Mauvaise réduction des variétés de Drinfeld et correspondance de

Digital Object Identifier (DOI) 10.1007/s002229900021
Invent. math. 138, 573–629 (1999)
Springer-Verlag 1999
Mauvaise r´
eduction des vari´
et´
es de Drinfeld
et correspondance de Langlands locale
P. Boyer
Ecole Normale Sup´
erieure de Cachan, D´
epartement de Math´
ematiques (bât. Cournot),
61, av. du Pr´
esident Wilson, F-94235 Cachan cedex, France
Oblatum 28-XII-1998 & 3-V-1999 / Published online: 5 August 1999
Introduction
On fixe un nombre premier lainsi qu’une clotûre alg´
ebrique Qlde Ql.Etant
donn´
e un corps local non archim´
edien Fet un entier d1, on dispose
de trois groupes GLd=GLd(F),Hd=D×
F,d,oùD
F,dest une algèbre à
division centrale sur Fd’invariant 1/d(unique à isomorphisme près), et
WFle groupe de Weil de F. On considère alors les ensembles de classes
d’´
equivalence de repr´
esentations suivants:
A0
GLdest l’ensemble des classes d’´
equivalence des Ql-repr´
esentations1
irr´
eductibles, admissibles et cuspidales de GLd(F), de caractères cen-
traux d’ordre fini,
AHdest l’ensemble des classes d’´
equivalence des Ql-repr´
esentations1
irr´
eductibles, admissibles de D×
F,d, de caractères centraux d’ordre fini,
G0(d)est l’ensemble des classes d’isomorphie des repr´
esentations
l-adiques (sur Ql)1,irr´
eductibles de dimension dde WF,ded´
eterminants
d’ordre fini.
Pour Fd’´
egale caract´
eristique positive pdiff´
erente de l, Laumon,
Rapoport et Stuhler ([17]) ont prouv´
e la correspondance de Langlands
locale, c’est-à-dire l’existence d’une famille de bijections LF,d:A0
GLd
−→
G 0( d), d1,poss´
edant certaines propri´
et´
es de conservation de facteurs
Let ε(cf. le paragraphe 1.2 pour un ´
enonc´
epr
´
ecis). En particulier pour
d=1, L1,Fest induit par l’isomorphisme Wab
F'F×de la th´
eorie du corps
de classe ab´
elien. Dans [12], Henniart a d´
emontr´
e la correspondance de
Jacquet-Langlands locale, c’est-à-dire l’existence, pour tout d1, d’une
1On notera qu’en ce qui concerne ces repr´
esentations, la topologie de lne joue aucun
rôle, de sorte qu’un isomorphisme l'´
etant fix´
e, on peut consid´
erer ces repr´
esentations
comme des repr´
esentations complexes.
574 P. Boyer
injection JF,d:A0
GLdAHd,caract´
eris´
ee par l’´
egalit´
e des caractères sur
les ´
el´
ements elliptiques r´
eguliers semi-simples (cf. le paragraphe 1.1). Pour
d=1, J1,Fest l’application identit´
e.
DeligneetCarayol(cf.[5]et[4])ontpropos´
euner´
ealisationg´
eom´
etrique
conjecturale de ces correspondances. Rappelons leur construction.
Soient Ol’anneau des entiers de Fet ¯
κune clôture alg´
ebrique du corps
r´
esiduel κde O.OnfixeunO-module formel d´
efini sur ¯
κet de hauteur d
(un tel O-module est unique à isomorphisme près). Soit Defd
0l’anneau
universel de ses d´
eformations; Defd
0est une algèbre de s´
eries formelles
en d1ind
´
etermin´
ees sur le compl´
et´
eˆ
Onr de l’anneau des entiers d’une
extension non ramifi´
ee maximale Fnr de F.Plusg
´
en´
eralement, pour tout
entier positif n, on considère le revêtement galoisien Defd
0−→ Defd
nd´
efini
par les bases de Drinfeld de niveau nsur la d´
eformation universelle. Pour n
variable, ces revêtements s’organisent en un système inductif de groupe de
Galois, le groupe profini GLd(O).
