 1 (0 à 100%) ; - Un facteur de prédiction quantitatif considéré comme effet fixe, définissant le modèle : "DJ en base 8°C" soit des valeurs quantitatives de degrés-jours ; - Une variable qualitative comprenant des effets aléatoires, dans le but de corriger les effets qui affectent les données : la pente aléatoire des degrés-jours pour ajuster ajustement des parcelles à l’intérieur des vergers, eux-mêmes à l’intérieur des régions ; - Une loi de probabilité binomiale, qui décrit la relation fonctionnelle entre la combinaison linéaire des facteurs de prédiction et l’espérance mathématique de la variable de réponse. 2. Evaluation des symptômes et relation avec les populations détectées dans les fleurs L’objectif ici est d’établir une relation entre les populations détectées et les symptômes provoqués par la bactérie. Un diagnostic doit permettre de déceler la maladie en amont de l’apparition des symptômes. Pour cela, les bouquets ont été récoltés selon trois dates d’échantillonnage (Tableau VIII) : du 19 mai 2014 au 2 juin 2014 pour le stade 30% de floraison ; du 22 mai 2014 au 6 juin 2014 pour le stade 100% de floraison, et du 27 mai 2014 au 10 juin 2014 pour le stade fin de floraison/calice. Les bouquets ont par la suite été analysés par qPCR. Après observation des symptômes, les foyers d’infection sont composés de un à plusieurs bouquets et/ou une à plusieurs pousses infectées. 2.1. Distribution des populations Un tableau de contingence (Tableau IX) permet tout d’abord d’apprécier la dépendance entre les deux caractères : symptômes et bactéries détectées. On peut alors observer si l’apparition de symptômes et la détection de bactérie sont liées. Pour n=62 parcelles, plusieurs probabilités peuvent être calculées : - P (symptômes apparaissent) = 17/62 = 27% - P (pas de symptômes) = 45/62 = 73% - P (détection de bactéries) = 3/62 = 5% - P (pas de détection) = 59/62 = 95% - P (détection |symptômes apparaissent) = 3/17 = 18% - P (pas de détection | symptômes apparaissent) = 14/17 = 82% - P (détection | pas de symptômes) = 0/45 = 0% - P (pas de détection | pas de symptômes) = 45/45 = 100% Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 16 Tableau VII : Formules des modèles de développement des pistils en fonction des DJ en base 8°C et autres paramètres *** : effet très significatif ; **: effet significatif; * : effet peu significatif Bases (°C) AIC Effet(s) fixe(s) DJ *** Altitude *** DJ:Altitude ** DJ *** Altitude *** DJ:Altitude *** DJ *** Altitude DJ:Altitude *** DJ *** DJ:Altitude *** 6576.0 8 6420.8 8 6183.9 8 6167.7 8 6185.3 8 DJ *** 6003.2 8 DJ *** 5850.2 8 DJ *** 5844.2 5859.5 6226.1 8 8 8 DJ *** DJ *** DJ *** 5829.3 8 DJ *** 5856.5 8 DJ *** Altitude * Formule (Green,Open-Green) ~ DJ_base8s * DeltaElevations + (1|Region)+(1|Cultivar) (Green,Open-Green) ~ DJ_base8s * DeltaElevations + (1|Station)+(1|Cultivar) (Green,Open-Green) ~ DJ_base8s*DeltaElevations + (1|Orchard)+(1|Cultivar) (Green,Open-Green) ~ DJ_base8s+DJ_base8s : DeltaElevations +(1|Region/Orchard) (Green,Open-Green) ~ DJ_base8s +(1|Region/Orchard)+(1|Cultivar) (Green,Open-Green) ~ DJ_base8s +(1|Region/Orchard)+(DJ_base8s|Cultivar) (Green,Open-Green) ~ DJ_base8s +(DJ_base8s|Region/Orchard)+(DJ_base8s|Cultivar) (Green,Open-Green) ~ DJ_base8s +(DJ_base8s|Region/Orchard) (Green,Open-Green) ~ DJ_base8s +(DJ_base8s|Plot) (Green,Open-Green) ~ DJ_base8s +(1|Plot) (Green,Open-Green) ~ DJ_base8s +(DJ_base8s|Region/Orchard/Plot) (Green,Open-Green) ~ DJ_base8s+Elevations +(DJ_base8s|Plot) Tableau VIII : Dates d’échantillonnage des fleurs effectuées Collecte 1 Collecte 2 Collecte 3 Stade 30% floraison 100% floraison Fin floraison / Nouaison Missisquoi 20/05/2014 23/05/2014 28/05/2014 Montérégie Est 21/05/2014 25/05/2014 29/05/2014 Montérégie Ouest 19/05/2014 22/05/2014 27/05/2014 Laurentides 24/05/2014 26/05/2014 30/05/2014 Québec 02/06/2014 04/06/2014 10/06/2014 Tableau IX : Tableau de contingence entre les symptômes observés et les bactéries détectées Symptômes + Total qPCR fleurs positif 3 0 3 qPCR fleurs négatif 14 45 59 Total 17 45 62 Les résultats indiquent que lorsqu’il n’y a pas de symptômes, aucune bactérie n’a été détectée. Néanmoins, lors de l’apparition de symptômes, les bactéries n’ont pas toujours été détectées. Des bactéries ont pu être décelées dans seulement 3 parcelles présentant des symptômes, sur 17 parcelles présentant des symptômes. La distribution de la maladie dans les parcelles est représentée dans la Figure 17. Cet histogramme représente la distribution des symptômes observés, c’est-à-dire le taux de parcelles atteintes en fonction du taux d’arbres atteints par la maladie (incidence des arbres malades). Ici on observe que dans plus de 80% des parcelles, il n’y a pas eu apparition de la maladie. Une petite partie des parcelles a été affectée par la maladie dans un intervalle de 10% à 80% d’arbres atteints par parcelles. L’incidence reste très faible puisqu’elle représente moins de 20% des parcelles atteintes. Et dans 5 % des parcelles atteintes, l’incidence