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Didier Fontaine
L’égalité
L’égalité avec Dieu en Philippiens 2.6
2.6
ἐν μορφῇ θεοῦ ὑπάρχων = εἶναι ἴσα θεῷ ?
Analyse componentielle et syntaxique
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Sommaire
I. PROLÉGOMÈNES ........................................................................................................................................... 6
A.
Sitz im Leben ........................................................................................................................................... 6
a.
Philippes et l’Église de Philippes...................................................................................................... 6
b.
Le milieu de l’ « hymne » christologique ...................................................................................... 9
B.
Texte, Prétexte ...................................................................................................................................... 20
a.
Texte ................................................................................................................................................... 20
b.
Prétexte .............................................................................................................................................. 25
C.
Méthode ................................................................................................................................................. 29
a.
Analyse componentielle .................................................................................................................. 29
b.
Limites ................................................................................................................................................ 36
II. ΑNALYSE COMPONENTIELLE ................................................................................................................... 39
A.
ὑπάρχων / εἶναι .................................................................................................................................... 39
a.
Sémantique........................................................................................................................................ 39
b.
Exégèse ............................................................................................................................................... 48
B.
ἐν μορφῇ θεοῦ ....................................................................................................................................... 52
a.
Sémantique........................................................................................................................................ 52
b.
Exégèse ............................................................................................................................................... 68
C.
ἴσα θεῷ.................................................................................................................................................... 71
a.
Sémantique........................................................................................................................................ 71
b.
Exégèse ............................................................................................................................................... 77
III.
ΑNALYSE SYNTAXIQUE ....................................................................................................................... 80
A.
La construction du verbe ἡγεόμαι ..................................................................................................... 80
a.
Le double accusatif ........................................................................................................................... 80
b.
Infinitif articulé et anaphore .......................................................................................................... 84
c.
Infinitif articulé et marquage syntaxique .................................................................................... 86
B.
Retour sur une solution philologique................................................................................................ 96
a.
ἁρπαγμός............................................................................................................................................ 96
b.
Les composés en -γμός .................................................................................................................. 103
c.
Une expression idiomatique ? ...................................................................................................... 108
ABRÉVIATIONS ................................................................................................................................................. 116
TABLE DES ILLUSTRATIONS ........................................................................................................................... 118
INDEX DES PRINCIPAUX AUTEURS CITÉS.................................................................................................... 119
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................................ 120
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INTRODUCTION
Tenter d’apporter une contribution à l’étude du célèbre passage de Philippiens 2.5-11, c’est
un peu aller à l’encontre de son message, qui est l’humilité, tant il est vrai que le nombre et la
qualité des exégètes qui y ont contribué sont importants. Mais cette « hymne christologique » est
captivante. D’abord par le message qu’elle délivre, et qui, nonobstant les digressions théologiques
qu’elle suscite, se révèle fort simple et saisissante. Ensuite, parce qu’elle pose à son lecteur, fin
exégète ou curieux amateur, un concentré de difficultés linguistiques et doctrinales qui l’obligent à
prêter l’oreille plus que d’ordinaire, à creuser le texte et le contexte, le sens et l’essence.
Quand l’apôtre Paul a rédigé ou s’est approprié cette exhortation à l’humilité, il n’entendait
pas exposer une doctrine. Au contraire, il proposait aux chrétiens de Philippes un exemple
(ὑπογραμμός), un type ou modèle (τύπος). Par l’anamnèse et la typologie, il faisait référence à un
savoir commun pour encourager les disciples à une pratique commune. Il fallait donc montrer plus
que tergiverser. Or, la mort en croix du Seigneur Jésus Christ convenait parfaitement à la situation
des Philippiens. C’est ainsi que Philippiens 2.5-11 décrit un thème paulinien habituel en termes
inhabituels.