Pour chaque entier n0, Spf(Defd
n)est un sch´
ema formel sur Spf(ˆ
Onr)
qui est sp´
ecial au sens de [1]. Une clôture s´
eparable de ˆ
Fnr ´
etant fix´
ee,
Berkovich construit dans loc. cit. le foncteur Ψηdes cycles ´
evanescents pour
le morphisme structural ˆ
Onr −→ Defd
n, ainsi que ses foncteurs d´
eriv´
es. Le
faisceau Rd1Ψη(Ql)surlafibresp
´
eciale de Spf(Defd
n)(r´
eduite à un point)
est un Ql-espace vectoriel de dimension finie, muni d’une action de WF,
que l’on notera Ψd,n. L’action de GLd(O)sur le système inductif des Defd
n
induit ´
evidemment une action de GLd(O)sur le système inductif Ψddes
Ψd,n. Pour tout caractère ξde F×d’ordre fini, notons Ψd(ξ) le facteur direct
de Ψdsur lequel le centre O×de GLd(O)agit par la restriction de ξàO×.
On notera encore Ψd(ξ) la limite du système inductif Ψd(ξ). Cette limite
peut être munie d’une action du noyau Pde l’application
GLd(F)×D×
F,d×WF−→ Z/dZ
(g,w) 7−val(rn(δ))val(det(g)) +deg(w)
(modulo dZ),
rn :D×
F,dF×est la norme r´
eduite et deg :WFZest l’application
degr´
e. Cette action est d´
efinie de telle sorte que le centre F×de GLd(F)
agisse par le caractère ξ.
La repr´
esentation locale fondamentale Ud(ξ) d´
efinie par Deligne et
Carayol, est alors l’induite de PàGLd(F)×D×
F,d×WFde la repr´
esentation
Ψd(ξ). En particulier Ud(ξ) est une repr´
esentation admissible de GLd(F)×
D×
F,det le centre F×de GLd(F)y agit par le caractère ξ.
Th´
eorème. (conjecture de Deligne-Carayol) Soit πA0
GLdune repr´
esen-
tation cuspidale irr´
eductible de GLd(F)de caractère central ξ. Pour ρ
une repr´
esentation admissible irr´
eductible de D×
F,det σune repr´
esentation
l-adique irr´
eductible de WF, la multiplicit´
edeπρσdans Ud(ξ)
est non nulle si et seulement si (ρ, σ) appartient à AHd×G0(d)et est
Mauvaise r´
eduction des vari´
et´
es de Drinfeld 575
isomorphe au couple (JF,d(ˇ
π),LF,d(π)⊗|−|1d
2),où ˇ
πest la repr´
esentation
contragr´
ediente de π. Dans ce cas, cette multiplicit´
eest´
egale à 1.
Ce r´
esultat de nature locale est prouv´
e par voie globale en utilisant les
vari´
et´
es de modules des faisceaux elliptiques de Drinfeld ou plutôt leurs
variantes compactes dues à Stuhler. On choisit une courbe projective X,
irr´
eductible, lisse et g´
eom´
etriquement connexe sur κ. On fixe deux places
distinctes oet de Xque pour simplifier on supposera rationnelles sur
le corps des constantes κ. On identifie Oau compl´
et´
e de l’anneau local de
Xen la place o. On fixe une algèbre à division D, centrale sur le corps
des fonctions de X,dedimensiond
2ramifi´
ee seulement en deux places
x1,x2distinctes des places ,oet telle que Dxi(i=1,2)est une algèbre
à division. On pose X0=X\{∞,x1,x2}et on choisit un faisceau d’ordres
maximaux Dde D.
Pour tout id´
eal Ide l’anneau Ades fonctions r´
egulières sur X\{∞},
les D-faisceaux elliptiques d´
efinis par Stuhler peuvent être munis de I-
structures de niveaux. Pour d´
efinir leurs vari´
et´
es de modules MI,oau dessus
de Spec(Oo), il faut pour oV(I), utiliser la notion de base de Drinfeld.
Pour Id´
ecrivant l’ensemble des id´
eaux de A,lessch´
emas MI,os’organisent
enunsystèmeprojectif qui,vialescorrespondancesg´
eom´
etriquesde Hecke,
est muni d’une action de (D)×.
Pour tout id´
eal Ide A, on considère la cohomologie l-adique de la fibre
g´
en´
erique de MI,oet plus particulièrement son groupe en degr´
em
´
edian
Hd1
ηo,I.CestunQ
lespace vectoriel de dimension finie muni d’une action
de WF. Pour Ivariable, les Hd1
ηo,Iforment un système inductif. L’action
de (D)×sur le système projectif des MI,o, induit ´
evidemment une action
de (D)×sur la limite inductive Hd1
ηodes Hd1
ηo,I. Cette limite est une
repr´
esentation globale de (D)××WFdont la description est donn´
ee en
termes automorphes dans [17].