est de moins de 20%. La figure 18 correspond aux populations détectées dans toutes les parcelles, à chaque date de collecte. Les résultats sont représentés sous la forme d’un histogramme qui indique la proportion de parcelles en fonction du log10(Pop+0,1), avec ‘’Pop’’ représentant le nombre de CFU/µL détectées par qPCR. Lors de la première collecte, on ne détecte aucune bactérie dans les fleurs collectées, au sein de toutes les parcelles. Quelques bactéries sont détectées dans les échantillons collectés lors de la deuxième collecte : environ 5% des parcelles comportent un niveau de contamination d’environ 2 log CFU/µL. Pour les échantillons récupérés lors de la troisième collecte : environ 1% des parcelles comportent un niveau de contamination de 0 à 0,4 log CFU/µL, et environ 1% des parcelles comportent un niveau de contamination de 1 à 1,5 log CFU/µL. 2.2. Analyse Receiver Operating Characteristic (ROC) Dans le but de déterminer à partir de quelle concentration en bactéries on peut définir l’individu, l’arbre, comme atteint par la maladie, une analyse ROC a été effectuée. L’objectif est de pouvoir poser le diagnostic en amont de l’infection. Les échantillons ont été collectés lors de trois dates de collectes, à différents stades phénologiques et en fonction de l’infection prédite par le logiciel RimPro-Erwinia. Les résultats sont présentés selon ces trois dates de collecte, appelées Ordres (Tableau X). Les données peuvent être analysées à trois échelles différentes, de la plus fine à la plus large: à l’échelle de la parcelle, du verger, puis de la ville. Chaque ordre a été analysé aux différentes échelles, en faisant varier le seuil. On cherche en effet à définir une valeur pour laquelle le test est fiable. La courbe ROC est effectuée à l’aide de deux variables : la variable évènement, la maladie (incidence) et une variable test (population détectée). Il faut déterminer le meilleur seuil entre ces deux variables. L’idéal serait d’obtenir une sensibilité (Se) et une spécificité (Sp) égales à 1, sachant Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 17 0 40 60 80 Incidence (%) Figure 17 : Distribution de la maladie au sein de toutes les parcelles observées et échantillonnées 1ère collecte 20 2ème collecte 3ème collecte Figure 18 : Distribution des populations détectées dans les fleurs au sein des parcelles Tableau X : Stades phénologiques des fleurs lors des échantillonnages et infection correspondante Ordre Stade phénologique Infection Collecte 1 Ordre 1 Fleurs 30%-50% ouvertes Nulle Collecte 2 Ordre 2 Collecte 3 Ordre 3 Fleurs 100% ouvertes Calice Pendant Avant que ces deux paramètres varient en sens inverse. Une courbe ROC est le tracé des valeurs de la sensibilité Se en fonction de 1-Sp. La figure 19 illustre les différentes courbes ROC obtenues pour chaque ordre, à trois échelles différentes. Les meilleures courbes ont été obtenues, quel que soit les cas de figure, pour un seuil d’incidence d’arbres malades à 15%. Autrement dit, le critère d’absence de la maladie doit être relaxé de sorte qu’une incidence de 15% d’arbres malades soit tolérée. Quelle que soit l’échelle, l’AUC de la courbe ROC vaut 0,5 pour l’ordre 1. Le test n’est donc pas discriminant à la première date de récolte et une collecte au stade 30% de floraison ne peut pas permettre d'effectuer un diagnostic fiable. L’AUC augmente avec l’ordre 2, qui vaut 0,56 à l’échelle de la parcelle, 1 à l’échelle du verger et 0,75 à l’échelle de la ville. Le test n’est donc toujours pas discriminant à l’échelle de la parcelle au stade 100% floraison. La fiabilité du test augmente à l’échelle de la ville mais l’AUC n’est toujours pas égal à 1. Néanmoins, à l’échelle du verger, le test est discriminant, à partir d’une valeur seuil de 15%. Ainsi, il faut faire un compromis au niveau de l’incidence de la maladie dans le verger : en admettant 15% d’arbres atteints par la maladie (seuil), on peut déterminer que le test est « fiable ». Pour l’ordre 3, l’AUC de la courbe ROC est de 0,73 à l’échelle de la parcelle, ce qui augmente la fiabilité du test pour des échantillons collectés au stade calice. Cette AUC mesure 1 à l’échelle de la ville et du verger. Le test est donc discriminant à l’échelle du verger et de la ville pour des échantillons collectés au stade calice. Ainsi, en admettant 15% d’arbres atteints par le feu bactérien, on peut prévoir la maladie au stade calice pour un verger et dans l’ensemble de la ville dans lequel il est présent. Cependant le test ne permet pas de prévoir la maladie au sein de la parcelle de manière fiable. De plus, il ne permettrait pas l’application des mesures prophylactiques puisque la détection a lieu après l’infection. 