Peupleraie en zone humide : impact sur les fonctions des zones humides et possibilités de gestion Au XVIIIe siècle, l’importation de peupliers noirs américains (Populus deltoïdes) conduira à une hybridation naturelle avec l’un des peupliers indigènes (Populus nigra). Les plantations se sont développées au début du XIXe siècle à partir de boutures d’arbres remarquables issus de ce croisement. Etant donné leur facilité de plantation et leur croissance rapide associés une affinité pour des milieux très humides (mais non marécageux), le nombre de plantations va s’accroitre de façon importante au XIXème et au début XXème siècle. La plupart des nouveaux clones sont obtenus en laboratoire à partir de parents sélectionnés pour leur caractère productif et/ou leur résistance aux maladies. Il est à noter que la très grande majorité des plantations est monoclonale. L’hybridation sélective a conduit au développement d’arbres à croissance rapide et à longévité moindre, ainsi le peuplier possède une maturité pour son exploitation de l’ordre de 15-20ans. Le volume moyen de bois qui est sorti par pied avoisine les 1,5 m3 et sert majoritairement à la production de cageots, d’allumettes et de panneaux de particules (OSB). Sa valorisation en bois d’œuvre est limitée car il s’effrite rapidement. Des projets étudient actuellement son utilisation en bois énergie. En bonnes stations, le peuplier présente une bonne productivité (supérieure à 15m3/ha/an) ce qui en fait un bois très bon marché (30 à 50 €/m3 pour des sujets jeunes élagués). Les surfaces qu’il occupe sont faible en comparaison à d’autres essences, néanmoins, sa présence dans les milieux humides, qui souffrent d’une dégradation importante, nécessite le développement d’une populiculture respectueuse de l’environnement et économiquement viable. Les peupliers de culture sont, de manière générale, de grands arbres, à l’écorce fréquemment fissurée chez les sujets âgés. Impacts probables des plantations de peupliers sur les fonctions des zones humides Tableau extrait de : Plan d'action pour les zones humides. Etudes préparatoires à la mise en place d'un observatoire national des zones humides. Méthodologie pour l'évaluation et le suivi de la populiculture en zones humides. FOUQUE C., 31/08/96 00:00, OFFICE NATIONAL DE LA CHASSE ET DE LA FAUNE SAUVAGE, p. 35, H3-980 Pour les milieux ouverts, la plantation d’une populiculture provoque la réduction du nombre d’individus de certaines espèces végétales menacées ou protégées (laiteron des marais, euphorbe des marais) en raison de la diminution de l’éclairement au sol. Ce phénomène peut conduire à la disparition totale d’espèces sur le site (nombreuses orchidées dont les orchis) appauvrissant la biodiversité locale originale. Quelques recommandations Le regard du populiculteur se portera sur le milieu d’accueil, le système productif choisi et les modalités de gestion qui en découlent. Les grandes trames des exigences des essences de peupliers sont retranscrites ici. Quelques variations existent néanmoins en fonction des cultivars. Les conditions abiotiques L’inadéquation entre le milieu et la plantation est souvent la cause d’échec de plantations. C’est pourquoi il faut bien estimer les capacités de la station. Des travaux conséquents afin d’adapter la station aux besoins de la populiculture risquent de conduire à une rentabilité du projet bien en deçà de ce qui est escompté. Le préalable à toute exploitation est donc une bonne connaissance du milieu qui doit accueillir la plantation. Il est nécessaire de réaliser une étude du sol pendant l’été qui précède la plantation, permettant de déterminer : les niveaux de la nappe alluviale ; la texture des différents horizons ; la profondeur utilisable par les racines. La reconnaissance de la végétation naturelle complètera l’examen du sol (la présence et le facteur d’abondance d'un ou de plusieurs groupes d'espèces liés à un certain état des facteurs du milieu). Ce travail sera également mené dans le cas d’une replantation, le milieu ayant pu évoluer. Concernant les propriétés du sol, elles doivent respecter les points suivants : Le sol doit posséder une bonne richesse minérale. Son pH ne doit pas