On prouve l’´
equivalent du th´
eorème de Serre-Tate pour les D-faisceaux
elliptiques, et on obtient en particulier que le compl´
et´
e de l’anneau de MI,o
en n’importe quel point supersingulier de sa fibre sp´
eciale, est isomorphe
à l’anneau Defd
nd´
efini ci-dessus, nest la multiplicit´
edeodans I.
On en d´
eduit alors, à l’aide d’un th´
eorème de Berkovich ([1]), que l’espace
vectoriel Ud(ξ), en tant que repr´
esentation de GLd(F)×WF, est «contenu»
dans Hd1
ηo. Le point essentiel de la preuve du th´
eorème est que la diff´
erence
entre ces deux repr´
esentations ne contient pas de repr´
esentations cuspidales
de GLd(F).
Pour d´
emontrer ce fait, on est amen´
´
etudier plus en d´
etail la fibre
sp´
eciale de MI,o.Ond
´
efinit une stratification de cette fibre telle que le
polygone de Newton soit constant en tous les points g´
eom´
etriques d’une
même strate. Pour tout entier htel que 1 hd, on obtient alors un sous-
sch´
ema localement ferm´
eM=h
I,ode pure dimension dh(r´
esultat conjectur´
e
parRapoport). Enparticulier M=d
I,oestl’ensembledes points supersinguliers.
Cette stratification est compatible aux morphismes de restriction du niveau
576 P. Boyer
MJ,o−→ MI,o, pour JIdes id´
eaux de A. On montre enfin que, pour
tout 1 hd1, lim
←−
I
M= h
I,oest un κ-sch´
ema «induit» sous l’action des
correspondances de Hecke de GLd(F).
D´
ecrivons brièvement le contenu des diff´
erents paragraphes.
La première partie est de nature locale. Après quelques rappels de nota-
tions sur les correspondances locales de Jacquet-Langlands (1.1) et de Lang-
lands (1.2), on introduit suivant Drinfeld les anneaux de d´
eformations uni-
verselles Defd
nd’un O-module formel de hauteur dsur ¯
κ(2.1). La limite in-
ductivesurndesQl-espacesvectorielsdedimensionfinie Ψd,nd´
efinisviales
travaux deBerkovich(2.2),est muniesuivantDeligneet Carayol,viales cor-
respondances de Hecke (2.3), d’une action du groupe P.Larepr
´
esentation
locale fondamentale (2.4) est alors l’induite de PàGLd(F)×D×
F,d×WF
de cette repr´
esentation. La conjecture de Deligne-Carayol (3.2.4) est ex-
prim´
ee en termes de multiplicit´
e (3.1) se calculant à partir d’un sous-groupe
compact ouvert assez petit de GLd(F)×D×
F,d.
La deuxième partie de nature globale est consacr´
ee aux D-faisceaux el-
liptiques de Drinfeld et Stuhler (4.1) ainsi qu’à leurs structures de niveaux.
Leurs vari´
et´
es de modules MI,o−→ Spec(Oo)d´
efinies dans un premier
temps pour o6∈ V(I), sont munies de correspondances g´
eom´
etriques de
Hecke (4.2). On calcule ensuite les d´
eformations de MI,o(5.1.4) et on mon-
tre que d´
eformer un point g´
eom´
etrique de MI,oest ´
equivalent à d´
eformer
le Oo-module de Dieudonn´
e qui lui est associ´
e (5.3). En utilisant la th´
eorie
du module de coordonn´
ee de Genestier (6.1) reliant certains Oo-modules de
Dieudonn´
eauxO
o
-modules divisibles, on montre l’´
equivalent du th´
eorème
de Serre-Tate pour les D-faisceaux elliptiques (6.3). Via la notion de base
de Drinfeld (7.1), les vari´
et´
es MI,osont d´
efinies pour Iarbitraire (7.2). On
´
etend alors les correspondances de Hecke (7.3) et le th´
eorème de Serre-
Tate (7.4). On montre alors que le morphisme de restriction du niveau
rJ,I:MJ,o−→ MI,opour JIdeux id´
eaux quelconques de A,estfiniet
plat (7.5).