3. Tests en vue de l’amélioration du diagnostic 3.1. Incubation de fleurs : préliminaire Les résultats indiquent que les bactéries se multiplient sur les pistils des fleurs lorsqu’il y a incubation 24h à 21°C. La relation entre le nombre de bactéries inoculées sur fleurs et celles récupérées détectées par PCR évolue de manière linéaire. Néanmoins, après incubation, la relation n’est pas linéaire : après incubation 24h à 21°C, pour 10 000 UFC/µL inoculées, le facteur de multiplication est de 5 ; pour 1000 UFC/µL inoculées, le facteur de multiplication est de 3 ; pour 100 UFC/µL inoculées, le facteur de multiplication est d’environ 40 ; pour 10 UFC/µL inoculées, le facteur de multiplication est d’environ 600 ; et pour 1 UFC/µL inoculées, le facteur de multiplication est situé entre 60 et 80 (Tableau XI). La relation entre le nombre de bactéries inoculées sur fleurs et celles récupérées détectées par PCR après incubation n’évolue donc pas de manière linéaire, contrairement aux témoins. Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 18 Echelle Ordre 1 30% floraison Ordre 2 Pleine floraison Ordre 3 Calice Parcelle Spécificité : 100% Sensibilité : 0 AUC : 0,5 Spécificité : 98% Sensibilité : 14% AUC : 0,56 Spécificité : 100% Sensibilité : 50% AUC : 0,73 Verger Spécificité : 100% Sensibilité : 0 AUC : 0,5 Spécificité : 100% Sensibilité : 100% AUC : 1 Spécificité : 100% Sensibilité : 100% AUC : 1 Ville Spécificité : 100% Sensibilité : 0 AUC : 0,5 Spécificité : 100% Sensibilité : 51% AUC : 0,75 Spécificité : 100% Sensibilité : 100% AUC : 1 Figure 19 : Courbes ROC pour chaque date de collecte à différentes échelles de mesure 3.2. Analyse qPCR des momies Les populations de bactéries ont été détectées dans les momies à partir de trois dates d’échantillonnage différentes. Les résultats indiquent que des bactéries ont été détectées dans 3 parcelles échantillonnées au cours de l’hiver, dans 8 parcelles échantillonnées au débourrement, et dans 4 parcelles lors de l’échantillonnage au stade de 30% de floraison. Le nombre de parcelles échantillonnées contenant des bactéries augmente au débourrement puis diminue (Figure 20). L’analyse ROC met en relation les populations détectées dans les momies pré floraison avec l’incidence de la maladie observée en 2014. Les résultats des courbes ROC sont très peu différents en faisant varier le seuil de 0 à 15%. Ainsi, les courbes utilisées les plus intéressantes sont issues des résultats obtenus pour un seuil de 0,1, soit une tolérance de 10% d’arbres infectés comme critère d’absence de maladie. Le critère discriminant utilisé est la population détectée. A l’échelle de la parcelle (Figure 21), la courbe ROC issue des résultats de la première collecte de momies dans l’hiver (ordre 1) indique des valeurs de sensibilité et de spécificité respectives de 40% et 100%. Le diagnostic permet de détecter l’ensemble de la maladie, il n’y a pas de faux positifs (spécificité = 100%) mais n’est pas assez sensible. En tolérant 10% d’incidence (seuil), le test est sensible à partir de 23 UFC détectées. La courbe ROC issue des résultats de la deuxième collecte de momies au débourrement (ordre 2) est la plus intéressante. En effet, les valeurs de sensibilité et spécificité sont respectivement de 71 et 80% pour une AUC de 77%. Ces valeurs indiquent que 71% des échantillons positifs sont détectés à partir de 3 UFC détectées, alors que le test détecte 20% de faux positifs (spécificité 80%). La courbe ROC issue des résultats de la collecte de momies effectuée en début de floraison (ordre 3) indique une AUC de 0,57, bien trop faible pour définir que le test est fiable. De plus, la spécificité est assez élevée (86%) mais la sensibilité trop faible également (seulement 28%). A l’échelle du verger, les résultats sont équivalents de ceux à l’échelle de la parcelle pour les ordres 1 et 3. Néanmoins, la courbe ROC de l’ordre 2 est meilleure à un seuil plus bas : 0% à l’échelle du verger et de la ville, soit une tolérance de 0% d’arbres infectés comme critère d’absence de maladie. Le critère discriminant utilisé est la proportion des échantillons positifs. Ainsi, à l’échelle du verger, quand 25% des échantillons sont positifs, on a une spécificité de 85 % et une sensibilité de 71%. A l’échelle de la ville, quand 41% des échantillons sont positifs, on a une spécificité de 100 % et une sensibilité de 100% (Figure 22). Ces résultats indiquent qu’à l’échelle des municipalités échantillonnées, collecter les momies au stade débourrement permettait de discriminer parfaitement et prédire la maladie dans les villes à partir du moment où les surfaces sont atteintes. IV. Discussion L’objectif principal de ce travail était de pouvoir établir une relation entre les populations bactériennes avant les périodes propices à l’infection et l’incidence de la maladie dans les vergers, dans le but de prédire les épidémies de feu bactérien. Les données relatives à la température et à la croissance des pathogènes sur les stigmates peuvent être utilisées pour améliorer les modèles d'évaluation des risques de la maladie actuellement basé sur la croissance in vitro. (Pusey et Curry, 2004). Un modèle a commencé à être Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 19 Tableau XI : Résultats du préliminaire incubation Relation non linéaire UFC/µl inoculées Incubation 24h 