natagora numéro 40 novembre-décembre 2010
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botanique
botanique
Jean-Louis Gathoye
Si un nombre important d’espèces animales sont aujourd’hui
menacées, c’est aussi parce que la situation des plantes à eurs et des
autres espèces végétales, qui leur servent de refuge ou de nourriture,
et qui composent leur environnement vital, n’est pas beaucoup plus
enviable…
Des données
insuffisantes
Sur les quelque 307 674 plantes -
crites sur notre planète (comprenant
16 236 mousses, 12 000 fougères et es-
pèces alliées, 1 052 conifères et alliés,
268 000 plantes à eurs, 4 242 algues
vertes et 6 144 algues rouges), seules
12 873 (soit à peine plus de 4 %) ont
été évaluées dans la version 2010 de la
Liste rouge dressée par l’Union interna-
tionale pour la conservation de la nature
(UICN). Seuls les Gymnospermes (coni-
fères et alliés) ont été presque complè-
tement pris en compte avec 926 espè-
ces. Le travail est encore plus lacunaire
pour ce qui est des lichens (2 espèces
les espèces
État de la biodiversité :
végétales
Une gestion simple et bien pensée de
zones de friche ou de talus de bords
de route peut souvent donner de belles
surprises, telles ces orchidées appelées
ophrys abeilles.
Bernard de Cuyper
Jean-Louis Gathoye
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(CR), 2 381 (27 %) sont en danger (EN)
et 4 695 (54 %) sont vulnérables (VU).
Ces proportions sont analogues si l’on ne
considère que les plantes à eurs, en y
ajoutant l’extinction de 104 espèces. Les
chiffres sont sans doute un peu plus réa-
listes pour les Gymnospermes puisque,
à côté des 4 espèces qui ont disparu, il
y en a 371 autres (40 % des espèces
évaluées par l’UICN) qui sont menacées
(75 en CR, 125 en EN et 171 en VU), ce
qui est encore beaucoup !
Mieux chez nous ?
On estime entre 17 000 et 18 500 le
nombre d’espèces de plantes, algues
et champignons en Belgique. Parmi el-
les, 20 à 25 % n’auraient pas encore
été identiées. Le nombre des espèces
de plantes vasculaires (fougères, co-
nifères et plantes à eurs), mousses,
algues rouges et vertes atteint environ
3 100 en Belgique. La connaissance
des divers groupes est cependant très
inégale. Seules les plantes vasculaires
ont fait l’objet d’évaluations complètes
et structurées.
En Flandre, sur 1 418 espèces retenues,
56 ont disparu, 108 sont menacées de
disparition, 40 sont jugées vulnérables
et 69 autres menacées. Si on y ajoute
les 203 espèces rares, c’est près de
30 % des plantes vasculaires qui ont un
statut préoccupant.
À Bruxelles, sur les 793 espèces recon-
nues, 66 (8 %) gurent dans une Liste
rouge.
En Wallonie, l’appauvrissement de la
ore indigène n’est pas une constata-
tion récente ; déjà en 1969, la sonnette
d’alarme avait été actionnée par les bo-
tanistes pour 297 espèces (59 espèces
étaient déjà considérées comme dispa-
rues). Aujourd’hui, sur 1 460 espèces
et sous-espèces recensées, 110 (8 %)
sont considérées comme éteintes, 293
(20 %) sont menacées d’extinction, 98
(7 %) sont en danger et 60 (4 %) sont
vulnérables. La Liste rouge wallonne
comprend donc 451 taxons, soit près
de 31 % de l’ensemble des plantes vas-
culaires. Pour l’établir, deux critères ont
été utilisés : le degré de rareté de l’es-
pèce (soit le nombre de carrés de l’at-
las occupés après 1980) et le déclin de
chaque espèce (soit l’évolution de l’oc-
cupation des carrés de l’atlas « avant
1980 / après 1980 »). Les habitats les
plus touchés par les pertes en espèces
sont les pelouses à espèces annuel-
les, les groupements des espèces des
moissons et des cultures, mais aussi
les espèces aquatiques au sens large.