excéder les 8 (sols trop calciques), ni être en dessous des 5 (sols trop acides) ; Les sols salés sont à proscrire. Une attention particulière sera donc portée à la salinité du sol sur la frange littorale ; Ne pas être sableux, ceux-ci étant trop pauvre chimiquement. Le sol doit être bien aéré, il ne doit pas présenter d’éléments qui limitent son aération (eau stagnante, tourbe acide, sol trop argileux — plus de 40% — ou trop compact). En fonction du type de sol, le sylviculteur veillera à choisir les bons cultivars. Concernant le critère eau, l’exploitant devra constater que : le sol est profond avec une nappe phréatique accessible aux racines ; si la nappe n’est pas accessible par les cultivars en période estival, la réserve utile en eau du sol, associée au phénomène de capillarité sont suffisants pour alimenter le peuplement à cette période ; l’aération du sol est suffisante, le système racinaire des peupliers ne supportant pas les excès d’eau (inondation tardive prolongée ou nappe d’eau à moins de 50cm en période estivale). Les plantations dans des dépressions humides ou en zones très mouilleuses sont donc proscrites. Les conditions écologiques Les forêts alluviales peuvent receler, en plus d’un patrimoine écologique riche, d’un intérêt économique permettant de conserver les essences présentes. L‘exploitant examinera donc la possibilité de tirer parti du peuplement existant par amélioration ou régénération naturelle avant d’envisager une transformation qui peut s’avérer coûteuse et parfois risquée. Par ailleurs, avant toute intervention, le sylviculteur veillera à se renseigner sur les espèces protégées, et l’existence de zonages règlementaires (arrêté de biotope) ou d’inventaire (ZNIEFF). Des contractualisations seront alors peut être possible valorisant un travail respectueux de l’environnement. Avant de planter Le populiculteur vérifiera les points suivants : - le bois pourra être récolté dans de bonnes conditions, sans perturbations du milieu : portance des sols suffisante, bonne desserte de la parcelle, proximité d’une zone de stockage des bois accessible aux grumiers. - la parcelle est de taille suffisante : En deçà de seuil, la rentabilité du site ne sera pas possible, les frais inhérents à la préparation du site et à l’entretien pouvant déstabiliser la balance ; Où et comment planter Les étapes précédentes étant réalisées, des règles de base doivent être respectées: Le peuplier possédant un système racinaire traçant, il ne faut pas l’introduire dans une bande de 6m au moins en bord de cours d’eau afin de ne pas déstabiliser les berges (sauf prescriptions réglementaires plus restrictives). Par ailleurs, la ripisylve sera conservée et entretenue afin d’assurer un bon maintien des berges. Cette règle s’applique également aux plans d’eau. La conservation ou l’implantation des lisières d’arbres aux essences variées et/ou des lisières étagées présenteront un avantage d’un point de vue de la biodiversité. Plus le sol est humide, plus la révolution est longue et moins la culture est intensive. Ainsi, l’écartement des arbres sera de 8m x 8m avec une culture demi intensive voire extensive. Une faible densité assure un bon développement des arbres et permet un éclairement au sol qui garantit dans le temps le maintien de la strate herbacée dans un bon état de conservation. Pour préserver une végétation prairiale, on plantera avec un grand écartement (9 m). Que planter Les cultivars seront choisis en fonction des éléments pédoclimatiques précités (sol, eau, vent, etc.), de l’environnement écologique et paysager (parasites, lisière formant une barrière physique contre le vent, etc.) avoisinant et des besoins d’entretien nécessaires. Une diversification des variétés utilisées (usage de plusieurs cultivars conseillé au-delà de 2ha.) en fonction de leur résistance aux pathogènes permettra une augmentation de la richesse génétique et pourra réduire les pertes en cas d’atteintes (la brunissure du peuplier, les rouilles du Mélèze, etc.). Par ailleurs, la combinaison avec d’autres essences permet de disposer de produits valorisables par l’usage d’essences « nobles » et autochtones en mélange. Limiter les surfaces en plantation