21°C UFC/µL qPCR 10000 10000 10000 1000 1000 1000 100 100 100 10 10 10 1 1 1 10000 10000 10000 1000 1000 1000 100 100 100 10 10 10 1 1 1 non non non non non non non non non non non non non non non oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui 11217,51 13253,77 13757,52 831,41 897,21 950,35 36,15 50,71 37,92 2,02 6,98 2,90 1,82 1,26 2,20 51867,75 50702,62 54565,37 3296,48 3074,55 3148,63 3633,43 3869,21 4078,83 6073,60 5531,72 6010,56 61,84 70,98 80,44 Facteur de multiplication approximatif 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 5 5 5 3 3 3 36 40 40 600 550 600 60 70 80 Nb bactéries par pistil 2,24E+07 2,65E+07 2,75E+07 1,66E+06 1,79E+06 1,90E+06 7,23E+04 1,01E+05 7,58E+04 4,04E+03 1,40E+04 5,80E+03 3,64E+03 2,52E+03 4,40E+03 1,04E+08 1,01E+08 1,09E+08 6,59E+06 6,15E+06 6,30E+06 7,27E+06 7,74E+06 8,16E+06 1,21E+07 1,11E+07 1,20E+07 1,24E+05 1,42E+05 1,61E+05 développé afin d’être intégré à RimPro-Erwinia, et met en relation le taux de pistils verts présents dans les fleurs ouvertes en fonction des degrés-jours. En effet, lorsque les fleurs s’ouvrent, les stigmates apparaissent vert clair, puis jaune après 4 jours, passent du jaune au brun après 7 jours, puis encore plus foncés (brun ou noir) en 8 jours (Pusey et Smith, 2008). Il apparait que les stigmates des fleurs agées de 1 à 3 jours permettent la croissance de E. amylovora, mais les stigmates ne sont pas propices à sa croissance quand les fleurs ont été inoculées au-delà de 3 jours après l’ouverture (Thomson et Gouk, 2003). Les bactéries peuvent donc se déposer et se multiplier lorsque les pistils sont encore de couleur verte. Le modèle a tout d’abord été créé et essayé en prenant en compte les degrés-jours en base 4°C. En effet, la température de base d’un organisme est la température endessous de laquelle il ne peut se développer. La température de base du pommier est de 5°C (Plouffe et Bourgeois, 2012), mais celle des fleurs de pommiers est présumée être de 4°C (Pusey et Smith, 2008 ; Philion, communication personnelle). Néanmoins, d’autres travaux menés par Johnson et al. (2000) sur les bouquets de poiriers et pommiers indiquent que la température joue un rôle dans l’établissement de bactéries épiphytes et leur colonisation sur la fleur. Les températures testées étaient basée sur des degrés jours de 8 à 18°C. Ainsi, le modèle développé est un modèle mixte linéaire généralisé. Il permet de modéliser le taux de pistils verts en fonction des degrés-jours en base 8°C (effet fixe). La pente des degrés-jours en base 8°C est ajustée de manière à corriger les effets dû à la région, au verger, et à la parcelle (effets aléatoires). Plusieurs essais de modèles ont été effectués, en prenant en compte l’altitude du verger pour corriger l’accumulation des degrés-jours dans la parcelle par rapport à l’accumulation des degré-jours à la station, qui n’est pas située à proximité. Cette variable a été testée car on pouvait observer une différence dans l’avancée de la floraison au sein des régions dans les différents vergers. Cette différence semblait être accentuée selon l’altitude des vergers. Néanmoins, cette variable ne semble pas intervenir dans le développement des pistils, comme observé lors de l’établissement du modèle, et n’est donc pas contributive au modèle. Par ailleurs, nous avions supposé que cette différence de floraison aurait pu provenir du cultivar utilisé, différent selon les parcelles, mais le modèle n’indique pas de contribution significative de l’effet du cultivar sur la vitesse de développement. En outre, les données utilisées sont issues de seulement 2 années d’expérience (2013 et 2014). En vue d’affiner le modèle, plusieurs années d’expérience sont nécessaires afin de prendre en compte les variabilités météorologiques de chaque année. D'autre part, nous n’avons testé comme facteurs principaux que les degrés jours et l’altitude, mais d’autres mesures pourraient s’avérer intéressantes dans l’établissement d’un modèle tel que celui-ci. En effet, le rayonnement solaire est une variable qui agit sur le développement des fleurs (Blázquez, 2000) et donc des pistils. Seulement, les stations météorologiques installées à proximité des vergers ne sont pas toutes équipées d’un capteur de rayonnement solaire donc cette variable n’a pas pu être prise en compte pour la présente étude. Il serait nécessaire d’équiper ces stations, ou bien le cas échéant d’avoir accès à d’autres types de données météorologiques précises. Par exemple, des données issues des systèmes dits de Nowcasting peuvent donner une description détaillée de la météo actuelle ainsi que les prévisions par extrapolation jusqu'à environ deux heures à l'avance (Info, 2012 ; Glossary of Meteorology, 2013). Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 20 Ordre 1 Ordre 2 Ordre 3 Hiver Débourrement 30% floraison Figure 20 : Distribution des populations détectées dans les momies au sein des parcelles Ordre 1 Ordre 2 Sensibilité : 40% Spécificité : 100% AUC : 0,68 Threshold : 23 Ordre 3 Sensibilité : 71% Spécificité : 80% AUC : 0,77 Threshold : 3 Sensibilité : 28% Spécificité : 86% AUC : 0,57 Threshold : 0,81 Figure 21 : Courbes ROC à l’échelle de la parcelle pour les échantillons de momies Verger Ville Sensibilité : 71% Spécificité : 85% AUC : 0,8 Threshold : 25% Sensibilité : 100% Spécificité : 100% AUC : 1 Threshold : 41% Figure 22 : Courbes ROC à l’échelle du verger et de la ville, à l’ordre 2, pour les échantillons de momies Les modèles de développement ne sont pas les seuls à devoir être pris en compte dans la prédiction de la maladie. Les limites de la modélisation nécessitent alors un recueil de données directement sur le terrain. En effet, Miller et Schroth (1972) ont démontré que la bactérie Erwinia amylovora peut être isolée à partir des fleurs saines avant l’infection. Des bouquets ont donc été analysés par qPCR et les populations détectées ont été mises en relation avec les symptômes apparus dans les parcelles échantillonnées. Le feu bactérien est une maladie sporadique et se manifeste donc de manière totalement irrégulière au fil des ans. En effet, chaque année, le feu bactérien frappe quelques vergers au Québec et deux années d’épidémie particulièrement sévères ont eu lieu récemment au Québec. En 2002, la province a connu une grosse épidémie de feu bactérien à Rougemont, (Charest et Philion, 2004) qui a entraîné la perte de 10 000 arbres d'une valeur approximative supérieure à 800 000 dollars. En 2012, les vergers québécois ont souffert de la pire épidémie de feu bactérien des 30 dernières années, qui s’est répandue jusqu’à la ville de Québec, en passant par la région d’Oka, au sein de laquelle la maladie était présente dans tous les vergers à différentes intensités. Néanmoins, aucun symptôme n’a pu être observé durant l’année de 2013 (Chouinard et al., 2013). Par ailleurs, l’apparition des symptômes en 2014 a eu lieu environ un mois après la date d’infection prédite, alors qu’en 2012, cette apparition de symptômes a eu lieu environ 2 semaines après. En effet, les températures plus fraiches de 2014 entre la floraison (infection) et la sortie des symptômes ont induit une incubation plus longue pour permettre aux symptômes d’apparaitre. Cette année 2014 semble être intermédiaire entre les années 2012 et 2013. Les populations n’ont pas été détectées dans toutes les parcelles atteintes par la maladie. En effet, les symptômes observés se situaient pour la plupart en dehors de la zone d’échantillonnage des fleurs, placée à hauteur de bras. Les symptômes étaient généralement observés en haut, ou plus dans le centre des arbres. En effet, l’échantillonnage doit se faire rapidement. Il est donc possible que la méthode d’échantillonnage ne soit pas des plus adaptée : les parcelles doivent être échantillonnées à même hauteur (100 bouquets/2000m²), soit au minimum seul un bouquet par arbre est ramassé, au maximum quatre, afin de couvrir toute la parcelle dans un délai raisonnable, pour obtenir un échantillon d’une taille acceptable. Par ailleurs, le Québec est une région très étendue pour laquelle il faut parcourir de nombreux kilomètres. Les collectes d’échantillons doivent être réalisées dans un temps imparti relativement court afin de couvrir les trois dates autour de la floraison. En outre, les méthodes d’échantillonnage et de détection ont été adaptées de travaux réalisés par Voegele et al., (2010). Ces derniers collectent une fleur par bouquet, sur plusieurs bouquets au sein d’un arbre. Notre méthode d’échantillonnage est quant à elle basée sur une collecte de bouquets entiers (fleurs et feuilles). Modifier la méthode d’échantillonnage ne permettrai pas de gagner du temps mais pourrait optimiser les chances de détection. Ainsi, les fleurs collectées ont donc été analysées par qPCR. Peu d’échantillons ont été détectés positifs aux bactéries dans les parcelles pour lesquelles des symptômes avaient été observés. L’absence de détection sur la plupart des échantillons peut être liée justement à cette méthode d’échantillonnage. Pourtant, en 2012, plus d’échantillons positifs ont été détectés et la méthode d’échantillonnage semblait adaptée. Néanmoins, les symptômes observés étaient bien plus Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 21 Figure 23: Evolution des populations détectées en 2012 lors des 3 collectes 3 : collecte effectuée en fin de floraison (ordre 3); 2: collecte effectuée à 100% de floraison (ordre 2); 1: collecte effectuée à 30% de floraison (ordre1) (Source : IRDA, Vincent Philion) abondants au sein des parcelles étudiées, et donc il est fort probable d’avoir échantillonné dans une zone atteinte par le feu bactérien. La relation entre les populations détectées et les symptômes occasionnés par E. amylovora peut être précisée statistiquement. Les résultats obtenus par les courbes ROC nous donnent une idée de la validité du diagnostic. En effet, le test n’est pas assez discriminant à l’échelle de la parcelle. Les valeurs trop faibles de l’AUC (proches de 0,5) ne permettent pas d’établir un