La troisième partie concerne l’´
etude de la fibre sp´
eciale de MI,o.On
applique une construction g´
en´
erale sur les ϕ-faisceaux (8) tout d’abord au
ϕ-faisceau d’un O-module divisible universel (9) puis au ϕ-faisceau associ´
e
àunD-faisceau elliptique de MI,o.Ond
´
efinit ainsi une stratification de
la fibre sp´
eciale de MI,opar des sous-sch´
emas localement ferm´
es M=h
I,o
(1 hd) (10.1) de telle sorte que l’anneau local de MI,oen tout point
g´
eom´
etrique de la h-ième strate est donn´
eparDefh
n. On s’int´
eresse dans
un premier temps aux points g´
eom´
etriques de M=d
I,odont on montre qu’il
en existe par la th´
eorie de la multiplication complexe, et on en donne une
description ad´
elique (10.2). L´
etude, donn´
ee par le th´
eorème de Serre-Tate,
de la situation locale en un tel point permet alors (10.3) de montrer que
M=h
I,oest de pure dimension dh(r´
esultat conjectur´
e par Rapoport).
Le th´
eorème principal est prouv´
e par voie globale dans la quatrième par-
tie. On rappelle tout d’abord la description en termes automorphes d’après
Mauvaise r´
eduction des vari´
et´
es de Drinfeld 577
[17] de la cohomologie globale de la fibre g´
en´
erique de MI,o(11.5). Dans
le cas où la multiplicit´
edeodans Iest non nulle, on montre que les strates
M=h
I,opour 1 hd1, sont induites sous l’action des correspondances
de Hecke de GLd(Fo)(13.1) de sorte que la contribution cuspidale de ces
strates à la suite spectrale des cycles ´
evanescents est nulle. La contribution
des points supersinguliers à cette suite spectrale est calcul´
ee grâce à un
th´
eorème de Berkovich via l’uniformisation du compl´
et´
e formel de MI,ole
long des points supersinguliers (14). La repr´
esentation locale fondamentale
apparait alors comme «inclue» dans la cohomologie globale (15.3) et même
´
egale en ce qui concerne les repr´
esentations cuspidales de GLd(Fo)(13.2),
ce qui permet de prouver le th´
eorème principal via une bonne globalisation
des donn´
ees (15.4).
Je remercie profond´
ement G´
erard Laumon tant pour son aide math´
e-
matique d´
eterminante que pour ses constants encouragements. Je tiens à
exprimer mes plus vifs remerciements à Henri Carayol, Michael Harris
et à Michael Rapoport pour leurs nombreuses remarques et corrections.
Ma gratitude va aussi à Alain Genestier et Ioan Badulescu pour leurs
enrichissantes discussions, ainsi qu’a Guy Henniart pour ses explications
pr´
ecises et pr´
ecieuses.
Table des matières
I Enonc´e de la conjecture de Deligne-Carayol ....................577
1 Correspondances locales de Jacquet-Langlands et de Langlands ..........578
2Larepr
´
esentation locale fondamentale .......................579
3 Enonc´
eduth
´
eorèmeprincipal ...........................584
II Rappels et compl´ements sur les D-faisceaux elliptiques .............586
4 Rappels sur les D-faisceaux elliptiques ......................587
5D
´
eformations des D-faisceaux elliptiques et de leurs Oo-modules de Dieudonn´
e . 589
6Th
´
eorèmedeSerre-Tatesansniveau ........................594
7 Etude de la mauvaise r´
eduction...........................597
III Stratification de la fibre sp´eciale de MI,o.....................603
8ϕ-faisceaux sur une base Set stratification de S..................603
9 Application à l’anneau universel des d´
eformations d’un O-module divisible . . . 604
10 Application à MI,o.................................610
IV Preuve de la conjecture de Deligne-Carayol ...................614
11 Cohomologie globale de la fibre g´
en´
erique d’après Laumon-Rapoport-Stuhler . . 615
12 Les cycles proches pour MI,o−→ Spec(Oo)...................616
13 Calcul des multiplicit´
es λτσo(Hn
ηo), pour τocuspidale .............618
14 Uniformisation du compl´
et´
e formel le long de l’ensemble des points supersinguliers 623
15 La repr´
esentation locale fondamentale revisit´
ee ..................625
Bibliographie ......................................628
I Enonc´
e de la conjecture de Deligne-Carayol
Soient Fun corps local non archim´
edien, d’´
egale caract´
eristique p,O
l’anneau des entiers de F,πune uniformisante et kle corps r´
esiduel de
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