Les petites mares en milieu tourbeux,
les pelouses métallicoles ou encore les
milieux aquatiques ou tourbeux font
partie des habitats les plus précieux. La
plupart des espèces qui les composent
sont actuellement menacées. Nos pe-
louses calcaires en contiennent encore
Plusieurs années auront été néces-
saires pour établir une mise à jour
de la cartographie des plantes pro-
tégées et menacées de Wallonie. Le
résultat est la révision de plus de
600 espèces comprenant les 451
espèces de la Liste rouge et les 110
éteintes. Mais il reste tout autant
d’espèces plus courantes à prendre
en compte avant de pouvoir finaliser
la révision de l’Atlas de la Flore en
Wallonie. La procédure est en pla-
ce, et de très nombreuses données
sont validées chaque année dans
cet objectif.
sur 17 000 décrites), des champignons
(1 espèce sur 31 496 décrites) et des
algues brunes (15 espèces sur 3 127
décrites). Si les espèces d’oiseaux, de
mammifères et d’amphibiens ont été
quasi toutes évaluées, les lacunes sont
encore considérables pour le règne -
gétal. Il est dès lors peu prudent d’avan-
cer que ces pourcentages sont représen-
tatifs de la situation réelle sur l’ensemble
des continents, même s’il est un fait cer-
tain que le temps qui passe n’est globa-
lement pas favorable aux plantes.
En 2010, sur les 12 873 plantes étudiées,
8 692 sont considérées comme mena-
cées (67 %). Parmi elles, 1 616 (19 %)
sont en danger critique d’extinction
La prolifération actuelle du géranium
pourpre, espèce méridionale découverte
en 1997 en Wallonie, pourrait être le
résultat du réchauffement climatique.
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plus de 50 % ! Il est vrai que beaucoup
de ces milieux mis en exergue par leur
ore rare sont rendus très vulnérables
par leur isolement spatial.
Les tendances en fonction du temps ont
été établies pour 437 espèces de la Liste
rouge wallonne. Les analyses indiquent
que 80 % ont régressé, sur la base
d’une comparaison entre les périodes
« avant 1980 » versus « après 1980 ».
Seules 19 espèces de cet échantillon
sont en progression.
À faire et ne plus
faire…
Pour les plantes comme pour les autres
organismes, la dégradation des milieux
(semi-)naturels reste la cause princi-
pale des régressions constatées. La
surexploitation, l’introduction d’espèces
envahissantes, les pollutions diverses
(dont l’eutrophisation généralisée qui
peut être considérée comme une me-
nace majeure pour la ore indigène),
l’envahissement par les arbres des ha-
bitats ouverts semi-naturels, l’isolement
des populations et la fragmentation des
habitats… en sont d’autres. Mais au-
delà de ces observations et conclusions
plutôt alarmistes, des actions sont indis-
pensables pour espérer pouvoir inverser
la vapeur.
Les plantes étant habituellement recon-
nues comme faisant partie des pans vi-
taux de la diversité biologique mondiale,
mais aussi comme des ressources es-
sentielles pour la planète, les soucis liés
à leur sauvegarde ont largement atteint
aujourd’hui le niveau international. La
Stratégie Globale pour la Conservation
des Plantes, datant de 2002, dresse un
modus operandi. Le texte comprend
notamment 16 objectifs généraux dont
la constitution d’une liste mondiale des
espèces, l’établissement des statuts
de conservation de toutes ces espèces
aux niveaux national et international, la
conservation d’au moins 10 % de cha-
que région écologique de la planète, la
constitution de collections de sauvegar-
de ou encore la mise en place de plans
de gestion pour contrôler les espèces
envahissantes.
Chez nous, les orientations données
aujourd’hui à la conservation de la na-
ture conduisent de manière très positive
vers une amélioration de la situation.