diagnostic fiable quelle que soit la date d’échantillonnage, quand le diagnostic est effectué à l’échelle de la parcelle. Néanmoins, à une échelle plus élargie, celle du verger, il est possible d’effectuer un diagnostic fiable à partir de la deuxième collecte, effectuée à 100% de floraison, pendant les infections prédites, ainsi qu’après infection. A l’échelle de la ville, la validité du diagnostic n’augmente pas. Les résultats obtenus indiquent que l’AUC obtenue à la première date de collecte ne permet pas de poser de diagnostic fiable mais cette AUC augmente avec les dates d’échantillonnage. L’échelle la plus fine à laquelle on peut définir le test comme fiable est donc à l’échelle du verger, aux stades 100% de floraison et calice. Néanmoins, ce diagnostic doit prendre en compte certaines mesures. Sa fiabilité tient compte d’une valeur seuil qui s’est définie lors des tests statistiques, d’une valeur de 15%. Cette valeur de seuil doit être choisie en vue d’obtenir un compromis acceptable entre les gains et les pertes de fréquences des faux positifs, faux négatifs, vrais positifs et vrais négatifs occasionnées par le diagnostic (Metz, 1978). Cette valeur signifie qu’en deçà d’une incidence de 15% d’arbres atteints, la détection des bactéries n’est pas un prédicteur de la maladie. Cette valeur reste encore trop élevée dans des cas d’infection peu importants. Par exemple, une surface de 910 m² contenant 42 pommiers, soit 462 arbres/ha, avec une infection de 15% des arbres affecte environ 6 pommiers de la parcelle (soit environ 69 pommiers à l’hectare). Seulement, la gravité de l’infection au sein d’un verger peut être différente selon le type d’arbres présents sur la parcelle. Une infection de 15% des arbres sur des pommiers nains est beaucoup plus alarmante qu’une infection sur des arbres possédant un diamètre beaucoup plus important. Par ailleurs, les populations détectées augmentent lors de la floraison, tendance observée également pour l’année 2012 de manière plus accentuée (Figure 23). En 2012, 31% des parcelles comptaient >5 % d’arbres malades alors que les modèles prédisaient 100%, et 27% des parcelles étaient atteintes par la maladie. Comme la population bactérienne était faible en début de floraison, la sensibilité et la spécificité n'étaient que de 32% et 67 % respectivement. Après la floraison, la sensibilité était de 100 % pour une spécificité de 28%, à l’échelle du verger. En 2013, les conditions étaient peu propices au feu bactérien et les populations détectées, faibles (Philion, communication personnelle). Cette année 2014, les modèles prédisaient 100% d’infection régionale, et 20% des parcelles ont été atteintes par le feu bactérien, mais de manière moins intense qu’en 2012. En début de floraison, la sensibilité et la spécificité étaient de 100% et 0% respectivement, pour augmenter à 100% toutes les deux en pleine floraison et fin de floraison, à l’échelle du verger. Quand la sensibilité vaut 100%, alors tous les positifs détectés sont déclarés comme étant de vrais positifs. Quand la spécificité vaut 100%, alors tous les négatifs qui n’ont pas été détectés sont considérés comme étant de vrais négatifs (Metz, 1978). Ainsi, en fin de floraison, l’année 2014 est plus spécifique que l’année Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 22 2012, pour laquelle il y a eu de faux positifs déclarés (spécificité plus faible en 2012). Concernant la sensibilité du test, les analyses de 2014 sont bien plus sensibles qu’en 2012 puisqu’aucune bactérie n’a été détectée en l’absence de maladie, tout au long de la floraison. En 2012, la sensibilité n’est de 100% qu’en fin de floraison, indiquant qu’aucune bactérie n’a été détectée en l’absence de maladie. Néanmoins, ces valeurs intéressantes de sensibilité et de spécificité interviennent tard dans l’échantillonnage, puisqu’on les observe après infection. Un problème se pose donc quant à l’interprétation du diagnostic. En effet, une fois les fleurs infectées, les bactéries se multiplient en conditions favorables, entrent dans les glandes à nectar puis envahissent les vaisseaux (Thomson, 2000 ; Philion, 2014). Des conditions météorologiques adéquates permettent alors la sortie des symptômes une semaine à un mois après l’infection, selon les observations effectuées entre 2012 et 2014. Une fois l’infection effectuée, il est trop tard pour intervenir de manière préventive, et seul un traitement à la streptomycine à la sortie des symptômes, ou une élimination manuelle peuvent être effectués. Ainsi, un diagnostic fiable mais effectué après l’infection est trop tardif pour informer les pomiculteurs d’une éventuelle infection. Il serait nécessaire d’établir ce même diagnostic mais lors de la première collecte en début de floraison, avant l’infection. Donc, à l’échelle du verger, il est possible de poser le bon diagnostic lors d’une collecte à 100% de floraison, mais ce dernier est trop tardif pour informer les pomiculteurs, l’infection ayant déjà eu lieu. Afin d’améliorer ce diagnostic, plusieurs