simultanée d’une même variété à 5 hectares ; Varier les classes d’âge afin de favoriser la biodiversité. L’exploitation éviter la divagation inutile de l'engin de débardage à l'intérieur de la coupe en assurant une étroite coordination entre abattage (directionnel) et débardage ; intervenir avec des engins adaptés : pneus larges à basse pression, en période sèche : été, conditions de gel, pour limiter le tassement du sol ; étaler les rémanents sur les pistes de débardage ; réaliser, dans la mesure du possible, les interventions mécaniques (travail du sol, broyage, fauche) le plus tard possible afin de limiter les perturbations de l’avifaune et des jeunes animaux ; Une fauche tous les ans permet de maintenir partiellement une végétation de prairie de fauche. En intervenant tous les 3 ans, la végétation de type mégaphorbiaie sera favorisée. Le travail du sol est à proscrire dans les sols fragiles ou peu portants (tourbeux) et dans les sols trop superficiels, avec une nappe d’eau proche de la surface. Il sera limité aux stations présentant un risque d’alimentation en eau déficiente au cours de la saison de végétation et uniquement pendant les 3 premières années. Par ailleurs, il ne se justifie que lorsque les sols ont été compactés. Un travail du sol sur la ligne de plantation peut alors s’avérer utile. Dans de nombreux cas un simple gyrobroyage est suffisant. L’absence de travail du sol les premières années peut conduire à la prolifération de plantes envahissantes type érable negundo, balsamine de l’Himalaya ou renouées asiatiques du fait d’un habitat remanié ou anthropisé. C’est un point qu’il est important de surveiller. Les intrants - La fertilisation : Seule une fertilisation starter est envisageable dans les stations les moins fertiles, mais il sera la plus limitée possible. La fertilisation d’entretien est le plus souvent inutile car non rentable économiquement. Le gain de croissance quelle occasionne est toujours inférieur à celui apporté par le travail du sol. De plus, fertiliser des sols déjà riches est une opération inutile et coûteuse, tant sur le plan financier que sur le plan écologique. Quand cela est possible, étaler les houppiers démembrés ou les broyer pour faciliter leur décomposition et l’apport de matières organiques. - Les traitements phytosanitaires : Le choix de cultivars en suivant les préconisations précédentes et pour un système extensif minimisera leur usage. Ils sont néanmoins couramment utilisés pour limiter la concurrence herbacée. On leur préférera un entretien mécanique du sol quand le terrain le permet. Limiter l’emploi de produits phytocides en leur préférant les entretiens mécaniques (travail du sol) quand le terrain le permet et notamment lorsque de forts risques d'entraînement existent (par ruissellement et/ou lessivage, notamment à proximité immédiate des cours d'eau). Si le recours aux pesticides est nécessaire, le désherbage chimique doit toujours être limité, localisé au pied des plants, avec des produits sélectifs autorisés pour un usage en forêt rapidement dégradés et interdit à moins de 5m d’un cours d’eau. La destruction des herbacées sera limitée aux trois premières années. La récolte du bois : Lors de la récolte du bois, l’exploitant précisera dans le contrat de vente que l’acheteur s’engage à respecter les milieux associés biologiquement riches (mares, tourbières, etc.) préalablement identifiés. Ce denier sera par ailleurs informé, le cas échéant, de l’existence d’un zonage environnemental et des restrictions réglementaires qui s’y appliquent. Le vidage des bois s’effectuera lorsque les terrains sont praticables (été, hiver sur sols gelés) afin de limiter l’impact des engins. Dans les SAGE, il est essentiel de mettre en avant des modes d’aménagement et de gestion des zones humides compatibles avec des objectifs d’amélioration de la ressource en eau et de préservation de la biodiversité. Il est important d’accompagner les gestionnaires dans ce sens et de les informer des impacts de certaines pratiques sur les fonctions des zones humides, et de montrer également l’importance de pratiques favorables au fonctionnement des zones humides en termes de services rendus à la société.