lorsque l’on contraint un modèle
dynamique des courants à suivre la
topographie dynamique observée en
surface, on sait répartir cette informa-
tion selon la profondeur.
Les principaux courants océani-
ques de surface sont connus depuis
les années trente. Tous les atlas en
donnent la carte. Les grands tour-
billons ou « gyres anticycloniques
subtropicaux » réunissent les courants
intenses vers les pôles le long des
« frontières ouest » des bassins (Gulf
Stream, Kuroshio dans le Pacifique
nord...), leur dérive vers l’est aux la-
titudes moyennes (dérive nord-
Atlantique, courant des Açores) et les
courants de retour vers l’ouest (cou-
rant nord-équatorial). Plus près des
pôles, les courants sont organisés en
cellules cycloniques, c’est-à-dire que,
dans l’hémisphère nord, ils tournent
dans le sens inverse des aiguilles
d’une montre (courant du Labrador).
Dans les zones tropicales, les cou-
rants sont zonaux (courants sud- et
nord-équatoriaux, contre-courants
nord-équatoriaux).
En première approximation, la
géométrie de ces courants peut être
expliquée par une réponse de l’océan
à la friction du vent. De façon sché-
matique, les vents sont eux-mêmes
organisés en grandes cellules : par
exemple, on rencontre des alizés
d’est près de l’équateur et des vents
d’ouest dans les zones tempérées. La
friction du vent entraîne les eaux de
surface (dans une couche d’environ
100 m d’épaisseur), mais les forces
de Coriolis dévient la trajectoire de
ces eaux, vers la droite dans l’hémis-
phère nord. En conséquence, dans
l’hémisphère nord, poussées vers le
nord par les alizés et vers le sud par
les vents d’ouest, les eaux s’empilent
au centre des bassins. Aux plus hau-
tes latitudes, on retrouve un vent
d’est, si bien que l’eau de surface est
entraînée de façon divergente par
celui-ci (l’eau est entraînée vers le
nord) et par les vents d’ouest des
latitudes tempérées. La topographie
dynamique forme alors un creux.
Dans les zones tropicales où les
forces de Coriolis sont faibles ou
nulles, les vents alizés entraînent
l’eau vers l’ouest des bassins. Cela se
traduit par une pente de la surface de
l’océan le long de l’équateur, qui
présente quelques décimètres de
dénivellation. Une partie de cette eau
revient vers l’ouest avec des contre-
courants (ainsi qu’avec des sous-
courants équatoriaux, qui s’écoulent
sous les couches d’eau soumises à
l’influence du vent) ; ceux-ci coulent
à quelques degrés de latitude et sont
pratiquement en équilibre géostro-
phique ; leur trajectoire suit donc le
flanc de crêtes et de fossés allongés
le long de l’équateur.
PRINCIPE DE L’ALTIMÉTRIE PAR
SATELLITE
On peut bien sûr mesurer directe-
ment ou estimer indirectement les
courants océaniques à partir des don-
nées in situ. Cependant, par ces mé-
thodes on ne connaît pas encore
comment les courants varient aux
échelles de temps des saisons ou du
climat. En revanche, un satellite cou-
vre la totalité de la surface de la
Terre en quelques jours, et les don-
nées tombent régulièrement du ciel
pendant toute sa durée de vie. L’alti-
métrie par satellite permet donc de
mesurer en continu la topographie
dynamique de surface. La difficulté
vient de ce que l’amplitude des
signaux à mesurer va de quelques
centimètres (dans les zones de
faible énergie cinétique) au mètre
d’élévation (dans les courants forts
du bord ouest, par exemple).
L’altimètre mesure la distance en-
tre le satellite et la surface de la mer,
à partir de la durée du trajet aller-
retour du signal radar à fréquence
micro-onde (13,5 GHz). On cherche
à atteindre une précision de quelques
centimètres, alors que le satellite gra-
vite à environ 1 000 km d’altitude ! Il
faut donc une instrumentation très
précise, et corriger la mesure de tout
ce qui peut la perturber : électrons
dans l’ionosphère, vapeur d’eau dans
la troposphère, pression atmosphéri-
que, effet des vagues. Pour cela le
satellite embarque deux radars alti-
mètres, trois systèmes d’orbitogra-
phie et un radiomètre. Le total des
corrections atteint 2,5 m !... En fait,
le bruit de mesure des altimètres qui
avaient déjà fonctionné était de l’or-
drede3à4cm(celui du satellite
GEOSAT de la marine américaine,
qui a fourni des mesures de 1984 à
1989, ou celui de ERS-1, qui fonc-
tionne depuis 1991). Pour T-P, tout a
été optimisé pour diminuer ce niveau
de bruit, qui atteint de2à3cm;il
s’agit essentiellement d’un bruit
blanc.
Les trois systèmes d’orbitographie
permettent de savoir où est le satel-
lite. T-P embarque un système « la-
ser » : le satellite est visé par un ré-
seau mondial de lasers, dont les
signaux sont réfléchis par une cou-
ronne de miroirs située autour de
l’antenne du radar ; cela permet de
déterminer la distance entre le satel-
lite et les stations lasers à une préci-
sion centimétrique. Les autres systè-
mes sont des systèmes « Doppler » :
des signaux radio sont envoyés vers
T-P depuis d’autres satellites ou
depuis un réseau de balises au sol ; la
vitesse du satellite dans la direction
de visée est déterminée par effet
Doppler ; avec le système français
DORIS, une précision de 0,3 mm/s
est atteinte, alors que le satellite se
déplace à 7 km/s ! Ces informations
sont utilisées pour ajuster un calcul
dynamique de l’orbite, qui tient
compte des forces de gravité (Terre,
Lune et Soleil) mais aussi des effets
des marées ou de la pression atmos-
phérique, des forces de friction ou de
radiation (provenant du Soleil, reflet
de la Terre ou du satellite), des mou-
vements propres du satellite et même
des effets relativistes (qui jouent au
niveau de quelques millimètres de
distance radiale du satellite). Il faut
bien sûr savoir où sont les balises de
poursuite à une précision centimétri-
que, et pour cela tenir compte de
leurs déplacements par rapport au
centre de masse de la Terre (mouve-
ment du pôle, déplacements tectoni-
ques ou liés à l’effet de charge des
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