essais d’amélioration ont été élaborés. Tout d’abord, il est possible que les bactéries ne soient pas présentes en quantité suffisamment importantes afin d’être détectées. Pour cela, un essai d’optimisation a été effectué en vue de multiplier ces bactéries. Les bactéries présentes en grande quantité sur une fleur ne se multiplient qu’à faible allure puisqu’elles atteignent le seuil de saturation du pistil en bactéries, d’une valeur de 106 bactéries par pistil (Pusey et Smith, 2008 ; Stockwell et al., 2010). Par contre, peu de bactéries présentes sur le pistil se multiplient davantage en absence de compétition. Il est possible que les bactéries présentes en grande quantité initialement (10 000 CFU/µL inoculées) aient accès à moins de nutriments que les bactéries inoculées en moins grande quantité (10 UFC/µL inoculées). Une incubation ne permettra donc pas d’améliorer le signal dans le cas où la population résidente sur une fleur est déjà maximale. Par contre, une incubation sur des fleurs contenant une population initiale faible permettrait d’augmenter le signal. Ainsi, on pourrai imaginer un scénario différent pour l’analyse des fleurs : les producteurs pourraient collecter eux-mêmes un nombre défini de fleurs par l’IRDA, qui seraient ensuite incubées à température ambiante (environ 21°C) lors du trajet jusqu’au centre de recherche. Alors, les fleurs pourraient être analysées. Ceci permettrait d’effectuer la détection pendant la période de floraison et de concentrer le personnel sur cet aspect et non sur la collecte, qui demande beaucoup d’investissement. Par ailleurs, appréhender la gestion de la maladie peut également se fonder sur l’hypothèse d’une aptitude des bactéries à se conserver dans les momies. On reproche à la détection bactériennes à partir des momies d’être inutile puisque les momies ne seraient porteuses que suite à Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 23 la présence des symptômes (Vögele et al., 2010), et qu’il est plus facile de simplement observer les symptômes pour déterminer si le verger est à risque pour les années suivantes. Or, nos résultats indiquent une bonne concordance entre les populations quantifiées à partir des momies et les symptômes observés. En effet, l’analyse ROC indique que la quantification des bactéries dans les momies permet de poser un diagnostic fiable à l’échelle de la ville, à partir de 41% d’échantillons positifs. Cependant, si l’on souhaite avoir un diagnostic fiable avec moins d’échantillons positifs détectés, on peut se placer à l’échelle du verger voire de la parcelle. La spécificité est moins intéressante (80%) et indique que 20% des échantillons peuvent être décelés comme étant de faux positifs. Quant à la sensibilité, d’environ 70%, elle permet d’établir que 70% des échantillons positifs le sont vraiment. Ainsi, on peut déterminer que le test est fiable à l’échelle de la ville, mais n’est pas non plus mauvais à l’échelle de la parcelle ou du verger. En effet, il faut pouvoir tenir compte des pertes potentielles causées par la maladie : on souhaite ne jamais obtenir de faux positifs afin d’éviter des traitements inutiles, ce qui permet d’être apprécié à l’échelle de la ville. Mais ce diagnostic nécessite beaucoup d’échantillons positifs (41% minimum). Donc, il est préférable de se référer au diagnostic établi à l’échelle du verger, pour lequel seulement 25% des échantillons au minimum doivent être positifs. Cependant ce choix nécessite de considérer que l’on peut se tromper dans 20% des cas. V. Conclusion et perspectives Maladie sporadique, le feu bactérien est difficile à contrôler mais surtout à prévenir en amont des symptômes. Plusieurs modèles de prévisions du feu bactérien permettent d’établir si une infection par la bactérie E. amylovora peut avoir lieu lors de la floraison. Les faux positifs et faux négatifs occasionnés par ces modèles de prévision nécessitent d’autres approches permettant d’améliorer les prévisions. L’hypothèse posée était qu’un échantillonnage réaliste et abordable permettrait de détecter la présence de la bactérie au verger en amont de son apparition. Il a été montré que la maladie pouvait être détectée en amont des symptômes à partir du stade 100% de floraison, si on acceptait 15% d’arbres atteints au sein d’un verger. Cette détection est fiable puisqu’aucun faux positif ou faux négatif ne peut être détecté. En acceptant un taux d’arbres atteints plus bas, la détection n’est pas aussi précise. Cependant, un échantillonnage réalisé au stade 100% de floraison est trop tardif puisque l’infection a déjà eu lieu. Par ailleurs, il n’est pas possible de détecter la présence de la bactérie en amont de l’infection, en raison des faux positifs et faux négatifs déclarés. Ainsi, l’échantillonnage effectué permet de détecter la bactérie en amont de l’apparition des symptômes de manière réaliste et abordable au verger, mais cette détection est trop tardive. Pour améliorer cette analyse, d’autres pistes ont été suivies à différentes échelles. Le