Les plantes liées aux champs et aux
cultures (appelées aussi messicoles)
figurent parmi les plus menacées
dans toutes les régions d’agriculture
intensive d’Europe occidentale. Plus
d’une espèce sur six a déjà disparu en
Wallonie. Et si l’on tient compte des
espèces annuelles, dominantes dans
ces situations, c’est près de 70 %
d’entre elles qui sont menacées. Sont
essentiellement en cause l’amélio-
ration du tri des graines, l’utilisation
d’amendements minéraux, l’abandon
des terrains marginaux pour la cultu-
re, et surtout l’utilisation généralisée
des herbicides. Seules quatre espè-
ces de plantes messicoles sont léga-
lement protégées.
La réserve Vivaqua/Natagora de Modave
abrite la seule station belge de la fougère
plume d’autruche ou matteuccie.
La joubarbe d’Aywaille n’existe qu’à...
Aywaille ! Confinée à un seul site,
l’espèce est considérée comme très
vulnérable et en danger critique
d’extinction (CR).
Louis-Marie Delescaille
Jean-Louis Gathoye
Jean-Louis Gathoye
botanique
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La création de réserves naturelles et de
plans de gestion conservatoire, la ges-
tion écologique des bords de voies de
communication, les plans de réhabilita-
tion de carrières et autres valorisations
d’espaces industriels (comme les ter-
rils), l’aménagement de plans d’eau (y
compris chez soi), la généralisation des
mesures agri-environnementales… sans
oublier bien r l’installation du Réseau
Natura 2000 et la poursuite des projets
LIFE, sont autant d’avancées signicati-
ves en termes de restauration de notre
patrimoine végétal. Au niveau légal, les
textes wallons datant de 2001 établissent
la protection de 27 % de la ore indigène
et de plus de 75 % des espèces jugées
menacées. Mais encore faudrait-il les ap-
pliquer de manière plus systématique.
Chacun peut aussi apporter sa propre
pierre pour consolider l’édice. Et le
meilleur conseil que l’on puisse donner
à ce niveau est de réserver au moins une
partie de son jardin en espace (semi-)
sauvage, dans lequel il sufra au plus de
maintenir un entretien très extensif.
La reine des Andes, du Pérou et de
la Bolivie, figure parmi les espè-
ces en danger (EN). Elle forme des
populations très isolées les unes
des autres. Le nombre d’indivi-
dus est encore de 800 000, mais
c’est surtout grâce à un seul mais
énorme peuplement. La plante ne
produit de graines qu’une seule
fois en 80 ans ou plus, avant de
mourir. Les effets du réchauffe-
ment climatique sur le potentiel de
germination des graines inquiè-
tent. En outre, le bétail, qui se dé-
place librement dans ces régions,
endommage parfois irrémédiable-
ment les jeunes plantes.
Compte 068-2140331-53 de Natagora (Réserves Naturelles RNOB) à 5000 Namur
À partir de 30 €, le montant des dons est déductible du revenu net imposable.
n° 1 : Haute Semois et Gaume
n° 2 : Haute Sûre et Forêt d’Anlier
n° 3 : Lesse et Houille
n° 4 : Famenne
n° 5 : Entre-Sambre-et-Meuse
n° 6 : Ourthe et Aisne
n° 7 : Stoumont/vallée de l’Amblève
n° 8 : Haute Ardenne
n° 9 : Entre Fagnes et Amblève
n° 10 : Montagne Saint-Pierre
n° 11 : Haute Sambre et Charleroi
n° 12 : Vallée de la Haine et
Campine hennuyère
n° 13 : Brabant wallon
n° 14 : Hesbaye
n° 15 : Plateau de Bastogne
n° 16 : Semois ardennaise
n° 17 : Vallée de la Meuse
n° 18 : Vallée de la Gueule
n° 19 : Condroz
n° 20 : Bruxelles
n° 21 : Les Hauts-Pays
n° 22 : Les Plaines de l’Escaut
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Les pelouses calcaires ensoleillées où se
rencontrent notamment les rares fétuque
des rochers (graminée) et hélianthème
blanc sont restaurées par les programmes
LIFE menés par Natagora.
La gestion extensive par fauches
et pâturage de la réserve naturelle
Natagora du Thier à La Tombe à
Ében-Émael assure le maintien de la
seule station belge de la gentiane
champêtre.
www.natagora.be/40
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Antonio Lambe
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