En particulier, Paul affirme au verset 6 que Jésus Christ, qui existait dans « la forme de Dieu »
(ἐν μορφῇ θεοῦ), n’a pas considéré « l’égalité avec Dieu » (τὸ εἶναι ἴσα θεῷ) comme ἁρπαγμὸν. Cette
simple affirmation soulève un très grand nombre d’interrogations : est-il fait allusion à la vie
terrestre du Christ, ou à sa position antérieure de λόγος ἄσαρκος ? Quelle réalité le terme μορφή
désigne-t-il, autrement dit que signifie être dans la « forme » de Dieu ? Dieu aurait-il une « forme » ?
Le terme ἴσα pris adverbialement désigne-t-il une identité, ou une similarité ? Et surtout, que
signifie ἁρπαγμὸν ?
Sans l’avoir voulu, l’apôtre des nations est à l’origine de l’un des textes les plus controversé
des Écritures. Dans cette controverse, notre étude va se concentrer sur un unique aspect de
l’hymne : la signification de ἁρπαγμὸν. C’est la clé, pensons-nous, d’une bonne compréhension de
l’ensemble du passage. Mais l’aborder de manière frontale, c’est s’aventurer sur un sentier difficile,
par ailleurs fort couru. Il nous a donc semblé nécessaire de recourir à une étape intermédiaire
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susceptible d’éclairer le sens de ἁρπαγμὸν, et que nous nous proposons de poser telle une équation :
ἐν μορφῇ θεοῦ ὑπάρχων = εἶναι ἴσα θεῷ ?
Il faut déjà s’entendre sur l’énoncé. Quoi que puisse suggérer le signe « = », il ne s’agit pas
d’identité stricte, ni de parfaite interchangeabilité, car aucun langage n’emploie des termes ou des
tournures différentes sans nuance. Il faut donc chercher à déterminer si les expressions sont
synonymes, et ce faisant, évaluer si les formes lexicales se rapportent à un même référent, en
l’occurrence une même réalité. Ensuite, comment répondre à cet énoncé ? Ainsi posée, l’équation ἐν
μορφῇ θεοῦ ὑπάρχων = εἶναι ἴσα θεῷ peut être vraie, ou fausse. Or, la réponse passe nécessairement
par l’examen de la signification de οὐχ ἁρπαγμὸν ἡγήσατο (τὸ), clé de l’énigme. Si la résolution
(pleine et définitive) de cette énigme dépasse amplement le cadre de cette étude, des éléments
indirects peuvent néanmoins apporter un éclairage satisfaisant à notre équation. En effet, l’emploi
de l’infinitif articulé (τὸ εἶναι) peut avoir une valeur anaphorique, c’est-à-dire se rapporter à ce qui a
précédemment été évoqué (ici ἐν μορφῇ θεοῦ ὑπάρχων). Déterminer si en Philippiens 2.6
l’expression infinitive est anaphorique, comme certains l’affirment, peut donc indiquer si les deux
expressions de part et d’autre de l’équation sont sémantiquement équivalentes. De même, une
célèbre et consensuelle solution philologique soutient que ἁρπαγμὸν τι ἡγεῖσθαι est une expression
idiomatique qui élucide le sens de ἁρπαγμὸν. De fait, en analysant la racine, les composés et les
usages de ἁρπαγμὸν, ainsi que sa place dans une construction du verbe ἡγέομαι en double accusatif,
nous pourrons comprendre son emploi dans le contexte de Philippiens. Armé de nos « deux
témoins », nous pourrons ainsi nous risquer à une réponse.
La méthode que nous suivrons au fil de cette étude est double : d’abord l’analyse
componentielle, ensuite l’analyse syntaxique. Après avoir posé l’hymne dans son contexte
historique, nous analyserons une à une les expressions employées (ὑπάρχων/ εἶναι, ἐν μορφῇ θεοῦ
et ἴσα θεῷ), avant de considérer attentivement comment elles s’articulent. Cette méthode permet
de restreindre les investigations au domaine linguistique, et d’étudier les mots plutôt que les
doctrines – en évitant ainsi, autant que possible, le domaine complexe de la théologie de ce passage.
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