modèle de prévision RimPro-Erwinia peut être enrichi au niveau de ses différentes variables permettant la prédiction. Nous avons cherché à modéliser l’évolution des pistils, lieu de multiplication de la bactérie, et avons obtenu une première formule de développement. Le résultat n’est pas parfait et demande encore des données pour le perfectionner. Des données météorologiques fiables Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 24 supplémentaires pourraient être également utilisées. En effet, il est possible d’accéder à des données dites de nowcasting qui intègrent des données satellites, et offrent un système de modélisation météorologique à court terme. Par ailleurs, les analyses menées sur les momies nous ont permis d’établir qu’une prévision est possible à partir d’échantillons collectés pendant la phase de débourrement, de manière fiable à l’échelle de la ville, mais aussi du verger ou de la parcelle selon les compromis que l’on souhaite faire. De plus, les bactéries présentes en trop faible quantité dans les fleurs peuvent être multipliées lors d’une incubation naturelle pendant le transport des échantillons. Les prochaines étapes de l’étude sur les populations d’E. amylovora et l’incidence de la maladie en vergers de pommiers consisteront à poursuivre la collecte des différentes données et analyses présentées dans ce rapport. Un échantillonnage de fleurs destiné à l’incubation avant amplification (Bio-PCR) au même titre que les fleurs initialement collectées pourra être réalisé afin d’accroitre la population bactérienne. Cette technique de Bio-PCR sera optimisée en vue d’effectuer une comparaison entre la détection sur des fleurs seules isolées de bouquets, et la méthode initiale de détection à partir de bouquets. Egalement, des recherches seront effectuées au niveau du mécanisme de dispersion de l’inoculum : des essais d’optimisation d’extraction d’ADN à partir de pièges à insectes au Tanglefoot® seront effectués en vue d’une détection de la bactérie par qPCR. VI. Bibliographie Agriréseau, laboratoire de diagnostic en phytoprotection. Vézina L., Lacroix M. 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Betty Arnaud – Etude des populations naturelles de Erwinia amylovora et incidence sur pommiers 29 Diplôme / Mention : Master II Spécialité : Production et Technologie du Végétal (ProTeV) Parcours : Productions Végétales Spécialisées Option : Produits phytosanitaires, règlementation, méthodes alternatives Auteur(s) : Betty Arnaud Organisme d'accueil : IRDA Date de naissance : 12/12/1990 Adresse : 335, rang des Vingt-Cinq Est Nb pages : 29 Annexe(s) : 0 Saint-Bruno-de-Montarville, J3V 0G7, Qc Canada Année de soutenance : 2014 Maître de stage : Vincent Philion Titre français : Etude des populations naturelles de la bactérie Erwinia amylovora et incidence au sein des vergers Québécois. Titre anglais : Study of natural populations of Erwinia amylovora bacteria and incidence in orchards in Quebec. Résumé : Le feu bactérien, causé par Erwinia amylovora est une maladie du pommier (Malus x domestica), qui cause d’importants dégâts au Québec. L’infection a lieu sur les fleurs, à partir desquelles la bactérie se multiplie et infecte l’arbre. Il n’existe aucun traitement postinfection mis à part les antibiotiques. En vue de pouvoir prédire l’éclosion de la maladie et d’adopter une lutte préventive efficace, il existe des modèles de prévision du feu bactérien. Ces modèles comportent des erreurs et il est nécessaire de recueillir des données directement sur le terrain. Pour cela, les bactéries peuvent être détectées et quantifiées à partir des fleurs, en amont des symptômes, puis analysées par qPCR. La détection de bactéries permet de prévoir l’apparition des symptômes. En revanche, d’autres mécanismes peuvent entrer en compte dans la prévision, tels que le développement des pistils selon la température, ou bien les fruits momifiés pouvant contenir des bactéries issues des années d’infestation précédentes. Abstract : Fire blight, caused by Erwinia amylovora is a disease of apple trees (Malus x domestica), causing severe damage in Quebec. The infection occurs on blossoms, from which the bacteria can multiply and infect the tree. There is no post-infection treatment except for antibiotics. To be able to predict disease and adopt an effective preventive control, there are forecast models for fire blight. These models contain errors and it is necessary to collect data directly on the field. For this, bacteria can be detected and quantified from flowers, upstream of symptoms, and then analyzed by qPCR. The detection of bacteria predicts occurrence of symptoms. However, other mechanisms may be included into the forecast, such as the development of pistils depending on temperature, or mummified fruits that may contain bacteria from the previous years of infestation. Mots clés : feu bactérien, pommier, prévision, infection, fleurs, détection, qPCR, Key Words : fire blight, apple tree, prevision, infection, blossoms, detection, qPCR